Interview de M. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à Cnews le 4 novembre 2024, sur le budget 2025 et la politique économique de la France.

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Média : CNews

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Antoine ARMAND.

ANTOINE ARMAND
Bonjour Sonia MABROUK.

SONIA MABROUK
Et bienvenue à " la Grande interview " sur Cnews et Europe1. Merci de votre présence monsieur le Ministre. Vous êtes le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Beaucoup de questions à vous poser et tout d'abord, votre objectif dans l'immédiat bien sûr, comme celui du Premier ministre, c'est de faire adopter le budget. Le texte revient demain à l'Assemblée dans un contexte social qui se tend avec des appels à la mobilisation, notamment dans la fonction publique hospitalière. Est-ce qu'Antoine ARMAND, vous pouvez tenir ainsi ou est-ce que le 49.3 est inévitable pour sortir de l'ornière sociale ?

ANTOINE ARMAND
On est en plein débat démocratique ; débats parlementaires à l'Assemblée, bientôt au Sénat. Et j'entends que ça interroge. Mais je me rappelle aussi qu'il y a un an, on disait " Comment ? On ne va pas laisser vivre le débat ? Il ne va pas y avoir pleinement un débat à l'Assemblée nationale ? " Je crois que c'est vital, démocratiquement, que le débat ait lieu. Pourquoi ? Parce qu'on a une Assemblée qui est à l'image de ce qu'ont souhaité les Français, une assemblée diverse qui débat. Ensuite, est-ce que ce Gouvernement… Est-ce que, en tant que ministre des Finances, j'accepterais, à la fin, un budget irresponsable qui conduit au matraquage fiscal ? Jamais, jamais. Je le dis ici sans suspense, sans volonté d'effets de manches. Les Français, les entreprises, les gens qui travaillent, ceux qui font tourner le pays, ils attendent de nous de la responsabilité. Et si après l'ensemble du débat parlementaire, le matraquage fiscal est au rendez-vous, nous serons au rendez-vous de nos responsabilités pour l'éviter.

SONIA MABROUK
Alors, qu'est-ce que vous appelez débat démocratique ? Amendement à foison, guerre de tranchées budgétaire. Il reste encore 1 500 amendements et on a déjà 40 milliards d'impôts en plus. Est-ce que c'est ça la démocratie ou c'est la délibération de l'Assemblée ?

ANTOINE ARMAND
Je suis ministre de la République. Je n'ai pas à critiquer ou à parler de la manière dont les débats se font à l'Assemblée nationale. Ce que je constate, c'est qu'il y aura aussi un débat dans quelques jours au Sénat et que j'espère que ce débat se tiendra dans des conditions qui sont plus proches de ce que vivent les entreprises. Parce que quand, en quelques jours… Mais que dis-je, en quelques jours… En quelques heures, vous avez des milliards ou des dizaines de milliards d'impôts qui sont votés sur les entreprises.

SONIA MABROUK
Mais qui fait monter les enchères à l'Assemblée ?

ANTOINE ARMAND
Visiblement, visiblement, c'est une alliance entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national. Et là, je crois qu'il y a un changement assez…

SONIA MABROUK
Les deux ?

ANTOINE ARMAND
C'est quand vous regardez les votes, notamment en commission des finances, sur les impôts sur les entreprises. Ce sont des dizaines de milliards d'impôts qui sont votés. Et ça, c'est quelque chose d'assez nouveau parce que le Rassemblement national se disait plutôt libéral. On constate que sur les sujets économiques et d'impôt des entreprises, le rassemblement rejoint l'extrême gauche.

SONIA MABROUK
Donc matraquage fiscal de LFI et du RN, dites-vous ?

ANTOINE ARMAND
Sur les grandes entreprises, visiblement, c'est ça qui est le cap. Mais il faut rappeler que nous, on demande une contribution aux entreprises et que les grandes entreprises sont volontaires. Mais elles sont volontaires jusqu'à un certain niveau. L'asphyxie, ça mène à quoi ? Ça mène au chômage. Ça mène au départ des entreprises.

