Interview de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l'emploi, à France Info TV le 4 décembre 2024, sur son avenir au sein du gouvernement, les négociations avec le Rassemblement National, les mouvements sociaux, les suppressions d'emploi dans les grandes et moyennes entreprises, les relations avec le Parti socialiste et l'éventuelle démission d'Emmanuel Macron.

Prononcé le

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Média : France Info TV

Texte intégral

SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Astrid PANOSYAN-BOUVET,

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, bonjour,

JÉRÔME CHAPUIS
Bonjour,

SALHIA BRAKHLIA
Toujours officiellement ministre du Travail et de L'emploi. Est-ce que vous avez commencé à faire vos cartons au ministère ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ah non, pas du tout, parce que je voulais aussi profiter de ce moment pour rappeler à tous ceux qui nous écoutent qu'en ce moment même, ont lieu des élections syndicales pour 5 millions de nos concitoyens qui travaillent dans des TPE qui sont employés à domicile. Et ces élections, elles ont lieu jusqu'à lundi prochain, et c'est important de pouvoir aller sur cette plateforme TPE élection pour pouvoir défendre ses droits parce que c'est important.

SALHIA BRAKHLIA
Donc, vous parlez des travailleurs, là encore, ce matin, en ce jour important ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce que ça permet à des employés à domicile de pouvoir avoir des formations pour pouvoir se projeter. Des transporteurs routiers, ça a été négocié sur des dispositifs de retraite anticipée. C'est du concret. Et donc moi, je suis dans la vie concrète des gens jusqu'au bout et même après.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous, votre travail, Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous risquez de perdre cette après-midi. Est-ce que vous l'avez envisagé ? Ou alors vous avez encore de l'espoir ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Lundi dernier, il y a deux jours, j'étais à Bruxelles pour avancer sur le sujet de l'indemnisation de l'assurance-chômage des frontaliers, qui coûte 800 millions d'euros, chaque année, à la France. Voilà, moi je suis jusqu'au bout à ma tâche, que ce soit sur les élections des syndicats dans les petites entreprises, que ce soit sur le règlement des transfrontaliers. Il faut et pas du déni.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous vous imaginez, vous, être présente demain au Conseil des ministres ? Qu'est-ce que vous apporterez, demain, au Conseil des ministres, à 10 h ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Tout va dépendre, effectivement, du vote qui a lieu, aujourd'hui. Mais moi, ce que je voudrais quand même dire, aujourd'hui, c'est que ce vote, ce n'est pas simplement priver la France d'un Gouvernement. Il y a eu déjà un vote de censure, mais là on est en train de priver la France d'un budget. C'est un budget qui n'est pas parfait, ça c'est clair. Mais le budget, c'est toujours le résultat d'un compromis entre des objectifs qui, dans une situation financière très tendue, une situation économique qui se durcit. J'espère qu'on va aussi parler des défaillances d'entreprises, des plans sociaux, un contexte international qui se tend, également. Ça arrive à un moment très difficile pour le pays, ça ajoute de l'instabilité et de l'imprévisibilité à une situation qui n'est déjà pas stable et imprévisible.

SALHIA BRAKHLIA
Le Gouvernement en place donc depuis un peu plus de deux mois. Quel est le sentiment qui prédomine chez vous en ce jour particulier ? Il y a de la frustration, il y a de la colère ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a de la gravité, il y a de la tristesse parce qu'on ne réussit pas, en France, à instaurer une culture du compromis qui est vue comme de la compromission, qui est vue comme de la concession, qui est vue comme de l'ultimatum et du chantage. Et donc, il y a effectivement, de la tristesse et. Et de l'inquiétude pour la suite, parce qu'on a quand même besoin d'un budget et je pense que ça a été rappelé à différentes échéances. Les conséquences très concrètes, aujourd'hui, de ne pas avoir de budget pour pas mal de sujet, notamment le travail.

