Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Anne GENETET.
ANNE GENETET
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Et bienvenue à "La grande interview" sur CNEWS-Europe1. Merci de votre présence. Vous êtes la ministre de l'Education nationale. Et je voudrais démarrer, Anne GENETET, cet entretien par cette information judiciaire qui fait beaucoup réagir : l'auteur des menaces de mort visant l'ex-proviseur du lycée Maurice Ravel, proviseur, je le rappelle, qui avait demandé à une élève de retirer son voile islamique conformément à la loi et qui a été menacé de mort par ces mots sur les réseaux : "Il faut le brûler vif, ce chien." L'auteur des menaces a été condamné à une amende de 600 euros et à un stage de citoyenneté. Madame le ministre, dans le pays qui a vu assassiner deux professeurs, est-ce que c'est à la hauteur de la gravité des faits ?
ANNE GENETET
Déjà, permettez-moi d'avoir un mot de soutien pour ce chef d'établissement. Je rappelle qu'il avait d'ailleurs pris une retraite anticipée compte tenu des menaces. Ce chef d'établissement dans un contexte où effectivement la sanction qui est prononcée, c'est clairement - moi, je le dis avec des mots simples - c'est un coup porté à l'Education nationale. On est en plus dans une semaine, ne l'oublions pas, où nous avons le procès Samuel PATY. Et là aussi, je voudrais avoir une pensée pour sa famille. Et je crois qu'au-delà de sa famille, la communauté éducative et la société tout entière attendent que justice et vérité soient dites dans ce procès. Parce que, à chaque fois qu'un professeur est menacé, à chaque fois qu'un chef d'établissement est menacé, mais c'est la République qui vacille. Moi, je ne l'accepte pas. Et comme ministre de l'Education nationale, mon rôle, c'est d'agir. C'est de pouvoir donner à nos professeurs, à nos chefs d'établissements, la protection indispensable. On peut en parler, mais…
SONIA MABROUK
Mais avant cette protection, Anne GENETET, quand un tribunal… On verra si le parquet fait appel. Un coup porté à l'éducation, dites-vous, en somme, aujourd'hui en France. Vous dites à un professeur, un proviseur : "il faut le brûler, ce chien, ou je vais faire une PATY" Vous n'avez que cette peine-là ? Quel message donner ? Est-ce que c'est une victoire des islamistes ?
ANNE GENETET
Alors, il faut être conscient, il faut reconnaître qu'aujourd'hui, nous avons une pression islamiste partout et en France, pas seulement sur l'école, partout en France et que nous ne devons pas baisser les bras. C'est la responsabilité de chacun que d'en prendre conscience…
SONIA MABROUK
Y compris des juges, des magistrats ?
ANNE GENETET
…d'en prendre conscience. Et quand je dis la responsabilité de chacun, je prends ma part à l'Education nationale comme ministre de l'Education nationale. J'ai à cœur d'agir et de donner les moyens – on pourrait y revenir - pour que nos professeurs et nos chefs d'établissements soient protégés et puissent immédiatement parler, dire ce dont ils sont victimes lorsque leurs enseignements sont contestés, par exemple. Mais au-delà de ça, il y a également la responsabilité des parents, évidemment, et au-delà de cela, la responsabilité des juges. Je pense que les juges doivent entendre que leurs décisions, ce sont des messages qu'ils envoient à l'ensemble de la communauté éducative.
SONIA MABROUK
Quel message ? Coup porté, victoire des islamistes, soumission, abandon ?
ANNE GENETET
Non, non. Je veux vraiment répéter que je ne peux pas, finalement, vous l'entendrez, avoir un point de vue sur cette décision de justice. Mais en revanche, je le redis, c'est un coup porté à l'Education Nationale. C'est un coup porté et je crois que, notamment l'avocat du chef d'établissement l'a dit : "N'oublions pas, nos enseignants font un travail difficile, ils doivent être soutenus. Ils sont régulièrement contestés." Aujourd'hui, c'est un enseignant sur deux qui dit avoir été contesté au moins une fois dans ses enseignements. Ce n'est pas acceptable.