SONIA MABROUK
Alors, parlons-en parce que, Antoine ARMAND, vous avez une phrase importante ce matin dans Les Échos. Vous dites " Il faut travailler plus d'heures, plus d'heures dans l'année. Il faut travailler plus pour financer notre modèle social. " Est-ce que vous pouvez nous dire clairement, ce matin, sur Cnews-Europe1, quel est le risque ? Sinon, c'en est fini de notre modèle social ?

ANTOINE ARMAND
C'est exactement ça. On a, aujourd'hui, un modèle social auquel vous et moi, tenons énormément. Alors bien sûr, on a des désaccords, on a des discussions sur les retraites, mais au fond, à chaque fois qu'on en discute, qu'est-ce qu'on dit ? Qu'on veut garder notre sécurité sociale, qu'on veut garder les retraites par répartition, qu'on veut garder une protection quand il y a un problème.

SONIA MABROUK
Le système social le plus coûteux.

ANTOINE ARMAND
Ce que je dis aujourd'hui, c'est que la quantité d'heures qui est travaillée dans ce pays, la quantité de travail qu'il y a en France ne suffit plus aujourd'hui à financer notre modèle social et que si on veut le conserver, il faudra travailler davantage. C'est un constat.

SONIA MABROUK
Ce n'est pas nouveau.

ANTOINE ARMAND
Et c'est aussi une conviction politique.

SONIA MABROUK
Et donc, ce que je dis, c'est que dans la situation dans laquelle on se trouve, on risque un décrochage par rapport aux Etats-Unis, par rapport à l'Asie, qui ont des taux de croissance trois fois, cinq fois supérieurs à ceux du reste de l'Europe. Il faut qu'on se réveille et il faut qu'on travaille davantage collectivement.

SONIA MABROUK
Sinon c'est la faillite de notre système social ?

ANTOINE ARMAND
Sinon, c'est un risque. Sinon, ce sont les déficits qui filent. Et quand les déficits filent - et c'est ce qui se passe… c'est ce qui s'est passé les dernières années - on est moins forts. La France est plus vulnérable. Et quand je dis " travailler davantage ", je ne veux pas mettre une catégorie de population plutôt qu'une autre au pilori. Je dis simplement qu'il faut qu'on fasse cet effort ensemble.

SONIA MABROUK
On va en parler et vous nous direz si vous visez, par exemple, les fonctionnaires. Mais tout d'abord, et avant de rentrer dans le détail, Antoine ARMAND, expliquez-nous. Vous voulez donc augmenter le taux d'emploi en réalité. Pourquoi alors votre budget pénalise les entreprises ? C'est quelque chose qu'on ne comprend pas entre la nécessité d'augmenter les heures travaillées et en même temps d'alourdir le coût du travail.

ANTOINE ARMAND
Ce qui pénalise le plus les entreprises, c'est la situation des finances publiques. Parce qu'une économie en bonne santé, ce n'est pas une économie qui a 6% de déficit. Donc réduire le coût de financement de la dette, avoir des finances publiques qui fonctionnent, c'est le premier service qu'un Etat doit rendre aux entreprises. C'est le tout premier. Et pour y arriver, on demande un effort aux entreprises. Je note que les grandes entreprises se sont dites prêtes sur la surtaxe, sur l'impôt sur les sociétés, à participer. Il y a la question du coût du travail. J'appartiens à une sensibilité politique qui a baissé le coût du travail. Pourquoi ? Parce que – je le dis à vos téléspectateurs et vos auditeurs - on veut que la différence entre ce que ça coûte à l'employeur et ce que touche le salarié à la fin du mois, cette différence, elle se réduise. Pour ça, on fait des réformes et on baisse le coût du travail. Et j'ai entendu ce qui a été dit, notamment par beaucoup d'entreprises, par des chefs d'entreprises, notamment de TPE-PME, par le groupe Ensemble pour la République. Nous allons réfléchir à moduler cette mesure à ce que les hausses de cotisations soient moins importantes, notamment pour les bas salaires. Mais à nouveau, je le dis ici…

SONIA MABROUK
Vous allez réfléchir ? Vous ne pouvez pas ce matin, encore…

ANTOINE ARMAND
On fera une proposition.

