Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Agnès PANNIER-RUNACHER.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour Salhia BRAKHLIA.
SALHIA BRAKHLIA
Nouvel épisode cévenol attendu dans quelques heures et jusqu'à samedi dans les Cévennes et aux abords de la Méditerranée. Le précédent a fait d'énormes dégâts dans plusieurs départements. Des précipitations jamais vues de mémoire d'homme ; c'est ce que vous aviez dit en vous rendant sur place. Est-ce qu'il faut s'attendre à quelque chose d'équivalent dans les prochaines heures ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il faut s'attendre à un épisode important, mais pour le moment, aucun département n'a été encore déclenché en vigilance orange. Je rappelle que vigilance orange, c'est un vrai risque ; il faut être sérieux. Et cet épisode va se dérouler de jeudi à dimanche. La situation est particulière parce que les terres sont gorgées d'eau, donc les capacités à absorber des précipitations complémentaires sont limitées. Et évidemment, moi, j'appelle ceux qui nous écoutent et qui sont concernés par ces épisodes, à vraiment écouter les consignes de vigilance. Des choses très simples : on ne s'engage pas sur une route qui est barrée. Si elle est barrée, c'est parce qu'il y a des raisons, soit des forces de secours qui interviennent, soit l'eau peut monter très, très vite. Donc il y a vraiment des mesures très simples à suivre et qui nous sont données au fur et à mesure de ces épisodes qu'il faut absolument suivre. C'est nécessaire pour vous protéger et pour protéger les forces de secours.
JEROME CHAPUIS
Qu'est-ce qui est mis en place pour les habitants de l'Ardèche notamment, qui ont été frappés par des précipitations jamais vues ? Vous l'aviez dit. Est-ce qu'il y a un risque particulier pour ce département ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je le redis, le risque, c'est l'accumulation de précipitations dans des zones qui sont déjà saturées d'eau et c'est le fait qu'il y a eu déjà beaucoup de dégâts. Et du coup, on rajoute des difficultés à la difficulté. Ensuite, nos forces de secours sont totalement mobilisées. Et je crois que les épisodes de la semaine dernière ont montré la réactivité et le professionnalisme des forces de secours, qu'il s'agisse des pompiers, qu'il s'agisse des forces de l'ordre. On a fait des opérations qui étaient très délicates, des mitraillages et d'extraction de personnes qui voyaient l'eau monter et qui se sont retrouvées à être sauvées alors qu'ils étaient montés tout en haut de leurs maisons ou parfois sur leur toit.
JEROME CHAPUIS
Il n'y a pas eu de victimes, d'ailleurs, sur le moment. Il y a eu une victime après.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce qui est très impressionnant, si on prend du recul, de 600 à 700 millimètres d'eau c'est l'équivalent d'un an de précipitations à Paris, pour donner un exemple, qui sont tombées sur certaines zones en deux jours. Donc c'est énorme. Et on a des forces de secours… Je veux vraiment saluer les pompiers, non seulement de ces départements, mais en plus, avec l'appui d'autres brigades, notamment de sapeurs-pompiers volontaires d'autres départements.
SALHIA BRAKHLIA
Les forces de secours qui ont bien réagi pendant les précipitations. Ça veut dire aussi qu'en amont, les alertes ont bien fonctionné ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, les alertes fonctionnent bien. On a des bons modèles de prévisions. La preuve, c'est que nous sommes aujourd'hui alertés sur ces épisodes qui n'ont pas encore commencé. Ensuite, on est confronté à des épisodes dont l'impact est tel que, en micro locale, nos modèles… nos modélisations peuvent parfois être pris de court. Et c'est là où aussi le dérèglement climatique doit nous amener à élever le niveau de jeu pour être capable, au-delà du département ou au-delà de chaque cours d'eau qui est suivi par Vigicrues, à être encore plus précis. Tous les cours d'eau, par exemple, ne sont pas encore suivis par Vigicrues, c'est-à-dire les services qui s'assurent enfin qui suivent la montée des eaux et qui alertent les forces de secours en disant " attention, là, il faut tout bloquer parce que ce cours d'eau va …
JEROME CHAPUIS
Et c'est là qu'il faut être attentif à son portable avec ce fameux dispositif FR-Alert qui a bien fonctionné.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors FR-Alert a bien fonctionné. On va quand même faire un retour d'expérience parce que ponctuellement, on peut avoir des alertes décalées ou des alertes qui ne sont pas comprises.