SONIA MABROUK
Alors parlons-en. Ce n'est pas acceptable alors que faire ? Vous affirmez que l'Etat se tient et se tiendra auprès des professeurs quand ils sont menacés et que leurs cours sont contestés. Ce ne fut pas le cas auparavant pour Samuel PATY. Est-ce que, Anne GENETET, vous vous engagez désormais à une protection pour le moins fonctionnelle automatique en cas de violences, de menaces, d'injures ?
ANNE GENETET
Absolument. Dès qu'il y a une menace, il y a plusieurs choses. La protection fonctionnelle est immédiatement mise en œuvre, mais pas seulement. Dans les cas les plus graves, chaque fois que c'est nécessaire, la protection policière est mise en œuvre. Il y a également des équipes qu'on appelle les équipes mobiles de sécurité. C'est-à-dire que quand dans un établissement, il y a des enjeux de sécurité, immédiatement ces équipes peuvent venir pour rétablir l'ordre dans un établissement. Sur les sujets de laïcité, il y a également un référent laïcité par académie. Un professeur qui sent qu'il va avoir une difficulté à aborder un enseignement, il peut demander l'appui de cette personne et cette personne peut même venir jusque dans sa classe et être présente au moment de l'enseignement pour pouvoir l'accompagner car aucun enseignement n'est sensible ; je veux le rappeler. Tous nos programmes doivent être délivrés.
SONIA MABROUK
Et pourtant, on ne peut pas parler de la Shoah et qu'on ne peut pas parler parfois de liberté d'expression. C'est qu'en mathématiques, la notion d'infini est parfois contestée au motif que Dieu seul est infini. On sait que les professeurs s'autocensurent. Quand vous dites, madame la ministre, que le pas de vague est fini ; c'est une parole de principe, ce n'est pas dans les faits ?
ANNE GENETET
D'abord, il faut le dire, il faut l'affirmer, il faut s'en donner les moyens.
SONIA MABROUK
Mais dans les faits, ce n'est pas le cas aujourd'hui.
ANNE GENETET
Mais je veux justement… Il faut que je puisse soutenir et rassurer nos enseignants, nos chefs d'établissements, surtout, parlez. Vous avez autour de vous un chef d'établissement, vous avez un directeur académique, vous avez un recteur, une rectrice, l'ensemble de ces personnels, le référent laïcité, les équipes valeurs de la République, ce sont plusieurs personnes qui ne font que cela au sein de l'Académie et qui peuvent non seulement venir former, expliquer, renforcer. Moi, à Tourcoing lorsque j'y suis allée… Rappelez-vous, c'était une enseignante également qui avait été agressée pour avoir essayé simplement de faire respecter la loi et le règlement intérieur s'agissant encore une fois d'un voile. Eh bien à ce moment-là, les enseignants m'avaient dit "Nous avons des formations à la laïcité, comment l'expliquer. Mais cette formation, nous aurions souhaité qu'elle soit plus dense, plus copieuse et qu'on nous donne aussi les outils de comment la transmettre." Donc tout cela, j'y travaille pour répondre à leurs attentes et m'assurer que ces formations de la laïcité répondent exactement à leurs attentes et qu'ils se sentent équipés pour pouvoir délivrer leur enseignement sans être contestés.
SONIA MABROUK
Nous allons continuer à parler sur CNEWS-Europe1. Est-ce une question de laïcité ou de mœurs d'ailleurs par rapport à la culture française ? Simplement un point, Anne GENETET, pourquoi ce n'est pas l'institution scolaire qui porte plainte ? Pourquoi toujours sur les épaules du professeur qui se retrouve seul souvent ?
ANNE GENETET
Ça, c'est un point que j'avais identifié dès d'ailleurs l'histoire… l'affaire de Tourcoing. Et tout de suite, j'avais dit attention, il faut aussi que, aux côtés de l'enseignant qui va déposer plainte, l'institution puisse porter plainte. Alors pour le moment, c'est un élément de droit qui manque. Il faut changer la loi pour cela, car d'une manière générale, la fonction publique, les institutions publiques ne peuvent pas le faire. Cela vaut aussi pour un hôpital où là aussi, les personnels peuvent être contestés. Donc là, j'ai déjà pris attache avec mon collègue à la fonction publique Guillaume KASBARIAN. Et nous allons, nous travaillons ensemble, à pouvoir faire modifier et évoluer la loi pour qu'enfin l'institution puisse aussi porter plainte aux côtés de ses agents.
