Déclaration de M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et l'orientation des finances publiques, au Sénat le 30 octobre 2024.

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  • Antoine Armand - Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Débat organisé au Sénat à la demande de la commission des finances

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des finances, sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques.

Dans le débat, la parole est à M. le ministre.

M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de m'exprimer pour la première fois à cette tribune et d'avoir l'honneur d'ouvrir, au nom du Gouvernement, le débat sur les orientations économiques et financières de notre pays.

Ce débat a lieu sur la base du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) ce qui constitue une nouveauté. Ce plan s'inspire des nouvelles règles macroéconomiques et budgétaires européennes. Son but est de tracer une perspective sur plusieurs années, afin de prévoir une trajectoire équilibrée qui tienne compte des questions financières, en particulier des finances publiques, économiques et de croissance.

Je vous prie d'excuser l'absence du ministre chargé du budget et des comptes publics, Laurent Saint-Martin, qui est retenu à l'Assemblée nationale par l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Je vous remercie par ailleurs d'avoir permis que ce débat se tienne à un autre moment que celui auquel il était prévu. Je me réjouis, monsieur le président de la commission des finances, que nous puissions poursuivre ce soir la discussion que nous avons entamée dans votre commission, sur votre invitation.

Je commencerai par retracer rapidement les perspectives économiques et le cadre macroéconomique. La croissance mondiale devrait s'élever à 3,2% en 2024 et à 3,4% en 2025. Elle s'explique notamment par l'assouplissement monétaire engagé par les banques centrales américaine et européenne. La succession de chocs que nous avons connus – chocs économique et financier, pandémie de covid-19, invasion de l'Ukraine – continue de provoquer des effets sur les économies mondiales.

La croissance de la zone euro – 0,8% en 2024 – est au ralenti. Elle devrait devenir plus dynamique et atteindre 1,4 % en 2025, mais rester encore loin de celle des États-Unis, par exemple, qui atteint près de 3 %.

Dans le contexte de sortie de crise pandémique, économique et financière, on peut dire que la croissance de la France demeure stable. Vous le savez, celle-ci atteindra au troisième trimestre de cette année le double des deux trimestres précédents, pendant lesquels elle était de 0,4%, portant notre acquis de croissance à 1,1% en 2024, ce qui constitue un élan pour les prochains mois et pour l'année prochaine.

Selon nos estimations, la croissance devrait s'établir à 1,1% en 2025 ; nous aurons, je n'en doute pas, des débats sur ce sujet. Néanmoins, toujours d'après les estimations de mon ministère, la composition de cette croissance devrait évoluer : elle serait davantage tirée par la consommation des ménages et par un regain d'investissement des entreprises.

Dans les conditions économiques que nous connaissons, l'assouplissement des crédits, avec la poursuite de la baisse des taux, le retour à la normale de l'inflation – d'après nos prévisions, elle devrait être de 1,8 % pour l'année 2025 – et le soutien public renouvelé à l'économie devraient permettre, à moyen terme, à la croissance française, selon nos hypothèses de trajectoire, d'atteindre 1,4% en 2026, puis 1,5% en 2027 et en 2028.

Je ne m'étendrai pas, car nous avons eu l'occasion de les évoquer à plusieurs occasions, sur les fondamentaux qui permettent d'espérer un tel niveau de croissance : le soutien à l'apprentissage et à l'emploi, la réforme des retraites et ses effets progressifs, ainsi que les éventuelles futures réformes de l'assurance chômage. Je note aussi la progression du taux d'emploi, qui n'a jamais été aussi élevé depuis qu'il a été mesuré pour la première fois par l'Insee en 1975.

Outre la situation économique, il nous faut évidemment évoquer la situation des finances publiques. La dette colossale de notre pays, qui serait de 3 300 milliards d'euros à la fin de l'année 2024 selon nos estimations, crée évidemment une situation problématique. Elle est le résultat – je ne le rappellerai pas à cette assemblée – d'un demi-siècle de déficits successifs. La dernière fois que notre budget a été équilibré, c'était en 1974 ! Je tenais à mentionner ces quelques repères qui me paraissent éloquents.

Depuis 1974, notre dette a augmenté de presque 100 points de PIB. À titre indicatif, entre 1991 et 1996, après la crise du système monétaire, elle a crû de 23 points de PIB ; entre 2008 et 2013, pendant la crise financière, elle a augmenté de 25 points de PIB ; entre 2019 et 2024, elle a connu une hausse de 15 points de PIB.

Je n'ai pas non plus besoin de rappeler à quel point ce niveau de dette affecte à la fois notre souveraineté, notre crédibilité et notre capacité à aborder l'avenir, et ce très directement.

En effet, 50 milliards d'euros sont versés chaque année – ils le seront donc en 2024 – pour les seuls intérêts de la dette : cela représente un euro sur huit de notre budget. Cette charge de la dette risque de devenir le premier poste de dépense dans les toutes prochaines années, devant l'éducation, la défense ou la transition écologique.

La dette a également un impact direct sur notre capacité de financement. L'écart de taux de financement avec l'Allemagne augmente : il est actuellement de près de 0,8%, contre 0,5% au début de l'année. Le taux de financement à dix ans du Portugal est désormais plus faible que le nôtre.

