Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité politique ce matin est Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur. Bruno RETAILLEAU, bonjour.
BRUNO RETAILLEAU
Bonjour Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Je commence… Evidemment, nous allons parler de la lutte contre le narcotrafic, de l'immigration, de l'insécurité. Évidemment, ce sont les sujets majeurs actuels. Mais je voudrais revenir sur ce qui s'est passé hier soir pour commencer, au Parc des Princes, Ligue des Champions, le match PSG-Atlético Madrid. Un tifo d'une grande bâche déployée Tribune Auteuil par des supporters du Paris Saint-Germain avec le slogan " Free Palestine. " Jusque-là, pas trop de problèmes. Mais… Mais une carte où l'État d'Israël n'existe plus et le portrait d'un combattant du Hamas. On parle du portrait du porte-parole du Hamas. Est-ce que le Paris Saint-Germain doit être sanctionné ?
BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, écoutez, je ne m'interdis rien. Je vais demander des explications au Paris Saint-Germain. C'est inacceptable. C'est une bâche quand même de dizaines de mètres carrés. Un, les règlements du foot d'UEFA etc. interdisent les messages politiques. C'est un message politique. Deux, je veux rappeler quand même que le Hamas… On a malheureusement commémoré les attentats du 7 octobre. Si on réduit le nombre de morts par rapport à la population israélienne, si on fait le parallèle nombre de morts par rapport à la population française, c'est comme si nous, on avait mis plus de 8 000 morts. Vous vous rendez compte ? C'est comme si aujourd'hui encore, on avait plus de 700 occases. Et je ne comprends pas qu'on veuille la paix. Bien sûr, je voudrais que ça cesse, moi aussi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Bruno RETAILLEAU…
BRUNO RETAILLEAU
Mais les otages ; qui parlent des otages ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord. Mais là, je voudrais parler de ce qui s'est passé hier soir.
BRUNO RETAILLEAU
Mais parlons-en.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous demandez une sanction contre la direction du Paris Saint-Germain ?
BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, je vais... D'abord, quand on inflige une sanction, il y a le principe du contradictoire. Donc d'abord, je veux les entendre.
Je veux qu'ils viennent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez entendre le président du Paris Saint-Germain ?
BRUNO RETAILLEAU
Je veux qu'ils s'expliquent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez entendre le président du Paris Saint-Germain ?
BRUNO RETAILLEAU
Le club, pour l'instant, il n'y a pas de rendez-vous de fixé. J'ai, ce matin, d'ailleurs, fait un tweet. J'ai eu le préfet de police pour qu'il me rende compte de ce qui s'était passé. Nous avons convenu d'un certain nombre de choses. Mais je demande des comptes, solennellement. Je m'exprime devant vous ce matin. Mais au-delà de vous, à eux, je leur demande des comptes. Ensuite, où ils sont capables d'interdire ce genre de choses sinon, il y aura une interdiction, évidemment, des banderoles, comme vous l'avez dit. Et s'il faut, il y aura des sanctions. Moi, j'en ai marre. Est-ce que vous savez, Jean-Jacques BOURDIN, ce que nous coûtent, à la collectivité, les services d'ordre tous les dimanches ? C'est l'équivalent de 30% de mon service d'ordre que je mobilise, justement, pour la sécurité autour des enjeux footballistiques. Le sport, ce n'est pas de la politique. On doit préserver, justement, l'unité, le message d'unité, à travers, si j'ose dire, tout ce qui peut nous différencier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que le président d'un club est responsable ?
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr. Mais il y a le principe de responsabilité. Donc, je veux en savoir plus, savoir comment cette bâche est arrivée, comment elle a pu être déployée, comment des messages avaient effectivement... Pour l'instant, je n'y étais pas. Il faut voir, vous avez parlé de la représentation d'une carte où on supprimait Israël, et y compris d'un dirigeant du Hamas. Je voudrais dire à vos auditeurs, rappelez que le Hamas a éliminé les opposants palestiniens dans les années 2000. Je voudrais dire qu'ils ont tué des opposants politiques, qu'ils ont défenestré des homosexuels pour leur homosexualité. Donc, je veux rappeler à une certaine gauche, extrême-gauche, qui est alignée en réalité avec le message du Hamas, la noirceur de ce mouvement terroriste. Ce ne sont pas des résistants, ce sont des terroristes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, justement, cette extrême gauche, vous parlez de LFI ?
