Interview de M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur, à France Inter le 24 octobre 2024, sur la vie politique, les OQTF, une nouvelle loi immigration, la lutte contre le trafic de drogue et l'homophobie dans les stades de football.

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Média : France Inter

Texte intégral

NICOLAS DEMORAND
Et avec Léa SALAME, nous recevons donc, ce matin, le ministre de l'Intérieur dans le grand entretien du 7/10. Questions et réactions au 01 45 24 70 00 et sur l'application Radio France. Bruno RETAILLEAU, bonjour

BRUNO RETAILLEAU
Bonjour Nicolas DEMORAND…

LEA SALAME
Bonjour,

BRUNO RETAILLEAU
… Et Léa SALAME

NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue sur Inter. On a évidemment beaucoup de questions à vous poser sur votre feuille de route sur la nouvelle loi immigration que vous souhaitez, sur le budget également. Mais d'abord, petit retour en arrière vous êtes souvent venu à ce micro, c'est le moins qu'on puisse dire. Et l'une des dernières fois, il y a quelques mois encore, après la présidentielle, vous nous disiez en substance : " Emmanuel MACRON a abîmé la France, il l'aura affaiblie, jamais nous ne fusionneront avec la macronie " Alors, il ne faut jamais dire jamais, car finalement, aujourd'hui, vous êtes dans un Gouvernement où il y a une bonne moitié de macronisme. Comment ça se passe la fusion ?

BRUNO RETAILLEAU
Il n'y a pas de fusion, Nicolas DEMORAN, simplement, il y a un élément qui change tout, qui change la donne, c'est que Michel BARNIER, issu de notre famille politique LR et Premier ministre, on est dans une situation qui n'est sans doute pas celle d'une cohabitation, mais qui s'approche beaucoup plus de la cohabitation que d'un schéma classique. Et c'est ce qui nous a permis d'envisager une participation, pourquoi ? Pour deux raisons, la première, c'était pour empêcher la Gauche, qui est sous la domination idéologique de l'extrême gauche, d'accéder au pouvoir, et ça, c'était fondamental. Et la deuxième raison, c'est qu'on était au bord du gouffre et qu'entre.., parce qu'il y avait la crise financière qui menaçait et je pense qu'on n'a pas le droit de rester planqué dans ces cas-là et j'ai pris mes responsabilités. En prenant mes responsabilités, nous avons pris des risques, nous ne l'avons pas pris sur des bases politiciennes, c'est tout simplement parce que c'était le pays, c'était l'intérêt supérieur de la nation.

LEA SALAME
Mais reconnaissez que la dissolution a été pour votre camp, les LR, une divine surprise, avec 47 députés seulement, Michel BARNIER est à Matignon et vous, place Beauvau.

BRUNO RETAILLEAU
Elle a été une surprise, Léa SALAME, pour tout le monde, je crois, voilà…

LEA SALAME
Divine ?

BRUNO RETAILLEAU
… Divine, je ne sais pas s'il faut y mettre, comme on dit, quelque chose de sacré sur cette dissolution, mais en tout cas, le groupe a beaucoup mieux résisté. Vous vous souvenez le départ d'Eric CIOTTI qui était quand même notre président et je me souviens très bien, c'était un mardi, je l'apprends pendant la réunion de groupe et je me dis : " Mais il va nous tuer ". Et on a quand même un groupe avec Laurent WAUQUIEZ qui préside, qui est cohérent, qui a une unité, et ça c'est important.

LEA SALAME
On va y revenir, mais enfin, vous avez perdu quand même vingt députés, dans l'histoire. Bruno RETAILLEAU, vous l'avez martelé lors de votre prise de fonction, vos priorités sont de rétablir l'ordre. Vous promettez de vous attaquer aux trafics de drogue, de lutter contre l'immigration illégale, d'exécuter les OQTF. D'autres avant vous ont eu exactement les mêmes mots. Comment nous assurer ce matin que vous ferez mieux que vos prédécesseurs ? Vous ferez mieux que Gérald DARMANIN, que vous aurez les moyens d'y arriver, vous ?

BRUNO RETAILLEAU
Parce que c'est la volonté. Je pense que la politique…

LEA SALAME
Ça suffit ?

BRUNO RETAILLEAU
… C'est d'abord une question de volonté. La politique, c'est aussi une question d'expression, de parler clair et peu importe pour moi le bien bon sens, le politiquement correct, je dis les choses telles que je les pense. Et il se trouve que ce que je dis rencontre l'assentiment des Français de façon très large. Et je me battrai avec toujours, avant d'agir, une réflexion, c'est ce que je fais pour l'immigration, avec une stratégie qui consiste à une première ligne très loin devant nos frontières européennes, avec des accords avec les pays de transit d'origine, les pays tiers. Ensuite, nos frontières extérieures, avec la renégociation que nous avons obtenue de la directive retour et ensuite avec un dispositif français sur la drogue, c'est la même chose.

