Interview de M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur, à France Info TV le 26 novembre 2024, sur le mouvement de contestation des agriculteurs, l'immigration clandestine, l'arrestation de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, les prisons, le trafic de drogue, l'apologie du terrorisme et les rodéos urbains.

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Média : France Info TV

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Bonjour Bruno RETAILLEAU,

BRUNO RETAILLEAU
Bonjour, Jérôme CHAPUIS,

JEROME CHAPUIS
On les entend depuis, ce matin, sur France Info, les agriculteurs se mobilisent à nouveau. Aujourd'hui, ils haussent le ton. Ils ont l'intention, cette fois, de viser des bâtiments administratifs. Est-ce que vous maintenez votre message de fermeté, tolérance zéro ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, mais le message de fermeté, je suis ministre de l'Intérieur, je ne suis pas ministre de l'Intérieur à mi-temps. Mon métier, c'est de faire respecter l'ordre public. Donc je ne peux pas faire deux poids, deux mesures. Simplement, je suis un enfant de la ruralité. J'habite toujours là où je suis né, dans une petite commune de moins de 6 600 habitants. Je connais beaucoup d'agriculteurs et je pense que leur cause est juste. Leur cause est juste parce que, notamment avec le Mercosur, on ne peut pas demander à nos agriculteurs d'avoir le niveau qualitatif pour notre alimentation au top mondial et en même temps importer du Brésil notamment et de l'Amérique du Sud, des pratiques qu'on interdit, ici en France. Ça, ça n'est pas supportable. Je me suis toujours opposé d'ailleurs, dès que j'étais député en 1994 aux accords de Marrakech et mes votes ont été constants, que ce soit sur le CETA ou sur le Mercosur.

BERENGERE BONTE
Sur les actions des agriculteurs, juste encore un mot, quand même, parce que vous dites : " Le droit de manifester est garanti par la constitution, mais… " On entend toujours ce « mais », il est garanti ou il ne l'est pas ?

BRUNO RETAILLEAU
Il est garanti, mais la violence n'est pas constitutionnelle. D'ailleurs, je voudrais, parce que vraiment, j'ai vu durant ces dernières semaines, il y a des jours, les manifestations et pour la plupart, elles se sont bien déroulées. Donc je voudrais remercier ceux des agriculteurs qui ont manifesté tranquillement dans le calme. Donc on peut manifester en France sans casser, sans blesser. Même fermeté pour tout le monde, les cheminots, par exemple, qui ont même fermeté. C'est exactement la question que vous me posiez. C'est-à-dire que, est-ce qu'il faudrait avoir deux poids, deux mesures ? Est-ce que pour une profession, on devrait céder ? Et sur d'autres professions, on devrait tenir ? Non, l'Ordre public est un tout. Et vous pensez bien que, si un jour, je cédais pour une profession, pour une cause, alors plus rien ne tiendrait.

BERENGERE BONTE
Peu de temps après votre arrivée place Beauvau, Bruno RETAILLEAU Tout début octobre, vous aviez donné des consignes de fermeté au préfet pour éloigner les clandestins. Est-ce que vous avez des chiffres ? Des résultats déjà ?

BRUNO RETAILLEAU
Nous aurons des résultats, prochainement. Je pense qu'ils seront favorables. On a des premiers résultats qui montrent que les éloignements ont augmenté significativement et ces derniers jours, Ces dernières semaines, nous avons reconduit par des vols groupés des Albanais, des Géorgiens. Avec FRONTEX, c'est FRONTEX qui a payé, d'ailleurs, ces vols de retour. Mais quand j'aurai des statistiques précises, j'en ai déjà, elles sont bien orientées. Je suis certain qu'avec la politique de fermeté, vis à vis notamment, de l'immigration illégale et je suis certain que nous obtiendrons des résultats.

BERENGERE BONTE
Il y a cet éternel problème des laissez-passer consulaires qui sont au coeur du rapport de Brigitte KLINKERT, que vous avez, sans doute, vu, qui détaille les raisons de l'échec de ces expulsions. 96% des annulations sont dues à ça, essentiellement pour des ressortissants de pays du Maghreb, notamment. Et le rapport pointe du doigt l'Algérie qui ne coopère quasiment plus avec la France. Ça vous surprend ?

BRUNO RETAILLEAU
Pour l'Algérie ou pour le rapport ?

