Interview de Mme Françoise Gatel, ministre déléguée, chargée de la ruralité, du commerce et de l'artisanat, à France Info le 14 novembre 2024, sur la baisse du budget pour les collectivités locales prévue en 2025, la contestation des agriculteurs, l'accord avec le Mercosur et le procès contre le Rassemblement national.

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Média : France Info

Texte intégral

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
L'interview politique de la matinale, c'est parti.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Françoise GATEL.

FRANÇOISE GATEL
Bonjour.

ALIX BOUILHAGUET
Merci d'être avec nous ce matin. Je parlais à l'instant des colères qui montent, il y a une fronde, celle des collectivités locales. Elles s'opposent au coup de rabot de cinq milliards prévus dans le budget 2025, vous dites : " Elles n'y couperont pas, elles aussi elles doivent faire comme tout le monde des efforts " ?

FRANÇOISE GATEL
Nous sommes dans un pays qui n'a pas connu de budget équilibré depuis quarante ans, avec une dette qui est le deuxième poste de dépense après l'Éducation nationale. La volonté du Gouvernement, c'est de redresser ce dérapage pour pouvoir garantir un avenir et retrouver de la prospérité, donc c'est un effort collectif de responsabilité.

ALIX BOUILHAGUET
Cinq milliards, ce n'est pas trop pour ces collectivités locales ?

FRANÇOISE GATEL
En tout cas, les collectivités trouvent que c'est beaucoup. On a connu une autre période, c'était en 2014, où le Gouvernement à l'époque avait décidé de baisser les dotations de 40%, c'est toujours très difficile, parce que les collectivités ne sont pas dépensières.

ALIX BOUILHAGUET
C'est ce qu'elles disent, elles disent qu'elles ont déjà eu des transferts de charges, qu'elles sont déjà à l'os. François SAUVADET, le patron de l'association des départements, affirme que 80% des départements seront en faillite si c'est adopté. Est-ce que c'est vrai ?

FRANÇOISE GATEL
Alors, les départements doivent regarder de manière particulière. Vous savez bien que Michel BARNIER a dit et le fait que le Gouvernement a préparé une copie dans des délais record, qu'aujourd'hui l'Assemblée a examiné le budget, c'est le Sénat, et que des propositions peuvent être faites, dès lors qu'on atteint le bas de page. Les départements ont des dépenses obligatoires fixées par l'État, c'est le cas des AIS, des dépenses sociales. Donc, aujourd'hui, on regarde les choses, on va dire qu'on n'a pas atteint l'objectif final. Il y a deux congrès.

ALIX BOUILHAGUET
Ça veut dire quoi ce que vous dites, " on n'a pas atteint l'objectif final " ? Vous dites cinq milliards, c'est trop ?

FRANÇOISE GATEL
Non, je dis que cinq milliards, c'est un effort considérable, personne ne le nie.

ALIX BOUILHAGUET
Mais il faut tenir, il faut que le Gouvernement tienne sur ce chiffre ?

FRANÇOISE GATEL
On a un objectif de responsabilité. Si ça n'est pas cinq milliards pour les collectivités, il faut retravailler la copie de manière générale. Mais le Gouvernement dit, et c'est normal, on est en République, le Gouvernement présente un budget, l'Assemblée le regarde, le Sénat le regarde. Donc, quand je dis que ça n'est pas terminé, c'est exact, puisque c'est la démocratie qui le veut.

ALIX BOUILHAGUET
Donc vous pensez que cette coupe de cinq milliards d'euros pour les collectivités locales pourrait évoluer au fur et à mesure des discussions qui vont reprendre au Sénat sur le budget de 2025. Donc, à l'arrivée, ce ne sera peut-être pas cinq milliards.

FRANÇOISE GATEL
Alors c'est comme chaque année, il y a des discussions, des différences de proposition entre l'Assemblée et le Sénat. Chacun a compris que l'exercice est un exercice de responsabilité difficile et qu'on ne peut pas être dans l'ultra fantaisie de dépenses supplémentaires, donc il faut être responsable. Et après, il faut trouver une ligne qui soit une ligne faisable, acceptable, sachant que tout le monde doit participer.