JEROME CHAPUIS
Ou alors qui surviennent encore quelques jours après parce qu'il y a une sorte de bug…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement. Et donc c'est pour cela qu'il faut aussi faire ce retour d'expérience. C'est tout le développement d'une culture de risque. On l'a tous compris. Ces épisodes sont la conséquence du dérèglement climatique. Il va falloir s'y habituer. Ils vont se répéter. Et donc c'est une culture de risques que nous devons développer.
SALHIA BRAKHLIA
Alors justement, un plan national d'adaptation au changement climatique va être présenté demain par le Premier ministre, Michel BARNIER. 51 mesures pour les particuliers mais aussi pour les collectivités locales. Avec quelles priorités ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'enjeu, c'est de protéger les Françaises et les Français et protéger notre économie. Protéger les Françaises et les Français, c'est prendre en compte l'impact du dérèglement climatique à la fois sur notre santé. Quand vous êtes exposés à un épisode de canicule, cela peut mettre votre santé en danger ; on a vu en 2003. Donc il faut prendre des mesures anticipées. Ça peut être des choses assez simples. C'est : comment on organise le travail en temps de canicule ? Quels sont les horaires ? Quels sont les équipements de protection ?
JEROME CHAPUIS
Il y a beaucoup de choses qui existent déjà ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a encore d'autres choses à développer. On n'a pas complètement cette culture de gestion des canicules, même si on a beaucoup progressé ces dernières années. Ça peut être l'organisation des examens aussi pour les étudiants. Ce n'est peut-être pas formidable d'organiser des examens en pleine chaleur. On sait que ça a un impact aussi sur les résultats.
JEROME CHAPUIS
Ça veut dire qu'on pourrait envisager d'avancer, par exemple, les examens dans l'année scolaire dans le cadre de ce plan d'adaptation ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire qu'il faut s'adapter. Donc toutes les options sur la table. C'est plus de 200 mesures. L'enjeu, c'est effectivement, point à point, de regarder si on va faire face à de nouveaux virus, comment on se prémunit de cela ? Comment on organise le travail ? Comment on organise le temps dans les écoles ? Comment on protège les personnes âgées dans les EHPADs ? Comment on construit mieux ? Et comment on adapte nos constructions pour faire face à des épisodes de grande chaleur ou, à l'inverse, d'inondations ? C'est tout cela qui est sur la table.
SALHIA BRAKHLIA
Donc un plan national pour accompagner les Français avant, pendant, après les catastrophes climatiques. C'est un plan qui va être déployé à partir de quand ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un plan qui est soumis à la concertation pour deux mois, de façon à recueillir le point de vue des parties prenantes de faire éventuellement bouger certains éléments. Et ensuite, au terme de ces deux mois et de la synthèse que nous ferons des remontées qui nous seront faites, on le déroulera. Donc, c'est l'enjeu de l'année 2025.
SALHIA BRAKHLIA
Mais Agnès PANNIER-RUNACHER, vous savez qu'en ce moment, encore plus en ce moment, l'argent, c'est le nerf de la guerre. Est-ce que vous avez les moyens d'établir un tel plan ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Alors, vous savez que le Premier ministre, c'est un sujet qu'il porte depuis 30 ans, la gestion des risques. C'est lui qui a mis en place le fonds qui porte son nom et qui, notamment, permet de faire face à ce type de risques, de financer, par exemple, des gens qui sont dans des zones où il y a des risques avérés, des risques inondation. Moi, j'habite dans le Pas-de-Calais… On l'a utilisé dans le Pas-de-Calais pour les inondations. Des gens qui disent " maintenant, j'ai compris. Je vais avoir des inondations peut-être tous les deux ou trois ans. " Ce n'est plus possible et on les aide à se reloger parce que leur maison n'a plus de valeur.
SALHIA BRAKHLIA
Mais dans le plan, il y aura plus que le fonds BARNIER ou pas ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Il y a deux dispositifs qui permettent d'accompagner son plan. Vous l'avez compris, ce n'est pas que des mesures financières.
SALHIA BRAKHLIA
Oui, c'est de l'organisation.