Je crois que nous sommes d'accord pour dire que cette situation ne peut pas durer. Pour le dire en un mot, nous devons dès aujourd'hui faire des efforts difficiles pour ne pas avoir à faire demain ou après-demain des efforts douloureux, comme ce fut le cas chez d'autres partenaires européens.

Laurent Saint-Martin et moi vous avons d'ores et déjà proposé, dans le projet de loi de finances pour 2025, de ramener le déficit public sous les 5% l'année prochaine, soit – c'est important de le rappeler – un effort de 60 milliards d'euros par rapport à la tendance, c'est-à-dire par rapport à la croissance spontanée de nos dépenses publiques.

Cet effort est constitué pour les deux tiers – soit 40 milliards d'euros – d'économies, c'est-à-dire de réduction de dépenses fiscales et sociales, et pour un tiers – soit 20 milliards d'euros – de contributions fiscales qui seront, je le redis, ciblées, temporaires et exceptionnelles.

L'objectif du PSMT est de passer sous la barre des 3% de déficit en 2029. Il correspond à un engagement pris dans le cadre des traités européens, mais également, à quelques points de pourcentage près, au solde à partir duquel nous stabilisons notre dette, en d'autres termes, celui à partir duquel nous pouvons avoir un horizon de désendettement.

Si l'on suit la trajectoire, notre dette commencera à décroître à partir de l'année 2028. Le budget pour 2025 est la première pierre de la stratégie de politique économique qui est déclinée dans le PSMT, dont les délais d'élaboration ont été retardés en raison du contexte de la nomination du gouvernement du Premier ministre Michel Barnier.

Le premier pilier du PSMT est la soutenabilité et l'efficacité de la dépense publique. Je rappelle que celle-ci représente 57% de la richesse nationale de notre pays. Dès l'année prochaine, nous fusionnerons les opérateurs publics qui ont des activités proches et nous moderniserons notre système de santé, notamment pour lutter contre la fraude.

D'autres propositions ont été formulées pour améliorer l'efficacité de la dépense publique. Les nombreuses revues de dépenses dont nous disposons, qui ont d'ailleurs souvent été fournies par votre assemblée, doivent nous permettre d'aller en ce sens.

Laurent Saint-Martin et moi-même souhaitons poursuivre ce travail, en lançant une première revue complète de dépenses pour supprimer au moins 5 milliards d'euros de dépenses qui n'auraient pas de caractère prioritaire entre 2025 et 2027. Je précise que cette revue portera aussi sur les niches fiscales et sociales. Nous disposons en effet de nombreux éléments montrant qu'elles sont soit incompatibles avec certains de nos objectifs de politique publique, notamment en termes d'emploi ou de transition écologique, soit relativement inefficientes.

Pour ce faire, l'ensemble des administrations publiques seront mobilisées. Elles devront présenter chaque année un rapport qui détaillera leurs résultats, donc l'impact budgétaire de leurs actions. Avec Laurent Saint-Martin, je souhaite associer les parlementaires que vous êtes, si vous en êtes d'accord, à cette recherche de transparence et d'efficacité de la dépense publique.

Je l'évoque ici, même si cela n'est pas écrit stricto sensu dans le PSMT : il est important, et même impératif, que nous suivions mieux et beaucoup plus régulièrement l'évolution de la dépense publique afin de mieux anticiper l'ensemble des prévisions. Ce suivi doit aussi être fait au cours même d'une année, et pas seulement d'une année sur l'autre, qu'il s'agisse des dépenses de la sphère locale, de la sphère sociale ou de celles de l'État, eu égard aux récents développements que nous avons connus et que vous avez, en toute légitimité, soulignés.

Chacun sait à quel point il est difficile de réduire la dépense publique et d'assumer une hausse temporaire des prélèvements, même celle-ci est ciblée et exceptionnelle. Je le dis ici en amont du débat budgétaire que nous aurons, nous instruirons toutes les propositions de baisse de dépenses qui permettront d'éviter des augmentations d'impôts et les retiendrons chaque fois que cela sera possible. Il me paraît important de prendre cet engagement.

Le deuxième pilier du PSMT est la transition écologique et énergétique. Je le rappelle, les émissions de CO2 ont baissé de 25% entre 1990 et 2022, et de 5,8% en 2023. Néanmoins, pour atteindre l'objectif de l'accord de Paris en 2050, la route est encore très longue, et notre capacité à associer nos partenaires européens et internationaux sera extrêmement importante.

C'est tout l'intérêt du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) que le Premier ministre Michel Barnier a souhaité poursuivre et intensifier, grâce, à la fois, à l'entrée en vigueur d'un certain nombre de dispositifs, par exemple la loi Industrie verte (loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte), et au verdissement de la commande publique. Nous devons également poursuivre certains chantiers, comme le plan France 2030.

D'autres éléments ont été évoqués par le Premier ministre, par exemple l'amélioration du financement des projets industriels qui ont besoin, en France comme en Europe, de capitaux privés et publics pour se développer, ce qui permettra de renforcer notre souveraineté.

