Interview de Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, ministre déléguée, chargée de l'économie sociale et solidaire, à France Info le 29 octobre 2024, sur l'allongement à trois jours pour une carence pour les fonctionnaires, le budget 2025 et la participation dans les entreprises,

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Média : France Info

Texte intégral

DAÏC AUDOUIT
Bonjour Madame !

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Bonjour !

DAÏC AUDOUIT
Merci d'être avec nous. Donc on va discuter de l'action de votre ministère, du budget, mais avant tout un premier mot sur Michel BARNIER. On a appris hier qu'il avait été opéré d'une lésion cervicale ce week-end. Il ne sera pas présent en question au Gouvernement mardi et mercredi. Alors évidemment, vous n'êtes pas son médecin, mais est-ce qu'il faut s'inquiéter de l'état de santé de Michel BARNIER ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Je ne pense pas. Il nous a envoyé un petit message hier midi en nous disant qu'il était en pleine forme, qu'il avait subi cette petite intervention ce week-end et qu'il nous retrouverait au Conseil des ministres jeudi. Donc certains collègues ont pu le voir hier, dès hier, donc à Matignon. Non, pas d'inquiétude.

DAÏC AUDOUIT
C'est un exercice de transparence qui peut être un peu tardif parce qu'il a communiqué après l'opération et non pas avant.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Oui, moi, je n'ai pas de polémique là-dessus. D'abord, vous avez parfois des interventions qui interviennent en urgence. Donc…

DAÏC AUDOUIT
A priori, là, c'était prévu avant même qu'il devienne…

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Voilà, j'allais dire, c'est un homme comme un autre. Il a des interventions. On a au Gouvernement une jeune collègue qui a accouché dernièrement. Donc c'est la vie de toutes les familles.

DAÏC AUDOUIT
Absolument. Alors vous n'êtes pas forcément un visage encore très identifié au Gouvernement. Vous faites partie de ces élus locaux que Michel Barnier a mis en avant puisque vous avez été maire de Fécamp.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Oui !

DAÏC AUDOUIT
Jusqu'en 2022 en Normandie. Vous êtes à Horizons. Donc avant, vous étiez à l'UMP. Les Républicains, peut-être pas le RPR.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Si, j'ai démarré au RPR.

DAÏC AUDOUIT
Si, même jusqu'au RPR. Donc vous êtes des Droites.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Très jeune.

DAÏC AUDOUIT
Voilà. L'économie sociale et solidaire, c'est tout ce qui concerne le milieu associatif. C'est plutôt un milieu qui est à Gauche, la deuxième Gauche, la Gauche rocardienne. Ça va ? Ils vous ont bien accueillis, vous, venant de la Droite ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Oui, je crois que oui parce que simplement, ils espéraient avoir un ministre en charge de l'Économie sociale et solidaire qui soit rattaché à Bercy. Donc c'est le cas. Non, très bien.

DAÏC AUDOUIT
Alors aujourd'hui, il y a une grève de la fonction hospitalière. Est-ce que vous pensez que les annonces hier de votre collègue Guillaume KASBARIAN sur l'allongement à trois jours pour une carence pour les fonctionnaires, c'est l'alignement sur le secteur privé, est de nature à susciter un mouvement syndical.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Ecoutez ! Moi, je suis incapable de lire dans les boules de cristal. Ce que je sais, c'est que précisément dans les hôpitaux, le sujet de l'absentéisme est un vrai sujet. Régulièrement, moi, j'étais, vous disiez, une élue locale. J'ai été présidente d'un conseil de surveillance. On savait, quand on rencontrait le personnel, qu'ils nous disaient souvent, mais on ne trouve pas de remplaçants. On a des collègues qui ne sont pas là. Au dernier moment, on est obligés de changer nos plannings. Et vraiment, il y avait un ras-le-bol, il y a un ras-le-bol de ces sujets.

DAÏC AUDOUIT
Oui, mais vous savez ce qu'on dit, c'est qu'on monte du doigt les fonctionnaires parce que ces arrêts-maladies, ils seraient peut-être un peu induits. Alors on sait bien que les infirmières, c'est un métier extrêmement épuisant.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Alors ce ne sont pas que les infirmières qui sont visées.

DAÏC AUDOUIT
Voilà, aides-soignants, tout…

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Non, c'est vraiment dans tous les domaines. Et moi, je ne voudrais pas que, parce que certains, en effet, peut-être, abusent du système, on puisse oublier que ce sont des personnes qui, matin, midi et soir, sont au service des Français, au service du grand public.