LEA SALAME
On va y venir sur la drogue, on va y venir, mais sur les OQTF.

NICOLAS DEMORAND
Par exemple, et ça fait des années qu'elles ne sont pas exécutées. Seuls 10, 15% des OQTF sont respectées parce que les pays d'origine refusent de délivrer des laissez-passer consulaires. Comment allez-vous réussir à en délivrer ? Vous serez au Maroc la semaine prochaine, quels arguments allez-vous développer ?

BRUNO RETAILLEAU
Exactement ce que je souhaite faire. Regardez, on voit bien que l'Italie a obtenu des résultats grâce à l'Europe, d'ailleurs, je veux quand même le dire, pas grâce seulement au Gouvernement italien ou madame MELONI, mais c'est parce qu'il y a des accords, notamment avec la Tunisie, avec la Libye, dans une moindre mesure avec l'Egypte, qu'il y a eu une réduction des flux irréguliers de 64 %. Eh bien, ce que l'Union européenne a fait avec la Tunisie, on peut le faire avec d'autres pays. Il faut d'abord contraindre le flux des entrées. Ensuite, comment fait-on ? On négociera et si je veux, avec le président de la République…

LEA SALAME
Mais Gérald DARMANIN a essayé de négocier avec les pays…

BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, je nommerais, nous nommerons, un missi dominici qui aura cette obsession, vous le saurez en temps voulu, de faire avec des pays tiers, des pays d'origine, des pays de transit, des accords bilatéraux et dès que ce sera possible, dans le cadre d'accords européens. Et ça, c'est fondamental, si je vais avec le président de la République la semaine prochaine au Maroc, c'est pour, parce que c'est un grand pays, un grand pays ami, et je pense qu'on peut parfaire, on peut accélérer un certain nombre de réadmission et de retours. Le Maroc est un pays encore une fois sûr.

LEA SALAME
Mais vous prenez l'engagement que si vous êtes toujours ministre, dans un an, vos chiffres d'exécution des OQTF seront meilleurs que ce Gérald DARMANIN.

BRUNO RETAILLEAU
Je fais tout pour…

LEA SALAME
C'est une obligation de résultat, ce n'est pas que des mots.

BRUNO RETAILLEAU
Mais je le sais parfaitement, Léa SALAME, je serai juge aux résultats et je me bats pour avoir des résultats. Je ne peux pas m'engager sur un seul chiffre, ce serait beaucoup trop léger, mais croyez-moi que l'énergie que je mets et cette stratégie que je mets au point qui va se déployer dans la cohérence et dans la constance, elle produira, j'en suis certain, des résultats.

NICOLAS DEMORAND
Bruno RETAILLEAU, Emmanuel MACRON vous a reçu lundi à l'Élysée. Lui avez-vous dit que vous vouliez une nouvelle loi Immigration, est-il d'accord ? Vous soutient-il ?

BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez, je n'ai pas à dévoiler le contenu de la conversation avec Emmanuel MACRON. Nous sommes rentrés dans le détail parce que c'est quelqu'un qui connaît très bien ces dossiers, voilà. Et je lui ai dit quelle était ma façon de penser. Je lui ai dit aussi ce que je dis à votre micro. J'étais il y a quelques jours un Conseil européen qui réunissait tous les ministres de l'Intérieur. Les 27 ministres, dont moi, nous nous sommes exprimés. Je vous mets au défi de relier l'expression des ministres de l'intérieur avec la couleur du Gouvernement. En clair, que vous soyez un ministre de l'Intérieur, d'un Gouvernement de gauche social-démocrate ou d'un Gouvernement de droite conservateur, le discours sur l'immigration, il est le même, pourquoi ? Parce que tous les peuples européens, tous demandent à leurs Gouvernements de reprendre les manettes. Et quand les gouvernements ne les écoutent pas, les peuples les chassent et les remplacent par des démagogues et par des populistes.

LEA SALAME
Vous voulez dire que les 27 ministres de l'intérieur européens disent comme vous que l'immigration n'est pas une chance ?

BRUNO RETAILLEAU
Il y a une volonté partagée, absolument partagée, de maîtriser et je le redis à ce micro oui, bien sûr que les conditions dans lesquelles se font les flux migratoires, aujourd'hui, ça n'est ni une chance pour les migrants. Je veux rappeler quand même les drames qui se passent en Méditerranée et dans la Manche, les drames qui se passent, quand on ne veut pas s'intégrer, quand on reste dans des ghettos. Et je veux rappeler aussi que ce n'est pas une chance pour la France. Alors évidemment, dans les beaux quartiers, il n'y a pas de problème parce qu'il y a le mur de l'argent. Quelle est la demande dans tous les peuples européens ? Ce sont les gens qui sont les plus modestes, les gens qui n'ont pas les moyens de mettre leurs enfants dans les belles écoles, d'habiter les beaux quartiers.