BRUNO RETAILLEAU
Les Insoumis, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous parlez des Insoumis. Est-ce que les Insoumis doivent être interdits ? Non, on ne va pas jusque-là. Non, parce que j'ai entendu des responsables politiques. J'ai entendu " Jean-Luc MELENCHON devrait être fiché S. "
BRUNO RETAILLEAU
Non, mais attendez. Vous me connaissez. J'ai des convictions et je n'ai pas peur de les afficher. Et moi, à chaque fois qu'un élu, un non-élu dérape, je saisis la justice. À chaque fois. Ce n'est pas à moi d'interdire, vous vous rendez compte, un mouvement politique. Non. En revanche, il y a un débat politique. Il faut mettre les choses sur la table et il faut nommer les choses. Il faut les nommer. C'est la raison pour laquelle je veux rappeler à tous ceux qui ont une forme de complicité qu'est-ce que c'est que le Hamas. Qu'est-ce que le Hamas a fait, pas seulement vis-à-vis des Israéliens, mais vis-à-vis des Palestiniens, vis-à-vis du Fatah, qui était un autre mouvement opposé du Hamas. Le Hamas ne soutient pas la cause palestinienne ; il l'a islamisé. Il l'a défigurée en l'islamisant d'ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno RETAILLEAU, Donald TRUMP, élu aux États-Unis. Faut-il, maintenant, une Europe plus unie, plus forte, plus souveraine, comme le souhaite Emmanuel MACRON, Olaf SCHOLZ et même Marine Le PEN ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr qu'il faut une France souveraine et il faut une Europe plus forte, évidemment. Puisqu'on sait très bien que Donald TRUMP, c'est " America first ", l'Amérique d'abord. Mais vous savez, si ça avait été madame Kamala HARRIS, ça serait pareil. Ils sont nigauds, ceux qui, en France ou en Europe, pensent que les États-Unis sont un continent philanthropique qui veulent aider l'Europe. C'est d'abord les Américains et justement l'Amérique, les États-Unis. Par conséquent, on doit se renforcer. Cette question de la souveraineté est importante. Mais force est de constater que la victoire de TRUMP a surpris tout l'establishment, les instituts de sondage, mais c'est une victoire populaire et il faut la méditer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut la méditer. L'Allemagne annonce son intention de réinstaurer le service national. Est-ce que la France devrait réfléchir à réinstaurer un service national ?
BRUNO RETAILLEAU
On peut y réfléchir, mais ça coûte très, très cher. Il y a d'autres façons de le faire. On a le SNU qui est en déshérence en réalité. Ça a été un échec qui a eu une première…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut le relancer ou pas ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, je pense que si on veut être efficace, on doit réfléchir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réfléchir à quoi ?
BRUNO RETAILLEAU
On a, aujourd'hui, une jeunesse à la dérive, Jean-Jacques BOURDIN. On va en parler avec le narcotrafic. Vous savez qu'on a un constat qui est effroyable, un effroyable rajeunissement. Ceux qui tuent sont de plus en plus jeunes et ceux qui sont tués sont de plus en plus jeunes. Je pense que face à cette jeunesse en dérive, moi, je serais pour une solution éducative militarisée. Vous vous souvenez des EPI d'ailleurs ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ?
BRUNO RETAILLEAU
Dans des établissements qui auraient une discipline militaire, qui prendraient ces jeunes pour les encadrer strictement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce serait obligatoire ou ce serait uniquement destiné à des jeunes qui ont commis un délit ou qui ont commis un crime ?
BRUNO RETAILLEAU
En rupture de ban. Parce que ne mélangeons pas tout. Moi, quand j'entends que c'est la société qui devient ultra-violente. Non, non, non ! Ce n'est pas toute la société, c'est des individus. Eh bien, si on veut être efficace, on n'a plus d'argent en plus. On ne peut pas s'éparpiller. On doit cibler, concentrer nos efforts. Alors ciblons-les sur des solutions où on prend ces jeunes qui, dès l'âge de 10 ans, 11 ans, 12 ans, sont en rupture de ban, commettent des délits.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est quoi en rupture de ban ?