DAÏC AUDOUIT
Eh bien, on n'est pas à tour de doigt, monsieur KASBARIAN, il ne fait pas oublier cette idée-là ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Non, je ne crois pas. Vraiment, je pense qu'il est souci de résoudre une vraie difficulté à laquelle on est confrontés. Et puis tout simplement, un chiffre, ces 10 dernières années, une augmentation de 80% des journées d'absence. On est passé de 44 millions à 77 millions. Il y a un sujet. Dès lors qu'il y a un sujet, on ne peut pas s'y intéresser parce qu'on donne le sentiment qu'on s'attaque à une profession ou à une branche. C'est vraiment regrettable. Enfin, je crois que les Français nous demandent de nous occuper de tous ces sujets.

DAÏC AUDOUIT
Question sur le budget. Hier, on a commencé à l'Assemblée à examiner le budget de la Sécurité sociale. Les trois premiers articles ont été rejetés par les voix de la Gauche. Vous n'êtes pas assez en nombre, vous, les députés du bloc central. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que Michel BARNIER, il laisse pourrir la situation parce qu'il ne veut pas qu'on aille au bout du vote pour aller ensuite, directement au Sénat, où là, il y a une majorité.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Je dis à ceux qui disent ça qu'ils sont assez étonnants parce que les mêmes nous disaient il y a quelque temps qu'il y aurait un 49.3, qu'il n'y aurait pas la parole pour les députés. Vous voyez, on est toujours un peu paradoxaux dans ce pays. Quand vous laissez la parole aux députés parce que vous essayez de leur faire confiance en se disant que peut-être, on est en capacité de s'accorder, eh bien, on dit tout de suite qu'il laisse pourrir. S'il avait sorti le 49.3 la semaine dernière, on aurait dit qu'il ne veut pas que c'est violent, la démocratie est atteinte, etc. Moi, je crois que c'est, pour l'instant, évidemment, le bon outil d'essayer de faire en sorte que chacun puisse s'exprimer.

DAÏC AUDOUIT
Mais comment vous expliquez que les députés du Bloc central, à la fois les députés macronistes et les députés LR, ne participent pas aux séances ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Je le regrette. Moi, j'ai envie de leur dire aujourd'hui. Venez. C'est l'occasion de défendre nos convictions et de débattre.

DAÏC AUDOUIT
Ils n'ont peut-être pas envie de les défendre. Ils préfèrent être dans leurs circonscriptions parce qu'il y a une dissolution. Peut-être qu'ils seront là au printemps prochain. Ils labourent leur terrain.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Oui ! On est quand même élus. Moi, j'ai été députée jusqu'à il y a quelques jours. On est élus aussi pour être à l'Assemblée nationale. Et l'occasion du budget, eh bien, c'est l'occasion de mettre en avant nos convictions. Donc je pense qu'il ne faut pas avoir peur de défendre nos convictions.

DAÏC AUDOUIT
On va évoquer votre action à votre ministère, à l'économie sociale et solidaire, parce que vous avez en charge notamment tout ce qui est la participation, c'est-à-dire l'intéressement, l'épargne salariale, ce qui définit le guérisme social.

DAÏC AUDOUIT
Oui !

DAÏC AUDOUIT
… Dont s'est revendiqué Michel BARNIER. Il va y avoir des nouvelles règles au 1er janvier 2025. C'est vrai que ça va être étendu au TPE, au PME. Ça va concerner combien de salariés en France qui auront droit à ces systèmes-là ?

DAÏC AUDOUIT
Alors en fait, ça va concerner un grand nombre de personnes, puisque toutes les entreprises comprises entre dix, entre onze et cinquante salariés, aujourd'hui c'était plus de cinquante, donc on descend jusqu'à onze, vont être concernées. On se rend compte qu'on a quand même des freins dans le domaine, parce que si cette loi, elle rentre en vigueur à partir du 1er janvier 2025, peu de chefs d'entreprise la connaissent. Donc mon but, ça va être vraiment, eh bien, de faire connaître cette loi, d'essayer de faire comprendre aussi pourquoi c'est utile.

DAÏC AUDOUIT
C'est ça ce que vous nous dites, c'est aux gens justement qui nous écoutent et qui travaillent dans une entreprise entre onze et cinquante et qui vont peut-être demander un dispositif dès le 1er janvier. Ce ne sera pas forcément près dans leur entreprise ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Alors normalement, c'est applicable, ça rentre en vigueur le 1er janvier, mais ils ont jusqu'en juin pour se mettre d'accord.