LEA SALAME
Mais il n'y a pas que les beaux quartiers, l'immigration, elle est partout, elle est dans les beaux quartiers, elle est dans les villes moyennes, elle est partout Bruno RETAILLEAU. L'immigration n'est pas une chance, vous comprenez qu'elle ait pu choquer, cette phrase. Cette phrase aurait blessé beaucoup de Français qui sont naturalisés, qui vivent et qui travaillent en France, qui sont intégrés quand veut leur expliquer qu'ils ne sont pas une chance pour la France.

BRUNO RETAILLEAU
Mais le bon sens commande de reconnaître aujourd'hui que lorsqu'on ne contrôle pas l'immigration, ça ne peut pas être une chance. Voilà, est-ce que vous pensez que le déracinement dans les pays du Sahel, c'est une chance pour des gens qui aimeraient rester travailler chez eux, le pays d'ailleurs, parce que ceux qui migrent bien souvent, ils sont assez dynamiques, ils en auraient besoin ? Est-ce que c'est une chance lorsqu'ils sont jetés sur les routes de l'exode, les femmes sont violées parce qu'ils sont aux mains de trafiquants d'êtres humains. Ils traversent la Méditerranée en prenant le risque, ils arrivent en France, pensant que c'est l'Eldorado. Ils se retrouvent aux portes de la Chapelle et vous pensez que c'est une chance ? Il faut être réaliste.

NICOLAS DEMORAND
Bruno RETAILLEAU, c'est quoi un Français pour vous, c'est un Français de souche ?

BRUNO RETAILLEAU
Un Français, pour moi, c'est un Français qui aime la France. La France, ce n'est pas une couleur de peau, ça n'est pas une confession, ce n'est pas une condition sociale. Ce que nous a donné notre modèle républicain, c'est cette promesse républicaine qu'on peut être de France, de coeur ou de racine. Voilà, ce qui est important, c'est de partager un héritage et de vouloir partager aussi un destin commun. C'est fondamental et vous avez raison, l'intégration est en panne parce que du côté des nouveaux venus, il n'y a pas suffisamment de volonté souvent de s'intégrer. Elle est en panne aussi parce que de notre côté, on ne se présente pas comme un exemple, un modèle. On a tellement culpabilisé la France. Jacques JULLIARD avait une belle expression, il disait : « il faut sortir de la vision lacrymale et pénitentielle de notre histoire ». Mais si vous dites que la France, elle est condamnable, elle n'est pas aimable. Vous pensez que vous allez pouvoir accueillir toute cette jeunesse dans notre destin collectif ? Impossible.

LEA SALAME
Est-ce qu'il y a des pages noires de l'histoire de la France qu'il faut affronter également ?

BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr…

LEA SALAME
Sans être lacrymal ni victimal…

BRUNO RETAILLEAU
Mais, mais évidemment ! Mais ne réduisons pas Léa SALAME, ne réduisons pas le…

LEA SALAME
Qui réduit ?

BRUNO RETAILLEAU
Par exemple l'extrême gauche, voilà. Les indigénistes, les colonialistes. C'est un discours qui est un discours culpabilisateur. Vous êtes coupables parce que vous êtes coupables, point final devant l'éternité. Eh bien non ! On appartient à une civilisation, et nous, à une république qui a promu, par exemple l'égalité homme femme, qui a promu la liberté de conscience, qui a promu une fraternité qui n'est pas une fraternité religieuse, mais qui est une fraternité civique citoyenne.

LEA SALAME
Alors on a beaucoup de questions, donc on va aller vite sur la loi immigration que vous souhaitez chez Renaissance qui est maintenant votre camp. Ils sont très peu à vous suivre. Pour Gabriel ATTAL, ce n'est pas une priorité, Elisabeth BORNE disait à ce micro : " Je pense que c'est une mauvaise idée de passer son temps à vouloir refaire des lois alors même que les décrets d'application ne sont même pas pris, ce qui est le cas de la précédente loi immigration ". Qu'est-ce que vous leur dites pour les convaincre qu'il faut une loi immigration ? Une nouvelle loi, demain, en 2025, vous avez dit.