Pour asseoir et renforcer cette souveraineté industrielle, le PSMT prévoit le développement de l'ensemble des énergies décarbonées, au premier rang desquelles l'énergie nucléaire, qui constitue l'une de nos forces, avec des EPR2 (Evolutionary Power Reactor 2), mais aussi de nouveaux types de réacteurs nucléaires innovants, et les énergies renouvelables.

Il faut aussi réussir à faire baisser la demande, en faisant des efforts de sobriété et de rénovation énergétique dans tous les secteurs, à commencer par le domaine public.

Le troisième pilier du PSMT concerne la réindustrialisation, dans le cadre de l'agenda de compétitivité français et européen. En effet, cet agenda de réformes doit poursuivre cette tendance, en plus de servir à la décarbonation de notre économie.

Telle était l'ambition du Premier ministre, lorsqu'il a annoncé la création d'un livret d'épargne dédié à l'industrie. J'aurai l'occasion de donner prochainement des précisions sur la forme et les modalités que prendra ce livret, qui doit être déployé dans les tout prochains mois.

Je veux mentionner ici l'agenda fixé par le Premier ministre en matière de simplification. En effet, si la compétitivité-prix et la compétitivité-coût restent essentielles, la compétitivité réglementaire ne l'est pas moins et la coordination de l'ensemble des États est désormais indispensable, à l'heure où certains partenaires extra-européens pratiquent le dumping réglementaire.

À l'échelon national, comme Michel Barnier s'y est engagé, nous simplifierons la vie quotidienne des entreprises et leurs relations contractuelles. De nombreuses normes seront supprimées et les droits des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises seront progressivement rapprochés de ceux des particuliers. Les collectivités territoriales disposant de compétences en matière de développement économique seront associées à cette stratégie, de manière que les efforts de simplification et de réindustrialisation qu'il faudra mener fassent l'objet d'une concertation avec celles et ceux qui les assumeront au quotidien, en particulier les communes, les intercommunalités et les régions.

Cette contribution au dynamisme de l'économie doit nous permettre de soutenir l'emploi et le niveau de vie des Français. Nous maintiendrons, je le redis, les politiques en faveur de l'apprentissage et nous veillerons à améliorer notre taux d'emploi, qu'il s'agisse de l'insertion dans l'emploi des plus jeunes ou bien de l'emploi des seniors que nous encouragerons, dans le cadre du chantier que le Premier ministre a lancé, en concertation avec les partenaires sociaux, à la suite de la récente réforme des retraites.

Cette stratégie de dialogue avec les partenaires sociaux est le signe que nous devons rétablir la confiance : non seulement celle entre l'État et les citoyens, mais également la confiance des entreprises dans le système public et dans la capacité du Gouvernement à déployer des efforts en faveur de la simplification, de la compétitivité et du soutien à l'innovation et à l'industrie.

Au moment de vous présenter ce plan budgétaire et structurel à moyen terme, il me paraît important d'aborder la question de la crédibilité et de la transparence de nos prévisions. Tout d'abord, je tiens à saluer le professionnalisme des équipes du ministère que j'ai l'honneur de diriger. Ensuite, je veux dire avec beaucoup de simplicité et d'humilité que vous nous avez légitimement interpellés sur l'ampleur des écarts récents qui ont été constatés entre les prévisions budgétaires et leur exécution.

J'aurai l'occasion, dans les prochains jours, de préciser le plan d'action pour le renforcement de la transparence des outils de suivi des comptes publics dont j'ai annoncé le lancement lors de mon audition par votre commission des finances et qui devrait permettre d'améliorer ces prévisions.

Je rappelle que celles-ci s'inscrivent dans un contexte d'incertitude radicale qui concerne également l'ensemble de nos partenaires. L'Allemagne a ainsi constaté un décalage d'une ampleur similaire à celui de notre pays pour ce qui concerne ses prévisions de dépenses et de recettes – à hauteur d'environ 12 milliards d'euros –, avec un écart d'un point entre le taux de croissance prévu et sa croissance réelle. Cela doit nous encourager à faire un suivi non seulement plus régulier, mais aussi plus « contesté », au bon sens du terme, en travaillant et en échangeant davantage avec les économistes et l'ensemble des parties prenantes, pour mieux comprendre la situation et améliorer ainsi nos prévisions.

J'aurai donc l'occasion de vous présenter des pistes de réflexion en ce sens dans les prochaines semaines, de vous les soumettre et de vous y associer, si vous le souhaitez.

En conclusion, j'insiste sur le fait que nous voulons retrouver un niveau de déficit satisfaisant, qui nous permette de stabiliser notre dette. C'est une priorité non seulement budgétaire, mais aussi politique, parce que le Premier ministre en a pris l'engagement. C'est un gage de confiance que nous voulons donner à nos concitoyens, qui s'interrogent légitimement et régulièrement sur l'utilisation de l'argent public, c'est-à-dire de leurs contributions. C'est aussi la condition sine qua non qui nous permettra de libérer l'investissement, d'encourager l'emploi, de développer nos entreprises et de continuer à rester crédibles en Europe.

