Interview de Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée, chargée des relations avec le Parlement, à Public Sénat le 14 novembre 2024, sur le projet de loi de finances pour 2025.

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Média : Public Sénat - La Dépêche

Texte intégral

ORIANE MANCINI
Et notre invitée politique ce matin, c'est Nathalie DELATTRE. Bonjour.

NATHALIE DELATTRE
Bonjour Oriane !

ORIANE MANCINI
Merci beaucoup d'être avec nous, ministre des Relations avec le Parlement, vous êtes également la présidente du Parti radical. On va parler évidemment avec vous pendant une bonne vingtaine de minutes. Une interview en partenariat avec la presse régionale représentée par Christelle BERTRAND, du groupe LA DEPECHE. Bonjour Christelle !

CHRISTELLE BERTRAND
Bonjour Oriane ! Bonjour DELATTRE !

NATHALIE DELATTRE
Bonjour !

ORIANE MANCINI
On a évidemment beaucoup d'actualités parlementaires à avoir avec vous. Nathalie DELATTRE. Mais d'abord, l'actualité politique, ce sont ces cinq ans de prison et cinq ans d'inéligibilité applicables immédiatement qui ont été requis contre Marine Le PEN dans le procès des assistants parlementaires européens du Front national. Gérald DARMANIN a réagi. Il a dit : "Il serait profondément choquant que Marine Le PEN soit jugée inéligible. Combattre Marine Le Pen se fait dans les urnes pas ailleurs". Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?

NATHALIE DELATTRE
Ecoutez, moi je trouve profondément choquant de commenter une décision de justice. Donc ce que je ne ferai pas effectivement…

ORIANE MANCINI
Qui n'est pas encore une décision en plus…

NATHALIE DELATTRE
Non, bien sûr, mais c'est la réquisition du parquet qui représente les intérêts de la société. Donc, on est quand même dans le processus judiciaire. Nous verrons quelle sera la décision des juges. De toute manière, c'est un feuilleton qui va continuer. Nous avons ensuite un appel, pourvoi en cassation. Donc on est loin de la décision.

ORIANE MANCINI
Donc ce tweet de Gérald DARMANIN, il vous choque ?

NATHALIE DELATTRE
Oui, parce que je pense qu'à un moment donné, nous ne sommes pas là pour commenter les décisions de justice. Je crois qu'il y a un temps politique, il y a un temps judiciaire et nous verrons ce que donnera ce temps judiciaire. Et quelles seront effectivement les suites données. D'abord par l'intéressée elle-même, par sa famille politique, nous pourrons commenter…

CHRISTELLE BERTRAND
Sans commenter une décision de justice, vous pouvez commenter le paysage politique français, le fait que les électeurs du Rassemblement national puissent ne pas être représentés en 2027, ce n'est pas un problème ? Ça ne creuse pas encore un peu plus le fossé qui est en train de s'établir entre les Français et le monde politique ?

NATHALIE DELATTRE
C'est une fiction. C'est toujours compliqué, mais je pense qu'une famille politique, moi, j'ai une famille politique. Je ne suis pas la seule dans ma famille politique. C'est-à-dire que si je ne serai, je ne suis pas présente à une élection, j'aurai quelqu'un d'autre dans ma famille politique qui pourra l'être. Et je pense que le Rassemblement national ne manque pas de candidature possible. Donc je pense que ce n'est pas la fin d'un parti politique parce que l'un des membres ne peut pas se présenter, il me semble.

ORIANE MANCINI
Mais là que la question que pose Gérald DARMANIN, c'est est-ce que c'est à la justice de trancher qui doit être candidat à une élection ?

NATHALIE DELATTRE
Mais en fait, la justice, elle, n'est pas en train de trancher la candidature à une élection présidentielle de 2027. Elle est en train de prendre une décision par rapport à des faits, par rapport à une loi. Et je pense que la loi s'applique à tout le monde.

CHRISTELLE BERTRAND
On parle du budget ?

NATHALIE DELATTRE
Très bien !

CHRISTELLE BERTRAND
Qui arrive dans sa forme initiale au Sénat. Est-ce que d'un point de vue démocratique, il est normal que le Sénat étudie un texte qui ne prend pas en compte les modifications qui ont été faites à l'Assemblée, qui n'ont pas été validées par le Gouvernement ?