BRUNO RETAILLEAU
Je leur dis que les Français la souhaitent à 71% et que la France en a besoin. Moi, j'ai un objectif qui n'est pas du tout idéologique, qui est très pratique. Mon objectif est de faire en sorte que la France, pour tous les dispositifs qui s'adressent aux immigrés, ne soit pas la mieux disante parmi les pays européens. Mais qu'on soit en moyenne des pays européens, sur tous nos dispositifs de regroupement familial, de soins d'étudiants, d'accueil d'étudiants, parce que si on est les mieux disant, alors on est très attractif. Et vous savez, mon collègue danois me le disait il y a quelques jours au Conseil européen : " Ce sont les filières, les trafiquants, qui captent parfaitement ces signaux là et qui orientent les flux dans un pays plutôt que dans un autre ".

NICOLAS DEMORAND
Bruno RETAILLEAU, on vous entend bien, vous irez jusqu'au bout, quitte à faire passer cette loi sans les voix de Renaissance, mais avec celle du RN ?

BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez d'abord, il y a deux hypothèses, parce qu'il nous faudra de toute façon une loi de transposition. Il y a un paquet asile-immigration pour mieux tenir les frontières extérieures de l'Europe, c'est fondamental, donc il faut transposer. La question sera de savoir si, en même temps qu'on transpose, on ajoute des dispositions. Par exemple le drame de la petite Philippine, faire en sorte que les individus les plus dangereux qui ont commis des crimes sexuels dont on sait qu'ils sont souvent potentiellement récidivistes, le délai de détention passé de 90 jours à 210 jours comme pour les terroristes. Donc soit on a un seul texte, soit il y a deux textes, un texte de transposition, un PJL et par exemple une PPL. Il y en a une qui est prête au Sénat. Je veux bien qu'on la revoit d'ailleurs, parce qu'il faut dialoguer. J'ai déjeuné avec Gabriel ATTAL, il m'a donné, lui, un certain nombre de points sur les lesquels il faut qu'on travaille, mais je pense qu'on peut faire évoluer les choses sur le délit par exemple, de séjour régulier, c'est fondamental si on veut contrôler nos frontières.

LEA SALAME
Donc si je vous entends ce matin, vous allez reprendre en fait la proposition de loi qui est au Sénat, vous allez commencer par le Sénat ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, ce n'est pas encore arbitré, j'ai dit très précisément que, soit il y aura un PJL de transposition avec des dispositions…

LEA SALAME
PFL, c'est projet de loi ?

BRUNO RETAILLEAU
… Projet de loi proposé par le Gouvernement, soit il y a ce vecteur…

LEA SALAME
Vous reprenez la proposition…

BRUNO RETAILLEAU
… Qui peut être modifié, et bien entendu, il y aura un dialogue entre le socle commun.

LEA SALAME
Oui, alors, vous savez que plusieurs des dispositions que vous vouliez ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Il y a eu 32 sur 35 de vos propositions qui ont été rejetées car elles étaient considérées comme des cavaliers législatifs…

BRUNO RETAILLEAU
Des raisons de pure forme, donc pas de fond, de pures formes.

LEA SALAME
Oui, alors sur le fond, maintenant, est-ce que vous allez, mettre fin à l'automaticité du droit du sol par exemple, question concrète ?

BRUNO RETAILLEAU
Ça, c'est dans les amendements, dans les articles qui avaient été supprimés. Il y avait un dispositif que nous avions voté, qui avait été voté au Sénat et à l'Assemblée. D'ailleurs, moi, je ne proposerais rien qui n'ait pas déjà été voté, de ce point de vue-là. Je vous rappelle que le Sénat l'avait votée à une très forte majorité et quasiment une majorité des deux tiers à l'Assemblée nationale. Et je pense, moi, j'y suis favorable et ce sera l'objet d'une discussion. Je pense qu'on ne peut pas devenir français sans s'en apercevoir. Je pense qu'une déclaration d'intention, en disant je rentre dans la communauté nationale, voilà, je pense que c'est important parce que quand on veut s'intégrer, il faut le vouloir, c'est une question de volonté et pas d'automaticité.

NICOLAS DEMORAND
Et sur l'AME, l'aide médicale d'État que vous voulez supprimer, Michel BARNIER ne vous suit pas, comment allez-vous le convaincre ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, d'abord, je ne veux pas supprimer l'AME, je veux la transformer en aide médicale d'urgence. Exactement ce que font les autres pays européens. Le dispositif d'aide médicale d'État plus le séjour pour étranger malades nous singularise dans le monde entier, ce n'est même pas l'Europe. Je veux, moi, qu'on s'occupe, on ne laisse mourir personne, les femmes qui sont enceintes, on s'en occupe, la prophylaxie, la vaccination, on s'en occupe. Mais simplement, Michel BARNIER m'a déjà, si j'ose dire, écouté, puisqu'il a donné l'ordre à ses ministres du budget de plafonner à un milliard l'AME. Mais ça ne marchera pas comme ça parce que si on ne change pas les règles, il n'y aura pas de plafonnement possible, donc…

LEA SALAME
Comment vous allez le convaincre de passer à l'AME, parce que, pour l'instant, il ne veut pas ?