SALHIA BRAKHLIA
On va y revenir évidemment.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais politiquement, vu de la gauche, on l'entendait encore, hier matin, il y avait Marine TONDELIER, qui était là pour les écologistes et pour elle, discuter avec le Rassemblement national, ce n'était pas possible. Il n'y a pas de compromis possible pour une partie de la gauche avec le Rassemblement national.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais la question, ce n'est pas une discussion avec le Rassemblement national, c'est discuter de sujets concrets, aujourd'hui, qui font que, sur la question de la facture d'électricité et sur la question du pouvoir d'achat, ce sont des préoccupations et heureusement, qui sont partagées par bon nombre de partis politiques et pour nombre de nos concitoyens. Donc il n'y avait pas de concessions, il n'y avait pas de…

SALHIA BRAKHLIA
C'est l'impression, quand même, qui a été donnée, que c'est fini.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est d'ailleurs peut être un peu ça, ça a pu apparaître comme de la foire à la concession. Et non, on est d'abord dans le compromis.

SALHIA BRAKHLIA
Madame Astrid PANOSYAN-BOUVET, juste sur ce qui s'est passé, sur les dernières, la négociation, elle ne s'est faite qu'avec le Rassemblement national, qu'avec Marine LE PEN. Le dernier communiqué de Matignon est adressé à Marine LE PEN. Le Rassemblement national est cité. La honte, disait hier, Marine TONDELIER, qui était à votre place la patronne des écologistes, parce que vous avez aussi cédé sur des sujets annexes comme l'AME, l'aide médicale d'État. Est-ce que vous avez ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je veux, quand même, rappeler dans ce budget qu'il y a des choses sur laquelle la gauche ne peut pas renier, enfin je veux dire, et ça d'ailleurs, ça n'aura pas lieu si ce budget n'est pas voté. Mais sur la taxation des hauts revenus sur, pour la première fois parce peut parler du travail, sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises sur, mais ça ce ne sera pas voté, la réactivation de l'activité partielle de longue durée pour les entreprises pour qu'elles n'aient pas à mettre la clé sous la porte et de pouvoir mettre leurs travailleurs au chômage partiel. Ça ce sont des choses qui sont concrètes en plus, parce que tout n'est pas dans le budget d'un dialogue social qu'on a su rétablir, notamment en négociant des choses importantes sur la réforme de l'assurance-chômage sans que ça polarise et fracture plus le pays qu'il ne l'est déjà.

JÉRÔME CHAPUIS
Il y a ce chiffre qui a beaucoup fait réagir, hier, dans la bouche du Premier ministre, 18 millions de Français verraient leur impôt sur le revenu augmenter en cas de non-vote, en cas de censure et donc d'absence de budget. Qu'est-ce qui doit être fait dans les prochaines heures, de manière urgente, si jamais la censure tombait pour éviter, si le Gouvernement tomberait, pour éviter cette situation.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Là, rien ne peut être fait pour éviter cette situation, parce que c'est la loi de finances qui décide de faire que le barème de l'imposition suit l'inflation. Donc là, ça veut dire très concrètement, et je pense que ça a été dit à plusieurs reprises, 380 000 foyers qui étaient exemptés, un tabou sur le revenu qui le seront, 17 millions de foyers qui verront leurs impôts augmenter, alors que c'est ça qui est fort de café. Les plus hauts revenus dont on avait prévu une augmentation d'impôts seront exemptés puisque la loi de finances ne s'applique pas.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous savez aussi ce qui vous est reproché Astrid PANOSYAN-BOUVET. Par exemple, si on prend un peu de recul, après toutes les concessions qui ont été faites, notamment au Rassemblement national, on est en train de se demander si le gouvernement ne va pas tomber pour 3 milliards. Trois milliards, en fait, c'est le coût de l'indexation des retraites sur l'inflation. Et finalement, le premier ministre a dit : "Non, je ne vais pas céder à cette demande du Rassemblement national". Est- ce que vous risquez la crise politique, la crise financière, de l'accentuer pour 3 milliards ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce que le budget, c'est un compromis entre la stabilisation de l'endettement et on est arrivait à quelque chose d'autour de 5 %. Mais il ne faut pas que ça dépasse, non plus, parce que la facture commençait à devenir lourde. Enfin, je veux dire, ça a été rappelé aussi par Laurent SAINT-MARTIN, entre les différentes concessions sur l'électricité, les routes.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous nous dites que ça va pris, ça va être le chaos.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Sur la question du pouvoir d'achat. Oui, mais il y a un moment donné où on n'est pas dans le chantage ou dans l'ultimatum non plus. Un budget, c'est l'équilibre entre la stabilisation de l'endettement, le pouvoir d'achat, les conditions d'exercice des entreprises, les services publics et puis aussi des crises ponctuelles. Je pense à nos agriculteurs qui, pour le coup, seront aussi les premiers pénalisés d'avoir de ne pas avoir de budget ou ce qui s'est passé en Nouvelle-Calédonie où il faut aussi financer la réparation…

SALHIA BRAKHLIA
Alors, effectivement, il va y avoir des choses qui vont être faites et pas d'autres en l'absence de budget. Il y a l'exemple des retraites.