SONIA MABROUK
Je voudrais vous faire réagir à la proposition de Valérie PECRESSE, présidente de la région Ile-de-France, qui a annoncé le lancement d'un projet pédagogique, dit-elle, de caricature. C'est pour la rentrée 2025. Je précise que cela vise les lycéens. Il s'agit de commémorer les dix ans de l'attentat de Charlie HEBDO et de préciser qu'il n'y aura pas de caricatures de Mahomet, de Jésus ou du Pape. Ce sont les caricatures de Mahomet, on le sait, qui ont provoqué l'attentat de Charlie. Je vous pose donc la question : est-ce que vous êtes sur la même ligne que Valérie PECRESSE ? Est-ce qu'il ne faut pas montrer certaines caricatures et en particulier celle du prophète ?
ANNE GENETET
Je veux rappeler que Samuel PATY ou Dominique BERNARD ont été l'un et l'autre assassinés parce que justement, ils défendaient et faisaient leur travail, leur travail d'enseignant qui était d'expliquer la laïcité et d'expliquer la liberté d'expression. La liberté d'expression en France, c'est aussi pouvoir parler des caricatures, de caricatures de tout, y compris des religions. En France, nous pouvons caricaturer les religions et ceci ne doit pas changer. Et je veux apporter tout mon soutien et saluer d'ailleurs l'engagement de nos enseignants qui, aujourd'hui, font ce travail indispensable. La laïcité à la française est compliquée à comprendre, mais c'est un pivot, c'est un pilier de notre République et nous devons la comprendre pour la faire vivre et la respecter tous les jours.
SONIA MABROUK
C'est important ce que vous le dites parce que Valérie PECRESSE a semblé dire "attention, on ne peut pas heurter. » Vous vous dites non ? Comment dire, le délit de blasphème n'existe pas dans notre pays. On peut tout montrer malgré les risques ?
ANNE GENETET
Le délit de blasphème n'existe pas et nous devons continuer à faire vivre notre laïcité qui est le choix de croire ou de ne pas croire, qui est de pouvoir critiquer ou caricaturer une religion quelle qu'elle soit. C'est important de pouvoir le faire. Il faut le faire, sinon nous perdons l'essence-même de ce que nous sommes.
SONIA MABROUK
Vous avez dit vouloir mettre le paquet en matière de formation dans les écoles alors que les atteintes, Anne GENETET, à la laïcité ont été multipliées par deux en deux ans. D'abord, pourquoi un tel bond ?
ANNE GENETET
Non, non. Les chiffres de laïcité ; depuis la rentrée de septembre 2023 sur un an, soyons très clairs ; les ports de signes ostensibles religieux, donc les ports de vêtements notamment, se sont effondrés. On est passé de plus de 800 cas à à peine plus de 100 cas. On est vraiment sur un recul qui montre que quand l'État agit, ça fonctionne. Pourquoi ? Rappelez-vous, c'était l'interdiction de l'abaya et du qamis, en septembre 2023.
SONIA MABROUK
Vous pensez que ce n'est pas une forme d'autostructure ?
ANNE GENETET
Quand on agit, quand l'État agit, ça porte ses fruits. Maintenant, attention, dans ces chiffres sur un an, nous voyons aussi progresser les contestations d'enseignement et les provocations verbales. C'est pour ça que toutes les mesures dont je vous ai parlé, la protection fonctionnelle, la protection policière chaque fois que nécessaire, l'accompagnement psychologique, les équipes mobiles de sécurité, les équipes valeurs de la République, le référent laïcité ; tous ces moyens que nous mettons en place sont là pour accompagner, pour soutenir. Et je veux dire à nos enseignants, à nos chefs d'établissement, surtout le plus important, "parlez, parlez, parlez !"
