Interview de M. Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l'action publique, à RTL le 29 octobre 2024, sur le nombre de jours de carence pour les fonctionnaires, la prise en charge de l'endométriose et la réforme de la fonction publique.

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Média : RTL

Texte intégral

JOURNALISTE
Et tout de suite, l'invité de RTL Matin. Thomas, vous recevez Guillaume KASBARIAN, le ministre de la Fonction publique, de la Simplification et de la Transformation de l'Action publique.

THOMAS SOTTO
Bonjour et bienvenue sur RTL, Guillaume KASBARIAN

GUILLAUME KASBARIAN
Bonjour.

THOMAS SOTTO
Et déjà félicitations pour votre promotion.

GUILLAUME KASBARIAN
Merci.

THOMAS SOTTO
Et les syndicats ne sont pas loin de vous nommer officiellement ministre du fonctionnaire bashing ?

GUILLAUME KASBARIAN
Absolument pas, et d'ailleurs, merci pour votre invitation qui me permet de saluer le travail des 5,7 millions d'agents dans notre pays qui s'engagent pour le service public, ils le font bien, qui sont engagés et que je souhaite saluer, ce qui est à remercier pour le mouvement et donc je tiens à le dire d'ailleurs, les fonctionnaires sont les premières victimes de l'absentéisme. Quand vous avez, dans un service, des agents qui ne sont pas là, le travail se répercute sur les autres, cela désorganise le service, ça n'est pas forcément agréable et donc la lutte contre l'absentéisme est, en réalité, un combat partagé.

THOMAS SOTTO
Alors justement, on a besoin de clarification, ce matin, on va commencer par une question simple et qui appelle donc une réponse simple. Le nombre de jours de carence pour les fonctionnaires, va-t-il effectivement passer d'un à trois, comme c'est le cas pour les salariés du privé ? Est-ce que c'est un souhait que vous avez exprimé ou est-ce que c'est une décision politique ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est un souhait que j'ai exprimé, d'autant plus que les parlementaires, ensuite, doivent le voter dans le cadre du budget…

THOMAS SOTTO
Ce n'est pas fait, d'abord ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Il faut que le budget passe, c'est-à-dire que tout cela se fait dans le cadre des textes budgétaires de fin d'année. Ce que je prévois face à une augmentation, je le redis, significatif du nombre de jours d'absence dans l'année, on a…

THOMAS SOTTO
43 millions en 2014, 77 millions en 2020.

GUILLAUME KASBARIAN
Exactement, et une augmentation significative de la moyenne de jours d'absence par agent qui est passé à quatorze et demi alors qu'il y a quelques années, on était à huit. C'était à peu près la même chose, privé et public il y a quelques années. Aujourd'hui, on a une vraie divergence, c'est-à-dire qu'il y a un écart qui s'est creusé entre le public et le privé. Et donc, face à cette situation, je ne peux pas ne pas agir, je ne peux pas prendre de décision, je ne peux pas mettre le problème sous le tapis. Et je décide de proposer au Parlement, avec le Gouvernement, le passage des jours de carence d'un à trois jours de carence, comme c'est, vous l'avez dit, le cas dans le privé en termes de règle générale et la baisse de la prise en charge au-delà de la carence. Aujourd'hui, dans le public, c'est pris en charge à 100%, ça passera à 90% et c'est le cas de la règle générale aussi dans le privé, sauf qu'il y a tout un plan d'accompagnement, au-delà de ces mesures-là, que je souhaiterais aussi évoquer, la question des conditions de vie au travail, la question de la débureaucratisation…

THOMAS SOTTO
On va y venir, mais j'ai besoin qu'on clarifie encore.

GUILLAUME KASBARIAN
… Ces questions-là sont importantes.

THOMAS SOTTO
Cette règle de trois jours de carence dans le privé et un jour dans le public ne correspond pas à la réalité. Elle est injuste, disent les syndicats parce que dans le privé, dans l'immense majorité des cas, 75% des salariés gardent l'intégralité de leur salaire quand ils sont arrêtés, ça, vous le savez.