NATHALIE DELATTRE
Ecoutez ! En tout cas, c'est normal constitutionnellement. Oui, tout à fait. Les textes constitutionnels le permettent et en fait, l'Assemblée nationale ne s'est pas organisée pour arriver à la fin de ces 20 jours constitutionnels d'étude à trancher et à voter.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais certains amendements ont été votés à une large majorité. Ils ne seront pas étudiés par le Sénat.

NATHALIE DELATTRE
Et non !

CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce que c'est normal.

NATHALIE DELATTRE
Effectivement, la procédure telle qu'elle se déroule permet de prendre le texte initial du Gouvernement et de l'agrémenter des amendements qui ont reçu un avis favorable du Gouvernement et qui vont être choisis par le Gouvernement. Pourquoi ? Parce que, à un moment donné, le Gouvernement a fait tout pour faire en sorte que le débat ait lieu. La méthode BARNIER, c'est remettre au centre des institutions, le parlementarisme, le bicamérisme, ne plus être dans l'hyper présidentialisation. Donc nous voyons bien que les discussions ont eu lieu. Mais on en arrive à avoir près de 35 millions d'impôts, de taxes, de taxes supplémentaires…

ORIANE MANCINI
Milliards.

NATHALIE DELATTRE
35 milliards, pardon, de taxes supplémentaires, ce qui n'est pas effectivement le comptable que nous avions dessiné, c'est 60 milliards. Mais avec 40 milliards d'économies faites sur, qui seront faites, sur les services de l'État et 20 milliards sur des taxes exceptionnelles. Donc vous voyez qu'on est loin quand même de ce que nous avions dessiné. Et de ce qui est supportable pour les Français. Donc à un moment donné, effectivement, j'ai activé le Gouvernement, active le 47.1 puisque nous sommes arrivés au bout des jours qui sont à voir pour le PLFSS par exemple, qui sont à voir…

ORIANE MANCINI
Budget de la Sécurité sociale.

NATHALIE DELATTRE
Pour le budget de la sécurité sociale pour le transmettre ici au Sénat et pour le PLF. C'est une partie des recettes qui effectivement est rejetée parce qu'elle ne correspond pas à ce que nous pouvons attendre d'un budget responsable pour les Français. Donc, ce qui fait que la procédure nous amène à transmettre au Sénat qui doit avoir un minimum de jours constitutionnellement aussi pour étudier en commission puis étudier en hémicycle. Donc nous sommes dans le respect constitutionnel des jours de consultation et d'étude pour les uns et les autres de ces deux textes budgétaires.

ORIANE MANCINI
Alors, le Sénat, qui est plutôt favorable à la version initiale du Gouvernement, mais pas sur tout, par exemple, le Sénat ne veut pas de la hausse de la taxe sur l'électricité. Est-ce que vous allez soutenir cette position du Sénat ? Le Gouvernement.

NATHALIE DELATTRE
Nous verrons, c'est ce que nous ferons. Ce que nous avons fait à l'Assemblée nationale, c'est de discuter et de prendre, je l'ai bien vu, Laurent SAINT-MARTIN, à certains moments, a émis des avis de sagesse et non pas des avis défavorables pour faire vivre le débat, ce qui est intéressant c'est que nous aurons, à un moment donné, une commission mixte paritaire, ou se retrouveront les députés et les sénateurs pour confronter aussi leurs avis. Je pense que c'est un processus normal.

ORIANE MANCINI
Mais là sur la hausse de la taxe de l'électricité, on n'a pas encore la position du Gouvernement ? Est-ce que là il y aura un avis favorable, il y aura un avis de sagesse ou ce sera défavorable…

NATHALIE DELATTRE
On va voir parce qu'encore une fois ce qui a été indiqué par Michel BARNIER, c'est le quantum que je vous ai rappelé tout à l'heure sur les 60 milliards, 40 milliards et 20 milliards…

ORIANE MANCINI
Là c'est compensé les propositions du Sénat.