DAÏC AUDOUIT
En quoi c'est utile pour vous ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
On est partis d'un constat, aujourd'hui, on a…

DAÏC AUDOUIT
C'est une façon de ne pas augmenter les salaires, on le sait. Non, non, ce n'est pas ça ? D'accord.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Ah non, vraiment pas. Je crois que c'est vraiment une manière d'essayer de réconcilier les salariés et l'entreprise. On voit bien que régulièrement, on a des sujets. Souvent, les chefs d'entreprise nous disent qu'on a du mal à recruter. Souvent, on nous dit, moi, si j'ai 55-60 ans, je veux céder mon entreprise, je n'ai personne pour me succéder. On est vraiment face à un mur en termes de transmission. Moi, je dis aux partenaires sociaux et également aux chefs d'entreprise que j'ai l'habitude de rencontrer, je leur dis qu'il y a peut-être aujourd'hui d'autres méthodes pour intéresser vos salariés, aussi bien sur le plan financier, mais aussi sur le terme de la participation. Comment est-ce qu'on fait participer à la gouvernance les salariés ? On ne peut pas dire que nos salariés ne comprennent pas nos difficultés si on ne leur explique pas. Moi, je crois qu'aujourd'hui, on doit avoir aussi, en termes de gouvernance, peut-être une manière plus responsable de diriger les entreprises et c'est en tous les cas ce que je vais avoir à faire.

DAÏC AUDOUIT
Ça fait partie des chantiers qu'a évoqué Michel BARNIER dimanche dans son interview aux Parisiens, suite notamment, pas seulement, mais d'analyser les cahiers des doléances, cette demande qu'on retrouve de démocratie directe dans la société comme dans l'entreprise ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Absolument. Je crois que c'était vraiment à tous les niveaux, c'est tenir compte des changements de société, puis peut-être essayer de donner du sens. On voit ce mot est souvent utilisé, notamment chez les jeunes, qui disent : " Dans l'entreprise, je ne trouve pas toujours du sens, et oui je quitte pour très peu'. Si vous arrivez à fidéliser en associant les salariés…

DAÏC AUDOUIT
Sur le capital entreprise, soit…

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Sur le capital, pour maintenant de devenir actionnaire, vous avez des nouvelles formes de société aussi. Je suis en charge, vous l'avez dit, de l'Économie sociale et solidaire, et dedans par exemple typiquement il y a les coopératives, ça peut être demain un mode de gestion des entreprises auquel les jeunes adhèrent plus.

DAÏC AUDOUIT
Vous êtes membre d'Horizon, dans la coalition gouvernementale, on entend beaucoup de MoDem, les LR, EPR, ça tangue. Vous avez l'air d'être les bons élèves de ce bloc central, c'est soit parce que vous êtes plus poli que les autres, ou soit simplement parce que vous êtes au barycentre, c'est-à-dire, c'est une coalition LR et macroniste, et vous êtes vraiment ceux-là.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Je ne suis pas sûre que ce soit seulement ça. Notre patron Édouard PHILIPPE a été Premier ministre. Il connaît les difficultés. Il l'a été dans des périodes extrêmement difficiles. Édouard PHILIPPE, il a clairement indiqué que nous étions en soutien du Gouvernement. Nous le sommes. Donc toutes les petites phrases qui peuvent nuire, qui peuvent gêner, ce n'est pas notre truc.

DAÏC AUDOUIT
Ça vous visez par exemple vos collègues ministres qui disent que s'ils n'ont pas le budget, ils quittent le Gouvernement ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Je ne vise personne. Je dis juste qu'Édouard PHILIPPE n'est pas celui que vous entendrez en effet le matin critiquer systématiquement son prédécesseur, son successeur, etc.

DAÏC AUDOUIT
Mais vous regrettez que des ministres puissent mettre en balance leur participation au Gouvernement contre leur budget ?

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Non, non, non. Je crois que quand on est Ministre, on n'est pas non plus tout le temps obligé de ne pas dire ce qu'on pense. Vous voyez ce que je veux dire ? C'est quand même aussi bien d'avoir des personnes qui sont vraies, donc ils le disent. Il faudra juste qu'à un moment donné, ils rentrent dans leur rang quand le budget sera voté.

DAÏC AUDOUIT
Merci beaucoup Madame. Bonne journée à vous.

MARIE-AGNES POUSSIER-WINSBACK
Merci à vous.

DJAMEL MAZI
Merci beaucoup Daïc. Et merci, Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, ministre déléguée chargée de l'Économie sociale et solidaire d'avoir été l'invité de la matinale de France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2024