BRUNO RETAILLEAU
Ce que je pense, et bien, il ne veut pas la plafonner. Simplement, ce que moi je dis, c'est qu'encore une fois, il faut qu'on adopte la même position que les pays européens. Deuxième chose, le rapport de Monsieur STEFANINI et Monsieur EVIN, avait dit que l'AME était un moyen d'enkyster, de faire durer dans la clandestinité des immigrés…

LEA SALAME
Que l'AME ne provoquait en aucun cas un appel d'air.

BRUNO RETAILLEAU
10%, mais vous avez un autre rapport de l'IGF, de l'IGAS, deux grandes inspections qui indiquait qu'à hauteur de 25%. Il y avait des déclarations comme quoi c'était ce qui avait motivé ça et autre chose sur les soins de la migration. Simplement, je termine, donc première chose, on se singularise parmi les autres pays européens, il ne faut pas. Deuxième point, là encore, c'est un encouragement à la clandestinité. Troisième point, on va dé-rembourser pour les Français. Les Français vont devoir faire des efforts dans le cadre du projet de loi de la sécurité sociale. Donc on demandera aux nationaux, aux Français de faire des efforts et on ne demanderait, donc, aucun effort pour ceux qui ont fraudé parce que ce sont des immigrés clandestins irréguliers ?

LEA SALAME
Allez-vous parvenir à faire réviser la Constitution comme vous le souhaitez pour permettre un référendum sur l'immigration ?

BRUNO RETAILLEAU
Non mais, Léa SALAME, c'est une question faussement candide. Il n'y a pas de majorité, déjà, même pas relative, d'ailleurs, à l'Assemblée nationale. Comment voulez-vous obtenir qu'un congrès avec une majorité renforcée puisse se dérouler ?

LEA SALAME
Donc vous y renoncez ?

BRUNO RETAILLEAU
Je n'y renonce pas, je pense que les conditions politiques ne sont pas réunies. Simplement, je pense et je le redis à votre micro, je pense que sur une question qui a vraiment tellement bouleversé la société française qui est celle de la migration, je pense qu'à un moment ou un autre, quand on est démocrate, il faudra donner la parole aux Français.

NICOLAS DEMORAND
On en vient au budget, Bruno RETAILLEAU, des députés Renaissance vous ont écrit pour déplorer une baisse des crédits liée à la lutte contre l'immigration irrégulière dans le budget 2025, de plus de 40% selon eux. Une baisse qui ne permettra pas notamment de prolonger la durée de rétention maximale pour les étrangers les plus dangereux que vous souhaitez pourtant. Vous assumez ces coupes budgétaires dans votre ministère ?

BRUNO RETAILLEAU
Un, le Premier ministre à Menton, s'est engagé à ce qu'il y ait un amendement budgétaire qui viendra donc augmenter le budget, et notamment cette mission sur l'immigration, première réponse. Deuxième réponse, moi, je n'exonère pas, comme tous les budgets, des efforts. Par exemple, on va passer de 96 000 Ukrainiens accueillis à 39 000, ça a des conséquences sur l'hébergement. Par exemple, on va renforcer l'OFPRA qui permettra de 29 équivalents temps plein. Ça permettra de réduire les procédures. Il faut accélérer les procédures et en réduisant les procédures. Pour ceux qui demandent l'asile, ils ont une allocation. On va réduire la location, etc. Donc la réponse en deux temps, premièrement, il y aura un amendement, un accroissement budgétaire promis par le Premier ministre. Deuxièmement, il faut mieux gérer, et c'est pareil dans les hébergements, il y a des publics qui ne devraient pas s'y retrouver, et donc, là encore, on en tirera les conséquences.

LEA SALAME
Bruno RETAILLEAU, vous aviez présenté cet été, avec Laurent WAUQUIEZ, un pacte législatif censé être la base d'une participation de LR au Gouvernement. Et vous faisiez de toutes hausses d'impôts, une ligne rouge. Je cite Laurent WAUQUIEZ en juillet dernier : " Un Gouvernement qui augmente les impôts et qui ne revalorise pas les retraites, c'est une motion de censure ". Aux dernières nouvelles, dans le budget 2025, il y a, un, des augmentations d'impôts et, deux, un report de six mois de l'indexation des retraites sur l'inflation, vous avez donc cédé ?