SONIA MABROUK
Vous avez une proposition en tête, je suppose.

ANTOINE ARMAND
Bien sûr. On fera…

SONIA MABROUK
Donc, c'est une promesse, monsieur le ministre ? Parce que, vraiment, la colère est importante.

ANTOINE ARMAND
Je dis que nous sommes en train de regarder comment faire. Pourquoi c'est délicat ? Parce que, je vous l'ai dit à l'instant, on est dans une situation de finances publiques extrêmement préoccupante. Donc, comme ministre des Finances, si je mets sur la table une mesure qui coûte de l'argent, je dois avoir une mesure qui permet de créer de l'activité, de créer de l'emploi, de créer du travail en France, parce qu'on en a besoin.

SONIA MABROUK
Alors, Antoine ARMAND, dans l'objectif d'augmenter la fameuse durée du travail, vous dites être favorable à l'ouverture du débat sur l'abandon d'un jour férié supplémentaire que vous appelez deuxième journée de solidarité. Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui vous disent " impôt déguisé en réalité " ?

ANTOINE ARMAND
Ce que je dis, c'est que chaque année, les Français travaillent globalement moins que nos voisins.

SONIA MABROUK
C'est-à-dire sur la durée…

ANTOINE ARMAND
Sur la durée annuelle du travail.

SONIA MABROUK
C'est un maquis statistique sur ce plan-là.

ANTOINE ARMAND
Une manière très simple de le dire, c'est qu'en moyenne, un Français travaille nettement moins que ses voisins, sur une année. Et qu'est-ce que ça a comme conséquence ? Ça a comme conséquence moins de cotisations, donc moins de financement de notre modèle social, moins de recettes aussi, et puis, évidemment, moins d'emplois, moins de travail, moins de croissance. Or, c'est cette croissance qui crée de la richesse. Je veux le dire ici parce que vous savez, quand vous discutez avec certains, notamment dans des oppositions d'extrême-gauche, vous avez le sentiment que tout est gratuit. Mais les cotisations, le modèle social qu'on a, c'est parce qu'il y a des gens qui, tous les jours, travaillent en France. Et donc, travailler un petit peu plus collectivement, en commençant par s'assurer que chacun respecte la durée de travail qui est fixée, évidemment, dans tous les secteurs, c'est indispensable.

SONIA MABROUK
Mais, monsieur le ministre, est-ce que c'est tant cette durée du travail ou le fait qu'il n'y a pas assez de Français qui travaillent ? Ce sont souvent les deux extrêmes d'âge, moins de 25 ans et les fameux seniors.

ANTOINE ARMAND
Vous avez tout à fait raison de différencier les deux sujets. La première chose, c'est le taux d'emploi. Comment est-ce qu'on fait pour que plus de personnes de la société française soient au travail ? C'est le principe de la réforme des retraites, c'est le principe de l'apprentissage, les jeunes et c'est le principe de la réforme du RSA : accompagner les gens qui sont au RSA pour s'assurer qu'ils retrouvent un emploi.

SONIA MABROUK
C'était le principe de la réforme de l'assurance chômage, enterrée ?

ANTOINE ARMAND
Non, non, elle n'est pas enterrée. Elle est, en ce moment, en train d'être examinée par les partenaires sociaux. Et d'ici la fin de l'année, dans les toutes prochaines semaines, les partenaires sociaux feront une proposition, et s'ils ne se mettent pas d'accord, l'État - comme c'est le cas dans les négociations - reprendra la main. Pourquoi ? Parce que je ne peux pas vous dire en début d'interview, il faut travailler davantage, et ensuite vous dire, les prestations, les personnes qui touchent une allocation quand elles ne travaillent pas, on n'y touche pas. Il faut de la Justice, il faut de l'équité. Je l'entends, je pense que vous l'entendez aussi tous les jours, je suis élu en Haute-Savoie, les gens nous disent " il faut plus de justice. Il faut aider ceux qui travaillent et que le travail paie mieux. "

SONIA MABROUK
Plus de justice, justement, comment ne pas donner le sentiment quand même aux Français, Antoine ARMAND, d'une punition collective, car mis à part les augmentations d'impôts, il y a aussi l'augmentation du délai de carence qui passerait à trois jours pour le remboursement des arrêts maladie chez les fonctionnaires. Est-ce que vous êtes, vous-même, qui venez de la sphère de la gauche, à l'aise avec ça ?