AGNES PANNIER-RUNACHER
L'organisation, c'est très important, la culture du risque. Mais dans les mesures financières, il y a deux objets. Il y a le fonds BARNIER et il y a les enveloppes d'adaptation au changement climatique. Et le Premier ministre, évidemment, est très attentif à ces deux enjeux.
JEROME CHAPUIS
Mais il y a un débat précisément sur ce fonds BARNIER dont vous parliez. Il est financé pas les taxes qui vont augmenter au 1er janvier sur les assurances. Les taxes augmentent…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur les assureurs.
JEROME CHAPUIS
Sur les assureurs. L'enveloppe est en baisse. Enfin, c'est ce que disent les assureurs. La présidente de France Assureurs sur France Info, il y a quelques jours, disait " Arrêtons le hold-up sur ce fonds BARNIER. " Est-ce qu'il y a de l'argent qui s'évapore ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, les enveloppes sont maintenues à leur niveau de l'année 2024. Ce que prévoit la trajectoire budgétaire, pour le moment, c'est un maintien.
JEROME CHAPUIS
C'est-à-dire aux alentours de 250 millions d'euros ?
AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.
JEROME CHAPUIS
Parce que France Assureurs dit " si on faisait le calcul, si on prend l'ensemble des contrats d'assurance sur lesquels on applique la taxe, on arrive à 450 millions d'euros. " Or, là, vous nous parlez de 250 millions. Il y a une différence.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Tout à fait. Il y a une différence. Et vous me permettrez de laisser le premier ministre porter ce sujet-là. Le fonds BARNIER, je dirais, c'est son bébé. Et nous aurons toute la clarté. Demain, on sera en déplacement dans le Rhône, qui est un lieu où il y a eu des inondations. Je pense à Givors où l'eau est montée très rapidement et je sais que…
JEROME CHAPUIS
Il y aura un éclaircissement, en tout cas, sur ces 200 millions d'euros qui semblent…
SALHIA BRAKHLIA
Avoir disparu.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Je peux vous dire que le Premier ministre - et je pense que cela a été une des premières choses dont il m'a parlée quand nous nous sommes vus - c'était effectivement l'importance de ce fonds et son souhait de développer une gestion des risques et d'avoir des outils adaptés à la situation.
SALHIA BRAKHLIA
L'importance de ce fonds, l'importance des moyens que vous mettez à la disposition des Français qui sont confrontés à ces intempéries de manière assez fréquente ; la caisse centrale de réassurance a estimé hier entre 350 et 420 millions d'euros, le coût des pluies et des crues des 17 et 18 octobre. On a dit que le fonds BARNIER, c'était 250 millions. Il y a un gap entre les dégâts que cela provoque, ces intempéries, et les moyens que vous mettez à la disposition des Français. Est-ce que le risque…
AGNES PANNIER-RUNACHER
Attention, les 350 à 420 millions, ça c'est les dégâts qui ont été évalués et qui sont assurés. Je rappelle que les assureurs ont vocation à prendre leur part de remboursement de ces dégâts.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous allez voir où je vais en venir. Est-ce que le risque, c'est que des Français qui habitent dans des zones à risques justement qui vont voir les risques se multiplier… Le risque, c'est que ces Français-là ne soient plus assurés.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Moi, je peux vous donner des exemples dans le Pas-de-Calais où des collectivités locales, soit ont des difficultés pour trouver des assureurs, soit se voient proposer des hausses de franchises de 500 000 euros. Ce qui, pour des collectivités qui ont quelques centaines d'habitants, des communes…
SALHIA BRAKHLIA
C'est énorme.
AGNES PANNIER-RUNACHER
…est absolument ingérable. Donc oui, c'est un sujet et c'est un sujet du plan national d'adaptation au changement climatique.
SALHIA BRAKHLIA
Donc il va y avoir augmentation d'assurance.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Comment on assure… Mais cela doit nous amener à une chose très simple, c'est qu'on doit faire de la prévention. Soit une zone devient invivable et c'est là où le fonds BARNIER a un intérêt, c'est qu'il permet de reloger les personnes ; soit une zone modulo des travaux d'adaptation continue à devenir… reste vivable et on baisse le risque d'événements climatiques. C'est travailler sur des zones d'expansion des CRE qui ne soient pas la question de la proximité des communes.
SALHIA BRAKHLIA
Mais il n'est pas question dans votre plan que vous allez dévoiler demain, de mettre la pression davantage sur les assurances qui, on l'a vu même dans le Nord-Pas-de-Calais, ont mis du temps à indemniser les Français.
