Texte intégral
JULIEN ARNAUD
Bonjour monsieur le ministre.
MARC FERRACCI
Bonjour.
JULIEN ARNAUD
Et merci d'être avec nous en plein débat sur le budget. On va commencer par regarder ce que déclareront vos collègues du Gouvernement. C'est Antoine ARMAND, le ministre de l'Economie. Voilà ce qu'il dit en une du Parisien ce matin " Attention à l'impôt de trop. " Un petit coup de pression sur le Premier ministre pour les arbitrages en ce moment. Est-ce qu'il faut revenir… Est-ce que vous êtes d'accord, est-ce qu'il faut revenir sur les efforts demandés aux entreprises dans le projet de budget ?
MARC FERRACCI
Moi, je suis tout à fait aligné, tout à fait en soutien avec la position d'Antoine ARMAND. Je suis d'autant plus en soutien que c'est une position qui correspond à ce que souhaitent les députés Ensemble pour la République. C'est le groupe dont je suis issu. Et je sais où j'habite. Ma légitimité de ministre vient de mon groupe politique. Et depuis 2017, vous savez, nous avons fait beaucoup d'efforts pour baisser le coût du travail. Nous avons augmenté les exonérations de charges sociales et cela a contribué massivement à la création d'emplois. On a créé près de 3 millions d'emplois depuis 2017 pour tout un tas de raisons, mais notamment pour celle-là. Je pense que dans le contexte, c'est très important de trouver des économies ailleurs parce que nous avons un objectif d'économies, vous le savez, 60 milliards d'euros. Cet objectif, nous voulons évidemment le tenir. Mais je pense qu'il y a d'autres sources d'économies que celles qui consistent à augmenter le coût du travail sur les entreprises.
JULIEN ARNAUD
C'est important, ce que vous nous dites, parce que cela veut dire qu'il y a des divisions au sein du Gouvernement. Le ministre du Budget était parti sur un projet de 4 milliards demandés aux entreprises. Et vous, vous nous dites aujourd'hui, sans le dire comme ça : " Non, il faut que cet effort y soit plus bas. " Il faut descendre jusqu'à combien ? Il faut un effort zéro ?
MARC FERRACCI
Moi, vous savez, je considère qu'il n'y a pas de division dès lors qu'il y a du dialogue. Depuis des semaines, il y a du dialogue entre les députés Ensemble pour la République et Gabriel ATTAL, entre le ministre de l'Economie, Antoine ARMAND, entre le ministre des Comptes publics, Laurent SAINT-MARTIN. Et au fond, nous avons tous le même objectif : c'est de faire ces économies, mais sans nuire à la compétitivité de nos entreprises, sans nuire aux résultats que nous avons obtenus depuis un certain nombre d'années. Et je pense que ce dialogue est fructueux, il est fertile. Et il va probablement atterrir. Je souhaite qu'à la fin, le coût du travail, au fond, n'augmente pas. Est-ce qu'on arrivera à cet objectif ? Je l'espère. Mais en tout état de cause, le dialogue, aujourd'hui, est tout à fait constructif.
JULIEN ARNAUD
Cela veut dire que vous appelez à l'annulation de ces 4 milliards de baisses de charges ?
MARC FERRACCI
S'il est possible de trouver des gages, effectivement, des économies ailleurs, je le souhaite.
JULIEN ARNAUD
Est-ce que vous soutenez aussi Patrick MARTIN quand il dit " l'argent, on peut le trouver dans la consommation plutôt que de le chercher sur le travail. " Et donc le projet de la TVA sociale n'est pas si dur que cela.
MARC FERRACCI
Moi, je ne préjuge pas des pistes qui seront trouvées à la fin. J'ai toujours dit que le sujet, dans notre pays, c'était d'augmenter la quantité de travail dans l'année, la quantité de travail à l'échelle d'une vie entière. C'est pour cela que nous avons fait la réforme des retraites. Parce qu'au fond, l'écart de richesses entre nous et d'autres pays s'explique par le fait qu'il y a moins de travail en France. Et c'est pour cela que le sujet de l'emploi, le sujet du plein emploi, doit rester notre cap et notre objectif.