NATHALIE DELATTRE
Tout à fait. Nous verrons quel type de compensation. Mais vous savez à l'Assemblée nationale, on nous a proposé de compenser parfois sur les collectivités locales et territoriales. Vous voyez bien que oui ce n'était pas l'objet, en tout cas, du Gouvernement, de ponctionner…

ORIANE MANCINI
Ça ne risque pas d'arriver au Sénat…

NATHALIE DELATTRE
3 milliards de plus aux collectivités locales et territoriales. On peut toujours compenser. Nous allons regarder si les gages sont crédibles et si effectivement ils sont compatibles…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais là en l'occurrence, ce serait compensé par une taxe sur le gaz, c'est acceptable ça ?

NATHALIE DELATTRE
Ecoutez, le gaz est devenu un gros mot. J'inaugure beaucoup de méthaniseurs, de gaz vert, donc à un moment donné, il faut regarder. Il ne faut pénaliser le gaz vert non plus. Donc si nous pouvons dissocier pourquoi pas. Après vous savez très bien que les dissociations sont parfois compliquées.

CHRISTELLE BERTRAND
Alors autre proposition que vous allez devoir, que le Sénat va devoir étudier pardon. C'est une demande, là, qui est plutôt faite par les macronistes qui souhaitent renoncer à l'abaissement des exonérations de charges patronales. Est-ce que vous allez soutenir cette démarche ou pas ? Et quelle est la position du Gouvernement là-dessus ?

NATHALIE DELATTRE
Michel BARNIER a dit qu'il, effectivement, en ferait débouger parce que nous avons un socle commun qui a plusieurs demandes. Vous l'avez vu récemment…

CHRISTELLE BERTRAND
Sur les retraites.

NATHALIE DELATTRE
Nous sommes parvenus à un accord avec une partie du socle commun qui avait cette demande sur les retraites et l'indexation des retraites. Nous sommes en train de travailler à se bouger sur les charges du travail. Donc oui…

CHRISTELLE BERTRAND
Les discussions pourraient aboutir très vite ?

NATHALIE DELATTRE
Nous souhaitons parvenir… Ecoutez, Renaissance et Gabriel ATTAL notamment ont fait des propositions. Le groupe EPR de l'Assemblée nationale a fait des propositions. Nous sommes en train de regarder quelles sont les alternatives qui ne pénalisent pas. Parce que vous savez les dommages collatéraux, c'est… Des fois on peut avoir la bonne idée et puis on ne s'aperçoit pas qu'on a un effet pervers ou un dommage collatéral. Donc on est en train d'évaluer tout ça parce que nous avons eu très peu de temps pour élaborer ce budget. Et c'est vrai que les discussions nous permettent aussi, au fil des jours et des semaines qui passent de pouvoir revoir ce budget, de pouvoir le rééquilibrer, de pouvoir le rendre encore plus juste, puisque ce qui nous importe aussi c'est de pouvoir préserver les plus fragiles.

ORIANE MANCINI
Sur les collectivités, vous en parliez il y a quelques instants, alors ce n'est pas le Sénat qui va le dire, la charge des collectivités.

NATHALIE DELATTRE
Non.

ORIANE MANCINI
Bien au contraire, ils disent 5 milliards d'économies, c'est trop. Dans le contexte actuel, ça va pénaliser l'investissement. Est-ce que vous comprenez la position des sénateurs et est-ce que là-dessus, le Gouvernement est prêt à bouger, à demander moins aux collectivités ?

Nathalie DELATTRE
Je comprends d'autant plus la position des sénateurs puisque, il y a quelques semaines, j'étais dans cet hémicycle et qu'effectivement j'aurais, comme la majorité de mes collègues, expliqué que la charge était trop lourde et surtout qu'il y avait des règles sur lesquelles il est difficile de revenir, comme le FCTVA. Donc, je pense que nous allons être très à l'écoute. Nous sommes, la semaine prochaine, en congrès des maires. Michel BARNIER a demandé à ses ministres concernés de rencontrer l'ensemble des associations, des élus, qu'ils soient des départements, des maires, des intercos, des régions. Michel BARNIER a lui-même reçu la plupart de ces associations. Il fera des déclarations aussi au congrès des maires.