AGNES PANNIER-RUNACHER
Si. Il est question. Alors, je ne sais pas si c'est faire pression ou si c'est travailler ensemble. Mais ce qui est clair, c'est qu'aujourd'hui, on sait une chose et c'est la caisse centrale des assureurs qui nous le disent donc on est tenté de le croire. 1 euro investi en prévention, c'est 8 euros de dégâts prévenus. Donc c'est un vrai investissement qui rapporte la prévention. Donc, maintenant, il faut accélérer sur ce volet-là. Et moi, je souhaite accélérer avec les assureurs et mobiliser mon collègue Antoine ARMAND, du ministère de l'Economie, pour qu'ensemble on puisse passer à une nouvelle façon d'aborder le métier de l'assurance, compte tenu de l'adaptation au changement climatique.
JEROME CHAPUIS
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, de l'Energie, du Climat et de la Prévention des risques. Vous êtes avec nous jusqu'à 9h. On laisse passer le fil info. Il est 8h45.
/// (Fil info)
JÉRÔME CHAPUIS
Et Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition écologique, du Climat, de la Prévention des risques et de l'Énergie et dans le budget 2025, Agnès PANNIER-RUNACHER, le Gouvernement entend relever la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité à son niveau d'avant la crise inflationniste. Les députés s'y opposent. Est-ce qu'il faut maintenir cette mesure ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, il y a deux choses dans le budget, il y a revenir à une taxation qui soit équivalente à avant la crise, c'est-à-dire aller jusqu'au bout de la fin du bouclier énergétique. Et cette mesure me paraît légitime. Nous l'avons d'ailleurs portée depuis plusieurs années, c'était tout l'enjeu du bouclier énergétique, c'était de dire, on amortit l'augmentation de la facture d'électricité pour les Français le temps de la crise, et ensuite, on reviendra à la situation antérieure au moment où les prix de l'électricité sur les marchés de fourniture baissera, c'est la situation aujourd'hui. Et puis il y a la possibilité d'aller au-delà. Et là, effectivement, je constate que dans les discussions à l'Assemblée nationale, il y a un consensus pour dire qu'aller au-delà pose un problème, donc, c'est tout l'enjeu de la discussion budgétaire…
JÉRÔME CHAPUIS
C'est un enjeu à trois milliards d'euros, quand même.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est un enjeu important, et je le redis, lorsqu'on réduit une recette fiscale d'un euro, il va falloir trouver un euro ailleurs, puisqu'on a un enjeu de responsabilité sur ce budget. Pourquoi on a un enjeu de responsabilité ? Parce qu'aujourd'hui, on paye des taux d'intérêt qui sont raisonnablement faibles, mais enfin qui représentent une facture de plus de cinquante milliards d'euros chaque année, c'est le deuxième budget de l'État. A chaque fois qu'on perd de la confiance de la part de nos financeurs, de nos prêteurs, on risque d'augmenter cette facture des intérêts. Et moi, mon travail ne consiste pas à payer, nourrir, engraisser nos prêteurs.
JÉRÔME CHAPUIS
Il y a, à propos d'électricité, un point sur lequel on aimerait avoir votre avis. La Commission de régulation de l'énergie a proposé de changer les tarifs heure creuse, heure pleine.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Les horaires ?
JÉRÔME CHAPUIS
Les horaires, pour mieux tenir compte justement à la fois des nouveaux modes de production, des nouveaux modes de vie, par exemple, plutôt que la nuit, les heures creuses, ce serait l'après-midi, un moment où l'énergie solaire est abondante. Vous avez une position sur ce sujet ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
En fait, c'est la traduction de toute la politique qu'on a mené ces dernières années. On a réussi, et moi, j'ai porté, quand j'étais ministre de la Transition énergétique, ce combat, à augmenter drastiquement notre production d'énergie nucléaire. On a réussi à augmenter drastiquement notre production d'électricité renouvelable, c'est une très bonne nouvelle. Et du coup, ça nous permet d'avoir des périodes plus larges dans la journée, où on a de l'électricité pas chère. Profitons-en.