JÉRÔME CHAPUIS
Oui, les retraites, notamment leurs pensions, les pensions des retraités seront indexées sur l'inflation, 2,2 % contre 0,8 % au 1er janvier, ce qui était prévu dans votre budget. Nouvelle augmentation pour les petites retraites en juillet. Les retraités, finalement, ils seraient gagnants de cette situation de censure ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Les retraités seraient effectivement gagnants si on peut dire qu'il y a des gagnants. Parce qu'effectivement dans cet océan de difficultés, ils verraient leur pension indexée sur l'inflation pour la totalité.

JÉRÔME CHAPUIS
On pose la question à la ministre du travail, ça veut dire que les inactifs seraient bien en quelque sorte bénéficiaires par rapport aux actifs ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais c'est ça le sujet fondamental. C'est à dire que là, je voudrais aussi dire qu'il y a une forme de frilosité et de myopie de la classe politique qui considère les retraités comme un bloc homogène. Eh bien moi, je suis la ministre du travail, je peux vous dire que les salariés, ce n'est pas un bloc homogène, les retraités non plus. Il y a 75 % des retraités qui sont propriétaires et précisément les petits retraités, les petites pensions, ce sont souvent des gens qui ne sont pas propriétaires et pour lesquels la pension vient payer l'essentiel du logement. Et ceux-là, il faut les protéger. Mais il y en a d'autres qui peuvent aussi, je le pense, participer à l'effort de redressement de nos comptes publics au même titre que les actifs, au même titre que les entreprises. Il est là, le débat fondamental.

SALHIA BRAKHLIA
Donc la censure, c'est une bonne nouvelle pour les retraités. Est-ce que les fonctionnaires qui nous écoutent ou nous regardent doivent s'inquiéter pour le paiement de leur salaire l'année prochaine, si le gouvernement tombe ce soir ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, il n'y a pas de shutdown à l'américaine dans lequel il n'y aura plus les crédits pour payer les fonctionnaires. Il ne s'agit pas de verser dans le catastrophisme, il ne faut pas se rassurer à bon compte non plus. C'est le message que je veux donner ici. Et ne pas voter un budget, c'est dans le contexte économique que nous connaissons avec 6 % de déficit à la fin de l'année, 3 000 milliards d'emprunts pour financer la dette de l'État, de l'imprévisibilité pour les entreprises qui n'aiment pas ça, pour les ménages et pour ceux à qui on emprunte. C'est très concret.

JÉRÔME CHAPUIS
Un point très concret, là encore, qui concerne le SMIC. Le 1er novembre, le SMIC a été revalorisé de 2 % en anticipation du mois de janvier, sur décision du Gouvernement. Là, sans nouveau budget, il y aurait quand même une revalorisation au 1er janvier, dès lors que c'est la loi ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Dès lors que c'est la loi, par rapport à une augmentation du taux d'inflation.

JÉRÔME CHAPUIS
Donc ça veut dire qu'il n'y aurait pas…

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est typiquement ce genre de choses que je vais discuter pas plus tard que ce matin, puisque je rencontre les comités d'experts de la question du SMIC, justement, pour discuter de ce sujet.

SALHIA BRAKHLIA
Mais dans ce cas-là, c'est vous qui décidez ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, on devra décider, de toute façon, en fin de l'année. Mais c'est précisément ce genre de sujet dont il faut discuter, sachant que ce comité d'experts avait dit que le 1er novembre suffisait, puisqu'on était simplement dans de l'anticipation.

JÉRÔME CHAPUIS
Tout ça dans un climat social lourd. Il y a, demain, une grève de la fonction publique, la semaine prochaine, grève dans les ports, mouvement reconductible des cheminots. Quel message vous adressez-vous dans ce moment aux syndicats ? Appel à la responsabilité ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Depuis que je suis ministre du Travail, j'ai vu que les syndicats comme le Patronat étaient très responsables. Je n'ai pas besoin, moi, de faire un appel à la responsabilité sur des sujets aussi potentiellement fracturant que la réforme de l'assurance-chômage.

