Entretien avec Mme Sophie Primas, ministre déléguée, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger, avec "L'Opinion" le 22 octobre 2024, sur la position de la France concernant le traité de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Sophie Primas - Ministre déléguée, chargée du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Média : L'Opinion

Texte intégral

Q - La France s'est opposée à plusieurs reprises au Mercosur. Est-ce toujours le cas??

R - La position française est claire, ferme et définitive : nous n'acceptons pas le traité tel qu'il est. Les positions du Premier ministre, du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et de tout le gouvernement sont alignées sur celles, déjà exprimées, du président de la République. Pas parce que nous sommes opposés au libre-échange. Ce n'est pas le cas. Nous estimons qu'il faut une cohérence entre ce que l'Europe vote et promeut via le Pacte vert et les accords qu'elle signe. Or, cet accord-là, sous plusieurs aspects, est antinomique avec la lutte contre la déforestation, la destruction de la biodiversité, la limitation des émissions de CO2 ou les aspects sanitaires. Ensuite ce traité va, encore une fois, fragiliser certaines filières agricoles, essentielles à notre souveraineté alimentaire et aux équilibres de nos territoires ruraux. Nous ne sommes pas prêts à faire des concessions. Il a été question, dans la presse, de "compensations" que l'Europe pourrait consentir aux secteurs agricoles affectés par le Mercosur. Pas question que nous entrions dans ce débat. Nous n'accepterons pas d'argent pour détruire un outil de travail agricole.

Q - Quels points du traité faut-il améliorer pour que la France accepte la ratification??

R - D'abord, nous souhaitons que les accords de Paris sur le climat soient centraux. Ils doivent être intégrés comme un présupposé. Si l'accord n'est pas aligné sur notre politique climatique, l'accord doit tomber. Nous souhaitons aussi que le chapitre "développement durable" soit aligné sur la nouvelle approche de l'UE en la matière, avec notamment la mise en place d'un mécanisme de règlement des différends avec possibilité de sanctions. L'Europe doit pouvoir sanctionner les violations. Or, l'accord étant négocié depuis vingt ans, ces dispositions nouvelles ne sont pas prises en compte. Ensuite, nous sommes attachés à la forme de l'accord. C'est un accord d'association, mixte, qui prévoit une unanimité au Conseil et surtout, une ratification par les parlements nationaux. Nous souhaitons que l'expression parlementaire de chaque pays soit respectée. Enfin, nous voulons la négociation de mesures miroirs, en parallèle de l'accord, notamment sur les questions agricoles. Les méthodes de production interdites chez nous, comme les antibiotiques de croissance, les OGM, les hormones, et qui ne sont pas forcément détectables dans les produits, doivent être interdites dans les importations et les contrôles renforcés.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2024