Texte intégral
ARNAUD PONTUS
Bonjour monsieur le ministre.
FRANÇOIS DUROVRAY
Bonjour.
ARNAUD PONTUS
Et bienvenue sur RFI. Vous êtes en poste depuis à peine deux mois et voici déjà votre première grève des cheminots à la SNCF. Les syndicats appellent à la mobilisation dès demain soir pour protester contre le démantèlement de fret SNCF. Est-ce que vous pouvez rassurer les salariés ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Ecoutez, je ne suis pas moi-même salarié dit gréviste évidemment de la SNCF, donc je ne connais pas l'ampleur du mouvement. Je souhaite simplement que ce mouvement reste très limité. Pourquoi ? Pour deux raisons. D'abord parce que le mouvement que nous engageons sur le fret est un mouvement d'avenir. Vous le savez peut-être, mais la Commission européenne avait considéré au regard du droit que les 5 milliards d'aides qui avaient été octroyées étaient illégales au regard du droit européen. Et donc nous avons dû, comme avec mes prédécesseurs, engager une transformation du fret ; une transformation qui va permettre non seulement de conserver l'essentiel des wagons dans le groupe SNCF, de conserver l'essentiel des emplois, les 500 emplois étant concernés par…
ARNAUD PONTUS
500 emplois supprimés qui vont être redéployés dans le groupe ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Oui, supprimés sur le fret, mais qui sont redéployés dans le groupe. Et l'ensemble des wagons va rester sur le fer et donc aucun fret ne va aller sur la route. Surtout… Moi, je suis très confiant dans l'avenir du fret parce qu'on a une entreprise qui est aujourd'hui…
ARNAUD PONTUS
C'est le transport de marchandises évidemment par train et ce qui est évidemment en concurrence avec le transport de marchandises par la route.
FRANÇOIS DUROVRAY
Oui, mais nous avons la chance d'avoir des routes aujourd'hui, des routes ferroviaires qui sont de qualité. Nous avons des entreprises qui, aujourd'hui, demandent du transport de marchandises par le fer. Et donc je suis très confiant dans la capacité du fret à se développer dans notre pays. Et le deuxième point, très rapidement, c'est qu'il y a un dialogue - compte tenu de cette évolution - un dialogue qui est engagé par le groupe SNCF qui se tient le 27 novembre prochain. Et donc, je suis de ceux qui considèrent que le dialogue doit toujours précéder la grève et c'est la raison pour laquelle je vous avouerais que je suis assez dubitatif sur les motifs de ce mouvement social.
ARNAUD PONTUS
C'est un moratoire qui est demandé par les syndicats.
FRANÇOIS DUROVRAY
C'est un moratoire peut-être, mais encore une fois…
ARNAUD PONTUS
Pour discuter, pour prendre le temps de la discussion.
FRANÇOIS DUROVRAY
Oui, mais il y a des décisions qui ont été prises il y a un an et demi. Il y a surtout la certitude d'une sanction de 5 milliards d'euros si d'aventure nous ne procédons pas…
ARNAUD PONTUS
Il n'y a pas d'autres hypothèses possibles ? C'est la seule solution ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Non, il n'y a pas d'autres hypothèses possibles. Et encore une fois, ce n'est pas ce n'est pas contraignant. C'est un mouvement qui, comme dans n'importe quelle entreprise, on change, on évolue. Mais encore une fois, il y a beaucoup de positif.
ARNAUD PONTUS
François DUROVRAY, vous n'ignorez pas que les syndicats menacent d'un mouvement illimité et reconductible à partir du 11 décembre. Est-ce que ça vous inquiète ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Ça m'inquiète pour les Français, pour l'entreprise SNCF. L'entreprise SNCF va bien et va de mieux en mieux. C'est une entreprise qui gagne aujourd'hui des clients, que ce soient des clients régionaux avec les TER ou des clients longue distance avec les TGV. C'est une entreprise donc qui va mieux d'un point de vue économique qui d'ailleurs le rend en partie à ses salariés. Et donc là aussi, je considère que le dialogue - et il y a un dialogue, comme chaque année pour les négociations salariales - que ce dialogue doit précéder tout mouvement de grève.