BERENGERE BONTE
Les deux.

JEROME CHAPUIS
Les deux.

BRUNO RETAILLEAU
Non, ça ne me surprend pas. D'ailleurs, la politique que je fais, que je mène pour surmonter ces difficultés, c'est une politique qui consiste à signer des accords bilatéraux pour qu'on puisse renvoyer des étrangers en situation régulière, soit dans leur pays d'origine, soit dans des pays de transit où ils ont séjourné.

BERENGERE BONTE
Sauf que dans le même temps,…

BRUNO RETAILLEAU
Le Kazakhstan, si nous voulons renvoyer, par exemple, des Afghans, Or nous n'avons pas d'ambassade.

JEROME CHAPUIS
Mais s'agissant de l'Algérie, par exemple, est-ce que vous avez été surpris par, est-ce qu'il y a de la mauvaise volonté, de la mauvaise foi de la part des autorités algériennes sur ce dossier, de laisser-passer.

BRUNO RETAILLEAU
Les relations entre la France et l'Algérie. Chacun les connaît, bien sûr. Je me suis rendu avec le président de la République au Maroc, précisément parce qu'il y avait, au Maroc, un certain nombre de difficultés que nous allons surmonter. Avec l'Algérie, la relation diplomatique est compliquée, notamment en raison de la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Mais elle a été compliquée de tout temps.

BERENGERE BONTE
Mais précisément, dans ce nouveau contexte. Comment vous nouez les rapports de forces ?

BRUNO RETAILLEAU
Pour l'instant, les derniers chiffres n'ont pas montré d'inflexion. Mais c'est trop peu, c'est beaucoup trop peu. Aujourd'hui, je pense qu'il y a un sujet qui mérite que le reste soit laissé de côté, c'est Boualem SANSAL. Le président de la République s'en préoccupe. Je ne…

BERENGERE BONTE
Pas du gouvernement, on n'a pas attendu ni Premier ministre.

BRUNO RETAILLEAU
Il faut rappeler, quand même, un qui est le même SANSAL, écrivain franco-algérien qui a été naturalisé par le président de la République lui-même, qui est arrivée, il y a quelques jours en Algérie, qui depuis, on est sans nouvelles et qui doit être présenté très prochainement par un procureur. Moi j'ai changé par SMS quelques jours avant qu'il ne soit arrêté. C'est un écrivain, c'est un immense écrivain, mais c'est aussi un Français. La nationalité française lui a été accordée et la France doit sa protection, bien sûr, à Boualem SANSAL. Je fais confiance au président de République pour déployer toute l'énergie qu'on peut lui connaître pour obtenir sa libération.

BERENGERE BONTE
Les médias algériens le disent, qu'il risque la prison à vie.

BRUNO RETAILLEAU
Je n'en dirai pas plus. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'efficacité commande la discrétion. C'est ce qui explique le relatif silence du Gouvernement ces derniers jours. Mais bien sûr, j'ai compris, y compris le mien. Encore une fois, Boualem SANSAL est quelqu'un qui m'est cher. J'échangeais avec lui par texto quelques jours seulement avant son arrestation. Donc ce qui est important, ce n'est pas de donner de la voix. Ce qui est important, c'est d'obtenir des résultats.

JEROME CHAPUIS
Alors reparlons de l'immigration, de ce dossier immigration. Vous avez promis, Bruno RETAILLEAU, une nouvelle loi, mais la dernière adoptée dans la douleur, il y a un peu moins d'un an, n'est toujours pas intégralement appliquée, on révélait, ce matin, sur France Info. Huit décrets d'application sur une trentaine, au total. Vous confirmez, d'abord ces chiffres. Pourquoi est-ce que ça traîne ?

BRUNO RETAILLEAU
Ça traîne pour des raisons de contexte, notamment électoral à l'époque. Et aujourd'hui, je me suis engagé à ce que la totalité des décrets qui dépendent de mon ministère soient sortis et soient signés, d'ici la fin de mai.

JEROME CHAPUIS
Mais les autres ? On parlait du ministère du Travail.