ANTOINE ARMAND
Est-ce qu'aligner le secteur public sur le secteur privé, c'est autre chose qu'une mesure de justice ? Je ne crois pas. Je crois que ce que nous faisons, ce que fait Guillaume KASBARIAN, avec beaucoup de courage, parce que vous entendez régulièrement…

SONIA MABROUK
Il en faut aujourd'hui, toucher la fonction publique ?

ANTOINE ARMAND
Il en faut beaucoup. Vous voyez que Guillaume KASBARIAN est l'objet d'attaques, alors que les Français sont majoritairement pour. Pourquoi ? Parce que l'idée, c'est que lorsque vous avez des jours de carence dans le secteur privé, il n'y a aucune raison qu'il n'y ait pas le même nombre de jours dans la fonction publique. J'entends, les conditions de travail ne sont pas les mêmes, le statut ne sont pas les mêmes, les conditions de travail non plus. Je dis, attention, essayons de voir les choses pour ce qu'elles sont. Quand il y a un déséquilibre entre le secteur public et le secteur privé, on le corrige précisément pour ce que vous avez dit.

SONIA MABROUK
On vous entend.

ANTOINE ARMAND
Parce qu'il n'est pas question de laisser des déséquilibres d'un autre âge prospérer dans un monde où on a besoin tous de travailler plus.

SONIA MABROUK
C'est une mesure de justice ?

ANTOINE ARMAND
Mais bien sûr.

SONIA MABROUK
Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent, en particulier à la leader de la CGT, vous faites justement du bashing fonctionnaire ?

ANTOINE ARMAND
Quand il y a une différence factuelle entre deux situations, ce n'est pas du bashing. Je n'ai pas inventé la différence de deux jours de carence entre les deux. Alors, soit on se met dans une posture de responsabilité et on cherche à travailler sur les conditions de travail des fonctionnaires, sur l'attractivité des métiers, soit, dès qu'on fait une mesure de justice, on vous dit " pas du tout, laissez tomber. " Vous savez, cette extrême gauche qui s'éloigne de la réalité du travail, de la réalité des entreprises, elle ne fait pas du bien aux salariés.

SONIA MABROUK
Ça fait trois fois que vous dites, Antoine ARMAND, depuis le début de l'entretien, " l'extrême gauche. " On se souvient, vous avez commencé votre... en étant à Bercy, en fustigeant plutôt le Rassemblement national. Aujourd'hui, le véritable danger pour vous, c'est l'extrême gauche ?

ANTOINE ARMAND
Je ne vais pas rentrer dans ce dans ce feuilleton. J'ai dit ce que je pensais, j'ai dit mes valeurs, mes convictions. Ce que j'observe - et c'est le cas de ce que vous indiquiez tout à l'heure - c'est quand on défend aujourd'hui l'économie française, quand on défend les entreprises, on doit voir la réalité telle qu'elle est. Et je crois qu'il y a beaucoup de responsables syndicaux qui peuvent nous accompagner dans cette démarche de faire le constat. Est-ce qu'on sera d'accord sur tout ? Bien sûr que non. Mais est-ce qu'on pourrait, avec les partenaires sociaux, travailler sur la question de la durée du travail, des aides aux entreprises ? Moi, je le crois, je suis déterminé à ce qu'on avance ensemble parce que c'est le pays dont il s'agit.

SONIA MABROUK
J'ai parlé tout à l'heure du climat social, il y a aussi un climat économique, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre de l'Economie. C'est un véritable refroidissement de l'économie que l'on vit. Les agences de notation qui évaluent et notent la dette de la France commencent à avoir des perspectives négatives, ce qui va faire automatiquement augmenter nos taux d'intérêt. Vous gouvernez aussi en regardant ce tableau de bord avec des voyants rouges qui s'allument aujourd'hui ?

