Texte intégral
OLIVIER BOY
Et l'invité de RTL Matin est le nouveau ministre des Transports, Philippe TABAROT. Bonjour monsieur.
PHILIPPE TABAROT
Bonjour.
OLIVIER BOY
On va revenir avec vous sur ce drame qui a choqué le pays, ce conducteur qui s'est donc suicidé en se jetant de la cabine de son TGV lancé à pleine vitesse. On vient de l'entendre sur RTL, il y a dix minutes dans le journal, ce syndicaliste qui a été choqué, il l'a dit, par votre phrase hier, " ça aurait pu être plus grave ". Et il vous reproche de ne pas avoir eu de mots pour ce cheminot et pour sa famille. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, que c'est totalement injuste ; que j'ai suivi cela toute la nuit du 24 et toute la journée du 25 en lien avec le directeur de SNCF VOYAGEURS, Christophe FANICHET ; que j'ai pris des nouvelles à travers lui, bien sûr, de la famille, des collègues, du responsable syndical. Et puis, je rappellerai que j'ai été le premier à dire que c'était avant tout un drame humain, là où un certain nombre de vos confrères m'ont questionné sur la situation des 10 000 usagers qui sont restés en rade ce soir-là et qui n'ont pas pu passer les fêtes en famille. J'ai bien rappelé qu'il y avait avant tout un drame humain qui s'est déroulé à 20h le 24 décembre.
OLIVIER BOY
Une enquête est ouverte, à la fois enquête judiciaire et enquête interne à la SNCF pour essayer de comprendre le geste désespéré de cet homme. Est-ce que vous avez plus d'informations ce matin sur son profil, sur ce qui a pu motiver son geste ?
PHILIPPE TABAROT
Non, comme vous l'avez dit, il y a une enquête judiciaire et une enquête interne qui est ouverte. Ce que je peux vous dire, c'est que ce conducteur était particulièrement apprécié de tous ses collègues dans la région de Saint-Etienne. C'était un conducteur TGV qui avait également beaucoup de proximité avec ses collègues des trains express régionaux avec lesquels il travaillait très régulièrement.
OLIVIER BOY
Selon vous, ce sont des motifs personnels qui ont poussé son geste ? On parle de difficultés dans sa vie familiale ; c'est ce qu'on a pu entendre depuis hier.
PHILIPPE TABAROT
Ce n'est pas à moi de le confirmer, ce sera à rappeler le cas échéant par les personnes qui ont la charge de l'enquête. Je ne souhaite pas en dire plus puisque peut-être que certains de mes propos ont été mal interprétés. Je l'ai dit hier à plusieurs reprises et je le répète une nouvelle fois, l'État et la SNCF seront aux côtés de la famille ; qu'on a été particulièrement affectés par cette situation. Certes, il y a eu des répercussions sur des centaines de personnes, mais qu'avant tout, c'est un drame humain quand on prend cette décision le 24 décembre au soir.
OLIVIER BOY
Se suicider un jour de Noël, effectivement, depuis sa cabine de pilotage, c'est-à-dire depuis son lieu de travail, ce n'est pas anodin. Est-ce qu'il a fait part, à votre connaissance, éventuellement d'un mal-être également au travail ?
PHILIPPE TABAROT
Sincèrement, je ne le pense pas. En tout cas, des échanges très réguliers que j'ai eus pendant ces pratiquement 36 heures avec la SNCF et avec ses directeurs, je n'ai pas eu d'éléments à ce niveau-là. L'enquête peut-être plus interne pourra ou pourrait le prouver, mais en tout cas, ce que je sais, c'était que cette personne était appréciée, qu'elle était toujours volontaire pour travailler et que son départ a traumatisé ses collègues. Certains réagissent par des propos qui ne sont pas justes par rapport à l'empathie que nous avons pu avoir avec la direction de la SNCF et avec un certain nombre de syndicats avec qui j'ai échangé également.
OLIVIER BOY
Après ce qui s'est passé, on a envie de vous poser la question sur le suivi psychologique des conducteurs. Est-ce qu'il faut l'améliorer ? Est-ce qu'il est déjà en place ? Comment est-ce que vous pouvez ou comment est-ce que la SNCF peut parfois identifier éventuellement la souffrance, le mal-être d'un conducteur ? On entend ces conducteurs qui disent que c'est un métier où on peut se retrouver isolé de sa famille quelques jours, le temps de faire le trajet, et que ça peut être particulièrement douloureux, en particulier là, puisque c'était un soir de Noël. Est-ce que ce problème-là vous interpelle ?