BRUNO RETAILLEAU
Idem, parce qu'il y a des consultations, notamment sur les métiers en tension. Il faut donner du temps au temps, mais ces décrets vont sortir. J'ajoute que cette loi va nous être et nous est déjà très favorable puisque, en matière d'éloignement, elle nous permet de lever des protections dont bénéficiaient des individus qui étaient sur notre sol et qui avaient commis des délits et même parfois des crimes. Et ces protections, notamment, lorsqu'ils arrivaient avant l'âge de treize ans sur le territoire français, et bien ils étaient très protégés. Cette loi a levé ses protections et c'est, pour nous, vraiment un point énorme.

BERENGERE BONTE
Quelle est l'utilité, Bruno RETAILLEAU d'une nouvelle loi, alors que l'autre n'est pas appliquée à part, disons-le, envoyer un signal au RN ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, moi, je veux envoyer. Voyez, madame, je vais envoyer un signal aux trafiquants. Je veux envoyer un signal aux filières qui abusent de ces êtres humains.

BERENGERE BONTE
Les immigrés et les trafiquants ne sont pas, tout à fait, les mêmes.

BRUNO RETAILLEAU
Et bien, c'est bien ce que je vous dis, les trafiquants, ce sont eux qui abusent de ces pauvres êtres humains qui sont déracinés, qui sont envoyés en Méditerranée où certains trouvent la mort. Et même en Manche, on va arriver à plus de 70, ce sont les filières. Et moi, je ne confonds pas les deux. Vous sous entendez que je confonds les deux ? Dites-moi,

BERENGERE BONTE
J'entends que vous parlez de trafiquants et vous venez de préciser.

BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr, je le précise fermement. Et aujourd'hui, on le voit bien que pour obtenir des résultats, il faut la fermeté. Et ce que je veux, c'est que l'ensemble des États membres de l'Europe sont en train de durcir leur législation. Et je ne veux pas qu'en France, il y ait des dispositifs, que ce soit pour le soin, pour le regroupement familial, pour le délit de séjour irrégulier qui soit plus avantageux que la moyenne européenne. Parce que si nous sommes dans des positions plus attractives, alors on crée des appels d'air. Voilà, et je vais vous dire, ces mesures de fermeté, elles sont soutenues par plus de 70 %, plus de 75 % des Français. Et je vais vous dire aussi, mon dernier Conseil européen où il y avait l'ensemble des ministres de l'intérieur, tous se sont exprimés, les 27. Vous étiez incapables de reconnaître si un ministre de l'Intérieur appartenait à un Gouvernement de droite ou de gauche. Parce que nous avons tous le même discours sur l'immigration. Tous nos peuples veulent la fermeté. Il n'y a que quelques-uns, à Paris et ailleurs, qui sont, parce qu'ils ont des moyens d'habiter les beaux quartiers, parce qu'ils ont des moyens de mettre leurs enfants dans des bonnes écoles, se protègent des conséquences de ce désordre migratoire.

BERENGERE BONTE
Comment, je vais me permettre, appliquer la précédente avant de déjà parler de la suivante ?

BRUNO RETAILLEAU
Chère Madame, nous appliquons, je viens de vous le dire, la précédente, puisque précisément, les bons chiffres dans quelques semaines, je communiquerai en matière d'éloignement. Ça nous vient aussi de cet article. À l'époque, c'était l'article neuf et l'article dix de la loi qui nous permettait de lever des protections en matière d'éloignement des étrangers. Bien, je pense que ça s'est déjà appliqué, et nous appliquons tout ce que nous pouvons appliquer de la loi.

BERENGERE BONTE
Qui de l'AME, Aide médicale d'État. Donc, vous répondre ?

BRUNO RETAILLEAU
Je pense que l'AME, elle doit être réformée. Ecoutez, l'AME, d'abord, le chiffre explose. On est passé, on était à 320 000 clandestins. Ce sont les clandestins qui bénéficient de l'aide médicale d'État.

JEROME CHAPUIS
Des étrangers en situation irrégulière qui…

BRUNO RETAILLEAU
Situation irrégulière, en 2020, 320 000. L'an dernier, plus de 420 000, ça explose au-dessus du milliard, 1,2 milliard, 1,3 milliard. Ce que je veux dire, c'est qu'on demande aux Français des efforts, des remboursements, des médicaments, des remboursements, des visites médicales. Il y a 2 millions de Français qui ne peuvent pas se payer des complémentaires. Le sondage est fait…

BERENGERE BONTE
Ces médicaments, vous savez qu'il y a aussi un enjeu public, là-dessus.

BRUNO RETAILLEAU
Attendez.