BRUNO RETAILLEAU
Il ne s'agit pas de céder, simplement entre le mois de juillet et le mois de septembre, Léa SALAME, que s'est-il passé ? Une information stupéfiante qui va d'ailleurs donner lieu à une commission d'enquête à l'Assemblée nationale, c'est qu'on a appris que ce n'était pas vingt milliards qu'il fallait trouver, c'était trois fois plu, sinon c'était la crise financière. Dans quelques heures, on aura, vous le savez, une agence de notation qui va déterminer encore une fois la valeur de la dette française, on est au bord du précipice. Donc je comprends parfaitement que dans ces conditions, il fallait trouver d'abord des économies. Et je l'ai souvent dit au Premier ministre, d'abord des économies, mais que des mesures de justice fiscale étaient impératives, et de ce côté-là, je suis solidaire du Gouvernement.

LEA SALAME
Mais vous assumez donc, ce matin, faire partie du Gouvernement qui augmentera les impôts ?

BRUNO RETAILLEAU
Je l'assume parce que la situation est tellement exceptionnelle que si demain nous avions une crise financière, ça se passera comme en Grèce. Ce sont les plus fragiles qui trinqueront les épargnants, les fonctionnaires, les retraités.

NICOLAS DEMORAND
Sur l'application Radio France, plusieurs questions. François, Bruno RETAILLEAU, dit que la gauche est sous la domination de l'extrême gauche. Est-ce que la droite est sous la domination de l'extrême droite ?

BRUNO RETAILLEAU
Pas du tout, je pense que le problème de la droite, souvent, a été plutôt d'être placé sous l'hégémonie idéologique, médiatique de la Gauche. Et c'est la raison pour laquelle on a perdu des électeurs qui sont partis d'ailleurs souvent au Rassemblement national. Je pense qu'il faut qu'on soit nous-mêmes, et nous sommes nous-mêmes, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que sur le plan économique, nous sommes plutôt des libéraux.
On veut libérer l'entreprise. On ne veut pas trop d'impôts. On en vient d'en parler. On veut moins de dépenses publiques.

LEA SALAME
Là, vous venez d'assumer d'augmenter les impôts sur les entreprises.

BRUNO RETAILLEAU
C'est de la justice fiscale et ce sera temporaire. Et c'est d'abord, de la baisse de la dépense publique. Et sur le plan du régalien, on est ferme. On veut restaurer l'autorité de l'Etat. Et c'est mon travail au ministère de l'Intérieur.

NICOLAS DEMORAND
Franck vous pose la question suivante : « Dans toute démocratie saine, un ministre de l'Intérieur disant que l'État de droit n'est pas sacré, devrait démissionner. » Comment expliquez-vous cette phrase ? Vous dites que vous assumez tout ce que vous dites.

BRUNO RETAILLEAU
Je l'assume parfaitement parce que je lutte contre ce qu'on appelle l'impossibilisme juridique. Il y a beaucoup de gens qui veulent nous faire croire qu'on ne peut pas changer les règles. Je l'ai dit dans le cadre de la triste affaire Philippine ; on ne peut pas changer les règles parce que ces règles-là appartiennent à l'Etat de droit. Eh bien, je dis non. L'État du droit, on peut le changer. L'État de droit, je n'ai jamais voulu l'atteindre. C'est quoi l'Etat de droit ? Des normes, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel de ces normes, la séparation des pouvoirs. Mais c'est la démocratie. Et moi, je me bats parce qu'un certain nombre de personnalités voudraient mettre l'État de droit en dehors de sa source démocratique. Et je pense que quand une règle ne protège pas, quand une règle juridique n'est pas bonne, on doit la changer. Edouard BALLADUR avait même, pour des questions migratoires… Monsieur BADINTER présidait le Conseil constitutionnel en 93. Il censure une disposition d'une transposition d'ailleurs sur la migration. Et là, Edouard BALLADUR dit " Mais ce n'est pas au Conseil constitutionnel de dire ce que le constituant, le peuple veut. On va réviser la Constitution, l'article 53. " Monsieur BALLADUR, ce n'est pas un individu qui est illibéral Simplement, là encore, on peut changer la Constitution et on peut changer la loi ordinaire.

LEA SALAME
Un mineur a été tué près d'un point de deal à Grenoble cette semaine encore. Le maire de la ville, Éric PIOLLE, vous demande plus de moyens. Allez-vous les lui accorder ?

BRUNO RETAILLEAU
Moi, ce que je voudrais déjà, c'est qu'Éric PIOLLE déploie beaucoup plus de caméras de vidéoprotection.

LEA SALAME
Il dit que ça ne marche pas.