ORIANE MANCINI
Donc il y aura des annonces jeudi prochain au congrès des maires ?

NATHALIE DELATTRE
Nous aurons des annonces au congrès des maires, mais surtout des réalisations concrètes dans les avancées du budget.

ORIANE MANCINI
Donc vous reviendrez, le Gouvernement reviendra sur ces 5 milliards ?

NATHALIE DELATTRE
En tout cas, nous souhaitons regarder quelles sont les alternatives possibles. Et Michel BARNIER a bien compris, notamment la charge sur les départements qui versent des aides directes à des gens qui sont fragilisés par la vie. Et de regarder avec attention toutes ces problèmatiques.

ORIANE MANCINI
Donc les départements, ils pourraient être exclus du dispositif qui est prévu par le Gouvernement pour demander aux grandes collectivités de faire un effort particulier ?

NATHALIE DELATTRE
En tout cas, tout ça est à l'étude aujourd'hui et nous découvrirons, au fil des discussions du Sénat, ce que nous pourrons améliorer.

CHRISTELLE BERTRAND
Et vous discutez aussi avec le groupe Macronie sur ce sujet parce qu'eux demandent à ce que plus d'argent soit ponctionné sur les collectivités locales.

NATHALIE DELATTRE
Oui !

CHRISTELLE BERTRAND
Beaucoup plus que ces 5 milliards. Donc ça ne crée pas des tensions ?

NATHALIE DELATTRE
À l'Assemblée nationale par exemple, certains avaient comme velléités de pouvoir gager encore plus sur les collectivités locales et territoriales.

ORIANE MANCINI
Certains c'est votre camp quand même.

NATHALIE DELATTRE
Pardon ?

ORIANE MANCINI
Certains c'est votre camp.

NATHALIE DELATTRE
Certains sont notre camp. Mais bon, ils sont à l'Assemblée nationale, ils n'ont pas le même prisme et nous n'avons pas le même collège électoral. Il est vrai que nous avons expliqué, notamment au groupe EPR, que s'ils avaient des lignes rouges, nous avions aussi estimé que la contribution de 5 milliards était un maximum. Donc, dans les économies que peut faire l'État.

ORIANE MANCINI
Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Autre proposition du Sénat pour faire des économies, les sénateurs proposent de réduire d'un milliard d'euros le budget de formation des enseignants. Est-ce que c'est un bon signal envoyé au monde enseignant qui a déjà vu un certain nombre de postes supprimés dans le budget, et plus globalement aux Français qui s'inquiètent du niveau dans les établissements scolaires ?

NATHALIE DELATTRE
Non je crois que de toute manière, parler de formation et soutenir la formation est toujours quelque chose d'important. Après moi je le vois bien pour la formation des élus, le dispositif de formation des élus mis en place aujourd'hui connaît des problèmes de fonctionnement. La Caisse des dépôts et consignations a plus de x millions en caisse et n'arrive pas à débloquer ses fonds pour former. Donc je pense qu'après, ce n'est pas la formation qui est en cause. C'est est-ce qu'effectivement le système est efficient ou pas. Donc je pense qu'on ne peut pas reprocher des évaluations d'efficience d'outils…

CHRISTELLE BERTRAND
D'ailleurs ce ne sont pas des évaluations…

NATHALIE DELATTRE
Et ensuite pouvoir regarder si nous pouvons les améliorer et si nous pouvons mieux les utiliser. Ou à un moment donné, quand, effectivement, vous avez des disponibilités, est-ce qu'ils peuvent servir…

CHRISTELLE BERTRAND
Est-ce que les enseignants.

NATHALIE DELATTRE
…ces disponibilités peuvent servir à ça. Je crois que, n'est absolument pas en cause, la qualité de la formation et la formation, je pense qu'après c'est : "Est-ce qu'il y a efficience ou pas des outils". Et je pense qu'il faut, dans tous les domaines, pouvoir évaluer les politiques publiques et les rendre encore meilleures pour être les meilleurs dans les formations…

CHRISTELLE BERTRAND
Entre les suppressions de postes et les diminutions de budget de formation, est-ce que ce ne sont pas les enseignants, finalement, qui paient les économies de ce budget ?