SALHIA BRAKHLIA
Ils ont trouvé un accord ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ils ont trouvé un accord où ils ont pu, à la fois trouver des économies, tout en protégeant mieux ceux qui, aujourd'hui, sont les plus fragilisés par le durcissement de la situation économique, les jeunes, pour qu'ils soient mieux protégés par l'assurance-chômage. Donc je n'ai pas d'appel à la responsabilité à faire aux partenaires sociaux, parce que je trouve que, contrairement à beaucoup de partis politiques, ils ont un esprit de responsabilité et ils savent trouver des compromis quand on leur demande.

SALHIA BRAKHLIA
Mais vous voyez bien que là, dans cette situation particulière, on essaie de déterminer qui sont les gagnants et les perdants de la situation. Et dans certains secteurs, on est content qu'il n'y ait pas de nouveau budget l'année prochaine.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que la France est comme un organisme vivant, c'est-à-dire interdépendant. Je pense qu'on ne peut pas, comme ça, se dire qu'il y a des perdants, des gagnants. Je pense que la situation de l'endettement, si elle s'emballe, elle ne sera bonne pour personne. Des taux d'intérêt qui augmentent d'un point sur la dette française, c'est 3 milliards d'euros en plus d'un coup, c'est de l'argent gâché. C'est un tiers du budget de la justice. L'année prochaine, ça veut dire que là où on avait sanctuarisé des progressions de dépenses sur les ministres régaliens, la police, la justice, le plan prison, la défense dans le contexte international qu'on connaît, on met ça sous la porte.

SALHIA BRAKHLIA
Juste une mesure qui était importante dans le budget 2025, était prévue une surtaxe sur les grandes entreprises, une contribution exceptionnelle.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça, il faut oublier.

SALHIA BRAKHLIA
Et ça peut parvenir par un autre texte ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça ne peut revenir que par une nouvelle loi de finances. Là, ce qui peut être fait, c'est simplement soit ré-exécuter par douzième la loi de finances de l'année dernière, qui a été prise dans un contexte politique, économique extrêmement différent. Donc, ce ne sera pas possible. On ne peut pas lever de nouvelles recettes quand on est Gouvernement démissionnaire. Il faut bien avoir ça en tête.

JÉRÔME CHAPUIS
Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre du Travail et de l'Emploi, pour combien de temps ? La réponse est à l'Assemblée Nationale cet après-midi. On laisse passer le fil info et on vous retrouve juste après. Il est 8h45.

(…)

JÉRÔME CHAPUIS
Et notre invitée, ce matin, Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre du Travail et de l'Emploi, dans un Gouvernement en sursis, une motion de censure examinée dans un contexte économique lourd. Beaucoup de défaillance d'entreprise qui inquiète, ces dernières semaines. Fin octobre, 160 000 emplois étaient menacés par des procédures collectives chez MICHELIN, chez AUCHAN, notamment chez ARCELOR. Tout dernièrement encore chez VALEO, pour ne citer qu'eux. Est-ce que ça va encore s'aggraver si le Gouvernement est censuré ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, vous parlez des grandes entreprises. Moi, j'aimerais aussi parler des plans sociaux à bas bruit, comme l'a dit d'ailleurs le président de la Confédération des PME. C'est-à-dire qu'il y a une multiplication des PSE dans les grandes entreprises. Mais ça existe aussi dans les fournisseurs de rang 2 à 5, et pour lesquels les conditions de départ peuvent être beaucoup plus difficiles. Et le fait de ne pas avoir, de ne pas voter de budget va rajouter, effectivement, de l'imprévisibilité, ce que n'aiment absolument pas ni les entreprises, ni les investisseurs. Et je veux encore dire ici que dans ce budget, il y avait deux choses importantes. Il y avait une chose en particulier qui était importante, c'était la réactivation de l'activité partielle de longue durée, qui permettait de trouver une solution intermédiaire, avant de mettre la clé sous la porte, de pouvoir trouver des solutions de financement et de reconversion.