ANTOINE ARMAND
On ne gouverne jamais pour une agence de notation, mais ne pas écouter et regarder ce que disent les analyses, ce serait complètement déconnecté. Moody's, en l'occurrence, cette agence, elle dit deux choses très importantes. La première, la France a mené des réformes depuis dix ans et elle doit continuer. Vous voyez, ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas un ministre qui se flatte du bilan de ses prédécesseurs, c'est une agence de notation indépendante et la deuxième chose qu'elle dit, et c'est ce que je dis sur ce plateau ce matin, c'est qu'il y a un risque de dérapage. Si aujourd'hui, on ne contrôle pas nos finances publiques, demain, après-demain, il y a un risque de dérapage et c'est pour cela qu'on fait un budget, que les gens disent difficile, et je vais vous dire, je n'ai pas peur d'utiliser ce mot, c'est un budget difficile, c'est un budget qui demande des efforts. Pourquoi ? Parce que revenir sous les 5 % en 2025, ce n'est pas une lubie de ministre, c'est une nécessité pour nos comptes publics.

SONIA MABROUK
La question, c'est à qui il demande des efforts, ce n'est pas forcément toujours au même. Vous nous le direz, mais est-ce que vous pouvez faire la promesse, si je puis dire, on va porter la garantie ce matin, Antoine ARMAND, qu'il n'y aura pas la même situation qu'il y a eu il y a quelque temps, puisqu'il y a une commission d'enquête, donc, c'est la commission des finances, qui va évaluer ce qui s'est passé pour ce dérapage énorme du budget. Est-ce que vous pouvez dire ce matin, ça ne se reproduira plus ? C'est une question de crédibilité.

ANTOINE ARMAND
Ce que je peux vous dire, c'est que c'est effectivement une question de crédibilité et que depuis le jour de ma nomination, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ça ne se reproduise plus. Deux mots. Le premier, c'est que c'est arrivé à nos voisins. Les Allemands ont eu plus de trente milliards…

SONIA MABROUK
Ce n'est pas quand on se compare qu'on se console. Donc ils ont menti aussi, ou ils ont été amateurs ?

ANTOINE ARMAND
Non, je le dis tout simplement, quand nous sommes dans des situations de crise, il peut y avoir des écarts de prévision très importants. Ça, c'est la première chose.

SONIA MABROUK
Aussi important que ça, Monsieur le Ministre ?

ANTOINE ARMAND
Pardon, mais l'Allemagne avait prévu 1,6% de croissance. Ils sont à moins 0,2%.

SONIA MABROUK
J'interroge le ministre de l'Économie français.

ANTOINE ARMAND
Non, mais je le dis parce qu'on est dans un contexte. On n'est pas isolé dans le monde. Et la deuxième chose, vous avez raison, c'est que c'est une question de crédibilité et de transparence. J'ai lancé le jour de ma nomination un plan d'action pour, un, comprendre ce qui s'est passé. J'ai annoncé un comité scientifique pour que, indépendamment, les personnes puissent regarder le travail, par ailleurs excellent, des agents de Bercy, je vous le dis ici, qui n'est pas en cause.

SONIA MABROUK
Je parlais d'un refroidissement de l'économie. Possiblement, dans quelques jours, il pourrait y avoir deux usines MICHELIN qui pourraient fermer, l'une à Vannes et l'autre à Cholet. Ça concernerait plus d'un millier de salariés. Qu'est-ce que vous pouvez dire à ce sujet ce matin ?

ANTOINE ARMAND
Je laisserai l'entreprise, évidemment, d'abord s'exprimer vis-à-vis des salariés, dire que mon ministère suit l'ensemble des dossiers industriels, dire aussi que la solution de moyen terme, c'est la compétitivité du pays. C'est la compétitivité du pays, et c'est en accompagnant les entreprises, en continuant à les soutenir, en les aidant à innover, qu'on les fera, qu'on les rendra plus fortes demain, et que, bien sûr, chaque emploi compte. Chaque emploi compte, que c'est le travail de mon ministère avec celui du travail de suivre ces dossiers.