BRUNO RETAILLEAU
Il a un discours anti-sécuritaire. Moi, je pense que la production de la sécurité, désormais, on le voit bien dans toutes les grandes villes, elle doit être à la fois l'affaire du maire qui a des pouvoirs de police légalement et l'affaire de l'Etat au niveau national. Mais quand je vois… Il a un discours, il veut par exemple le banaliser, en tout cas légaliser le cannabis… Il y a simplement 200 caméras pour une ville qui compte plus de 160 000 habitants. Dans une petite ville voisine, Vienne, 30 000 habitants, Il y en a 240 caméras. Vous savez, si on avait eu suffisamment de caméras dans l'affaire du fourgon, on aurait pu sans doute suivre beaucoup mieux les attaquants. Donc aide-toi, le ciel t'aidera.

LEA SALAME
Lui dit que la vidéosurveillance ne marche pas, que ça n'empêche pas les tueurs de passer à l'acte. Il donne un exemple récent où devant la caméra vidéo, ils sont…

BRUNO RETAILLEAU
Mais qu'il aille à Nice, qu'il discute avec le maire de Nice, qu'il discute avec beaucoup d'autres maires. C'est fondamental qu'il vienne discuter avec le patron de la gendarmerie nationale, avec le patron par intérim, la patronne de la police nationale. Et ils lui diront et convaincront…

LEA SALAME
Donc, pas plus de moyens.

NICOLAS DEMORAND
Pas de renforts.

LEA SALAME
Pas de renforts.

BRUNO RETAILLEAU
Non, en tout cas, monsieur… Je ne dis pas que je ne ferai rien. Simplement, je dis qu'il commence d'abord par adopter un certain nombre de mesures sécuritaires.

NICOLAS DEMORAND
Un mot sur le député Andy KERBRAT. Qui a reconnu avoir été pris en flagrant délit d'achat de stupéfiants à Paris. Vous avez écrit sur X. Il n'est pas tolérable de voir un député de la République acheter des drogues de synthèse à un dealer de rue. Un député a un devoir d'exemplarité. Andy KERBRAT doit tirer les conséquences de ses actes. Vous l'appelez donc à démissionner ce matin.

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, bien sûr, bien sûr. Moi, je me bats, je vous assure. Les informations que j'ai au ministère de l'Intérieur, me font penser qu'en France, on a un énorme problème avec le narcotrafic. C'est la cause racine de l'hyper violence. Mais par la corruption, croyez-moi, il menace nos institutions. Il menace même pour partie notre territoire, la souveraineté du pays. Donc je vais faire, nous allons faire un plan très, très puissant. Et il faut marcher sur ses deux jambes. La première jambe, c'est qu'on ne peut plus dire que fumer un joint, un rail de coke, tout ça, c'est récréatif. Non, parce que le joint sur rail de coke, il a le goût des larmes. Il a le goût du sang au bout de la chaîne. Il y a des jeunes, des enfants qu'on l'ardent de coups de couteaux, qu'on brûle vifs. C'est ça. Je veux responsabiliser les consommateurs parce que sans demande, il n'y a pas d'offre. Et puis il y aura l'autre temps. Moi, je pense que j'utilise souvent ce parallélisme. Il va falloir produire l'effort sur le narcotrafic tel qu'on l'a produit il y a dix ans contre le terrorisme.

NICOLAS DEMORAND
Et sur le sénateur Joël GUERRIAU, soupçonné d'agressions sexuelles sous emprise chimique, de la drogue donc, pour parler simplement. Vous lui demandez de démissionner aussi ?

BRUNO RETAILLEAU
Je lui ai demandé de se mettre en retrait parce que vous l'avez dit vous-même. Il est présumé, il y a un soupçon. Donc on ne peut pas préempter, si j'ose dire, ce que la justice va faire. Mais alors là, c'est encore plus grave. Pardon. Si cela était avéré, il s'agissait, je vous le rappelle, de mettre de la drogue dans le verre d'une députée, possiblement pour abuser d'elle. Ce serait encore plus grave. Simplement attention. L'un a reconnu. L'autre dispose de la présomption d'innocence puisqu'il y a une procédure judiciaire.

LEA SALAME
Il reste une minute pour trois questions. Vous recevez aujourd'hui les instances du foot après les chants homophobes encore au Parc des Princes. Vous allez leur dire quoi. Vous allez faire quoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Je vais leur dire que c'est devenu insupportable. On ne peut plus supporter des chants homophobes. On ne peut plus supporter des invectives racistes. On ne peut plus supporter, comme c'était le cas pour le match, sur le trajet de retour sur l'A9 qu'on a dû fermer il y a quelques jours sur le match Montpellier OM des violences. Moi, je ne le supporterais plus. Tout simplement parce que ça n'est pas les valeurs du sport. Et tout simplement, je vais vous le dire, moi ça me mobilise. Mais à chaque fois, des centaines et des centaines de gendarmes ou de policiers. Donc ce que je vais leur dire, c'est qu'ils doivent prendre leurs responsabilités. Je veux bien les accompagner. Simplement il va falloir maintenant désormais identifier les individus. Je le dis à ce micro, nous avons identifié deux des meneurs qui ont lancé les chants homophobes. Donc les identifier, les interpeller, les judiciariser et les sanctionner.