GUILLAUME KASBARIAN
Alors, ce chiffre de 75%, il faudra m'indiquer la source, parce qu'on l'a bien cherché, la réalité, c'est que les études sont très complexes sur le sujet, parce que dans le privé, ça dépend des conventions collectives. Et vous avez 650 conventions collectives…

THOMAS SOTTO
75%, c'est faux, ça ne repose sur rien ?

GUILLAUME KASBARIAN
… En tout cas, il faut faire l'analyse et on est en train de le faire, conventions collectives par conventions collectives. Vous avez des entreprises qui prennent en charge, c'est vrai, des jours de carence, mais c'est souvent conditionné à l'ancienneté, c'est conditionné au nombre d'absences dans l'année. Vous en avez d'autres qui disent : " Moi, je prends à moitié en charge " et puis d'autres qui disent : " On prend pas du tout en charge ". Le samedi, par exemple, la convention collective sur la boulangerie, sur la restauration rapide, sur la coiffure, sur les services à la personne. Ils ne prennent absolument rien en charge sur le si vous avez des millions…

THOMAS SOTTO
Ça va créer une immunité ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Vous avez des millions de salariés, aujourd'hui en France, qui n'ont aucune prise en charge de leur employeur sur le jour de carence et sur la suite. Donc, je pense qu'il faut avoir une analyse fine sur le sujet. Et puis d'ailleurs, les 90% de prise en charge que nous proposons là, c'est pour tous les fonctionnaires. Dès le premier jour où vous êtes fonctionnaire, vous y aurez accès.

THOMAS SOTTO
Alors, attendez, parce que vous maîtrisez parfaitement ces dossiers, nous, on prend tout ça de bon matin. Ce sont les remboursements des arrêts-maladies qui seront plafonnés à 90% ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Tout à fait, exactement. Et dans le privé, généralement, c'est aussi, c'est moins que ça et la prise en charge dépend beaucoup de votre ancienne dans l'entreprise et encore une fois du nombre d'absences que vous pouvez avoir…

THOMAS SOTTO
Donc vous avez l'air quand même bien décidé, quand je vous entends parler de ce projet de réforme, ça n'est pas dans le texte, ça sera dans le budget de l'année.

GUILLAUME KASBARIAN
Vous pensez bien que je suis décidé parce qu'on n'a pas pris cette décision à la légère. On l'a prise avec gravité, on sait qu'elle est difficile, mais vous pensez que ça me fait plaisir d'annoncer des choses qui ne font pas plaisir à tout le monde ? Bien évidemment que ce sont des décisions difficiles, mais on le prend parce que je le redis, nous avons une dérive du nombre de jours d'absence et notamment dans la fonction publique, parce que cela pose problème dans l'organisation des services et parce que si nous ne réagissons pas, on va laisser dériver et l'absentéisme et les finances publiques. Sur le sujet, c'est quinze milliards d'euros par an, le coût de l'absentéisme dans la fonction publique…

THOMAS SOTTO
L'idée, c'est quoi, c'est de lutter contre les arrêts-maladies bidon ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Ce n'est pas que ce n'est pas qu'une question de bidon ou pas bidon, vous avez de vrais motifs d'arrêt-maladie. D'ailleurs, je le précise pour vos auditeurs, rien ne changera pour les affections de longue durée. Quand vous avez un cancer, quand vous avez une maladie grave, quand vous avez une maladie très importante, la prise en charge ne changera pas, avant ou après la réforme. Le sujet, c'est de se dire qu'on a un historique d'implantation du jour de carence dans notre pays et on sait que l'instauration d'un jour de carence a eu une certaine efficacité quand il a été mis en place dans notre pays. Et on a besoin d'envoyer ce signal-là de responsabilisation à la fois sur la carence et la prise en charge…

THOMAS SOTTO
Vous savez que vous allez pénaliser ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Dans un alignement, encore une fois, dans un esprit d'alignement avec le privé, mais il n'y a pas que ça, et je l'entends tout à fait, il y a d'autres mesures d'accompagnement que nous souhaitons mettre en oeuvre, je vous l'ai dit tout à l'heure, conditions de vie au travail, lutte contre la bureaucratie, protection fonctionnelle des agents. Ce sont des sujets tout aussi importants que les mesures de pénalisation.