BRUNO RETAILLEAU
Par exemple, sur la drogue, on en parlera tout à l'heure.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
BRUNO RETAILLEAU
Sur la drogue, quand il y a des délits. Vous vous rendez compte que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dès le premier délit, placement dans un centre militarisé.
BRUNO RETAILLEAU
Un délit suffisamment grave, effectivement. Mais je pense qu'il faut étudier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez le proposer ?
BRUNO RETAILLEAU
J'ai demandé à mon secrétaire d'État qui est Othman NASROU, d'étudier cette question. Bien sûr, parce que dans les solutions, il y a des solutions répressives, policières, judiciaires, on va en parler. Mais fondamentalement, il faut prendre aussi le mal à la racine. Il y a la question éducative de ces familles qui sont déstructurées, de ces familles auxquelles les enfants échappent totalement. Et il y a le problème de l'école. Et ces enfants-là, ces jeunes, on doit essayer de les reciviliser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais Bruno RETAILLEAU, justement, sondage IFOP pour Sud Radio, Fiducial Sud Radio : 49% des Français favorables à la privation pour les familles de mineurs délinquants, multirécidivistes, des aides sociales.
BRUNO RETAILLEAU
J'applaudis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites oui ?
BRUNO RETAILLEAU
J'applaudis, j'applaudis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va être généralisé par la loi ?
BRUNO RETAILLEAU
Non. Il faut… Mais ça, c'est à la Justice... Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des familles qui sont totalement… qui sont de bonne volonté. Elles sont débordées. Mais il y a des familles qui ne remplissent pas leurs devoirs, notamment pour l'assiduité à l'école. Quand on donne des allocations, ce n'est pas un dû. C'est un droit, mais qui exige des devoirs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc sanction.
BRUNO RETAILLEAU
Et quand ces devoirs ont si soustrait, il peut y avoir des sanctions, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui va les infliger, ces sanctions ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est la Justice, bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la Justice. C'est la loi, donc.
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça doit être contenu dans la loi.
BRUNO RETAILLEAU
Je vous rappelle qu'on l'avait votée, cette loi. Elle a été détricotée par François HOLLANDE. On l'avait revotée. On l'avait revotée au Sénat. Vous savez qu'on l'avait revotée au Sénat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et alors maintenant ? La suite ?
BRUNO RETAILLEAU
Et elle a été supprimée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et la suite ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, je suis favorable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il va y avoir une nouvelle loi ?
BRUNO RETAILLEAU
Ça n'est pas dans mon champ de compétences, si j'ose dire. Mais je serais favorable à ce que ce type de disposition législative soit revotée. Oui, mille fois oui, Jean-Jacques BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. L'Australie va interdire les réseaux sociaux aux jeunes de moins de 16 ans. Vous êtes favorable ou pas ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, je suis favorable…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La dépêche est tombée ce matin.
BRUNO RETAILLEAU
Je ne le connais pas, donc je ne peux pas avoir des avis péremptoires sur tout. Simplement, la question des écrans ; c'est que moi, je suis stupéfait. Là aussi, il y a un problème de parentalité. Quand je vois des familles qui laissent des enfants de 3 ans, 4 ans, 5 ans, 6 ans, très jeunes, dans leur chambre, avec un accès libre à Internet ; je me dis « ce n'est pas possible », évidemment parce que ces écrans sont en train de faire un mal fou. Quand je vois sur les jeux vidéo - d'ailleurs, parlons-en un petit peu - qui sont hyper violents, où vous, plus vous tuez de gens et plus vous avez de points. Ça encourage une violence et ça nous questionne, non ? Moi, je ne suis pas contre la liberté de création. Mais cette violence qui s'infuse partout, c'est ce que je dis aux créateurs ; c'est qu'au bout du compte ça produit justement une violence non plus virtuelle mais réelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bruno RETAILLEAU, il y a eu rixe entre bandes rivales, opposant plusieurs centaines de personnes, c'est ce que vous avez dit vendredi dernier à Poitiers, après la mort d'un jeune de 15 ans. En fait, la réalité c'est qu'il y a eu une échauffourée de quelques dizaines de personnes. La maire de Poitiers vous demande de rétablir la vérité. Alors est-ce que vous rétablissez la vérité, ce matin, sur Sud Radio ?