NATHALIE DELATTRE
Je pense qu'aujourd'hui, nous ne pouvons pas affirmer qu'il y a suppressions de postes, que nous avons rognés sur la formation. Le budget n'est pas passé, il est en discussion. Donc tout ça, ce sont effectivement des sujets qui vont être discutés. Et je fais confiance aussi au Sénat qui, même s'il est dans une large majorité Gouvernementale, verra tous les sujets, vous pouvez leur faire confiance.

CHRISTELLE BERTRAND
Dernière question sur ce texte, oui, si l'on revalorise les pensions de retraite comme Laurent WAUQUIEZ l'a annoncé au mois de janvier, si l'on rétablit les exonérations de charges et que l'on cautionne moins ce que vous venez d'annoncer, enfin ce que vous souhaitez, les collectivités locales, où est-ce qu'on trouve des sources d'économies puisque ça a été annoncé comme nécessaire ? Par exemple, il a été évoqué la possibilité de supprimer un jour férié, est-ce que le Gouvernement y est favorable ? Michel BARNIER a dit qu'il n'était pas enthousiasmé par cette idée.

NATHALIE DELATTRE
Non, il n'est pas enthousiasmé, parce que Michel BARNIER, c'est la méthode, comme je vous l'ai dit, du dialogue. Et effectivement, en la matière, c'est le dialogue social qui doit primer et c'est cette résonance entre les entreprises et leurs salariés qui doit d'abord s'exprimer. Et pour l'instant, nous n'avons pas eu en la matière, nous n'avons pas lancé de dialogue social. Et donc, pour Michel BARNIER, oui, c'est prématuré de pouvoir, aujourd'hui, affirmer ce type de choses. D'autant qu'en fait, il y a aussi l'augmentation du temps de travail qui est une possibilité. Donc on a peut-être plusieurs…

ORIANE MANCINI
L'augmentation, comment ? C'est revenir sur les 35 h ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, vous savez, c'est revenir à un quantum qui est de 1 700 heures travaillées, c'est quinze secondes de travail supplémentaire par jour. Mais encore une fois, ce sont des propositions qui sont faites par d'autres groupes. Donc on voit bien qu'il…

ORIANE MANCINI
Ce n'est pas comme Gérald DARMANIN qui veut mettre fin aux 35 h ?

NATHALIE DELATTRE
Bien sûr que non, il y a plusieurs propositions sur la table. Je pense que là, en la matière, il revient d'abord d'interroger le dialogue social, de revenir vers les syndicats de salariés, vers les syndicats patronaux et de pouvoir prendre le temps d'étudier avec eux ce type de solutions.

CHRISTELLE BERTRAND
Ce serait quoi, allonger le temps de travail ?

NATHALIE DELATTRE
Comme je vous le dis, pour l'instant, ce sont des hypothèses qui sont émises par des groupes et nous sommes en train…

CHRISTELLE BERTRAND
Mais quelle est l'hypothèse en l'occurrence ?

NATHALIE DELATTRE
…de regarder, quelle est la possibilité de pouvoir, pourquoi pas récupérer une marge financière par rapport à ce biais-là. Mais encore une fois, ce n'est pas dans les radars du Gouvernement. Ce sont des propositions qui peuvent compenser à un moment donné, mais nous ne sommes, nous en tout cas…

CHRISTELLE BERTRAND
Pas de jours fériés, mais…

NATHALIE DELATTRE
Nous ne sommes pas, en tout cas, ni dans une enveloppe, ni dans l'autre pour le moment.

CHRISTELLE BERTRAND
Donc pas de suppression du jour férié, mais peut-être des journées plus longues…

ORIANE MANCINI
Le Sénat dit, 7 h de plus par an pour rémunérer la crise, c'est bien ça ou pas ?

NATHALIE DELATTRE
Pour l'instant, ce n'est pas une proposition du Gouvernement. Ce sont des propositions qui sont faites par des groupes politiques que nous verrons et nous aurons l'occasion de nous exprimer en hémicycle et d'expliquer la position du Gouvernement en la matière.

ORIANE MANCINI
Un dernier mot, le 49.3, il est inéluctable à l'issue de la commission mixte paritaire ?