Dans un contexte européen d'instabilité et de croissance faible, c'est en portant l'ambition d'un agenda pour la compétitivité et la croissance que la France pourra conserver une voix forte au service de notre modèle politique et démocratique. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

(…)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Antoine Armand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de répondre de la manière la plus précise possible à l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés, même si la variété des interventions rend l'exercice difficile.

Monsieur le rapporteur général de la commission des finances, vous avez repris le mot « colossal » pour qualifier notre dette. Cela me donne l'occasion de compléter mon propos introductif : j'ai dit tout à l'heure que celle-ci s'élevait à 3 300 milliards d'euros, alors que j'aurais dû en parler en évoquant son ratio par rapport au PIB. En effet, ce qui importe, c'est notre capacité à produire de la richesse pour rembourser cette dette.

Je tiens dès à présent à faire une différence claire entre un budget d'effort ou de rigueur – choisissez le terme qui vous paraît le plus adéquat – et un budget d'austérité. C'est factuel : un budget dont les dépenses augmentent au total de 0,4% en volume, c'est-à-dire hors inflation, autrement dit un budget qui repose sur une dépense publique stabilisée, ne peut pas être présenté comme un budget d'austérité.

En tant que ministre de l'économie et des finances d'un pays endetté à hauteur de 3 300 milliards d'euros, je regrette que nous n'arrivions pas à faire baisser les dépenses publiques dès l'année prochaine, car nous avons réellement besoin de réduire rapidement notre endettement.

J'espère que le débat parlementaire permettra de nous engager sur cette voie, mais le fait est qu'on ne peut pas parler d'un budget d'austérité – je le redis – quand les dépenses de la sphère sociale augmentent de 2,7 %, quand aucun des principaux postes budgétaires de l'État ne baisse et quand les crédits consacrés à la transition écologique ou aux armées augmentent, tant en valeur qu'en volume. En parlant d'austérité, on transforme le sens des mots !

Comme l'a souligné le rapporteur général de la commission des finances et comme certains l'ont d'ailleurs déploré, l'effort que nous voulons produire l'année prochaine est supérieur à celui que nous demande la Commission européenne. C'est pour nous un enjeu de crédibilité, parce que nos déficits filent.

Si nous vous proposons une trajectoire difficile – certains en ont parlé avec malice –, avec un effort marqué dès l'année prochaine et non reporté à plus tard, et que nous allons plus loin que les demandes de la Commission européenne, c'est pour être en mesure d'investir dans les armées, dans la transition écologique, dans la sécurité, dans l'éducation, plutôt que de simplement rembourser la dette. Il faut que l'écart de taux avec l'Allemagne diminue.

À la suite du rapporteur général, je précise que, même si nous réussissons à faire repasser notre déficit sous les 3 % en 2029, le sujet de la dette ne sera aucunement clos. Les règles européennes prévoient effectivement que la dette doit continuer à baisser. Voyez nos voisins allemands : alors que leur taux d'endettement est presque deux fois inférieur au nôtre, les débats politiques se focalisent sur la suite de la trajectoire de désendettement.

Monsieur le président de la commission des finances, je ne reviens pas sur le « point d'histoire » que vous avez mentionné à la fin de votre intervention : on ne peut que partager votre propos, les chiffres le démontrent.

Comme vous, je regrette les délais d'élaboration et de transmission de ce PSMT : j'en prends naturellement ma part, mais cela est aussi dû au contexte politique.

Je voudrais revenir sur deux points que vous avez évoqués.

Tout d'abord, ce plan ne reprend pas l'intégralité du programme gouvernemental de réformes porté par le Premier ministre, tout simplement parce que les membres du Gouvernement sont en train de construire leur feuille de route. Le cadrage global a été annoncé lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre et ces orientations seront précisées dans les prochaines semaines.

De ce fait – je réponds ainsi à certaines des préoccupations que vous avez exprimées –, tout n'est pas documenté dans ce plan. Il serait d'ailleurs prétentieux de le prétendre tant l'effort à fournir dans les prochaines années est important.

Ensuite, malgré nos désaccords, je crois que nous pouvons quand même partir des mêmes constats. On peut naturellement débattre des prévisions de croissance pour l'année prochaine, mais il me semble qu'on peut s'accorder sur le fait que la plupart des prévisionnistes n'anticipent pas de récession.

En revanche, il est vrai que l'on peut avoir une approche différente sur l'effet récessif des décisions que nous vous proposons. Mon ministère et certains prévisionnistes ont des avis divergents sur ce point.

En effet, nous estimons, en premier lieu, que les dynamiques internes de la croissance seront différentes l'année prochaine : cette année, la croissance était plutôt portée par les exportations ; nous pensons qu'en 2025 la consommation et l'investissement des entreprises joueront un rôle plus important. Cette analyse explique aussi notre position sur la partie recettes du budget. Nous pensons donc, contrairement à certains analystes qui estiment que l'épargne continuera de croître, que la croissance sera davantage tirée par la consommation.