BRUNO RETAILLEAU
Je veux rappeler qu'à Poitiers, un jeune de 15 ans est mort. Derrière ce meurtre, comme le meurtre du jeune Nicolas - on pourra y revenir - il y a la main de la mafia de Marseille.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Là, vous confirmez que pour la mort de Nicolas…
BRUNO RETAILLEAU
Vous aimez les scoops, Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est un scoop… Pour la mort de Nicolas, il y a la main de la mafia de Marseille.
BRUNO RETAILLEAU
De la DZ Mafia. Et je vous confirme aussi que derrière le meurtre du jeune, à Poitiers, de 15 ans, il y a aussi derrière un autre clan marseillais. Vous voyez qu'il y a une forme d'exportation un peu comme une entreprise qui, depuis un socle, depuis un territoire totalement gangréné, est en train d'exporter et de conquérir et d'installer des succursales partout sur des villes moyennes. Maintenant, je veux m'adresser à madame la maire de Poitiers. Moi, mon combat, ce n'est pas un combat de statistiques. Quand j'ai eu les rapports, d'ailleurs, j'ai eu deux rapports, un premier rapport très tôt le matin et qui était sans doute un rapport avec un certain nombre de chiffres, mais qui n'était pas précis, et il y a eu un autre rapport en fin de matinée avec les pompiers. Les pompiers, qu'est-ce qu'ils constatent ? Qu'il y avait entre 400 et 500 personnes et qu'une partie, justement, s'était affrontée à tel point que ça avait gêné les secours. Le problème, ce n'est pas la statistique. Mon combat, moi, c'est contre la pieuvre du narcotrafic et je laisse madame la maire de Poitiers à ses propres combats. Simplement, ce que je lui dis, c'est que le mal est si profond que tout le monde doit se mettre en ligne contre ce mal. Je l'interroge. Combien de policiers municipaux sont-ils armés à Poitiers ? Combien de caméras de surveillance ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Bruno RETAILLEAU, parlons de ce narcotrafic, de cette lutte contre ce narcotrafic. Demain, vous êtes à Marseille avec le garde des Sceaux, Didier MIGAUD. Premier déplacement commun, d'ailleurs, ça a une signification, c'est évident. Bruno RETAILLEAU, vous allez…
BRUNO RETAILLEAU
On appartient au même Gouvernement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, du même Gouvernement, mais maintenant, vous êtes sur la même ligne. Si je comprends bien, ce n'a pas toujours été le cas.
BRUNO RETAILLEAU
Vous comprenez bien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Disons clairement les choses. Bruno RETAILLEAU, frapper vite, c'est l'objectif riposte républicaine, d'est l'objectif riposte commune ; donc, est-ce que vous allez créer un parquet national anti-narcotrafic ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, vous savez, j'y suis favorable depuis le débarquement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, oui ? Oui ou non ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est un sujet qui est un sujet du garde des Sceaux, bien sûr. J'en ai souvent parlé avec le garde des Sceaux. Et nous avons, cet après-midi, une réunion avec le Premier ministre sur ce sujet-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous allez créer un parquet national.
BRUNO RETAILLEAU
Je pense, il y aura une préfiguration très vite. Et ensuite, la loi viendra légaliser, si j'ose dire, inscrire dans notre droit la création d'un parquet national qui sera dédiée à la lutte anti-crime organisée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comme il existe un parquet antiterroriste.
BRUNO RETAILLEAU
C'est mon souhait le plus cher. Je pense, si vous voulez que... Vous avez parlé de terrorisme, et depuis le départ. Qu'est-ce que je dis ? C'est que le narcotrafic, il faut bien voir que ce n'est pas seulement de la sauvagerie, c'est une menace à nos intérêts fondamentaux. Avec la corruption, c'est une menace contre la démocratie française. Donc, il faut qu'on en fasse une cause nationale. J'en ai parlé et au Président de la République et au Premier ministre, qui sont totalement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Causes nationales.
BRUNO RETAILLEAU
C'est une grande cause, comme le terrorisme.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce sera une grande cause nationale ?