NATHALIE DELATTRE
Mais non, il n'est pas inéluctable. Je crois qu'aujourd'hui, on a prouvé que nous arrivions à faire vivre ce dialogue, que nous poursuivions effectivement, les débats. Aujourd'hui, ce débat va se faire PLFSS puis PLF en commission et en hémicycle du Sénat. La méthode, elle est très pragmatique, vous l'avez vu. Au fur et à mesure, nous avançons et nous regardons.

ORIANE MANCINI
Donc, vous dites on peut encore échapper au 49.3 ?

NATHALIE DELATTRE
Oui, vous savez, je crois que les Français attendent de nos parlementaires et du Gouvernement qu'ils trouvent un compromis. Je crois que c'est le maître mot depuis le départ. C'est puisque nous savons que nous sommes dans une majorité très relative, c'est la commande des Français, c'est essayer de trouver la façon dont vous pouvez fonctionner, essayer de trouver la façon de doter la France d'un budget…

ORIANE MANCINI
Vous redoutez la censure à l'issue de cette discussion budgétaire ? Vous redoutez la censure du Gouvernement, à l'issue de ces discussions ?

NATHALIE DELATTRE
Non, nous ne redoutons pas. Je crois que quand nous avons effectivement dit oui à Michel BARNIER, nous avions en nous le fait que nous étions en CDD. Et nous savons tout de même. Donc, au Gouvernement, je crois qu'on a plutôt fait acte de courage de dire que nous avions un temps utile. Notre mission première, c'est de doter la France d'un budget. Et voilà, notre horizon est là. Mais notre horizon est déjà aussi de celui de pouvoir aborder des réformes structurelles qui iront au-delà de 2027, 2029 et bien plus loin. Donc nous sommes dans cette double mission, mais nous savons aussi que nous sommes tenus à des motions de censure.

ORIANE MANCINI
Un mot sur le calendrier parlementaire, avant de parler des relations avec le Parlement, il y a le texte sur la fin de vie qui doit revenir, vous nous confirmer qu'il reviendra le 27 janvier à l'Assemblée nationale ?

NATHALIE DELATTRE
Oui, je vous le confirme à l'initiative du Gouvernement. C'était vraiment une demande de Michel BARNIER qui s'intéresse à ce sujet et il sait que c'est un sujet d'actualité. Il sait que c'est une préoccupation de beaucoup de Français. Et effectivement, nous avons dégagé ce temps-là dans l'agenda parlementaire. En tout cas, à l'Assemblée nationale, pour le 27 janvier.

ORIANE MANCINI
Et vous visez une adoption définitive à quelle échéance ?

NATHALIE DELATTRE
Donc, vous savez, ça, c'est le genre de texte où les procédures accélérées ne sont pas requises et nous prendrons le temps de faire la navette. Le Sénat aura, à un moment donné, l'inscription de ce texte, il prendra le temps de l'étudier, et puis…

ORIANE MANCINI
Avant l'été au Sénat ?

NATHALIE DELATTRE
Ecoutez, nous avons plusieurs textes aussi importants sur la simplification de la vie économique, sur la loi d'orientation agricole qui est aussi très attendue, le narcotrafic, puisque, aujourd'hui, nous avons un excellent rapport transpartisan d'Étienne BLANC et de Jérôme DURAIN, qui montre jusqu'à quel point nous sommes rongés par ce mal du narcotrafic en France. Donc ce sont des textes aussi qui sont très importants et qui seront à l'ordre du jour…

ORIANE MANCINI
Donc pas forcément au Sénat, dans l'immédiat.

NATHALIE DELATTRE
…du Sénat. Écoutez, de toute manière, je ne vois pas le Sénat ne pas prendre le texte dans cette année.

ORIANE MANCINI
Il y a un autre texte qui a été interrompu par la dissolution et qui est important, c'est la loi sur le logement. Est-ce qu'il va revenir dans le calendrier parlementaire ce texte ?

NATHALIE DELATTRE
J'attends effectivement que Valérie LETARD puisse positionner son texte, en tout cas finir la rédaction de son texte. Ici, au Sénat, nous avions préparé déjà les amendements du logement abordable. Donc effectivement, il y aura toujours des préoccupations…

ORIANE MANCINI
Donc, ça veut dire qu'il y aura un autre texte, c'est pas le texte qui était déjà dans les tuyaux parlementaires ?