SALHIA BRAKHLIA
Justement, c'était la demande, ça, de Sophie BINET de la CGT. C'est pour qui ce chômage partielle de longue durée ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Précisément pour des travailleurs qui travaillent dans des entreprises qui sont en très fortes difficultés, notamment des situations structurelles durables. Vous avez parlé de l'automobile, de la grande distribution. Il y a des secteurs qui subissent des véritables transformations. Et ça, c'est quelque chose qui a été demandé, effectivement, par les partenaires sociaux, que ce soit Patronat, je pense à la métallurgie, mais pas que, et effectivement les syndicats. Ça, c'était dans la loi de finances que je devais discuter au Sénat, pas plus tard qu'hier soir, et ça devait, en principe, être rediscuté samedi pour une session au Sénat pour reprendre la suite de la loi de finances sur la section emploi-travail. Deuxième chose très importante. On est en train de fragiliser la position de la France aussi au sein de l'Union Européenne au moment où il y a des discussions extrêmement importantes, notamment parce que nous sommes en divergence avec l'Allemagne sur les barrières commerciales à mettre en place vis-à-vis de pays qui ne pratiquent pas des pratiques loyales. Je pense notamment à la Chine, à l'Inde et aux Etats-Unis. Là, la France aura forcément une voix qui sera beaucoup plus fragilisée sur des sujets qui doivent être là pour défendre nos industriels sur le sol français.

SALHIA BRAKHLIA
Si on regarde les conséquences en France, est-ce qu'il faut s'attendre à une explosion du chômage dans les prochaines semaines ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, parce qu'il y a un paradoxe. Ni catastrophisme, ni rassurance à bon compte. Il y a toujours une dynamique assez forte des demandes d'embauche qu'on inscrit à l'URSSAF. Par contre, il y a ce qu'on appelle des plans sociaux qui ont augmenté de 40 %, depuis l'année dernière, parce qu'il y a des secteurs de l'économie tout entier qui subissent des transformations durables qu'on n'a pas su collectivement, ni entreprise en particulier, anticiper. Je pense notamment à la question de l'automobile qui, en plus, subit de plein fouet un durcissement de la concurrence internationale.

JÉRÔME CHAPUIS
Justement, l'automobile, le patron de STELLANTIS, Carlos TAVARES, a été forcé à la démission, dimanche dernier. L'État est actionnaire du groupe. Vous poussez pour que ce soit un Français qui soit nommé à la tête de STELLANTIS ? Parce que c'est peut-être plus facile de négocier le maintien des usines et des sites en France si c'est un de nos compatriotes qui dirige le groupe ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors là, non. Je vais vous le dire pourquoi. Parce que je pense qu'il faut, d'abord, que ce soit quelqu'un qui soit le plus compétent possible. Je vais vous donner un exemple, c'est AIR FRANCE-KLM. AIR FRANCE-KLM, on a fait venir un spécialiste de l'aérien canadien qui était le numéro 2 d'AIR CANADA pour diriger AIR FRANCE-KLM depuis maintenant 5 ans. Et il a redressé l'entreprise, il a réussi à mettre du vrai dialogue social dans l'entreprise. Chose que beaucoup de ses prédécesseurs n'avaient pas réussi. Donc pour moi, ce qui compte, et je pense que c'est ce qui compte aussi pour les travailleurs français de STELLANTIS, et c'est peut-être parce que j'ai été une femme d'entreprise qui le dit, c'est d'abord quelqu'un qui a à coeur, à la fois de pouvoir faire gagner des points à l'entreprise, tout en maintenant un haut niveau de dialogue social dans l'entreprise.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais est-ce que vous êtes inquiète ce matin pour les sites français de STELLANTIS, PEUGEOT, CITROËN ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je suis inquiète indépendamment de la question du changement de dirigeant. Je suis inquiète parce que, que ce soit pour STELLANTIS ou que ce soit pour RENAULT, c'est le secteur de l'automobile, aujourd'hui, et leurs fournisseurs. Il ne faut pas oublier les fournisseurs. Les fournisseurs qui subissent une transformation de plein fouet. C'est le véhicule électrique alors qu'on était dans le thermique, c'est aussi toute l'électronique embarquée, dans un moment où les conditions commerciales se durcissent considérablement avec l'arrivée des voitures chinoises où on voit que les réponses européennes sont beaucoup plus faibles, on va dire, et accommodantes que les réponses américaines par rapport à la concurrence chinoise des véhicules électriques qui arrivent.