THOMAS SOTTO
Vous savez que vous allez particulièrement pénaliser avec cette mesure ?

GUILLAUME KASBARIAN
Dites-moi

THOMAS SOTTO
Les femmes, c'est l'ancien ministre de la Santé d'Emmanuel MACRON, Aurélien ROUSSEAU, qui vous le fait remarquer, deux tiers des fonctionnaires sont des femmes et ça va pénaliser particulièrement celles qui sont atteintes d'endométriose, qui ont des règles douloureuses. Elles ne s'arrêtent pas par confort, elle.

GUILLAUME KASBARIAN
Je n'ai jamais parlé d'arrêt de confort, ce n'est pas le vocabulaire que j'emploie. Je constate encore une fois une hausse significative de l'absentéisme, qui concerne significativement la fonction publique, les femmes existent aussi dans le privé, les femmes victimes d'endométriose existent également dans le privé. La question de la prise en charge de l'endométriose est un vrai sujet, elle se traite au niveau du ministère de la Santé et je souhaite effectivement que ce soit dans la fonction publique ou dans le privé ou ailleurs, que la prise en charge de l'endométriose s'améliore dans notre pays, bien évidemment. Et croyez-moi, je ne prends pas ces décisions-là, encore une fois, par plaisir, je le prends…

THOMAS SOTTO
… Donc, il faut considérer un cas à part pour ces jours de carence où ce n'est pas le sujet ?

GUILLAUME KASBARIAN
Aujourd'hui, la règle, c'est quand vous avez une affection longue durée, les règles que je viens de vous citer là et la réforme ne s'appliquent pas, voilà. Après, faut-il ou ne pas mettre l'endométriose dans les affections de longue durée ? C'est un autre débat, mais qui concerne aussi bien le public et le privé. Je ne sais pas faire une différence de traitement entre une femme victime d'endométriose dans le privé et une femme victime d'endométriose dans le public. Donc, ce sujet-là de prise en charge de la maladie de l'endométriose, il se gère au niveau de la santé pour toutes les Françaises qui sont concernées, qu'elles soient dans le public ou dans le privé…

THOMAS SOTTO
C'est vrai que c'est le genre de sujet très inflammable pour les syndicats, tout ça. Vous assumez les risques de conflits sociaux, de grèves ?

GUILLAUME KASBARIAN
J'assume de ne pas mettre le sujet sur le tapis, sous le tapis et j'assume de ne pas cacher la dérive de l'absentéisme que nous pouvons observer dans les chiffres. Et j'assume de prendre ma part sur les économies budgétaires pour l'année prochaine…

THOMAS SOTTO
Donc il faut le faire ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Les mesures que je propose, ici, permettent de rapporter au budget de l'Etat, ce sont des mesures qui permettent d'économiser 1,2 milliard d'euros l'année prochaine. Dans le contexte que nous connaissons actuellement, croyez-moi bien que je mesure bien la difficulté, je mesure bien les réactions que cela peut engendrer, je mesure bien que ça ne fait pas plaisir à tout le monde…

THOMAS SOTTO
Mais vous êtes déterminé.

GUILLAUME KASBARIAN
… Je prends mes responsabilités en tant que ministre et je l'assume.