NATHALIE DELATTRE
Je pense que ce n'est pas le texte initial, parce que Valérie a des priorités et notamment l'accession à la propriété, le PTZ, etc.

ORIANE MANCINI
Donc voilà, ce sera un autre texte que celui de Guillaume KASBARIAN.

NATHALIE DELATTRE
Je pense que le texte de Guillaume était également indispensable. Je pense qu'elle est en train de réfléchir à un texte plus global.

ORIANE MANCINI
Christelle.

CHRISTELLE BERTRAND
Parlons donc un petit peu, Nathalie DELATTRE, vous êtes ministre chargée des relations avec le Parlement. Dans la période actuelle, quand on voit les tensions qui existent entre les différents groupes politiques à l'Assemblée et même entre l'Assemblée et le Sénat, est-ce que vous considérez que c'est un peu mission impossible ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, c'est une mission difficile mais impossible, non, je ne pense pas. Je suis toujours d'un caractère…

CHRISTELLE BERTRAND
Vous arrivez à faire vivre toutes ces personnes ensemble ?

NATHALIE DELATTRE
Je pense que, c'est vrai qu'il y a un changement culturel, tout de même, parce que certains passent, en très peu de jours, de l'opposition à la majorité gouvernementale, des groupes politiques ont pu s'opposer pendant sept ans.

CHRISTELLE BERTRAND
C'est comme ça que vous expliquez les tensions entre les LR et l'ex-majorité à l'Assemblée ?

NATHALIE DELATTRE
Oui, vous savez, quand ça fait sept ans que vous tournez le dos, vous critiquez, du jour au lendemain, ce n'est pas toujours facile de pouvoir se rapprocher et de dire : "Nous allons cheminer ensemble". D'autant que nous savons qu'il y a des perspectives 2027 qui s'invitent. Donc humainement, je crois que c'est compréhensible politiquement. Nous leur demandons, quand même, de pouvoir se réconcilier assez rapidement. Mais voilà, c'est quelque chose d'humain, et je fais en sorte que ces relations puissent se faire au fil du temps.

CHRISTELLE BERTRAND
Donc vous favorisez les relations ?

NATHALIE DELATTRE
Parce que c'est mon rôle, vous voyez…

CHRISTELLE BERTRAND
Lorsque Laurent WAUQUIEZ annonce…

NATHALIE DELATTRE
… De favoriser les rencontres et de faire en sorte qu'ils puissent se parler…

CHRISTELLE BERTRAND
Lorsque Laurent WAUQUIEZ annonce, par exemple, que finalement les retraites seront revalorisées sans que le groupe Ensemble pour la République à l'Assemblée ne soit au courant, est ce que ça ne crispe pas au lieu de détendre les relations ? Est-ce que vous lui avez dit que finalement ce n'était peut-être pas à lui d'annoncer ça lors d'un journal du 20 h ?

NATHALIE DELATTRE
Vous savez, on en avait parlé dans une réunion puisque le Premier ministre réunit les présidents de groupes de la majorité, qu'ils soient à l'Assemblée nationale ou au Sénat le mardi matin, nous avions défini effectivement les sujets prioritaires de chaque groupe. Laurent Wauquiez avait toujours évoqué le fait qu'il souhaitait, lui, avoir cette avancée sur les retraites. Effectivement, il a cheminé assez rapidement sur la négociation avec le Gouvernement. Nous avons un peu plus tardé avec Gabriel ATTAL, sur les charges de travail et à un moment donné, Laurent WAUQUIEZ, effectivement, a communiqué. Mais nous, il avait bien prévenu et nous avions prévenu, en amont, chaque groupe que nous étions en train de faire des "bouger" et qu'il y aurait des annonces en la matière.

ORIANE MANCINI
Deux dernières questions, Nathalie DELATTRE, sur d'autres sujets, puisque vous êtes aussi viticultrice, les agriculteurs qui ont annoncé qu'ils relançaient les mouvements, notamment la FNSEA, les Jeunes agriculteurs, à partir de lundi. Est-ce qu'il y a une inquiétude au Gouvernement sur un durcissement de ce mouvement et sur ce qu'il pourrait engendrer ?