BRUNO RETAILLEAU
Comme le terrorisme, c'est pour ça que je veux, si vous voulez, qu'en miroir ce que nous avons fait pour le terrorisme, on le fasse maintenant pour le crime organisé, ça veut dire une chaîne judiciaire spécialisée, ça veut dire des techniques d'enquête spécialisées, d'investigation, notamment de renseignement, ça veut dire des lois nouvelles avec un certain nombre de dispositions qui seront des dispositions dérogatoires par rapport aux droits actuels, mais si on ne se réarme pas, c'est fichu. Et j'avertis les Français solennellement, le mal est profond et il menace nos institutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors la lutte contre la corruption, c'est aussi l'un des éléments importants, évidemment, vous avez dit : « Les trafiquants parviennent à corrompre, y compris jusque dans l'administration de l'État ». Vous pensez à qui ? À quelle administration ?
BRUNO RETAILLEAU
Jean-Jacques BOURDIN…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Soyons précis et clairs.
BRUNO RETAILLEAU
J'aime votre précision et j'espère que vous appréciez le caractère direct et franc de mes propos. Simplement, sur ce genre de questions, il y a des choses que je peux dire, des choses que je ne peux pas dire. Alors, je vais vous donner un exemple, qui est un exemple stupéfiant, parce qu'il concerne un des services en charge du renseignement, qui est la DGSI. Parce que la DGSI est un service très professionnel, elle a détecté en son sein, il y a quelque temps, un policier, c'est l'affaire Horus, qui vendait sur le Darknet, en crypto-monnaie, des informations ultraconfidentielles à la mafia marseillaise. Ce policier a été découvert. Il était jugé le 17 octobre dernier. Et je pense que les informations qu'il a pu donner ont pu avoir des conséquences très graves.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire que, Bruno RETAILLEAU, il y a dans l'administration aujourd'hui publique des fonctionnaires qui renseignent les mafias, et notamment la mafia marseillaise dont vous parlez ?
BRUNO RETAILLEAU
Jean-Jacques BOURDIN, je vous dis que le secteur public comme le secteur privé ne sont pas épargnés et que nous aurons dans le texte que nous allons présenter avec mon collègue, Didier MIGAUD, un certain nombre de mesures dédiées à la lutte contre la corruption.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, quelles mesures ?
BRUNO RETAILLEAU
Je ne peux pas vous le dire maintenant. Je veux faire une conférence de presse avec Didier MIGAUD. Demain, nous irons ensemble à Marseille et ce texte-là, c'est ensemble... D'ailleurs ce texte, très franchement, j'espère, puisque la conférence des présidents du Sénat hier l'a inscrit le 27 janvier. C'est un texte qui sera enrichi, bien entendu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 27 janvier ?
BRUNO RETAILLEAU
Le 27 janvier prochain, c'est le texte qui avait donné lieu à la reprise des conclusions d'une commission d'enquête sur le narcotrafic au Sénat que j'avais moi-même initiée lorsque j'étais président du groupe LR et cette Commission d'enquête…
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai reçu l'un des rapporteurs, il y a deux jours, Monsieur DURAIN.
BRUNO RETAILLEAU
Jérôme DURAIN était le président et le rapporteur était LR et je pense que là-dessus, quand je dis cause nationale…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Monsieur BLANC, le rapporteur.
BRUNO RETAILLEAU
Étienne BLANC, exactement et cause nationale, unité nationale. Et là-dessus, je suis sûr qu'on va réussir à faire l'union sacrée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai deux questions, beaucoup de questions, mais le temps presse. Les consommateurs, j'ai entendu Jean-Philippe TANGUY du RN dire : " Il faut tous les mettre en prison ". Bon, ce n'est pas la solution, c'est impossible, il y a cinq millions de consommateurs de... Bon, alors comment faire pour les concerner plus, pour les sanctionner plus ? Est-ce qu'il faut les sanctionner ?
BRUNO RETAILLEAU
Il faut les responsabiliser, il faut… C'est un changement de culture où pour le moment, on a toujours considéré que finalement, il y avait des arrangements, des accommodements, et que fumer un joint, sniffer de la coke, il y avait quelque chose de récréatif. Il faut les responsabiliser. Pour leur dire que sniffer de la coke ou fumer un joint, c'est deux balles dans la tête d'un enfant de cinq ans, que c'est ce jeune qui a été lardé à Marseille de cinquante coups de couteau, il a été brûlé vif. Je veux que les consommateurs le sachent. Nous allons faire pour la première fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
150 euros aujourd'hui.