JULIEN ARNAUD
Augmenter la quantité de travail, ce n'est pas nouveau ; travailler plus pour gagner plus. Mais là, ce qui est en train d'arriver, c'est travailler plus pour gagner pareil, avec 7 heures et demie proposée par le Sénat qui serait travaillées - on travaillerait plus - mais qui ne seraient pas payées. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ou pas ? Parce qu'il semble que Michel BARNIER, cette idée le titille.
MARC FERRACCI
Ecoutez, moi je trouve que c'est une piste intéressante. J'ai constaté effectivement que les sénateurs avaient voté cette mesure hier soir. Et je pense que cela fait partie des pistes de réflexion, justement pour trouver des ressources supplémentaires pour nos comptes publics.
JULIEN ARNAUD
Alors, on voit le coup de pression que vous mettez sur les discussions budgétaires, vous, ici, il y a quelques instants, Marc FERRACCI et également le ministre de l'Economie en une du Parisien, on l'a vu. Et si vous le faites, ce n'est sans doute pas complètement par hasard, c'est parce que c'est un peu compliqué, notamment dans votre secteur, le secteur de l'Industrie. En voit la une de La Croix ce matin, la crainte de l'effet domino. Dans l'industrie, il y a eu MICHELIN, il y a eu ARCELOR qu'on a appris avant-hier et c'est évidemment en train de prendre de l'ampleur avec deux projets de fermetures de sites à Denain et à Reims. Pour ce qui concerne ARCELOR, 130 emplois qui seraient détruits. Y a-t-il malgré tout… J'imagine que vous avez peut-être parlé aux dirigeants. Est-ce qu'il y a un espoir de maintenir ces sites quand même ?
MARC FERRACCI
Vous dire d'abord que dans l'industrie, il y a des entreprises en difficulté et des filières qui sont confrontées à des difficultés. C'est le cas de l'automobile, c'est le cas de la chimie, c'est le cas de la métallurgie. Mais il y a aussi beaucoup de bonnes nouvelles. L'industrie va embaucher 240 000 personnes cette année. Il y a 70 000 emplois qui ne sont pas pourvus. On est dans la Semaine de l'industrie pour attirer les jeunes vers l'industrie, parce qu'on a besoin de créer des vocations justement pour recruter. Donc le tableau, il est toujours contrasté. Mais c'est vrai qu'il y a aussi des entreprises en difficulté. Et face à ces difficultés, la méthode du Gouvernement, ma méthode, celle d'Antoine ARMAND, c'est toujours la même ; c'est d'abord d'essayer de trouver des repreneurs pour les sites lorsque des sites fermés. Trouver des solutions industrielles pour maintenir l'activité. Ça, c'est le premier point.
JULIEN ARNAUD
Vous pensez qu'il y a un espoir pour Denain et pour Reims ?
MARC FERRACCI
On va discuter avec l'ensemble des parties prenantes. La méthode ici, ça consiste à aller sur le terrain pour écouter les acteurs, pour voir s'il y a des solutions industrielles. Ça consiste à jouer collectif parce que les solutions, on les trouve avec les élus, avec les services de l'Etat, avec les organisations syndicales. On a trouvé…
JULIEN ARNAUD
Je rebondis juste par rapport à ce que vous dites parce qu'il y a eu un appel lancé - vous parlez des élus - par le maire de Reims, Arnaud ROBINET, que vous connaissez sans doute, qui dit " J'invite Marc FERRACCI… "
MARC FERRACCI
Moi, je me rends sur le terrain dès que nécessaire, dès que ma présence est utile. Je suis allé à Cholet sur le site de MICHELIN pour lancer…
JULIEN ARNAUD
Ça ne s'est pas très bien passé d'ailleurs.
MARC FERRACCI
Cela s'est passé de manière tout à fait satisfaisante au sens où j'ai pu discuter avec tout le monde.
JULIEN ARNAUD
Il y a eu des huées. Et vous avez dû partir dans des circonstances un peu compliquées.
MARC FERRACCI
Non mais j'ai pu discuter avec des salariés. J'ai pu discuter avec les organisations syndicales. Ma méthode, c'est toujours celle-là : aller sur le terrain quand c'est utile. À Cholet, j'ai lancé un comité de suivi des engagements de MICHELIN. J'irai là où c'est utile.