SONIA MABROUK
Très bien. Et être écouté, ça veut dire que, ce matin sur CNEWS et Europe1, vous pouvez nous dire, madame la ministre, qu'il n'y aura pas de nouveau un cas, si je peux dire, Samuel PATY, dans le sens où il a été abandonné, qu'il s'est retrouvé seul, y compris face à ses collègues ?
ANNE GENETET
L'institution sera aux côtés… Elle est aux côtés, jour après jour, de chacun de nos enseignants, de chacun de nos personnels, parce qu'il y a aussi les personnes qui accompagnent les enfants en situation de handicap, les surveillants. Par exemple, je prends ces deux profils-là : nos surveillants, les personnes qui accompagnent les élèves en situation de handicap. Ces personnels peuvent être parfois embauchés en cours d'année scolaire. J'ai demandé que cette formation à la laïcité soit faite dans le mois qui suit leur embauche, au lieu d'attendre la rentrée scolaire suivante. Vous voyez, ce sont tous ces actes très précis qui montrent que l'État doit agir, doit comprendre aussi ce qui se passe sur le terrain. Moi, c'est en allant sur le terrain que je comprends ce qui se passe. Et je réponds aux attentes qui me sont formulées.
SONIA MABROUK
Vous avez récemment indiqué que le nombre d'incidents graves - alors là c'est plus large, ce sont les violences déclarées dans les établissements scolaires - donc a été multiplié par deux depuis trois ans. Vous avez souligné un rajeunissement de cette violence. Quelle mesure très concrète vous pouvez nous annoncer ce matin pour enfin provoquer un sursaut ?
ANNE GENETET
En effet, nous sommes dans un moment crucial où l'école doit vivre un sursaut, un véritable sursaut. Et notamment dans les écoles primaires, il faut le dire, je le dis parce que c'est la réalité. Nous observons des comportements d'élèves et de leurs parents parfois qui viennent contester les enseignants et les directeurs et directrices d'écoles qui ont un statut un petit peu différent. J'ai observé, par exemple à Besançon, la ligne de l'enseignement qui déploie des médiateurs dans ces écoles, qui s'occupent justement, qui épaulent, qui accompagnent nos directeurs et directrices d'écoles primaires dans la gestion de leurs élèves, notamment des présences, des absences et des comportements. C'est ce genre de projet que je pourrais et que je souhaiterais pouvoir développer.
SONIA MABROUK
Mais pourquoi ne pas responsabiliser les parents ? Je pense par exemple à une proposition d'Éric CIOTTI. Il veut la suppression des allocations familiales des parents en cas de perturbations graves et répétées.
ANNE GENETET
Alors l'école prend sa part. L'école prend sa part, je vous l'ai dit. Et moi, j'ai agi au quotidien pour pouvoir soutenir nos enseignants, soutenir nos chefs d'établissement. Mais l'école ne peut pas tout. Nous avons des moyens, nous essayons de construire des réunions, des rencontres avec les parents. Il faut quand même le dire, certains ne viennent pas. Donc moi, je veux bien qu'on fasse tout ce qu'on peut avec les parents, ils ne seront pas toujours là.
SONIA MABROUK
Ils sont dans une position de défiance par rapport à l'école.
ANNE GENETET
Certains viennent, d'autres ne viennent pas. Donc l'école ne peut pas tout, donc c'est une prise de conscience générale de l'ensemble de la société.
SONIA MABROUK
Vous êtes contre une telle mesure, Anne GENETET ?
ANNE GENETET
Alors, s'agissant précisément des allocations familiales, je veux souligner aussi que dans une fratrie, on le sait, malgré l'éducation que l'on peut donner, vous pouvez avoir un des enfants qui dérape, qui pose d'énormes problèmes éducatifs, alors que les deux autres, pas forcément. Donc nous faisons très attention à ne pas pénaliser une fratrie tout entière pour le comportement d'un seul. Posons-nous la question collectivement, que pouvons-nous faire sur la parentalité ? Nous avons une ministre à la parentalité et c'est là aussi qu'il faut agir.