En second lieu, les efforts que nous proposons en termes de prélèvements obligatoires sont ciblés sur des catégories qui, du fait de leur situation économique, sont les moins sujettes à cet effet récessif : les personnes qui gagnent plus de 250 000 euros par an pour un célibataire, plus de 500 000 euros pour un couple ; les grandes entreprises qui sont bénéficiaires et dont le chiffre d'affaires dépasse 1 milliard d'euros, soit environ quatre cents groupes.

Pour autant, et je le dis avec beaucoup d'humilité, je suis tout à fait d'accord pour remplacer tout ou partie de l'effort ainsi demandé par une diminution des dépenses. En effet, je ne crois pas que la solution soit d'augmenter les impôts dans un pays qui a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé au monde. Nous ne sommes pas la première puissance mondiale et nous ne sommes donc pas en situation de donner des leçons à toute la planète !

Madame la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, je partage l'idée selon laquelle le PSMT évoque insuffisamment la sphère sociale, même si, en particulier à la page 86, le document donne un certain nombre d'indications. Ce plan structurel souffre peut-être d'un léger manque de concertation interministérielle. J'espère que nous pourrons faire mieux dans les années à venir.

Comme vous, je pense qu'il faut regarder en face la question de la dette sociale. Certains régimes de sécurité sociale sont à l'équilibre et même, parfois, excédentaires. Ainsi, dans beaucoup de branches, les cotisations suffisent à financer les prestations, ce qui est au fondement de notre modèle d'inspiration bismarckienne. Il nous faut préserver ces régimes qui fonctionnent, même si nous devons avoir un agenda global de réduction de la dépense sociale.

Monsieur le sénateur Delahaye, vous avez évoqué la réforme des retraites et je suis certain que cette question continuera de nous occuper…

La vérité commande de dire que nous ne sommes pas au bout du sujet en ce qui concerne les régimes publics. On ne peut pas prétendre vouloir faire baisser durablement la dépense publique si l'on ne s'intéresse pas à un enjeu qui représente chaque année des dizaines de milliards d'euros. N'y voyez aucune stigmatisation ou logique d'austérité, mais nous consacrons presque 40 % de notre budget au remboursement de la charge de la dette et au paiement des pensions des anciens fonctionnaires, alors même que nous sommes nombreux à penser qu'il devrait être davantage tourné vers l'investissement. On ne peut donc pas s'arrêter là et affirmer qu'il n'y a rien à faire. Je sais que le Sénat a conduit des travaux à ce sujet et je me propose d'en parler très prochainement avec les parlementaires concernés.

Je ne vais pas revenir trop longuement ce soir sur la question du nucléaire, mais je veux simplement préciser qu'il faut faire la différence entre les investissements dans le nouveau nucléaire, qui doivent faire l'objet de schémas de financement spécifiques en lien avec l'État et la Commission européenne, et la maintenance du parc existant, qui doit être financée par l'opérateur EDF sur ses fonds propres. Ne nous y trompons pas, l'État sera bien là pour accompagner un effort d'investissement particulier réalisé à sa demande.

Monsieur le sénateur Savoldelli, on peut débattre sur la nature de la réindustrialisation, mais on ne peut pas dire que notre pays ne s'est pas réindustrialisé. Certes, la part de l'industrie dans le PIB n'a pas progressé, mais c'est parce que l'activité des autres secteurs a progressé plus vite que l'activité industrielle. D'ailleurs, le nombre d'emplois a progressé en net dans l'industrie.

Cela ne signifie pas que tout va bien. Beaucoup de dossiers nous préoccupent à différents endroits du territoire, mais il n'y a aucun sectarisme à reconnaître que, depuis 2016, notre pays crée des emplois industriels, ce qui n'était plus arrivé depuis les années 1990. Il ne s'agit pas d'en tirer une gloire particulière, mais c'est un réel progrès.

Il est vrai aussi – cela a été dit à plusieurs reprises – que les évolutions ne sont pas les mêmes dans toute l'industrie : les études économiques montrent que certains secteurs vont progresser quand d'autres vont décliner. On ne peut pas, d'un côté, appeler à la transition écologique et numérique et, de l'autre, s'étonner que certaines industries perdent des emplois. Quand une usine a des difficultés ou ferme, il faut d'abord regarder le dossier sous ce prisme.

Vous avez mentionné le rapport de Mario Draghi ; on pourrait aussi parler des rapports d'Enrico Letta ou de Christian Noyer, dont je partage assez largement les conclusions.

Mais je dois vous avouer une chose : quand, lors des réunions du conseil Compétitivité, je prends la parole pour défendre la nécessité de financer des investissements, privés et publics, à l'échelle communautaire, j'ai de bonnes raisons de penser que certains de mes homologues s'interrogent à ce moment-là sur le niveau de la dette publique française… Si nous voulons être crédibles dans ce type de débat, nous devons avoir des finances publiques comparables à celles de nos partenaires. Quand on est le troisième pays le plus endetté de l'Union européenne, il est délicat d'appeler à ce que celle-ci prenne le relais en termes d'investissements. Nous devons faire notre part du chemin !