BRUNO RETAILLEAU
Je vais y revenir. Pour la première fois, nous allons faire une campagne choc, avec des images choc, pour responsabiliser. Et puis, il y a les amendes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand la campagne ?
BRUNO RETAILLEAU
J'ai demandé à mes services d'y travailler, c'est important, je veux que ça soit bien fait, mais je veux que ce soit des images choc. Je ne veux pas qu'on passe de l'eau tiède, exactement comme on a pu le faire avec des résultats sur la délinquance routière. Ce que je veux aussi, c'est que les agences forfaitaires délictuelles, inscrites - écoutez-moi bien - inscrites au casier judiciaire, frappent le plus souvent possible les consommateurs. Car quand c'est inscrit…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire, je consomme un produit stupéfiant…
BRUNO RETAILLEAU
Vous êtes pris…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je suis pris…
BRUNO RETAILLEAU
Vous avez une amende forfaitaire délictuelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez l'augmenter, l'augmenter, l'amende ?
BRUNO RETAILLEAU
Alors, on peut l'augmenter, elle peut être déjà… Alors, elle est autour de 200…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle est à 150 euros aujourd'hui.
BRUNO RETAILLEAU
Non, un peu plus et ça peut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
150, 400, tout dépend, oui.
BRUNO RETAILLEAU
Ça peut être doublé en quatre, etc. Bon, on peut revoir l'échelle, mais ce qui est important aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'inscription ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est l'inscription au casier judiciaire, c'est déjà le cas, mais ça n'est pas connu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce sera systématique ?
BRUNO RETAILLEAU
Systématiquement, bien sûr, il faut que ce soit systématique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc inscription au casier judiciaire systématique si on est pris en train de consommer de la drogue ?
BRUNO RETAILLEAU
Oui, oui, si on a une amende, décidément, forfaitaire délictuelle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'armée dans certains quartiers, vous avez entendu aussi, c'est… Vous y croyez à ça ?
BRUNO RETAILLEAU
Je suis officier de réserve, j'étais officier quand j'ai fait mon service militaire et parlez-en aux militaires, c'est la dernière chose qu'ils souhaitent, parce qu'eux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes composé, vous êtes opposé à ça ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr, je pense que ça n'est pas la solution. En revanche, ce qui est la solution, c'est que… Hier, j'avais le préfet de police de Marseille. Il m'a dit deux choses. Parce qu'on reçoit des coups, mais on porte des coups. Lundi, on a intercepté dans un véhicule des aides mafias 1,2 million…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Euros ?
BRUNO RETAILLEAU
Euros, là encore, c'est exactement, c'est un coût. Il a fait son travail, il a mobilisé les services de l'État, et on a découvert dans une fratrie impliquée dans le narcotrafic que cette fratrie touchait en aides sociales 9 000 euros. Vous vous rendez compte ? Vous êtes assis, il y en a une partie en prison, ils touchent 9 000 euros à plusieurs d'aides sociales. Donc, ce que je veux, moi, c'est mobiliser tous les services de la l'État, c'est-à-dire le fisc, la douane, bien sûr, la police, la justice pour que dans un certain nombre de zones, de quartiers, on puisse faire des enquêtes approfondies. Et qu'on détruise aussi l'écosystème. Qu'aujourd'hui, pratiquement… Ce que je veux, moi, demain, par exemple, pour être très clair, c'est qu'un jeune qui fait du deal, on puisse l'interdire de ce territoire. Qu'un commerçant véreux, on puisse fermer son commerce. Qu'un voyou qui roule avec une grosse cylindrée, on lui demande de justifier l'origine des fonds qui lui ont permis d'acheter la grosse voiture. C'est ça que je souhaite avoir. Je veux frapper les narcotrafiquants, les narco-dealers, et surtout les narco-racailles aux porte-monnaie.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, j'ai trois questions, je termine. Première question à propos du terrorisme : est-ce qu'aujourd'hui, des actes terroristes sont déjoués tous les jours ?
BRUNO RETAILLEAU
Je ne peux pas vous dire tous les jours, mais croyez-moi, et je veux le dire aux Français, avec un grand coup de chapeau à nos services. On a, comme ministre de l'Intérieur des notes qui sont secrètes, qui sont confidentielles. Je peux vous dire que très régulièrement, on déjoue des attentats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a toujours la menace terroriste sur le pays ?