JÉRÔME CHAPUIS
Donc, ça va se faire ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
C'est tout l'enjeu des heures creuses, heures pleines. Ensuite, la CRE est une autorité administrative indépendante. Elle fait son travail. Mais en règle générale, moi, en tant que ministre en charge de l'énergie, avec ma collègue, ministre déléguée, Olga GIVERNET, je suis les recommandations de la CRE.
SALHIA BRAKHLIA
Vous avez tenu un discours que certains diraient de responsable sur le budget à l'instant, Agnès PANNIER-RUNACHER, sauf que vous avez tenté, on va dire, un chantage la semaine dernière, un chantage à la démission que vous avez mise sur la table, si vous n'obtenez pas, je cite : " les moyens d'agir ". Est-ce que ça veut dire qu'entre-temps, vous vous êtes fait remonter les bretelles par Michel BARNIER ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, j'ai mis un petit coup de pression, peut-être, effectivement, pour que chacun se rende compte d'une chose, c'est que nous avons une dette financière, et j'en suis très consciente, et moi, j'ai géré, dans ma vie professionnelle, tant dans le public que dans le privé, des situations de tensions financières, de restructurations, mais nous avons aussi une dette écologique. Et il est important, et c'est le Premier ministre qui le dit lui-même, de mettre sur le même niveau dette financière et dette écologique. Donc j'assume, j'assume effectivement de dire que les budgets d'intervention en matière écologique sont des budgets particuliers. Je le disais tout à l'heure, un euro investi dans l'adaptation au changement climatique, c'est de l'écologie populaire, ça, c'est de l'écologie qui parle à tout le monde, de ne pas avoir des inondations chez soi, c'est huit euros de dégâts évités. Donc c'est un vrai investissement, et je…
SALHIA BRAKHLIA
Mais ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous craignez que l'écologie devienne une variable d'ajustement dans ce budget ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ça veut dire que je défends mon budget, comme tout ministre, et surtout, je veux qu'on positionne le débat au bon niveau, que ce soit au Parlement ou que ce soit effectivement dans les discussions qu'on peut avoir entre ministres…
SALHIA BRAKHLIA
Mais là vous avez perdu la bataille, si on regarde sur le papier, même si globalement votre budget est en hausse, mais ça c'est logique, puisque c'est la hausse mécanique du soutien au renouvelable, il y a beaucoup de critères dans votre budget qui sont en baisse, des baisses de crédits sur le verdissement du parc automobile, 500 millions en moins, un milliard sur l'aide à la rénovation énergétique des logements, 400 millions en moins aussi sur les aides aux collectivités locales. Vous êtes en train de perdre la bataille en fait de votre budget.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Écoutez, d'abord, je pense qu'il faut regarder la réalité du budget 2024, parce que là, vous parlez des enveloppes qui étaient promises et qui ne sont jamais arrivées. Je prends un exemple, Ma Prime Rénov', le budget en réalité est en augmentation, puisque le consommé de cette année sera en dessous de deux milliards d'euros, et le budget qui est maintenant proposé est largement en dessous de deux milliards d'euros.
SALHIA BRAKHLIA
Il y a 1,7 milliard en moins.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non.
SAHLIA BRAKHLIA
C'est 4 milliards…
JÉRÔME CHAPUIS
Non, 1,7 milliard en moins sur ce qui était prévu en 2024.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Sur ce qui était prévu, mais qui a ensuite été gelé et ensuite été annulé. C'est pour ça qu'il faut vraiment rentrer dans le détail du budget. Mais je vous parlais, on parlait tout à l'heure d'adaptation au changement climatique, le Premier ministre a l'intention effectivement de prendre ce sujet en main, et évidemment de parler du financement demain, par exemple.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous n'êtes plus inquiète sur votre budget ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas que je ne suis pas inquiète, c'est que je pense qu'il faut être très attentif au niveau de ce budget en matière de crédit d'intervention, qu'il faut mettre nos moyens là où ça a le plus d'impact, l'adaptation au changement climatique, je l'ai dit, le fonds chaleur, le fonds économie circulaire, que ce sont des moyens qui sont parfois assez modestes pour un impact maximum, dix millions d'euros sur le fonds chaleur, c'est 300 millions d'euros de projets libérés, par exemple, et que cette discussion, on doit l'avoir et ce n'est pas un chantage, ce n'est pas le sujet, le sujet c'est que nous sommes tous comptables de la rapidité avec laquelle nous répondons au dérèglement climatique. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, ça va nous coûter très cher demain. Donc ce débat, il est important, il est d'autant plus important que le Rassemblement National, deux jours avant que je prenne, enfin que j'ai ces propos assez forts, proposait un budget qui détricotait toutes les lignes écologiques. Toutes les lignes écologiques, donc ce sont les mêmes qui vous expliquent qu'il faut protéger les Français et qui les exposent à l'impact du dérèglement climatique, et je vais même plus loin, qui les exposent aussi aux migrations climatiques. Donc ceci est irrationnel et inconséquent, et moi, je ne laisserai pas faire.