Enfin, vous avez parlé de la « violence » de l'ajustement structurel : comment pouvez-vous parler d'austérité ou de violence, alors que la dépense publique augmente ? (Exclamations sur les travées du groupe SER.) Je le redis, la dépense sociale augmentera de 2,7% en 2025 ! Si vous pensez qu'il s'agit d'austérité, cela signifie que nous n'avons pas le même référentiel.

M. Thierry Cozic. C'est pourtant ce que pensent 75% des Français !

M. Antoine Armand, ministre. Monsieur le sénateur, les enquêtes d'opinion ne masquent pas la réalité de l'évolution de la dépense publique dans notre pays.

M. Victorin Lurel. Nous n'avons pas la même conception de l'austérité !

M. Antoine Armand, ministre. On ne peut pas tout arrêter à chaque fois que quelqu'un se plaint du fait qu'on réalise telle ou telle économie. D'ailleurs, nous tenons certainement là une partie de l'explication de l'augmentation de nos déficits… Nous ne pourrons jamais réduire les déficits publics et la dette – 3 300 milliards d'euros, je le rappelle – si nous parlons d'austérité, alors que les dépenses augmentent.

Monsieur le sénateur Blanc, vous vous êtes étonné de notre prévision concernant la TICPE, mais cela rejoint ce que je disais à propos des anticipations que nous faisons sur les composantes de la croissance l'année prochaine : si la consommation et l'investissement des entreprises croissent, la consommation énergétique croît également, de même que les recettes de la TICPE.

M. Grégory Blanc. Donc, vous ne respectez pas l'accord de Paris ! CQFD !

M. Antoine Armand, ministre. L'accord de Paris fixe une perspective jusqu'en 2050 et là nous parlons d'une hypothèse de croissance pour 2025 ! Je pense que nous sommes tous suffisamment de bonne foi pour distinguer le respect de l'accord de Paris et l'évolution sur une année des recettes tirées de la TICPE.

Par ailleurs, vous avez dit que la France était inadaptée au changement climatique.

M. Grégory Blanc. Sur le plan fiscal !

M. Antoine Armand, ministre. Vous avez en effet évoqué la fiscalité environnementale, et je vous rejoins sur ce point. Cependant, il n'a échappé à personne dans cet hémicycle qu'il est particulièrement difficile de réformer les dispositifs d'incitation fiscale dans ce domaine. La priorité du Gouvernement est de rétablir nos finances publiques et nous n'allions pas nous lancer, quelques jours après notre entrée en fonction, dans une sorte de chamboule-tout fiscal. Pour autant, Agnès Pannier-Runacher et moi-même ne comptons pas laisser ce dossier en jachère.

En ce qui concerne notre adaptation au changement climatique, je dois vous dire, sans fierté particulière, que nos partenaires européens regardent le plan que nous avons présenté avec intérêt. Nous parlons bien d'un plan d'adaptation et non d'atténuation, et c'est le premier de ce type en Europe. Les événements catastrophiques des derniers jours ont démontré, s'il en était besoin, l'importance de l'adaptation. Nous devrons naturellement trouver des financements et c'est ce que nous faisons, puisque le budget de la transition écologique est en hausse. On ne peut donc pas dire que nous ne nous préparons pas.

Monsieur le sénateur Lurel, vous nous reprochez d'obliger les Français à prendre part à une course de vitesse, et vous semblez estimer que nos efforts pour faire sortir rapidement notre pays de la procédure de déficit excessif dont il fait l'objet risquent de ralentir sa croissance.

Mais là encore, je vais vous faire une confidence : je ne crois pas que beaucoup de nos partenaires pensent qu'un pays comme le nôtre, qui a 3 300 milliards d'euros de dette, 6% de déficit, un budget en déséquilibre depuis 1974, le niveau de dépenses publiques parmi les plus élevés de l'Union européenne, le taux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde et qui va mettre sept ans au lieu de quatre pour faire revenir son déficit en dessous des 3% du PIB, aille trop vite !

À partir de 2026, nous serons le seul pays européen dont le déficit sera supérieur à 3% de son PIB. Je le redis, peu nombreux sont les pays qui se disent que nous allons trop vite… Je crains même que nous n'allions pas assez vite.

Le rythme que nous vous proposons permettra justement de parvenir à un équilibre entre, d'une part, cette nécessité de réduire nos déficits et notre dette et, d'autre part, le risque que vous évoquez d'abîmer la croissance et l'importance de préserver certains budgets comme celui de la transition écologique.

Monsieur le sénateur Laménie, vous avez parlé de sérénité : il est en effet difficile d'être serein avec ce niveau de déficit et de dépenses publiques.

Vous avez aussi parlé d'une revue des dépenses publiques. C'est un marronnier de la politique française : nous disposons d'énormément d'éléments, de rapports et d'analyses en la matière. Je pense par exemple à CAP 2022, un exercice transpartisan qui avait été lancé en 2017. À partir de là, la question est de savoir si nous réussirons à trouver un consensus.

Au fond, je considère qu'il serait préférable de sortir le plus vite possible de la logique du rabot, mais cela implique que nous fassions des choix difficiles. Car je veux le dire très clairement et sans langue de bois : il va être très difficile de faire baisser la dépense publique, ce ne sera ni agréable ni – j'en ai bien peur – très populaire.