ALIX BOUILHAGUET
Elles, elles disent qu'elles sont vertueuses, qu'elles n'ont pas le droit au déficit, que leurs budgets sont votés en équilibre et en clair, l'Association des maires de France dit à l'État : " Écoutez, commencez d'abord par faire le ménage chez vous ".

FRANÇOISE GATEL
Alors, moi, j'ai été maire pendant 17 ans, vice-présidente de l'AMF, et vous ne m'entendrez jamais dire que les collectivités sont un ajustement dépensier. Les collectivités, les communes, les départements, les régions, ont l'obligation de voter un budget en équilibre, c'est-à-dire que vous ne pouvez pas emprunter pour payer les fonctionnaires ou pour payer les dépenses d'électricité. Ça n'est pas tout à fait le cas pour l'État et que moi, je suis toujours un peu nuancée. Alors, je comprends, il y a des congrès qui arrivent, donc chacun porte avec raison et pertinence son propos, mais sincèrement, je pense qu'on doit pouvoir avancer, travailler un peu hautement et on doit accepter une période un peu difficile parce qu'on n'a pas le choix.

ALIX BOUILHAGUET
Mais vous dites que la coupe de cinq milliards, elle n'est pas inscrite dans le marbre. Elle peut évoluer, elle peut descendre. Il peut y avoir moins de coupes que prévu ?

FRANÇOISE GATEL
Ah, mais moi, je ne suis plus sénatrice, donc je ne sais pas ce que le Sénat va faire.

ALIX BOUILHAGUET
Mais vous, vous le souhaitez ?

FRANÇOISE GATEL
Moi, je dis qu'on a un budget à redresser parce que c'est une affaire sérieuse, parce que sinon, c'est une crise financière et quand on a une crise financière, la question, ça n'est plus de rajouter des moyens, c'est comment on fait pour payer les retraites, payer les salaires. Je pense qu'il y a des gens responsables. Michel BARNIER et tout le Gouvernement, du coup, dis, alors, si on fait bouger un tel chiffre, ça veut dire qu'il faut retrouver l'objectif du budget. Donc, je pense que la discussion, c'est une discussion comme chaque année, dans un contexte un peu plus difficile, où les collectivités se font entendre.

ALIX BOUILHAGUET
Vous êtes aussi ministre de la ruralité. Lundi, les agriculteurs se mobilisent à nouveau. La FNSEA prévoit des actions jusqu'à la mi-décembre. Est-ce que vous redoutez un nouveau blocage des autoroutes ? Un nouveau blocage d'oranges ? Des violences éventuelles ?

FRANÇOISE GATEL
Alors, moi, j'entends ce qu'on peut appeler  collectivités locales. Parce qu'en plus, il y a des agricultures. Quand vous faites de la culture, quand vous faites de l'élevage, ou quand vous êtes viticulteur, ce sont des métiers avec des contraintes différentes. Moi, j'entends ces difficultés des agriculteurs qui parfois ont du mal à vivre de leur travail, qui est un travail très lourd et harassant, et qui font parfois l'objet, on va dire, d'insultes, d'injures, ou de manques de considération. Ensuite, que les professions expriment leur attente, leur désaccord, c'est la démocratie. La violence n'est jamais, je pense, tolérable, ça n'est jamais une solution.

ALIX BOUILHAGUET
Mais comprenez, quand on regarde ce qui se passe, on se dit : " Mais on a déjà vécu ça, il y a moins d'un an. On revit le même film, cette colère des agriculteurs qui parlent toujours de simplification, de difficultés de trésorerie, de peur du traité MERCOSUR ". Gabriel ATTAL était censé avoir donné des réponses l'année dernière. Ça veut dire que les réponses n'étaient pas bonnes ou qu'elles n'ont pas été appliquées ?

FRANÇOISE GATEL
Parfois, les réponses sont un peu longues. Ensuite, vous avez vu des épisodes climatiques cet été qui ont pu aggraver les choses à cause de l'importance de la récolte. Là, il y a des réponses qui sont apportées, en tout cas sur le contrôle unique qui était très attendu par les agriculteurs, sur un accompagnement, sur l'acquisition de vaccins face à des épidémies, sur le MERCOSUR. La position de la France est très claire.

ALIX BOUILHAGUET
Michel BARNIER est très clair. Effectivement, il dit qu'il ne signera pas l'accord. Mais est-ce que la Commission peut imposer l'entrée en vigueur du MERCOSUR à la France ? Oui, au prix d'une crise politique, mais c'est possible.