JÉRÔME CHAPUIS
Reste que votre poste, c'est souvent être un peu entre le marteau et l'enclume, au coeur de contradictions, je pense par exemple aux agriculteurs qui menacent de reprendre les blocages mi-novembre, parmi les motifs de colère il y a les normes qui se multiplient, avec elles la paperasse, les contrôles, et ces normes elles sont souvent faites pour protéger la biodiversité. Vous dites quoi aux agriculteurs ? On ne touche pas aux normes qui protègent la biodiversité ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est un sujet que j'ai suivi parce que j'étais, pas si longtemps, ministre déléguée à l'agriculture et à la souveraineté alimentaire. Je peux vous dire qu'il y a un chemin entre imposer des normes avec effectivement de la paperasserie, je vous invite à faire une déclaration PAC, c'est très compliqué, il faut déclarer parcelle par parcelle, il faut dire si vous avez un arbre, donc ne confondons pas complexité administrative et ambition environnementale, ça, c'est mon premier point. La deuxième chose, c'est que les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique. L'impact du dérèglement climatique sur le revenu des agriculteurs, a été multiplié par un facteur dix en quelques années. Il n'y a qu'à voir la répétition des épisodes d'inondations, de canicules, de sécheresse, de grêle, de gel tardif, tout cela a un impact sur le revenu des agriculteurs. Et les jeunes agriculteurs eux-mêmes portent un contrat territorial qui prend en compte l'adaptation au changement climatique, ils nous demandent des moyens pour cela. Donc ne tombons pas dans la caricature, on n'oppose pas écologie et agriculture, si l'agriculture ne prend pas en compte le dérèglement climatique, il n'y aura plus d'agriculture demain.
JÉRÔME CHAPUIS
Il y a un autre sujet de simplification, le Sénat a voté la loi à simplification avant-hier, les projets industriels ont été sortis du zéro artificialisation nette, c'est une disposition de la loi climat, l'interdiction de construire sur des terres agricoles, autrement dit, on ne peut pas construire de logements, mais on peut construire des sites industriels dans les champs, ça, c'est acceptable ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Non, alors ce n'est pas ce que dit la loi, je tiens aussi à le préciser, ce qui est important dans la zéro artificialisation nette, c'est, en fait, c'est de protéger les Français, je vais juste expliquer ce que c'est. L'artificialisation, c'est ce qui fait qu'on a des ruissellements et c'est ce qui fait qu'on a des inondations qui peuvent impacter fortement certaines communes. Ce qui s'est passé dans l'Ardèche…
JÉRÔME CHAPUIS
Mais elle existe cette disposition qui exclut certains projets industriels.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, c'est ce qui est fait jusqu'au bout, et nous ce que nous cherchons à faire, c'est de limiter le nombre d'hectares qui soient artificialisés. On n'interdit pas de construire, ce n'est pas ce qu'on dit, c'est qu'on dit que dans la durée, d'ici 2030 et d'ici 2050, il faut protéger au maximum les zones naturelles ou il faut renaturer, précisément pour protéger les Français. Là aussi, c'est de l'écologie populaire, quand vous dites aux gens…
JÉRÔME CHAPUIS
Ce n'est pas très populaire, demandez aux élus, enfin, vous les connaissez.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Oui, mais quand on leur dit : " C'est pour empêcher d'avoir des inondations massives ", comme celles que moi, j'ai vécu dans le Pas-de-Calais, à Arc par exemple, où vous aviez des rues qui étaient à un mètre d'eau partout, ça, c'est une réalité. Et on sait que s'il y avait eu une capacité d'absorption plus importante, moins de zones artificialisées, plus de zones d'expansion, on n'aurait pas eu peut-être ce niveau de dégâts, donc, c'est ça qui est en jeu. Maintenant, une chose, en termes d'aménagement du territoire, l'industrie, c'est 4% des terres. Les projets nouveaux, c'est un pouillème de ces 4% des terres. Donc attention là aussi à ne pas tomber dans la caricature.