SALHIA BRAKHLIA
Vous parlez de l'image de la France au niveau européen et cette faiblesse qu'on pourrait avoir si le gouvernement tombait ce soir. Quelles conséquences pour succéder à Michel Barnier ? C'est la question qui se pose dès maintenant, avant même que la motion de censure soit votée. Qui aurait l'approbation des macronistes pour succéder à Michel BARNIER ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le sujet c'est, d'abord, de trouver l'axe central. Moi je l'avais d'ailleurs dit après les élections de la dissolution. Comment trouver un socle ou un dénominateur pour ne pas avoir à dépendre ni du Rassemblement National, ni de la France Insoumise ? Moi, c'est ça le véritable sujet.

JÉRÔME CHAPUIS
Je voudrais vous faire réagir à ce que dit, ce matin, le premier secrétaire du PS chez nos confrères du Monde, Olivier FAURE. Il parle d'une divergence fondamentale sur ce que nous voulons faire. Divergence avec la France Insoumise. C'est le PS allié au sein du Nouveau Front Populaire qui le dit, ce matin. Est-ce que ça veut dire que vous, on rappelle que vous êtes l'une des fondatrices d'En Marche au tout début de l'aventure macroniste. Est-ce que vous êtes prête, éventuellement, à travailler avec un parti socialiste qui se détacherait de la France Insoumise ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que c'est ce qu'on souhaitait. Mais c'est ce que beaucoup de républicains, démocrates et européens souhaitent depuis le début dans ce pays. C'est-à-dire que, le PS, c'est un parti qui a été de Gouvernement, qui sait ce que c'est que tenir un pays, tenir un budget. Qui sait aussi ce que c'est que tenir un pays dans un contexte international qui se durcit. Et donc c'est, je pense, ce qu'aurait souhaité beaucoup de gens démocrates, aujourd'hui.

SALHIA BRAKHLIA
Mais ce n'est pas le choix qui a été fait par Emmanuel MACRON. En choisissant Michel BARNIER, Premier Ministre, il a d'emblée mis Michel BARNIER entre les mains du Rassemblement National. S'il avait choisi par exemple Bernard CAZENEUVE, ça aurait été autre chose.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je vous rappelle que Bernard CAZENEUVE n'était pas le choix à l'époque poussé par le PS. On peut le regretter, mais ce n'était en tout cas pas le cas. Et ce n'est toujours pas le cas, aujourd'hui. Et donc le PS, moi je le pense, effectivement on parle beaucoup du Rassemblement National. Mais parlons aussi du PS qui, contrairement au RN, et je me battrai toute ma vie pour que ce ne soit pas le cas, ni la France Insoumise, je me battrai aussi, n'exerce pas de responsabilité, puisse aussi revenir à la raison pour un chemin qui soit européen, et puis, également, raisonnable. Et un budget, ça doit être le compromis entre la stabilisation de l'endettement, le pouvoir d'achat des ménages et la capacité des entreprises à pouvoir continuer à se développer.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais on a entendu Michel BARNIER souhaiter l'élargissement du socle commun. Quant à autre déclaration ce matin, Yannick JADOT, l'ancien candidat à la présidentielle écologiste et désormais sénateur, dit qu'il faut ouvrir la possibilité d'un pacte républicain transitoire entre le Nouveau Front Populaire et le Bloc Central. Vous croyez, vous, à la possibilité encore d'élargir ce socle commun, après les mois qu'on vient de vivre ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je me rappelle que lorsque Michel BARNIER est arrivé à Matignon, il a souhaité rencontrer l'ensemble des groupes d'opposition. Olivier FAURE et Boris VALLAUD n'ont pas souhaité se rendre à ce rendez-vous. Je me rappelle aussi que le Parti Socialiste a déposé une motion de censure avant même d'écouter la Déclaration de Politique Générale.

JÉRÔME CHAPUIS
Mais leur argument, on le rappelle, c'est parce que Michel BARNIER était issu d'un des groupes parmi les plus minoritaires.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que le sujet c'est qu'est-ce qu'on peut faire ensemble plutôt que de déterminer les histoires des uns et des autres et de se donner des points ou des mauvais points. Le sujet c'est qu'est-ce qu'on fait ensemble et c'est ce que nous demandent, aujourd'hui, les Français. Encore une fois, il ne s'agit pas de censurer un Gouvernement, de priver le pays d'un Gouvernement. Le sujet c'est de priver, aujourd'hui, dans un contexte très particulier, on a quand même une dette de plus de 3 000 milliards d'euros, d'un budget.