Nous devrons faire des choix sur les missions que l'État exerce, en tenant compte de la situation des finances publiques. Est-ce que l'État doit intervenir en toute matière ou doit-il se concentrer sur les missions régaliennes – le soutien aux investissements, l'éducation, la santé, la sécurité, la lutte contre l'immigration illégale… –, dans les domaines où nos compatriotes attendent que nous agissions en priorité ?

Je crois que nous devons regarder comment nos partenaires font et peut-être devrons-nous travailler autrement qu'aujourd'hui sur certains sujets. Si nous ne réduisons pas les dépenses publiques de cette manière, nous serons sans cesse confrontés à la logique du rabot qui est souvent à la fois inefficace et injuste – le président de la commission des finances, les rapporteurs généraux et l'ensemble des sénateurs le savent bien.

Nous devons donc mener une revue des dépenses mission par mission – je serai à l'écoute de toutes les propositions –, et pas seulement de manière globale, en ayant le courage de nous dire que, dans les cinq prochaines années, nous n'aurons plus les moyens de faire telle ou telle chose. Et c'est tout le contraire d'un aveu de faiblesse !

Par exemple, plusieurs sénateurs ont évoqué la question des agences et des opérateurs de l'État. Je suis le premier à dire qu'il est indispensable de bouger en la matière. C'est évidemment une question d'efficacité, parce qu'il arrive que des agences aux doctrines contradictoires soient en concurrence sur un même secteur.

Mais ne croyez pas que la simple fusion de plusieurs agences ou la rationalisation du travail de plusieurs d'entre elles nous fera faire beaucoup d'économies : nous y gagnerons peut-être un peu sur les fonctions support, mais ce ne sera pas massif. Ce qui est déterminant, c'est de décider que l'une des missions qu'elles exercent ne relève plus de la sphère publique et, donc, d'un financement public. Sur un tel sujet, il sera difficile d'éviter des débats douloureux…

Monsieur le sénateur Hugonet, comme vous avez des lettres, vous avez su lire derrière les chiffres…

Vous avez déploré le fait qu'il y ait de l'incertitude et il est vrai que je vous ai présenté une trajectoire, pas un plan garanti. Il ne faut pas oublier que nous devons respecter le principe d'annualité budgétaire.

Plus largement, le monde est confronté, comme mes partenaires et moi-même en avons fait le constat aux récentes assemblées générales de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, à deux incertitudes radicales : le niveau de la croissance mondiale pour les deux ou trois prochaines années ; les chocs à venir.

J'ajoute que les économistes de tout bord s'accordent à dire que la crise de la covid-19 a fait perdre au monde, de manière pérenne, au moins un point de PIB, parce que, même quand on a, comme en France, beaucoup protégé le pays, les structures productives ont été durablement affectées.

Vous avez également mis en avant l'importance de l'indicateur de dépenses primaires nettes : nous considérons que c'est un indicateur très important. Si l'on réfléchit autrement, on ajuste perpétuellement la recette à la dépense, ce qui conduit à des dépenses publiques et à des prélèvements obligatoires extrêmement élevés. Ce phénomène n'est pas en soi problématique, mais il le devient quand on ne réussit pas à pousser la croissance au-delà des 1 % de PIB et que le taux de satisfaction dans les services publics reste faible. Quand on ajoute à cela l'augmentation de la charge de la dette, on aboutit à un réel problème de crédibilité.

Voilà les raisons pour lesquelles le Premier ministre a fixé comme objectif la réduction des déficits et de la dette. De ce point de vue, j'estime que j'ai la chance d'appartenir à un tel gouvernement.

Madame la sénatrice Schillinger, vous avez évoqué la question des inégalités territoriales, celle des déserts médicaux et de l'accès aux services publics.

Il est vrai que les inégalités se sont beaucoup trop accrues ces dernières années – c'est l'élu d'un territoire rural, mais aussi de montagne, qui vous le dit – et qu'en réduisant les dépenses nous avons parfois perdu le lien avec les habitants.

C'est pourquoi nous pouvons nous féliciter que le Premier ministre ait décidé de créer un ministère du partenariat avec les territoires et de la décentralisation, qu'il ait particulièrement mis l'accent, notamment devant cette assemblée, sur les maisons France Services et les services publics de proximité et qu'il ait approuvé la préservation des enveloppes budgétaires qui leur sont consacrées.

Par ailleurs, je continuerai de soutenir nos efforts, y compris budgétaires, en faveur de la décarbonation de l'industrie – j'imagine que nous en reparlerons lors de l'examen du projet de loi de finances. C'est ainsi que nous préparons la compétitivité de demain.

En ce qui concerne l'emploi et les salaires, le projet du Gouvernement est évidemment perfectible, mais la réforme qui s'inspire des travaux d'Antoine Bozio et d'Étienne Wasmer est importante.

Le dispositif actuel d'allégement de cotisations sociales incite de fait les entreprises à ne pas augmenter les salaires, ce qui crée un phénomène de trappe à bas salaires. C'est mauvais de tout point de vue : pour les salariés qui n'arrivent pas à combler les besoins essentiels de leur famille – se loger, se nourrir, se déplacer, etc. –, mais aussi pour la croissance, puisque ce système ne favorise ni l'investissement ni l'amélioration de la qualification des employés.