BERENGERE BONTE
Et que soigner ces gens, c'est aussi.

BRUNO RETAILLEAU
Ce que je veux dire, non.

BERENGERE BONTE
Protéger l'ensemble de la population nationale ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, ce que je veux, moi, ce n'est pas l'abolition de l'AME c'est l'aide médicale d'urgence. Comme la plupart des pays européens, pouvez-vous me dire si l'Allemagne, la Suède, l'Espagne et d'autres pays sont en situation de santé publique moins bonne que la France ? Non, ce que moi je veux, là encore, c'est faire en sorte qu'on limite les excès, on limite les excès. Et là encore, je pense, d'ailleurs le rapport de M. STEFANINI et Monsieur EVIN avait très bien décrit cette situation dans laquelle l'AME, enkystait, en réalité, maintenait en situation de clandestinité ces étrangers en situation irrégulière. Je pense qu'on va demander des efforts aux Français. Moi, je veux demander des efforts à ceux qui ont violé la loi, qui ont violé nos frontières.

JEROME CHAPUIS
Cette réforme de l'AME, quand verra-t-elle le jour ?

BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez, j'espère qu'il y a dans quelques semaines, dans quelques jours d'ailleurs, l'examen du projet de loi de finances pour 2025 et j'espère que des amendements seront apportés pour modifier les règles de l'AME, c'est faisable.

JEROME CHAPUIS
Vous aurez une majorité pour ça ?

BRUNO RETAILLEAU
Ecoutez, en tout cas pour ce qui concerne le PLF, pour l'instant, il est au Sénat puisqu'il n'y a pas de majorité. Vous avez qu'à l'Assemblée, la première partie qui…

JEROME CHAPUIS
On vous pose la question, parce qu'en fonction des ministres qu'on reçoit ici, au sein même du Gouvernement, tout le monde n'a pas la même position que vous.

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, moi, j'ai en charge un périmètre. Je pense que si demain, si on écoute les Français, si on est démocrate, on écoute les Français. Une énorme majorité de Français. Ce qui est notable, c'est que désormais une majorité des Français qui votent à gauche veulent, justement, la fermeté en matière de politique migratoire. C'est ce que je veux aussi, et Michel BARNIER, là encore, il l'a dit dans sa déclaration de politique générale, il est dans cette direction de la fermeté.

(..)

BERENGERE BONTE
Et ce matin, Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur. Bruno RETAILLEAU, les portables en prison, vous avez peut-être entendu le choix de France Info signé Gaël JOLI, ce matin, l'an dernier, l'administration pénitentiaire en a confisqué 53 000 pour un total de 79 000 détenus. Officiellement, la chasse est lancée, mais, hors micro, les directeurs de prison vous disent qu'ils laissent faire pour acheter la paix sociale, que certains détenus craquent, sinon, et que ça arrange finalement les policiers qui mettent certains détenus sur écoute. Qu'est-ce que vous comptez faire pour ça ?

BRUNO RETAILLEAU
La pénitentiaire, ça ne relève pas du ministère, du périmètre de mon ministère, c'est mon collègue, Didier MIGAUD, pour le ministère de la Justice, mais de ce point de vue-là, nous sommes alignés…

BERENGERE BONTE
Il y a une question de sécurité qui fait que le sujet vous revient également.

BRUNO RETAILLEAU
Absolument, de profondément choquant. Regardez Amra. Le dénommé Amra, dont on sait qu'il s'est échappé dans les conditions que vous savez, en tuant, et on s'est aperçu que depuis la prison, il commanditait des délits, etc. J'ai eu un certain nombre de preuves que l'un des dirigeants de la DZ Mafia, qui est emprisonné, a commandité des dizaines de délits et de crimes depuis sa prison. Ça, c'est intolérable. Je sais que Didier MIGAUD veut y mettre fin, notamment avec des quartiers de très haute sécurité où on pourrait emprisonner ces individus les plus dangereux pour faire en sorte qu'il y ait un brouillage. C'est incroyable qu'aujourd'hui, on puisse communiquer en prison, et surtout que depuis la prison, on puisse commanditer des crimes.

JEROME CHAPUIS
Il y a une doctrine sur ce sujet, Bruno RETAILLEAU, il y a une doctrine, parce qu'on a entendu, ce matin, qu'il y a, d'un côté ,des détenus dangereux qui peuvent faire du trafic ou voire commanditer des crimes, et puis de l'autre, il y a aussi des détenus qui disent : " Sans ça, je craque ". Pour qui le portable est simplement un passe-temps ?