SONIA MABROUK
Vous avez répondu à l'ancien Président de la République, Nicolas SARKOZY, lors d'une conférence à Saint-Raphaël, vendredi dernier. Il avait affirmé que les enseignants, que les professeurs des écoles ne travaillaient que six mois par an et 24 heures par semaine. Vous avez rétorqué que les conditions de travail étaient difficiles. Mais sur le nombre d'heures, vous n'avez pas répondu. Il a tort ?
ANNE GENETET
Les enseignants que j'ai rencontrés, nous n'avons pas dû croiser les mêmes. Moi, ceux que j'ai rencontrés, ils sont très engagés, ils ne ménagent pas leurs efforts, ils ne ménagent pas leur énergie, ils ne ménagent pas leurs heures, parce qu'effectivement, il y a le temps de présence élève, mais il y a tout le temps derrière. Il faut le dire, moi, les professeurs que j'ai vus sur le terrain, il y a le temps même qu'ils passent dans l'établissement.
SONIA MABROUK
Donc l'ancien Président ne connaît pas la réalité, lui qui a été à la tête du pays ?
ANNE GENETET
On vient d'en parler. Les réunions pour rencontrer les parents d'élèves, ce n'est pas du temps face élève, et ça se passe dans l'établissement scolaire. Donc tout ça, c'est du temps en plus. Évidemment, le temps de formation. Aujourd'hui, la formation de nos enseignants... Nous venons de parler de la formation aux enjeux de laïcité. Ces temps de formation avaient lieu pendant le temps de présence élève. Et nous avons modifié cela depuis l'année dernière. Maintenant, 70 % de ces formations ont lieu hors du temps face élève. Voilà, donc c'est du temps qui se rajoute aussi. Et c'est aussi pour ça que nous avons donné les moyens. Il y a un certain nombre d'engagements, de projets que mènent nos enseignants pour lesquels ils sont rémunérés en plus de la rémunération de base.
SONIA MABROUK
Mais vous leur demandez davantage, puisqu'au sujet des trois jours de carence, aussi pour les professeurs, vous avez déclaré "Je ne vois pas la raison pour laquelle on s'opposerait à ce qu'il y ait une égalité de traitement entre le privé et les publics." De nombreux professeurs vous ont répondu, je les ai eus notamment en ligne, "Les enseignants sont moins absents que les salariés du privé, disent-ils, et pourtant plus confrontés aux maladies véhiculées dans les écoles." Mais pourtant, vous êtes favorables aux trois jours de carence ?
ANNE GENETET
Je l'ai dit, nos enseignants - il faut être très clair - en termes d'absence pour maladie, ils ne sont pas plus absents que les personnes issues du secteur privé. Les secteurs privés, dont je rappelle que c'est trois quarts des petites et moyennes entreprises dans lesquelles il n'y a pas forcément de prise en charge non plus des dettes de carence. Mais ce que je veux pointer du doigt d'abord, c'est que les raisons pour lesquelles nos enseignants sont malades, il peut y avoir l'épidémie de grippe qu'on attend d'un instant à l'autre, mais il peut y avoir d'autres raisons qui posent la question des conditions de travail, de la médecine du travail, qui n'est pas accessible aux enseignants aujourd'hui ; pas plus d'ailleurs que dans d'autres secteurs privés. C'est un sujet sur lequel aussi je vais travailler. Là, en décembre, j'ouvre des assises sur la santé scolaire au sens large, y compris la médecine du travail.
SONIA MABROUK
D'accord. Donc ça c'est pour rééquilibrer le fait qu'ils vont évidemment… qu'il y aura ce "trois jours de carence" pour les professeurs. Vous y êtes favorable.
ANNE GENETET
Moi, ce que je veux... Je ne suis pas favorable à ce qu'on pénalise, parce que c'est une pénalité importante pour des enseignants qui, encore une fois, ne ménagent pas leurs heures, travaillent beaucoup. Très honnêtement, je trouve la mesure, je la comprends en termes d'équité dans le monde du travail, s'agissant spécifiquement de nos enseignants. Évidemment, je sais que ça a des conséquences lourdes, importantes pour des personnels qui, par ailleurs, s'engagent énormément. Et même si nous savons revaloriser les rémunérations, nous savons aussi que nous avons un travail à faire, notamment sur ce qu'on appelle les milieux de carrière. Le dialogue social sera ouvert, c'est inscrit à l'agenda social pour travailler dessus.