NATHALIE DELATTRE
Alors bien évidemment que nous regardons tous les mouvements avec grand intérêt. Mais Annie GENEVARD est sur le terrain depuis le début de sa nomination. Je crois que nous avons rassuré pour dire que toutes les annonces qui avaient été faites par Gabriel ATTAL seraient honorées. Nous avons conservé les budgets, d'ailleurs, c'est une hérésie de voir, et c'était aussi un des motifs de rejet du texte de la P1, de la partie recettes du PLF, de ne pas adhérer à l'Europe, en tout cas d'empêcher les financements à l'Europe parce que nous finançons l'Europe, mais nous recevons au centuple de l'Europe, et notamment sur l'agriculture, donc nous n'allons pas couper les agriculteurs de ce financement européen qui est indispensable pour notre agriculture et nos finances. Donc Annie a fait d'autres propositions et nous allons continuer à décliner ces propositions. Je pense que Michel BARNIER a su dire quelle était notre priorité…

ORIANE MANCINI
Mais il y aura d'autres annonces ? Les annonces, ce sont celles de Gabriel ATTAL, plus la loi d'orientation agricole ou est-ce que le Gouvernement fera des annonces supplémentaires ?

NATHALIE DELATTRE
Alors, les annonces sont, vous savez, au fil du temps, nous voyons des catastrophes naturelles arriver. Nous avons abondé le fonds BARNIER. C'est un peu difficile de vous dire : "Il n'y aura pas d'autres annonces". Je crois qu'aujourd'hui ce que veut ce Gouvernement en lançant le plan d'adaptation au changement climatique, c'est d'être au plus près des réalités et c'est être là quand effectivement nous avons une problématique. Mais nous voyons bien qu'il y a des changements structurels à opérer. Les agriculteurs ne demandent pas forcément que de l'argent, d'ailleurs, ils demandent de la simplification. Annie a parlé d'un contrôle unique, je crois que c'est très apprécié par la profession. D'un autre côté, moi je vois bien, je suis dans une région viticole qui souffre beaucoup, nous avons des suicides. Il y a effectivement une nécessité d'être auprès de nos agriculteurs.

CHRISTELLE BERTRAND
Mais est-ce qu'il y a un risque de voir la France bloquée comme elle l'a été en janvier dernier ?

NATHALIE DELATTRE
Vous savez, le calendrier ne nous aide pas parce que nous avons aussi une élection à la Chambre d'agriculture qui suscite beaucoup d'émotion entre plusieurs coordination ou fédération.

ORIANE MANCINI
C'est de la politique interne de la FNSEA ?

NATHALIE DELATTRE
Je pense que c'est aussi, cette élection s'invite dans le débat et c'est l'occasion pour certains de montrer leur force et de dire aux agriculteurs qui vont voter bientôt : "Eh bien votez pour nous parce que vous voyez, nous sommes en capacité de mieux…"

CHRISTELLE BERTRAND
Donc il y a un risque de revoir les routes… pardon.

ORIANE MANCINI
Nous n'avons plus le temps. Une dernière question un peu plus personnelle sur votre avenir politique, Nathalie DELATTRE, puisque le ministère de l'Intérieur a confirmé que les municipales auraient lieu en mars 2026. Est-ce que vous serez candidate à la mairie de Bordeaux ?

NATHALIE DELATTRE
Pour l'instant, vous voyez, ma mission est au ministère chargé des relations avec le Parlement. J'avoue que c'est une mission dense. Comme vous l'avez dit, mars 2026 nous laisse encore un peu le temps en tout cas.

ORIANE MANCINI
Mais vous ne l'excluez pas ?

NATHALIE DELATTRE
Mais je ne serai pas absente du débat Bordelais.

ORIANE MANCINI
Mais pas forcément candidate ?

NATHALIE DELATTRE
Nous verrons.

ORIANE MANCINI
Vous reviendrez nous le dire.

NATHALIE DELATTRE
Tout-à-fait.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 novembre 2024