JULIEN ARNAUD
Donc, vous allez à Reims bientôt ?
MARC FERRACCI
Si ma présence est utile, j'irai. Ce que je veux vous dire, c'est que c'est en travaillant collectivement qu'on trouve des solutions. Quand on peut trouver des repreneurs, on les trouve et parfois l'Etat est… et souvent, l'Etat est au rendez-vous pour mettre de l'argent avec des prêts, avec des garanties de prêts pour sécuriser le modèle économique et industriel de l'entreprise. On a des exemples… Ces dernières semaines, on parle toujours des entreprises qui sont en difficulté et on parle assez peu des redressements des entreprises qu'on sauce. On a sauvé l'entreprise NFA à La Bâthie en Haute-Savoie, avec 120 emplois sauvés. On a sauvé beaucoup d'entreprises ces dernières années.
JULIEN ARNAUD
Il y a des succès bien sûr mais vous voyez bien que le contexte est plus difficile qu'avant.
MARC FERRACCI
Bien sûr, le contexte est plus difficile. Pourquoi ? Et c'est là qu'il faut marcher sur deux jambes. Il faut protéger l'existant, mais il faut aussi avoir une stratégie et une vision globale pour notre industrie et défendre la compétitivité de nos entreprises. Je crois fondamentalement que mon ministère est un ministère de combat. Je me bats tous les jours sur les dossiers d'entreprise. Je me bats aussi au niveau européen pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Nous allons faire des propositions pour une politique industrielle à l'échelle européenne. Nous faisons également des efforts…
JULIEN ARNAUD
Sur les droits de douane… ça, ça concerne les droits de douane ? Puisque vous parlez de l'Europe...
MARC FERRACCI
Pas seulement.
JULIEN ARNAUD
Je voudrais vous interroger, justement, sur un sujet qui est dans l'actualité qui est l'accord sur le Mercosur, parce qu'on voit la mobilisation de la plupart des agriculteurs contre cet accord, pas tous, notamment les vignerons ou les producteurs de lait qui sont plutôt pour. Dans l'industrie, on est forcément pour le Mercosur, notamment dans l'industrie automobile. Est-ce que vous, ministre de l'Industrie, vous êtes contre cet accord sur le Mercosur alors que c'est l'ouverture d'un marché de 220 millions de consommateurs ?
MARC FERRACCI
Je pense qu'il faut être cohérent. Il faut avoir une approche globale des sujets. Le principe des accords commerciaux, moi, je le soutiens. Je pense que le commerce international est fondamentalement bon, à une condition, c'est que le commerce international soit juste. Quel est le problème avec cet accord du Mercosur ? C'est qu'il ne contient pas suffisamment de clauses qui permettent la réciprocité, c'est-à-dire faire en sorte que ceux qui exportent en Europe soient soumis aux mêmes règles, en particulier dans le domaine agricole, que ceux qui, en Europe, exportent vers l'Amérique latine. Ça, c'est le point fondamental et ça vaut pour l'agriculture, pour l'industrie. Si on n'a pas cette réciprocité, si on n'a pas ce jeu à armes égales, eh bien, à un moment ou à un autre, tout le monde est perdant. Et ce que je veux dire, c'est que nos industriels français, je pense, peuvent gagner dans la compétition internationale si on leur permet de jouer à armes égales. Cela veut dire avec des protections qui soient similaires à celles des constructeurs chinois, par exemple en termes de véhicules électriques. Et c'est pour cela qu'on a augmenté les tarifs sur les véhicules chinois. Avec du soutien qui soit similaire à ceux des constructeurs de batteries américains qui subventionnent massivement leurs industries. Si on joue à armes égales, on gagnera. Moi, je vais partout sur le terrain et je sais que nos industriels ont un dynamisme et des atouts formidables à faire valoir.
JULIEN ARNAUD
Et vous irez Je à Reims si votre présence est nécessaire. C'est ce que vous nous avez dit ce matin. Merci beaucoup Marc FERRACCI.
MARC FERRACCI
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2024