C'est pourquoi nous devons avancer dès aujourd'hui sur ce sujet, même si nous devons aussi prendre du temps et faire attention à ce que cela ne pèse pas excessivement sur le coût du travail.

Monsieur le sénateur Daubet, je ne vais pas dire que je ne partage pas vos inquiétudes sur les signaux faibles que nous détectons de toute part, que ce soit dans l'agriculture ou dans l'industrie. En fait, si nous n'arrivons pas à trouver des marges budgétaires dans les toutes prochaines années pour soutenir l'innovation et la croissance et pour faire baisser le coût du travail, ces signaux deviendront plus forts…

C'est plus largement un sujet européen sur lequel Michel Barnier m'a demandé de travailler avec les États membres de l'Union et les institutions communautaires. Nos partenaires asiatiques ou américains, qui sont aussi des concurrents, ont depuis longtemps une autre vision des relations commerciales et de la politique industrielle. Nous ne sommes pas dans un monde idéal d'ouverture et de libre-échange non faussé. L'Europe doit sortir de sa naïveté en la matière pour prendre en compte la dimension hostile et agressive des pratiques commerciales internationales.

Je me réjouis d'ailleurs que la Commission européenne, notamment inspirée par la France, ait fixé des droits de douane de 35% sur les importations de véhicules électriques en provenance de certains pays asiatiques. Ce n'est pas rien ! La Commission a démontré de manière totalement indépendante que ces pays versaient des subventions massives à leur industrie, alors même que nous nous battons en Europe pour que notre parc automobile s'oriente vers l'électrique sans que cela pèse trop lourdement sur notre industrie, en particulier sur les sous-traitants qui ne doivent pas sortir abîmés de cette phase de transition.

Vous le voyez, nous devons travailler sur ces sujets à la fois au niveau national et au niveau européen.

En tout cas, je ne peux qu'aller dans votre sens quand vous évoquez la nécessité des réformes et, comme je le disais, nous présenterons des propositions de fond pour rééquilibrer les choses entre fonction publique et secteur privé, réévaluer les missions exercées par l'État ou améliorer la qualité de la dépense publique.

Madame la sénatrice Blatrix Contat, si nous mentionnons dans ce document des réformes passées, ce n'est pas par glorification de notre action, mais parce qu'elles auront des effets macroéconomiques dans les années à venir sur le taux d'emploi ou les finances publiques – je pense évidemment à la réforme des retraites ou à celle de l'assurance chômage. C'est d'ailleurs pour cela que nous les avons faites !

En outre, il est clair que nos partenaires européens regardent tout cela avec attention et qu'ils sont notamment très vigilants à ce que nous ne remettions pas en cause des réformes qui sont bonnes pour les finances publiques et le taux d'emploi des seniors.

Je ne reviens pas sur la question du rythme – j'en ai parlé –, mais je veux insister sur le fait que nous devons absolument montrer que nous sommes capables de produire un effort important dès l'année prochaine. La crédibilité de la France en Europe est en jeu.

Monsieur le sénateur Le Rudulier, je reprends à mon compte votre inquiétude sur la perte de contrôle de nos finances publiques. Cela doit nous alerter sur un point : au-delà des chiffres eux-mêmes, ce qui est important, c'est la méthode. Je ne veux évidemment pas comparer la France à une entreprise, mais quelle entreprise ayant un tel niveau de déficit et de dette ne regarderait pas de manière très attentive ses dépenses ?

Nous devons donc – je pense bien sûr au Gouvernement, mais aussi à la représentation nationale, aux économistes ou aux experts – regarder en permanence et au plus près l'évolution de nos dépenses publiques pour les garder sous contrôle et être capables de réagir en cours d'année, si le besoin s'en fait sentir. C'est là encore une question de crédibilité.

Vous avez dit que nous devions regarder au-delà de la colline. En tant que montagnard, je parlerai plutôt de la montagne, mais le fait est que nous devons avoir une conscience claire du mur d'investissement qui se dresse devant nous pour la transition écologique.

L'écosystème français de l'innovation est puissant, mais l'honnêteté commande de dire que les États-Unis et certains pays asiatiques vont encore plus vite que nous, en particulier en matière d'intelligence artificielle ou d'énergies décarbonées. Il est donc très important de soutenir ce secteur, comme le font tous les pays innovants dans le monde, par des dispositifs publics offensifs.

Cela nécessite de faire des économies et de supprimer les doublons, ce qui fait le lien avec ce que vous avez dit sur les agences.

Je conclurai en évoquant la question de l'équilibre territorial. Nous disposons, avec les rapports d'Éric Woerth et de Boris Ravignon, des outils nous permettant de remettre à plat les déséquilibres que nous connaissons, en particulier en termes de fiscalité, et de mieux mettre en œuvre le principe de libre administration des collectivités locales. Passons des rapports aux actes !

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme et sur l'orientation des finances publiques.


Source https://www.senat.fr, le 5 novembre 2024