ARNAUD PONTUS
Et ça vous inquiète pour les Français.
FRANÇOIS DUROVRAY
Je pense que les Français ne comprendraient pas. Le ministre des Transports que je suis ne comprendrait pas que les Français soient bloqués dans leur vie quotidienne pour aller travailler où à l'approche des fêtes de fin d'année.
ARNAUD PONTUS
C'est une inquiétude que vous avez, c'est qu'il y ait grève à la SNCF à Noël ?
FRANÇOIS DUROVRAY
A partir du moment où il y a un mouvement qui est déclenché pour le 11 décembre et de façon illimitée, évidemment. Enfin, je vois bien aussi…
ARNAUD PONTUS
Vous avez le nez sur le calendrier, évidemment.
FRANÇOIS DUROVRAY
Oui.
ARNAUD PONTUS
Est-ce qu'il faudrait limiter le droit de grève dans les transports à certaines périodes et en l'occurrence vacances scolaires, jours fériés, fêtes de fin d'année ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Il y a des propositions en ce sens. Moi, je considère…
ARNAUD PONTUS
Le sénateur Hervé MARSEILLE, par exemple, avait déposé un projet de loi à ce sujet qui n'a pas été une proposition de loi et qui n'est pas allé au bout et qui voudrait que ce soit repris par le Gouvernement. Est-ce que le ministre des Transports serait pour ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Le ministre des Transports, vous dis aujourd'hui qu'il y a deux principes constitutionnels dans notre pays : le droit de grève d'un côté, mais aussi la continuité des services publics. Et lorsqu'on est cheminot…
ARNAUD PONTUS
Et donc, est-ce que c'est conciliable aussi avec une limitation du droit de grève à certaines périodes ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Mais évidemment, c'est le principe du service minimum. Alors, après qu'on doive revisiter le service minimum, c'est une question. Je ne pense pas que ça se traite nécessairement à chaud, mais évidemment…
ARNAUD PONTUS
Ça pourrait être un de vos dossiers ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Mais ça peut être un de mes dossiers, évidemment. Encore une fois, je suis le ministre des Transports et donc aussi le ministre des Usagers. Et lorsqu'on a l'honneur de servir une entreprise comme la SNCF et un service public, il est normal qu'on soit attaché à la continuité de ce service.
ARNAUD PONTUS
Alors votre actualité, François DUROVRAY, c'est le grand plan " cars express " que vous comptez présenter en début d'année prochaine. Il s'agit de mettre en service des cars, pour faire simple, entre les pôles d'habitation et les pôles d'emploi. C'est quoi la différence avec des trains de banlieue ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Alors, c'est assez similaire en fait, c'est assez similaire, simplement on s'adresse…
ARNAUD PONTUS
Mais alors ? Qu'est-ce qui se passe ?
FRANÇOIS DUROVRAY
On s'adresse à des territoires où il y a moins de monde et donc à des endroits où le train, compte tenu de sa capacité qui est très importante, ne se justifie pas toujours. Il y a, en France, 10 millions de personnes qui font plus de 50 kilomètres par jour et qui n'ont pas d'autre choix que leur voiture. Et moi, ce que je souhaite, c'est être le ministre des Transports de ceux qui n'en ont pas et donc d'offrir des solutions.
ARNAUD PONTUS
Donc vous voulez qu'ils lâchent leur voiture pour prendre des cars express ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Exactement. Ce n'est pas une concurrence avec le train, c'est une concurrence avec la voiture. C'est de proposer effectivement à ces personnes qui, aujourd'hui, utilisent leur voiture, qui coûtent cher - 500 euros par mois - qui polluent et qui les amènent à arriver sur des routes au volant de leur voiture et souvent dans les embouteillages. Donc ce n'est pas très confortable pour leur vie quotidienne. Je souhaite leur offrir une proposition avec des cars confortables avec la Wi-Fi, avec la possibilité de travailler ou de se reposer, avec l'assurance d'une fréquence élevée, avec l'assurance d'un temps de parcours optimisé et donc un changement de vie qui permet à la fois de gagner sur le pouvoir d'achat, mais aussi de gagner du temps libre.