LEA SALAME
Ils sont interpellés.

BRUNO RETAILLEAU
Il ne m'appartient pas de le dire, mais ils vont l'être en tout cas et sont identifiés. Je le dis à ce micro et ils devront être sévèrement punis. Et je pense qu'on doit plus utiliser encore les interdictions judiciaires de stade, les interdictions administratives.

NICOLAS DEMORAND
Arrêter les matchs aussi.

BRUNO RETAILLEAU
Moi, je serai pour l'arrêt des matchs. Je pense que les arbitres, j'en parlerai lorsqu'il y a par exemple un chant homophobe.

LEA SALAME
On arrête.

BRUNO RETAILLEAU
On arrête.

NICOLAS DEMORAND
Rachida DATI, ce matin dans Le Figaro, indique qu'elle souhaiterait faire payer l'entrée à Notre Dame de Paris afin de constituer des fonds pour sauver le patrimoine. Vous en pensez quoi ?

BRUNO RETAILLEAU
Mais plutôt du bien. C'est une proposition que je soutiens. En Espagne, je me souviens avoir visité la Sagrada Familia. On paie. Et si ça doit pour 5 euros, sauver un patrimoine religieux, auquel on peut être attaché, que l'on croit au ciel ou qu'on n'y croit pas. Tout simplement, c'est le paysage français. Vous vous souvenez de la fiche électorale de François MITTERRAND en 1980. Moi j'ai eu cette expérience d'une église qui a failli être détruite dans mon canton, tout près de chez moi. On a réussi à la transformer en un musée du vitrail. Elle sert encore pour le culte, mais elle sert aussi comme lieu culturel. Et je pense que c'est aussi pour d'autres églises dans des communes. On peut les préserver, mais il peut y avoir une affectation culturelle, salle d'exposition, etc.

LEA SALAME
Bruno RETAILLEAU, dernière question pour beaucoup. Laurent WAUQUIEZ est le candidat naturel de la Droite pour 2027, est-il aussi le vôtre.

BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez ! En tout cas, il est brillant. Il a réussi à tenir son groupe. Il a fait des premiers pas qui sont très prometteurs. Pour l'instant, on ne peut pas parler 2027. Ce n'est pas du tout dans l'esprit.

LEA SALAME
Vous n'y pensez pas du tout vous.

BRUNO RETAILLEAU
Des Français.

LEA SALAME
En vous…

BRUNO RETAILLEAU
Je n'y pense pas du tout Léa SALAME.

LEA SALAME
Vraiment.

BRUNO RETAILLEAU
Je vous le dis. Même devant Charline VANHOENACKER, voyez, y compris…

LEA SALAME
La référence à Charline VANHOENACKER avec qui …

BRUNO RETAILLEAU
Mais c'est culte.

LEA SALAME
Vous avez…

BRUNO RETAILLEAU
C'est un de mes plus beaux. Attendez ! C'est un de mes plus beaux moments de radio.

LEA SALAME
Ah ben voilà.

BRUNO RETAILLEAU
Elle ne m'a même pas gêné. Ça a été un moment. Mais bon, peut être que vous pourriez expliquer ce qui s'est passé.

LEA SALAME
Ben non, c'est vous qui allez l'expliquer.

BRUNO RETAILLEAU
Non parce qu'il y a des oreilles chastes qui doivent nous écouter. Et je ne voudrais pas choquer le public de France Inter, vraiment. Je ne voudrais pas. En plus…

LEA SALAME
Mais vous avez une histoire particulière avec Charline VANHOENACKER, on va dire ça comme ça.

BRUNO RETAILLEAU
Attendez, un ministre de l'Intérieur et de droite. J'aggraverai votre cas.

LEA SALAME
Non pas du tout, bien au contraire.

BRUNO RETAILLEAU
Mais je ne veux pas la compromettre.

LEA SALAME
Mais elle assume.

NICOLAS DEMORAND
Il doit bien y avoir une vidéo, non.

LEA SALAME
On invite les auditeurs à regarder la vidéo de vos passages face à Charline VANHOENACKER.

NICOLAS DEMORAND
Merci Monsieur le ministre de l'Intérieur.

BRUNO RETAILLEAU
Merci.

NICOLAS DEMORAND
Merci Bruno RETAILLEAU d'avoir été à notre micro ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2024