SALHIA BRAKHLIA
Pardon, Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous mettez de côté les histoires de personnes, sauf que ce sont les personnes qui déterminent la politique qui est menée. Là, dans les noms qui circulent pour succéder à Michel BARNIER, c'est Sébastien LECORNU, François BAYROU ; ce sont les noms qui circulent. Il faut forcément que ce soit un proche du Président en fait pour succéder… pour arriver à Matignon ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il faut que ce soit une personne qui soit capable – moi, en tout cas c'est mon espérance - de pouvoir avoir un dénominateur commun qui ne fasse pas dépendre la politique de notre pays, ni du Rassemblement National, ni de la France Insoumise.

SALHIA BRAKHLIA
Ce qui n'est pas le cas, pour le moment, pour Michel BARNIER.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est vraiment aujourd'hui le souhait que j'avais exprimé dès juillet après la dissolution.

JÉRÔME CHAPUIS
On donnait cette information ce matin sur France Info, Gabriel ATTAL souhaite mettre tout le monde autour de la table, à l'exception de LFI et du Rassemblement National, pour réfléchir à l'élargissement du socle commun. C'est la bonne personne, Gabriel ATTAL, pour faire ce travail ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense qu'il faut que tout le monde se mette autour de la table. Je pense que les Français en ont un peu marre aussi de tous ces sujets de personnes. Je pense qu'à un moment donné, il y a la capacité à s'élever de sa propre condition, mais tout parti confondu, pour pouvoir trouver des solutions pour nos concitoyens. Parce qu'encore une fois, nous priver d'un budget, ça aura des conséquences lourdes, et une bascule dans l'inconnu que personne ne peut aujourd'hui préciser.

SALHIA BRAKHLIA
Éloigner les histoires de personnes, sauf qu'il y a une personne qui est au centre de toutes les discussions dans le monde politique aujourd'hui, c'est Emmanuel MACRON. Nombreux sont ceux à dire qu'il est responsable de tout ce qui se passe aujourd'hui, depuis sa décision jugée incompréhensible de la dissolution. Appel à la démission, c'est partagé aussi par une majorité de Français. Vous qui le connaissez bien, puisqu'on l'a dit, vous avez fondé En Marche avec lui ; est-ce qu'il pourrait aboutir à une démission ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense qu'il faut être très respectueux des institutions. Emmanuel MACRON a été élu pour 5 ans. Il est la clé de voûte des institutions, il est garant de la stabilité des institutions. Je pense qu'il faut vraiment se garder de commencer à entrer dans ce genre de discussions. C'est rajouter, encore une fois, de l'imprévisibilité et de l'instabilité à un moment donné où on a besoin d'un cadre.

SALHIA BRAKHLIA
Vous voyez bien que depuis 2017, où il incarnait l'espoir – là, on est en 2024 - les gens veulent qu'il parte, les Français en majorité. Qu'est-ce qu'il a raté ? Qu'est-ce qu'il n'a pas compris ?

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Pour l'instant, je me focalise sur la situation actuelle du budget, pas sur les incompréhensions qui ont pu avoir lieu.

SALHIA BRAKHLIA
Vous savez pourquoi je vous pose la question ? Parce qu'hier, sur France Info, on avait un invité qui s'appelait David LISNARD, qui est membre des LR, président des maires de France. Ce n'est pas quelqu'un qui veut le chaos, mais lui-même pense à la démission. On a un autre, Jean-François COPE, lui aussi LR, pareil, maire de Meaux, qui dit qu'il y a la question de la démission. Vous entendez ces personnalités qui ne sont pas de nature à vouloir le chaos dans le pays, mais qui disent que la démission d'Emmanuel MACRON, elle se pose.

ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que, pour l'instant, le sujet, c'est une stabilité gouvernementale avec un budget. Je pense que, vraiment, ça se serait rajouté, encore une fois, à du désordre. On n'en a pas besoin, et les Français n'en ont pas besoin aujourd'hui.

JÉRÔME CHAPUIS
Astrid PANOSYAN-BOUVET, on a compris que vous aviez encore du travail ce matin. Vous serez à l'Assemblée. Ministre du Travail et de l'Emploi dans ce Gouvernement qui est donc en sursis. On suivra ça, bien sûr, sur France Info.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 5 décembre 2024