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, il y a eu un temps où les prisonniers de France n'avaient pas de portable, puisque le portable n'existait pas. La prison, c'est la prison. On est en prison parce qu'on a commis des délits ou des crimes, point final. C'est l'enfermement. Et moi, je trouve absolument stupéfiant que des individus, mais très dangereux, commanditent des crimes depuis leur prison et qu'ils pourrissent même des territoires. Il suffit que la prison soit dans une ville pour que cette ville soit contaminée en matière, par exemple, de narcotrafic.

JEROME CHAPUIS
Et donc, on fait quoi ?

BRUNO RETAILLEAU
L'idée de mon collègue Didier MIGAUD, et je l'appuie, est de faire des quartiers de très haute sécurité où on pourrait isoler, notamment, ces individus les plus dangereux et les couper de tout contact.

BERENGERE BONTE
Mais ce sont manifestement, ce sont plus de la moitié des détenus, en fait, qui sont concernés. Donc, ce n'est pas quelques quartiers de sécurité.

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr. Commençons, en tout cas, pour ce qui me concerne, moi, ministre de l'Intérieur, et du combat extrêmement important que j'entends mener contre la criminalité organisée et le narcotrafic, je pense qu'il faut commencer par le haut du spectre. Parce que c'est le haut du spectre qui est le plus dangereux.

JEROME CHAPUIS
Ça veut dire qu'on se concentre, comme vous dites, sur le haut du spectre avec des quartiers ultra sécurisés et donc qu'on le tolère pour les autres quartiers ?

BRUNO RETAILLEAU
Ah, moi, je ne tolère rien du tout. Non, mais attendez, vous m'interrogez, vous interrogez le ministre de l'Intérieur. Je suis sûr que vous aurez un coeur d'inviter Didier MIGAUD. Pour ce qui me concerne, moi, non. Ce serait zéro téléphone pour tout le monde.

JEROME CHAPUIS
Autre information, ce matin, sur France Info, du service Police Justice à Marseille. La saturation du trafic de cannabis entraîne une diversification des produits avec des effets toujours plus puissants. Et cette note du confidentiel du renseignement territorial et de l'office antistupéfiant, l'OFAST, que s'est procurée France Info, évoque des concentrés de cannabis congelés juste après leur récolte, le tout vendu sur les réseaux sociaux pour des cigarettes électroniques, notamment. Est-ce que vous confirmez avoir eu cette information ?

BRUNO RETAILLEAU
J'étais à Marseille et j'ai discuté notamment avec les enquêteurs de l'OFAST. Et je vous confirme que la situation est dramatique. Et elle est dramatique, c'est la raison pour laquelle je veux faire du combat contre le narcotrafic, contre ces drogues qui entraînent des meurtres. Vous vous compte, cet enfant de 5 ans, deux balles dans la tête, ces jeunes qui sont tués, ces jeunes qui tuent, de plus en plus jeunes, qui sont tués de plus en plus jeunes. Déjà, la commission d'enquête du Sénat avait parlé d'une épouvantable vague de submersion. Aujourd'hui, la drogue la plus dure, elle est disponible partout, tout le temps. Partout, en ville, en campagne, tout le temps, y compris, vous l'avez indiqué, par des livraisons à domicile, ce qu'on appelle, le Uber shit. Il faut réagir comme on a réagi avec le terrorisme. Je prends souvent ce parallélisme, cette comparaison. On a réagi il y a 10 ans. On a créé, par exemple, un parquet national antiterroriste. On a créé une chaîne pénale spécialisée. On a eu recours à des techniques d'investigation, des techniques de renseignement, d'enquête, très sophistiquées. Et on a refondé un arsenal législatif. Moi, ce que je veux pour la France, parce que ça menace, la drogue menace jusqu'à nos institutions, jusqu'à l'équilibre fondamental de notre nation, et je pense vraiment que ce qu'on a fait pour le terrorisme, il faut désormais le faire contre le narcotrafic.