THOMAS SOTTO
Dans cette recherche d'argent tous azimuts, certains parlementaires mettent en avant l'idée d'un deuxième jour de solidarité. On travaille un jour de plus pour le même salaire, comme le principe du lundi de Pentecôte, il y a une vingtaine d'années. Vous y êtes, le Gouvernement y est-il favorable ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est un autre sujet sur lequel, encore une fois, ce n'est pas au ministre de la Fonction publique de donner son avis sur deuxième jour global donc c'est une discussion que les parlementaires doivent avoir. Moi, j'attends de voir le vote des parlementaires sur ce sujet, j'attends de voir aussi ce que font les sénateurs, donc sur la question. Il faut laisser le débat parlementaire se faire. C'est une idée qui peut se justifier, qui peut se comprendre et j'attends de la voir prospérer au Parlement, c'est aux parlementaires encore une fois, de décider.

THOMAS SOTTO
Les fonctionnaires se posent beaucoup de questions sur ce qu'ils vont devenir ou pas, j'ai trois petites questions par oui ou par non, parce que c'est soit ça, soit ça n'existe pas. Dans le cadre de la réforme de la fonction publique, la rémunération au mérite est-elle toujours un sujet ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est toujours un sujet, oui, et c'est un travail qui avait été entamé par mon prédécesseur, Stanislas GUERINI, que nous continuons à mettre à la concertation avec les organisations syndicales.

THOMAS SOTTO
La suppression des catégories de fonctionnaires A, B, et C, est-elle une bonne idée ?

GUILLAUME KASBARIAN
C'est là encore un élément qui avait été travaillé par mon prédécesseur. Je sais que ça fait, c'est un sujet qui est éruptif pour beaucoup de syndicats. La suppression des catégories, je l'ai bien entendu, je ne souhaite pas jeter à la poubelle ce qui a été fait par mon prédécesseur sur cette suppression des catégories, donc on continue à en discuter, mais j'ai bien entendu les réserves des syndicats sur le sujet.

THOMAS SOTTO
Et faut-il ? Vous posez-vous la question de l'emploi à vie dans la fonction publique ?

GUILLAUME KASBARIAN
L'emploi à vie, vous avez en tout cas une question qui peut se poser, qui est celle du départ en cas d'insuffisance et des leviers qui permettraient aux organisations…

THOMAS SOTTO
Ça existe déjà, ça ?

GUILLAUME KASBARIAN
… Oui, mais il y a des travaux qui ont été menés en tout cas par mon prédécesseur aussi, qui permettent de faciliter les choses sur le licenciement en cas d'insuffisance, de problème grave au sein de la structure. C'est quelque chose qui peut, là aussi, pénaliser un service que les uns et les autres peuvent vivre très difficilement dans un service, donc je mesure la complexité, mais c'est un sujet qui n'est pas tabou et qu'on doit là aussi discuter dans le cadre du dialogue social.

THOMAS SOTTO
Pas de tabou sur la question de l'emploi à vie. Dernière question, on a appris que le ministre avait été opéré d'une lésion cervicale ce week-end, vous êtes ses nouvelles ? Il va bien, Michel BARNIER ?

GUILLAUME KASBARIAN
Merci de poser la question. Il va bien, il se remet de cette opération, effectivement. Il était au travail et à Matignon et il reprendra ses activités publiques à partir de jeudi puisque nous avons un Conseil des ministres, jeudi et on lui souhaite, en tout cas, je lui souhaite un prompt rétablissement.

THOMAS SOTTO
Pas d'inquiétude ?

GUILLAUME KASBARIAN
Non, pas d'inquiétude.

THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Guillaume KASBARIAN, d'être venu, ce matin, sur Europe 1, pardon, sur RTL.

GUILLAUME KASBARIAN
Merci à vous.

JOURNALISTE
Reprenez vos esprits, Thomas, tout va bien se passer. J'assume de ne pas mettre le sujet de l'absentéisme dans la fonction publique sous le tapis, voilà ce que vous nous avez dit, Monsieur le Ministre, vous restez avec nous puisque vous êtes dans l'oeil d'Alex VIZOREK.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 octobre 2024