BRUNO RETAILLEAU
La menace terroriste, je peux vous dire, elle est là. On en a déjoué, par exemple, trois qui visaient spécifiquement les Jeux olympiques. C'est une petite dizaine qu'on a déjouée depuis le début de l'année et encore une fois, j'ai été d'ailleurs salué il y a quelques jours, quelques semaines, je ne dirais pas l'endroit, des enquêteurs de la DGSI qui avaient fait un excellent boulot. Il s'agissait donc d'un individu qui était très menaçant et qui était sur le point de passer à l'acte. Il y a quelque temps, très récemment, on a eu une autre affaire. Croyez-moi, la menace est là. Mais je ne peux pas dire que demain, il n'y aura pas d'attentat. Mais ce que, je vous disais tout à l'heure, c'est qu'il y a dix ans, il y a quinze ans, quand il y a eu Mohamed MERAH en 2012, et puis Charlie Hebdo, etc., le Bataclan en 2015, la France a été pris au dépourvu et on s'est réarmé. On a été capable d'un sursaut. Moi, ce que je demande, c'est que le sursaut dont on a été capable pour le terrorisme, on en soit désormais capable sur le narcotrafic, sur la criminalité organisée.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une autre question. L'immigration, votre projet de loi, immigration en janvier ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, plus tard, parce qu'on va privilégier le narcotrafic. C'est vraiment une urgence et puis on a l'opportunité, avec le texte de loi au Sénat, il faudra deux textes sur l'immigration. Il faudra un premier texte pour mettre en oeuvre le paquet européen immigration Asie, qui nous permettra de mieux contrôler les frontières extérieures. Il faudra aussi, j'ai été très heureux de pouvoir convaincre aussi facilement, d'ailleurs parce qu'il y a une très grande convergence de tous les ministres de l'intérieur, la directive Retour, qui est mal nommée parce qu'elle nous empêche les retours, pour mieux garder nos frontières intérieures. Et enfin, il faudra une loi de transposition et enfin une loi qui portera, par exemple, le rétablissement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pas avant le printemps ?
BRUNO RETAILLEAU
Au printemps, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au printemps. Dernière question : est-ce que vous allez dénoncer l'accord entre la France et l'Algérie, signé le 27 décembre 1968 ?
BRUNO RETAILLEAU
Il est sur la table. Il est sur la table.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable ? Vous voulez le dénoncer ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, j'y suis favorable, mais ce que je souhaite, c'est qu'avec des pays récalcitrants... Moi, mon problème, c'est à la fois de faire qu'il y ait moins de flux d'entrées. Je veux réduire l'immigration. Je pense que les Français de droite et de gauche veulent la même chose. On voit bien que le désordre migratoire, aujourd'hui, plus personne n'en veut, si ce n'est quelques idéologues, mais très franchement, je veux réduire les entrées, mais je veux expulser plus. Pour expulser plus, il me faut des laissez-passer consulaires. Et les pays récalcitrants... Il y a des pays avec le Maroc, par exemple. J'y suis allé. Les choses vont bien parce qu'on a rétabli une concorde. Et les choses vont s'améliorer très vite. Je le souhaite et je l'espère. Et j'en suis sûr. Mais par exemple, avec Algérie, je ne souhaite pas, si j'ose dire, avoir des moyens de rétorsion tout de suite, mais si jamais l'Algérie était réticente pour qu'elle puisse réadmettre ses ressortissants…
JEAN-JACQUES BOURDIN
La France dénoncera cet accord.
BRUNO RETAILLEAU
Il y a plusieurs. Il y a les visas. Il y a un système de préférence commercial droit de douane au niveau européen. Il y a un système aussi vis-à-vis du développement. On peut mettre les choses sur la table. Et moi, je pense que dans ce dialogue-là, il faut avoir ce qu'on appelle des leviers pour les réadmissions de ressortissants algériens et tout doit être sur la table. Tout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est sur la table, bien, merci, Bruno RETAILLEAU, d'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio. J'ai un peu débordé, mais Patrick ROGER ne m'en voudra pas. L'actualité est extrêmement riche. Merci beaucoup. Merci d'être là. Il est 9h01, les infos.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 novembre 2024