FRANÇOISE GATEL
Oui. ET en même temps, ça fait plus de dix ans qu'on discute du MERCOSUR. Ça veut bien dire que quand vous avez des discussions, aussi longues, c'est qu'il y a un problème.

ALIX BOUILHAGUET
Mais nous, qu'est-ce qu'on veut en dire de plus ? À quel prix on signerait cet accord MERCOSUR ?

FRANÇOISE GATEL
Non, mais on ne peut pas, aujourd'hui, accepter le MERCOSUR en l'état, puisqu'on a des conditions de production, notamment pour l'élevage, qui sont des conditions de production, de concurrence discordante. Et donc la France ne peut pas accepter, mais il n'y a pas que la France en Europe qui le dit, la France ne peut pas accepter que, par un accord, son élevage, qui est un vrai fleuron, soit battu en brèche par une concurrence qui est, entre guillemets, " déloyale " en quelque sorte.

ALIX BOUILHAGUET
Donc vous dites aux agriculteurs, cet accord ne sera pas signé, et ne sera pas validé, ne sera pas activé, c'est la semaine prochaine que ça se passe ?

FRANÇOISE GATEL
Michel BARNIER a redit très clairement, la position de la France est très claire, et que je pense que sa voix en Europe porte, parce qu'il a un grand crédit en Europe, et qu'il n'est pas le seul.

ALIX BOUILHAGUET
Mais qu'est-ce qu'on peut mettre dans la balance ? Parce qu'encore une fois, la Commission peut passer outre.

FRANÇOISE GATEL
La Commission, elle peut écouter aussi. Je veux dire, c'est quand même une affaire sérieuse, si la Commission valide un accord qui est quand même en discussion depuis plus de dix ans, ça veut quand même dire qu'il y a beaucoup de réserve, et qu'aujourd'hui l'Europe, elle doit, dans ce sujet comme dans d'autres, s'affirmer. Que l'Europe signe des accords commerciaux internationaux, tant mieux, parce que c'est aussi nécessaire pour nos produits, mais on ne peut plus accepter dans notre pays qu'il y ait des conditions de production très différentes. Les normes doivent être les mêmes.

ALIX BOUILHAGUET
Un dernier mot, qui est moins dans votre portefeuille, mais je voudrais quand même avoir vos sentiments, sur le réquisitoire contre Marine Le PEN dans les emplois fictifs du Parlement européen, cinq ans de prison, dont deux ans ferme, dont cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate. Gérald DARMANIN trouve choquante la possible inéligibilité de Marine Le PEN. Vous aussi, ça vous choque ?

FRANÇOISE GATEL
Moi, je ne fuis pas à votre question. J'ai bien entendu les réquisitoires, on va voir les décisions, et que c'est une affaire qui est en cours d'instruction. Il y a une règle démocratique très forte, c'est que la justice est totalement indépendante, et un membre de l'exécutif ne va pas commenter ce qui n'est pas encore une décision de justice.

ALIX BOUILHAGUET
Oui, ce sont des réquisitoires, effectivement. Donc, vous gardez le silence sur cette question ?

FRANÇOISE GATEL
Non, mais très sincèrement, je respecte l'indépendance de la justice, et encore une fois, ça n'est pas une décision, c'est un réquisitoire, donc on verra la décision qui sera prise au final.

ALIX BOUILHAGUET
Dix secondes sur le climat qui règne au sein du Bloc central, on n'a pas l'impression d'une grande cohésion, parfois ?

FRANÇOISE GATEL
On peut dire que c'est comme dans les familles, les choses doivent se composer, les choses sont, sans doute un peu… Pas compliquées, mais les gens se découvrent, on est dans un contexte très difficile, donc les choses avancent, et je trouve que Michel BARNIER, il tient cet équipage.

ALIX BOUILHAGUET
Merci beaucoup, Françoise GATEL, bonne journée à vous.

FRANÇOISE GATEL
Merci.

JEAN-BAPTISTE MARTEAU
On se retrouve tout à l'heure évidemment dans votre édito, on parlera bien sûr de ce climat autour de ce match de foot entre France et Israël ce soir au Stade de France.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2024