SONIA MABROUK
Mais vous confirmez ces fermetures, Antoine ARMAND ?

ANTOINE ARMAND
Je laisserai l'entreprise communiquer dans un premier temps.

SONIA MABROUK
Vous avez le dossier sur votre bureau. Un séminaire gouvernemental est prévu aujourd'hui pour un plan en moyen terme, dit Michel BARNIER. Vous serez réunis avec vos collègues, notamment de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, Antoine ARMAND, qui fait beaucoup parler de lui. Il incarne, selon beaucoup, une ligne d'autorité et de fermeté. Est-ce que vous partagez, dans les mots et dans les actes, ce que dit, ce que fait Bruno RETAILLEAU ?

ANTOINE ARMAND
Il ne vous a pas échappé qu'avec d'autres membres du Gouvernement, nous avons une sensibilité qui est différente. C'est la première fois, sous la Cinquième République, qu'il y a une coalition, c'est-à-dire des partis qui ne sont pas ensemble partis aux élections et qui se retrouvent à gouverner ensemble. Donc, c'est nouveau, et on apprend. Il y a quelque chose que je voudrais noter dans ce que vous dites, qui est très important, et qu'on peut partager, quelle que soit notre sensibilité politique, c'est le besoin d'autorité. À l'école, dans la rue, vis-à-vis de nos compatriotes…

SONIA MABROUK
Dans les finances publiques.

ANTOINE ARMAND
Y compris dans la crédibilité de l'État.

SONIA MABROUK
Mais les mots sont importants, par exemple, Bruno RETAILLEAU dit " mexicanisation ", le ministre DARAGON dit : " L'étranger qui assassine dehors ". Vous êtes à l'aise avec tout cela ?

ANTOINE ARMAND
Je suis ministre des Finances d'un pays qui a 3 000 milliards de dettes, plus de 6% de déficit. Croyez bien que je suis concentré sur cette tâche, et je crois que les Français demandent au ministre des Finances de s'occuper des finances du pays d'abord.

SONIA MABROUK
Et il est à l'aise avec les propos du ministre de l'Intérieur et autres ?

ANTOINE ARMAND
Je ne passe pas mes journées à regarder ce que disent les uns et les autres. Je suis au travail sur cette question centrale, et je le dis ici aussi parce que la première chose, c'est de partager ce diagnostic : est-ce qu'on travaille assez en France ? Non, les chiffres le montrent. Est-ce qu'il faut faire un effort collectif qui ne sera pas facile ? Oui, mais pourquoi ? Pas pour rien, pour avoir de l'industrie en France, pour que la France redevienne un pays fort et à la hauteur de l'Europe.

SONIA MABROUK
Permettez-moi de reposer l'action, parce qu'il y a une solidarité gouvernementale qui s'impose. Quand on parle d'un pays au bord de la mexicanisation, on parle de narcotrafic, on parle aussi de moyens, parfois plus forts que ceux de l'État, c'est un ancien ministre de l'Économie qui le dit, donc est-ce que nous sommes au bord de la rupture, comme l'a dit le ministre de l'Intérieur ?

ANTOINE ARMAND
Je suis élu d'une ville qui est Annecy, et je constate qu'y compris dans des villes où il n'y avait hier pas d'immenses difficultés de sécurité, de trafic de drogue, ça augmente. Il faut le voir, et il faut, vous savez, la phrase de CLEMENCEAU, il faut dire ce que l'on voit d'abord, pour ensuite agir correctement.

SONIA MABROUK
Et ça vaut pour les finances publiques et l'économie. Merci Antoine Armand, merci d'avoir été notre invité.

ANTOINE ARMAND
Absolument. Merci beaucoup.

SONIA MABROUK
Bonne journée et à bientôt.

DIMITRI PAVLENKO
Merci Antoine ARMAND, merci à vous Sonia MABROUK également.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 novembre 2024