ARNAUD PONTUS
Et combien de cars express à terme ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Ça dépendra des collectivités. Nous sommes dans un pays décentralisé où moi, en tant que ministre, je souhaite donner l'impulsion. Je souhaite donner les moyens juridiques et financiers aux collectivités leur permettant de créer des services. Après, c'est aux collectivités de déterminer les lignes, mais je pense que c'est à l'échelle de la France, plusieurs centaines…
ARNAUD PONTUS
Et ça existe déjà, on va le signaler à Bogota, en Colombie notamment, ou à Madrid, en Espagne.
FRANÇOIS DUROVRAY
Oui, ou à Madrid ou aux Etats-Unis. Il y a beaucoup de pays en fait qui, à travers le monde, ont créé ces solutions routières. En France, il y a une résistance ou un regard… Enfin, je ne sais pas d'ailleurs trop me l'expliquer, mais il y a beaucoup moins de cars qui circulent dans le pays que dans d'autres pays.
ARNAUD PONTUS
Bon, c'est votre chantier. On parle un mot du budget et de la confirmation de la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, les multiplier par trois. Le gouvernement prévoit de faire contribuer les passagers aériens à l'effort de rétablissement des comptes publics. Quel est le message, monsieur le ministre ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Il est clair. Vous l'avez indiqué.
ARNAUD PONTUS
C'est payer plus cher son avion pour redresser les comptes ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Non mais d'abord, il y a une situation à laquelle la France est confrontée aujourd'hui et je pense que n'importe quel citoyen, n'importe quel élu en responsabilité doit trouver des solutions…
ARNAUD PONTUS
On a tous compris qu'il y avait un problème de dettes.
FRANÇOIS DUROVRAY
… pour redresser les comptes publics. L'avion contribue, comme d'autres modes de transport, à l'émission de gaz à effet de serre et il n'est pas anormal qu'encore une fois…
ARNAUD PONTUS
Qu'il soit plus taxé ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Après, en tant que ministre des Transports, il y a deux choses. La première, c'est que le niveau de taxation soit adapté au service qui est choisi par le client. Et donc, nous avons beaucoup travaillé ces dernières semaines en lien avec les compagnies aériennes, pour faire en sorte que ce soit le plus adapté. Et puis l'autre point, c'est que je souhaite que ce soit vertueux également pour l'environnement. Et avec le Gouvernement, nous sommes en train de travailler à ce qu'en contrepartie de cette taxe, il y a également un crédit d'impôt pour les compagnies aériennes qui s'engagent davantage sur l'introduction de carburants durables.
ARNAUD PONTUS
Vertueux pour l'environnement mais l'idée, c'est quand même bien de faire entrer de 1 milliard d'euros.
FRANÇOIS DUROVRAY
Les deux. Il y a une dette écologique et une dette budgétaire. On essaie de traiter les deux sujets.
ARNAUD PONTUS
C'est aussi " merci de continuer à prendre l'avion, vous renflouez les caisses de l'Etat " ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Oh non, vous savez, on renfloue les caisses de l'Etat…
ARNAUD PONTUS
Comment on peut ?
FRANÇOIS DUROVRAY
Je ne crois pas que ce soit renfloué d'ailleurs, c'est de contribuer en tant que citoyen, au travers d'impôts, au travers de TVA, au travers de différentes taxes, au fonctionnement de nos services publics, à l'éducation, à la défense, à la santé. Et vous savez, payer des impôts, ça fait partie, je crois, de la vie de n'importe quel citoyen.
ARNAUD PONTUS
Merci, monsieur le ministre d'être venu ce matin sur RFI.
FRANÇOIS DUROVRAY
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 novembre 2024