BERENGERE BONTE
Où en est la campagne de sensibilisation des consommateurs dont vous aviez parlé quand vous étiez allé à…

BRUNO RETAILLEAU
J'ai un arbitrage à rendre, d'ici quelques jours, entre trois scenarii qu'une agence nous a proposé. Donc c'est éminent, c'est relativement…

BERENGERE BONTE
Donc, c'est éminent ou relativement ?

BRUNO RETAILLEAU
C'est éminent, donc il y a le choix, d'abord, du type de campagne, ensuite il y a la production, et enfin j'espère bien que, d'ici la fin du mois de janvier, nous serons capables de la diffuser, notamment sur les écrans de télévision.

JEROME CHAPUIS
Et ça ciblera spécifiquement les consommateurs parce qu'on vous avait entendu, vous êtes très dur à l'égard des consommateurs.

BRUNO RETAILLEAU
Je suis dur, écoutez, j'ai les informations, vous me donnez une information mais vous n'imaginez pas les informations dramatiques que j'ai. Cet effroyable rajeunissement de ceux qui sont tués et de ceux qui tuent. Ces familles, j'ai rencontré à Marseille, ces mamans qui ont perdu leur fils, cette mère, cette femme qui a perdu son mari dans des conditions abominables. Moi je veux faire quelque chose.

JEROME CHAPUIS
Donc cette campagne signera ça ?

BRUNO RETAILLEAU
Je dis aux consommateurs : " Il n'y a pas d'offre s'il n'y a pas de demande ". Et un joint, un rail de côtes, il a le goût des larmes, il a le goût du sang. Je veux responsabiliser les consommateurs, c'est mon devoir.

BERENGERE BONTE
Bruno RETAILLEAU, vous avez vivement réagi ce week-end à la proposition de loi des Insoumis de supprimer le texte de 2014 qui punit l'apologie du terrorisme de 5 à 7 ans de prison pour la faire revenir dans la loi sur la liberté de la presse. Sur le fond quand même, est-ce qu'il n'y a pas un sujet avec cette loi ? Même le comité des droits de l'homme de l'ONU conseillait, il y a quelques semaines, à la France, de réviser ce texte pour qu'il ne puisse pas être invoqué de façon abusive, je finis de citer, pour indûment restreindre la liberté d'expression d'autrui.

BRUNO RETAILLEAU
Le comité des droits de l'homme de l'ONU, est-ce que ce n'est pas ce comité qui avait condamné la France notamment pour avoir…

BERENGERE BONTE
Alors on pourrait citer Marc TREVIDIC, ancien juge antiterroriste, qui était pour à l'époque et qui est contre aujourd'hui.

BRUNO RETAILLEAU
Pour avoir, je crois condamner la France, pour avoir voté cette loi contre le port de la burqa. C'est une proposition de la honte. On vient de commémorer le 9ème anniversaire de l'attentat, du massacre du Bataclan. Et la proposition de loi de LFI, que fait-elle ? Elle dépénalise le crime d'apologie du terrorisme. C'est faux, elle ne l'implémente pas dans la loi qui concerne la liberté de la presse de 1880. C'est faux. Ce qui restera dans la loi sur la presse, ce sera la condamnation d'apologie pour les crimes, les crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais il n'est pas question de crime d'apologie, vous le remarquerez.

JEROME CHAPUIS
Mais si on met de côté la proposition de loi LFI et si on discute posément de cette loi qui date de 2014, si on écoute des voix comme celle du juge antiterroriste Marc TREVIDIC, si on écoute par exemple aussi Olivier FAURE qui est d'accord avec vous sur la proposition de loi LFI, il s'en désolidarise. En revanche, ces personnes disent « Cette loi de 2014, elle est peut-être allée trop loin parce qu'en quelque sorte, à gros traits, elle met dans le même panier des personnes qui font l'apologie du terrorisme et qui font de la propagande terroriste et de l'autre des personnes qui s'expriment peut-être, qui ont des propos peut-être moralement condamnables mais qu'on met dans le même sac que les terroristes.