SONIA MABROUK
On va bientôt conclure, Anne GENETET. Vous avez annoncé le lancement du projet de programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle que vous prévoyez de présenter là, bientôt, le 5 décembre, au Conseil supérieur de l'éducation. Alors, on a entendu beaucoup de choses sur ce programme. Certains vous accusent de prendre le risque de sexualiser l'enfant de l'école. Est-ce que ce n'est pas prendre le risque de troubler l'identité, le rythme et les besoins des plus petits ?
ANNE GENETET
Ce programme, je l'ai lu d'abord, de A à Z, puisqu'on m'avait alertée sur ce programme. Je l'ai lu ligne à ligne.
SONIA MABROUK
Pas d'inquiétude pour vous ?
ANNE GENETET
Il est d'abord de l'âge de 4 ans jusqu'au plus grand. Il est vraiment très progressif. Il apprend des choses simples. C'est quoi une fille ? C'est quoi un garçon ? Il apprend…
SONIA MABROUK
Avec des différences entre filles et garçons ?
ANNE GENETET
Absolument, c'est expliqué. Et on apprend le respect des uns des autres. Apprendre la différence fille-garçon, c'est aussi travailler sur les violences faites contre les femmes, le respect, la notion de consentement. Chez les tout-petits, on va travailler sur les émotions, reconnaître les émotions sur un visage, savoir lire un visage pour construire après le respect d'autrui.
SONIA MABROUK
Ça, c'est de l'éducation. Est-ce que c'est à l'école ? L'école devrait instruire, pas éduquer, c'est en famille….
ANNE GENETET
Il faut rappeler que s'agissant de la vie affective et relationnelle et après, l'éducation à la sexualité pour les plus grands ; rappelons-nous qu'en général, c'est rarement fait en famille. Il faut bien que quelqu'un le fasse, parce qu'aujourd'hui, la réalité, c'est que les jeunes s'informent.
SONIA MABROUK
Vous avez dit tout à l'heure, l'école ne peut pas tout, mais là…
ANNE GENETET
Elle ne peut pas tout. D'abord, il y a toujours eu des cours, mais jusqu'à présent, il n'y avait même pas de programme. Donc maintenant, la nouveauté, c'est qu'on introduit un programme. Et puis, j'espère que ce programme permettra de faire reculer la quantité de consommation d'images pornographiques, parce que c'est comme ça aujourd'hui.
SONIA MABROUK
C'est un vrai sujet que nos jeunes enfants... Est-ce que l'urgence, ce n'est pas d'apprendre à lire, à écrire avant d'avoir des cours d'éducation ?
ANNE GENETET
On apprend à lire, écrire et compter, mais ces cours, ces formations, cette formation, ces trois séances annuelles, on l'ut en dehors du temps scolaire. Donc, ça ne sera jamais sur un cours de maths, sur un cours de français. Les fondamentaux, lire, écrire et compter seront toujours là. Ça fait partie du grand programme, le choc des savoirs, Acte II, que j'ai annoncé la semaine dernière.
SONIA MABROUK
Rapidement, que répondez-vous à ceux qui affirment que c'est une possibilité de diffuser les théories du genre à l'école ?
ANNE GENETET
Non, ça n'est absolument pas présent dans ce programme, pas du tout. On est vraiment sur la vie relationnelle, le consentement, le respect d'autrui, la lutte contre les violences faites aux femmes, l'égalité filles-garçons, des choses fondamentales de base qui ne sont pas toujours enseignées en familles, parfois on peut avoir des difficultés. Ce programme, vraiment, est très progressif, très séquencé et aura lieu à la raison de trois séances par an et par élève en dehors du temps scolaire.
SONIA MABROUK
Et vous le défendrez, donc, dans quelques jours. Merci, Anne GENETET, ministre de l'Éducation nationale. Je vous dis à très bientôt. C'était votre grande interview.
ANNE GENETET
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2024