Interview de M. Nicolas Daragon, ministre délégué, chargé de la sécurité du quotidien, à TF1 le 21 novembre 2024, sur les policiers municipaux et le budget 2025.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
7 h 37. Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invité ce matin, Nicolas DARAGON, ministre délégué chargé de la Sécurité du quotidien.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Nicolas DARAGON.

NICOLAS DARAGON
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Vous serez ce matin au congrès des maires pour lancer ce que vous appelez le Beauvau des polices municipales. Pour le dire simplement, l'objectif, c'est plus de pouvoir et plus d'armes pour les policiers municipaux ?

NICOLAS DARAGON
L'objectif, c'est de tenir compte du fait que le nombre de policiers municipaux a beaucoup augmenté. La dernière loi qui réglemente les choses date de 1999, on a augmenté de plus de 40% les effectifs. Il y a 27 000 policiers municipaux, il y a à peu près 11 000 postes encore ouverts aujourd'hui. Ça veut dire qu'on a véritablement une troisième force dont il faut qu'on élargisse les compétences puisque la police municipale ne peut pas contrôler les identités, ne peut pas ouvrir un coffre, ne peut pas entrer dans un porche d'immeuble. Donc, vraiment tenir compte de ce qu'est l'activité aujourd'hui de la police municipale.

ADRIEN GINDRE
Je m'arrête un instant sur la question de l'armement. On a vu des drames se multiplier à Poitiers, il y a quelques semaines, un jeune homme notamment. Dans cette ville-là, les policiers municipaux ont annoncé une grève pour le mois de décembre pour précisément demander un meilleur armement. Est-ce que vous êtes favorable à cette demande ?

NICOLAS DARAGON
À titre personnel, je suis favorable à ce que les métropoles, les villes importantes, le périurbain permettent aux policiers municipaux de s'armer, tout simplement parce qu'ils sont plus exposés qu'ailleurs, mais c'est une décision qui appartient aux maires, c'est dans le cadre de la libre administration des collectivités locales. Il n'y a que 4 000 policiers municipaux en France puisque les maires sont libres d'en créer une ou pas, de l'armer ou pas, de lui donner plus ou moins de pouvoir. Donc, liberté des maires, mais je pense que la phrase de Monsieur HURMIC est adaptée : " Être rattrapé par le réel ".

ADRIEN GINDRE
Le maire de Bordeaux, écologiste.

NICOLAS DARAGON
Le maire de Bordeaux, qui a été rattrapé par la réalité et qui aujourd'hui a décidé d'armer sa police municipale.

ADRIEN GINDRE
Alors qu'il avait fait campagne en disant qu'il ne souhaitait pas armer sa police municipale. Quand on dit armer, pardon une précision, on parle d'armes létales qui peuvent tuer ?

NICOLAS DARAGON
Létales, exactement. Aujourd'hui, les policiers municipaux ont souvent des pistolets à impulsion électrique, des matraques, des gazeuses lacrymogènes, mais la décision, en général, le pas à franchir, c'est celui de l'arme létale pour être en capacité de se défendre contre une agression lourde.

ADRIEN GINDRE
Mais vu l'évolution de la société, vu les drames que l'on vit, est-ce que ça veut dire aussi élargir les pouvoirs des polices municipales au point de les porter au même niveau que les polices nationales ? Vous dites aujourd'hui : " Il y a des choses qu'ils ne peuvent pas faire ". Qu'est-ce qu'on doit leur permettre de faire concrètement ?

NICOLAS DARAGON
Accéder au fichier, par exemple, quand un policier municipal arrête un véhicule, il n'a pas le droit de contrôler l'identité, il n'a pas accès au fichier. Est-ce que c'est une voiture volée ou non ? Est-ce que le conducteur est quelqu'un qui a le permis ou non ? Est-ce que c'est une personne recherchée ? On n'a pas le droit d'ouvrir un coffre, on n'a pas le droit de contrôler un sac, on n'a pas le droit de rentrer dans un porche d'immeuble. Donc, finalement, non, ce ne sont pas les mêmes pouvoirs, évidemment, pas de pouvoir judiciaire, pas de pouvoir d'enquête. Il n'est pas question que les policiers municipaux soient coincée dans un bureau à prendre des plaintes, comme malheureusement, trop de nos policiers nationaux et gendarmes le sont. Donc le sujet, c'est vraiment de les rendre encore plus efficaces lorsqu'ils sont sur le terrain, c'est la mission principale que les maires leur donnent, être visibles, être présents dans l'espace public.