BRUNO RETAILLEAU
La violence est toujours précédée d'une pensée et par les mots. Ceux qui ont été condamnés, c'est parce qu'ils avaient franchi la ligne rouge. Il y a une énorme différence entre la loi de 1981 et la pénalisation de l'apologie pour les crimes contrôlés terrorismes, c'est la loi sur la liberté de la presse, c'est le délai de prescription. 3 mois dans un cas, 6 mois dans l'autre. Il n'y a pas photo. En réalité, on voit bien ce que cherchent à faire LFI. Il est tout à sa propagande électoraliste, clientéliste. On le voit bien parce que le terrorisme qui a frappé et qui frappe toujours en France, une petite dizaine d'attentats ont été déjoués sur toute cette année 2024 par nos services que je veux saluer. Mais ce terrorisme, il a un nom ; c'est le terrorisme islamiste. Je veux le rappeler. Donc, c'est bien une proposition de loi de la honte. C'est une sorte d'insulte vis-à-vis de ceux et de celles qui sont morts, qui sont tombés justement sous les coups du terrorisme islamiste.

JEROME CHAPUIS
Il est beaucoup question ces jours-ci, autre sujet, Bruno RETAILLEAU, des rodéos urbains : un drame à Bassins ces derniers jours, un autre dans les Côtes-d'Armor avec l'IGGN d'ailleurs qui a saisi - l'inspection de la Gendarmerie nationale - après une course-poursuite avec une moto conduite par un jeune de 15 ans qui a trouvé la mort. Que comptez-vous faire depuis le temps qu'on entend parler de ce sujet pour limiter ces risques qui ont parfois aussi des conséquences au-delà des drames, des conséquences sur la vie quotidienne des Français ?

BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr. J'ai demandé aussi bien au directeur général de la Gendarmerie nationale qu'à son collègue le directeur général de la police nationale de réexaminer notre doctrine vis-à-vis des rodéos. Pourquoi ? Parce que vous avez des départements où en règle générale, les instructions qui sont données à nos gendarmes et notamment à nos policiers c'est de ne pas poursuivre. Et puis d'autres, c'est l'inverse. Donc il faut vraiment qu'on ait une doctrine qui soit la plus nette possible, la plus claire possible. Ça empoisonne, bien entendu, la vie de nos propres concitoyens mais ce que je veux c'est remettre à plat cette question-là. Il faudra quelques semaines. Nous avons nommé en conseil des ministres les deux directeurs généraux de la police nationale et de la Gendarmerie nationale. Il faut leur laisser quand même quelques semaines pour rendre cette copie.

BERENGERE BONTE
Bruno RETAILLEAU, est-ce que vous serez encore ministre à Noël ?

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, vous êtes la mère Noël peut-être, vous allez me le dire.

JEROME CHAPUIS
Non, on ne fait pas de pronostic mais est-ce que vous êtes comme Michel BARNIER ? Ça vous motive de vous dire que vous ne serez peut-être plus ministre demain ?

BRUNO RETAILLEAU
Non, moi ce qui me motive c'est la mission que j'ai d'assurer l'ordre public. Et je vis, c'est vrai, avec ce sentiment d'urgence mais ce sentiment d'urgence ne tient pas au calendrier. Je sais que le temps peut me manquer. Le sentiment d'urgence c'est l'état de la sécurité et de l'insécurité en France. C'est ça qui me motive. Et je fais le maximum et c'est la raison pour laquelle j'ai offert plusieurs fronts : le front de l'insécurité, le front du narcotrafic, le front là encore de l'immigration et d'autres fronts encore parce que je pense qu'il faut répondre très vite à l'attente de nos compatriotes.

BERENGERE BONTE
On continuera d'en parler évidemment dans les prochains jours, de la motion de censure. Juste un mot sur Anne HIDALGO qui annonce qu'elle n'est pas candidate à la mairie de Paris. Rachida DATI sera la candidate des Républicains ?

BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, c'est trop tôt. On vient d'apprendre ce matin cette confirmation qu'Anne HIDALGO ne renouvellerait pas en tout cas un troisième mandat. Elle a désigné un possible successeur. Pour l'instant tout ça est trop, trop rapide et bien tôt pour que je puisse prendre position ; moi, ma famille politique.

BERENGERE BONTE
Vous le souhaitez ?

BRUNO RETAILLEAU
Ce que simplement je veux dire, c'est que moi je suis à mon poste, dans les responsabilités qui sont les miennes. Croyez-moi, la tâche est lourde pour que ça m'évite de parler d'autres choses, notamment sur le plan politique.

JEROME CHAPUIS
Merci Bruno RETAILLEAU.

BRUNO RETAILLEAU
Merci à vous.

JEROME CHAPUIS
Ministre de l'Intérieur. Vous étiez l'invité de France Info ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 novembre 2024