JÉRÔME CHAPUIS
Je vous interromps parce qu'on a une information à propos d'industrie et qui concerne votre secteur, il se trouve que le groupe minier ERAMET a annoncé ce jeudi sa décision de suspendre son projet d'usine hydro métallurgique de recyclage des batteries dans le nord de la France, donc pas loin de chez vous. Vous étiez au courant de cette décision de renoncer à ce grand projet industriel ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas un renoncement, c'est une suspension, donc oui, j'étais au courant. Deux choses, parce que c'est important de le dire aussi, Christelle BORIES, donc, la patronne d'ERAMET, annonce le rachat des parts chinoises de son gisement de lithium en Amérique latine, ça, c'est très important, ça renforce notre souveraineté en matière première critique pour la transition énergétique. Et deuxième chose, elle suspend pour le moment dans un moment où effectivement l'électrification des véhicules et le rythme de développement des batteries électriques est un peu freiné en Europe. Je rappelle que c'est aussi lié à la politique allemande qui a fait le choix l'année dernière de réduire drastiquement leur soutien à l'électrification. Nous sommes des économies liées, et donc, elles temporisent, mais ça ne veut pas dire qu'elles renoncent.
JÉRÔME CHAPUIS
Ce n'est pas un renoncement.
SALHIA BRAKHLIA
Agnès PANNIER-RUNACHER, dimanche, vous partez en Colombie pour la COP26 sur la biodiversité. En parlant de biodiversité, une deuxième édition du Loto va être lancée, on rappelle l'objectif, c'est comme le Loto du patrimoine, récolter de l'argent pour financer des projets, ici pour préserver la biodiversité. Ça rapporte combien ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, déjà, je vous annonce qu'effectivement, nous lançons lundi prochain cette nouvelle édition du Loto de la biodiversité. L'année dernière, ça avait rapporté sept millions d'euros, c'est un élément complémentaire à toutes les actions que nous menons en matière de biodiversité. Ce qui est intéressant, c'est que ce sont des projets très concrets, 21 projets l'année dernière, répartis sur tout le territoire, qui parlent aux gens, et qui n'auraient pas forcément trouvé de financement aisé sans ce Loto de la biodiversité et donc l'objectif, c'est de faire mieux que l'année dernière. Quinze millions de tickets avaient été vendus, donc on espère intéresser tout le monde, et en fait en faire un moment où on parle de renaturation, de lutte contre l'effondrement de la biodiversité, et là aussi, d'en faire un objet qui parle à tout le monde, ça aussi, c'est l'écologie populaire.
SALHIA BRAKHLIA
L'écologie populaire, la biodiversité, la défense de la biodiversité, c'est votre objectif. Il y en a un autre, pour qui ça compte la biodiversité, c'est le militant écologiste Paul WATSON, qui est toujours détenu au Groenland, sa détention a été prolongée jusqu'à la mi-novembre, il est menacé d'extradition vers le Japon, qui lui reproche ses actions contre les baleiniers, lui réclame l'asile politique à la France. Vous y êtes favorable ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, la première chose, c'est que moi, je suis surtout favorable à la libération de Paul WATSON, et je l'ai dit à mon homologue danois, et je lui redirai, puisque…
SALHIA BRAKHLIA
Vous allez le croiser là-bas, en Colombie.
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Puis la situation de Paul WATSON va être réexaminée par les autorités danoises, donc, réitérer avec le président de la République le fait que les faits qui lui sont reprochés, de notre point de vue, ne motivent pas, ne justifient pas une détention et, effectivement, appeler à la libération de Paul WATSON.
SALHIA BRAKHLIA
L'accueillir en France ?
AGNÈS PANNIER-RUNACHER
Alors, pour donner l'asile politique, voire même, pour simplement examiner l'asile politique, il faut le faire en étant arrivé sur le territoire français et vous voyez bien que le point clé, c'est sa libération.
JÉRÔME CHAPUIS
Merci beaucoup, Agnès PANNIER-RUNACHER, invitée de France Info ce matin. Je vous laisse en compagnie de Salhia BRAKLHIA, Renaud DELY, les informer dans quelques minutes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2024