ADRIEN GINDRE
Alors, il y a un combat dont vous parlez, quand je dis vous, au Gouvernement très souvent, dont les maires parlent très souvent, bien sûr, c'est la lutte contre le trafic de drogue. Il y a une demande emblématique : Peuvent-ils, à l'avenir, oui ou non, mettre des amendes sur les points de deal ? Notamment, est-ce que ça, c'est une mesure qui sera dans votre texte ?

NICOLAS DARAGON
Il y a deux évolutions que nous souhaitons : c'est les amendes forfaitaires délictuelles, que les policiers municipaux puissent les dresser, puisque régulièrement, ils contribuent au démantèlement de points de deal ou ils écartent des dealers des pieds d'immeubles, mais ils ne peuvent pas leur dresser d'AFD, ni aux dealers, ni d'ailleurs aux consommateurs.

ADRIEN GINDRE
AFD, donc c'est l'amende.

NICOLAS DARAGON
L'Amende forfaitaire délictuelle. Et deuxième possibilité, nous voulons élargir le PV électronique à tous les arrêtés des maires, quand les maires interdisent, par exemple, le maintien sur l'espace public de dealers. Nous voulons, évidemment, permettre de dresser un PV électronique.

ADRIEN GINDRE
Le paradoxe dans tout ça, Nicolas DARAGON, c'est qu'intuitivement, on se dit : c'est bien que les policiers municipaux puissent travailler, elle ait moyen, elle ait pouvoir, mais est-ce que ce n'est pas le rôle de la police nationale ? Est-ce qu'ils ne sont pas en train de se substituer à une défaillance de l'État ?

NICOLAS DARAGON
Il y a un continuum de sécurité dans lequel les maires ont toute leur place. Ils ont d'ailleurs des pouvoirs de police, police administrative, mais aussi police liée à la tranquillité publique. La société est de plus en plus violente, on l'a constaté. Les maires prennent souvent l'engagement, d'ailleurs, dans leurs programmes municipaux, ce fut mon cas, moi, à Valence, d'augmenter les effectifs de police municipale et donc, d'être un peu plus efficaces aux côtés de la police nationale ou de la gendarmerie nationale. Aujourd'hui, la police municipale, c'est véritablement une troisième force qui n'exerce pas les mêmes compétences, mais qui est ultra présente. Je vous le disais, potentiel de 40 000 policiers municipaux, donc 4 000 communes, ça veut dire une forte concentration d'agents aux côtés de la police nationale, de la gendarmerie nationale.

ADRIEN GINDRE
Mais vous n'êtes pas inquiet quand on voit que le Gouvernement, en ce moment même, demande cinq milliards d'euros d'économies aux collectivités. Alors, bien sûr, ça ne concerne pas que les villes, mais ça ne concerne pas que les budgets de police municipale, mais mécaniquement, les maires ne vont pas se retrouver dans une situation où de toute façon, ils ne pourront pas faire plus, ils ne pourront pas faire mieux, parce qu'ils devront faire des économies ?

NICOLAS DARAGON
Alors en réalité, d'abord, le budget est en débat au Sénat, ça veut dire qu'on ne sait pas ce qui va en sortir.

ADRIEN GINDRE
Oui, il y a quand même une copie initiale du Gouvernement qui est assez claire.

NICOLAS DARAGON
En effet, moi, qui suis maire, je subis aussi cette baisse de financement, mais ce sont des choix qui sont faits par les maires et moi, je fais confiance aux maires, ça veut dire qu'aujourd'hui, on a des maires qui continuent de recruter. J'ai reçu des maires de toute taille de commune, de toute couleur politique. Ils continuent de recruter malgré la perspective parce qu'ils font ce choix d'investir dans la tranquillité et la sécurité publique. Donc, c'est finalement un choix politique que d'assumer une part de la tranquillité publique.

ADRIEN GINDRE
Et donc, on comprend bien, chacun devra rendre des comptes devant ses électeurs pour les prochaines élections. Tout ce qu'on se dit là, les armes, les règles, ça va changer. Quand ? Quand est-ce qu'on verra la différence concrètement ?

NICOLAS DARAGON
On réouvre les débats aujourd'hui même au Congrès des maires. Il y a d'ailleurs une symbolique très forte d'aller le faire là-bas, c'est bien la libre administration des collectivités locales qu'on salue à cette occasion. Clôture des débats en principe le 31 mars, les actes réglementaires, les circulaires, les décrets au mois d'avril et un projet de loi qui pourrait intervenir au deuxième trimestre dans lequel, évidemment, on intégrera tout ce qui est du ressort du législatif.

ADRIEN GINDRE
Donc, quand vous dites actes réglementaires, c'est-à-dire que le Gouvernement peut le faire tout seul ? La loi, bien sûr, il faut qu'elle soit débattue au Parlement.

NICOLAS DARAGON
On peut faire certaines choses.

ADRIEN GINDRE
Et pourquoi pas les faire maintenant dans ce cas-là ?

NICOLAS DARAGON
Parce qu'on a besoin de concerter avec ceux qui payent, c'est-à-dire ceux qui décident, c'est-à-dire les maires. Moi, je ne veux pas donner des compétences aux maires s'ils sont opposés à les avoir.

ADRIEN GINDRE
Je vous pose aussi la question parce qu'on sait très bien que le Gouvernement travaille avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. On en parlait encore à l'instant à Alba VENTURA. Il y a quand même le risque que tout ce que vous proposez là, vole en éclats si le Rassemblement national contribue à censurer le Gouvernement. Vous ne vous dites pas qu'il faut qu'on se dépêche de prendre certaines mesures avant potentiellement de tomber ?

NICOLAS DARAGON
Alors, d'abord, je ne suis pas là pour commenter ce type de choses. Vous avez observé qu'on est au travail et c'est justement en réponse à ce que vous dites. On continue de travailler. On verra quels sont les actes qui sont à prendre, mais pour que le Gouvernement soit censuré, vous avez observé qu'il faudrait une alliance entre l'extrême-gauche et l'extrême-droite. Et cette alliance, elle produirait quoi ? Ce qu'on a observé aux Etats-Unis à un moment : un blocage général du pays, les retraites qui ne progresseraient plus, la loi sur l'insécurité, le narcotrafic, l'immigration, qu'on ne pourrait pas voter au Parlement. Que chacun prenne ses responsabilités, mais aujourd'hui, nous, nous continuons à travailler normalement au service de nos concitoyens.

ADRIEN GINDRE
C'est normal aussi quand on voit ce matin, je ne sais pas si vous avez le temps de regarder la presse, mais à la une du Parisien, votre collègue de l'économie Antoine ARMAND, qui met un coup de pression sur le Premier ministre, alors, pour le dire très rapidement, il dit : " Gabriel ATTAL a raison d'insister ". Il parle des allègements de cotisations pour les entreprises. Il dit même : " Je suis Ministre de Michel BARNIER, mais je suis surtout, surtout, membre de la famille Ensemble pour la République ". Vous vous diriez que vous êtes surtout LR avant d'être Ministre ?

NICOLAS DARAGON
Moi, je dis que je suis totalement loyal à Michel BARNIER, Premier ministre et aux institutions de notre pays, que je vais respecter la démarche budgétaire qui est pilotée d'ailleurs à Bercy. Ça tombe bien. Qu'on a un gros travail à faire et qu'on s'est mis au travail en quinze jours pour faire un budget.

ADRIEN GINDRE
Un ministre de l'Économie ne devrait peut-être pas dire ça.

NICOLAS DARAGON
Il a le droit de s'exprimer. Le débat parlementaire est ouvert. On verra ce qu'on fera au terme de ce débat parlementaire et je crois que toutes les propositions sont bonnes à entendre. Il faudra décider d'ici une quinzaine de jours, des options que nous retenons pour préserver les grands équilibres pour les entreprises, pour les collectivités locales.

ADRIEN GINDRE
Vous avez rappelé à plusieurs reprises que vous êtes Ministre et Maire, c'est une particularité. Certains de vos opposants locaux aimeraient bien que vous quittiez votre mandat de maire. Il y a une réflexion sur le cumul des mandats. Maire et parlementaire, vous souhaitez qu'on réautorise le cumul des mandats ?

NICOLAS DARAGON
Je crois que ce n'est pas à l'ordre du jour du tout parce qu'on a d'autres priorités : l'urgence budgétaire, l'urgence climatique. Il y a tellement de sujets en ce moment sur lesquels il faut qu'on travaille. La sécurité, on est très attendu par nos concitoyens sur les sujets d'immigration également. Tout ça viendra à mon avis plus tard, au débat, et ce sera assez logique de réavoir des parlementaires qui ont une implantation locale, à mon sens.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Nicolas DARAGON. Merci Adrien GINDRE. On va se retrouver dans quelques instants pour parler de ces villes qui mettent en place des dispositifs anti-SDF.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 novembre 2024