PHILIPPE TABAROT
Oui, bien sûr, quand il se passe un tel acte, ça ne peut que nous interpeller. La cellule psychologique est en place pour échanger, à l'heure où on parle, avec tous les collègues de cet homme pour voir le cas échéant, les problématiques et les difficultés. Mais vraiment, comprenez que c'est un problème grave, mais interne à l'entreprise, qui, je ne doute pas à l'instant, prendra ou prendrait les mesures nécessaires s'il était avéré que ce geste terrible vienne d'une cause professionnelle, ou bien sûr, peut-être, c'est l'autre hypothèse, une cause très personnelle et très familiale. Je ne peux pas en parler aujourd'hui, je n'ai pas les éléments nécessaires, et je vous dis, il y aura une interprétation ou une surinterprétation de mes propos que je ne souhaite pas après le malentendu que nous avons eu hier, alors que, véritablement, je l'ai dit et je l'ai redit, quand vos collègues me questionnaient sur la mauvaise soirée qu'avaient passé les usagers, ce que j'entends très bien, de ne pas pouvoir passer Noël en famille, qu'il y avait tout à côté d'eux une famille qui avait perdu un être très cher et qu'ils ne reverront plus jamais.
OLIVIER BOY
Et c'est toute la famille également des cheminots, on l'entend là encore sur RTL, qui est endeuillée. Juste une question tout de même au sujet de ces usagers. Effectivement, y compris sur RTL, hier matin, on n'avait pas d'informations sur ce qui s'était passé. On est allé interroger les usagers, dont on peut comprendre et entendre leur colère ou leur déception de rater Noël. Ils sont parfois restés bloqués plus de cinq heures. Et c'est surtout le manque d'informations qu'ils notent. Est-ce qu'il n'aurait pas fallu les tenir au courant de ce qui était en train de se passer pour qu'ils puissent comprendre la situation éventuellement relativisée ? Il faut avoir des explications, ce qui n'a pas été le cas.
PHILIPPE TABAROT
Vous savez, 24 heures avant, j'expliquais lors de ma prise de fonction qu'une de mes priorités, ce serait de traiter ces situations et notamment de pouvoir informer. Dans les transports en commun, la base, c'est l'information. Et c'est vrai que ça fait quelquefois défaut, et en l'occurrence, ça a été le cas. Mais comme vous l'avez justement dit, il a fallu du temps pour comprendre ce qui s'était passé. Il y a bien sûr des autorités judiciaires, la gendarmerie qui arrive sur place, qui ne souhaitent pas que l'information soit diffusée. Et puis, il y avait cette crainte aussi, par rapport aux usagers, de se dire qu'ils ont circulé sur quelques mètres sans conducteur. Donc ça aurait pu peut-être…
OLIVIER BOY
Il y a eu la crainte de créer une panique ?
PHILIPPE TABAROT
…déclencher une situation de panique. Ça aurait pu, en fonction des informations qui auraient pu être données. Ce qu'il faut bien redire - et c'est une des leçons de ce qui s'est passé - c'est que les dispositifs d'arrêt automatique du train se sont activés et que les usagers n'ont jamais été mis en danger. Je pense que c'est ça aussi qui est important à soulever, en dehors et avant tout après le drame humain.
OLIVIER BOY
Vous êtes donc le nouveau ministre des Transports, Philippe TABAROT. Vous avez fait votre passation il y a deux jours. Et sur les sujets, vous êtes un spécialiste des transports, vous avez donc pris un certain nombre de positions par le passé, notamment une sur le droit de grève, que vous voudriez voir encadrer ou limiter, par exemple en période de Noël. Et il y a un exemple hier, les transports régionaux des conducteurs dans le sud-ouest, des contrôleurs se sont mis en grève pour les questions sur la libéralisation ou sur le fret. Est-ce que vous trouvez typiquement, que là, c'est abusif de se mettre en grève un 25 décembre ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, j'ai été rapporteur d'une proposition de loi déposée par, à l'époque, le sénateur RETAILLEAU, devenu notre ministre de l'Intérieur, du président du groupe centriste, et je dis bien centriste, Hervé MARSEILLE. J'ai rapporté cette loi, à la fois pour dire que, certains jours dans l'année, qui étaient utilisés très souvent, il n'était pas normal pour pouvoir organiser un service minimum pour les usagers de déposer un droit de grève, alors que c'est un droit constitutionnel, et nous l'avons reconnu dans la proposition de loi, mais qui ne doit pas être dévoyé, détourné, parce qu'on le respecte.
OLIVIER BOY
Ce qui est le cas aujourd'hui, c'est dévoyé, détourné ? Vous parlez des vacances, par exemple, ou avant des grands événements en France ?
PHILIPPE TABAROT
Ça a pu l'être par le passé, quand on sait, et ce n'est pas le cas cette année, à cette exception près. Je rappelle qu'il y avait des préavis qui étaient déposés sur toute la France, et qu'un certain nombre d'organisations syndicales responsables ont compris qu'ils ne pouvaient pas faire ça, pour je le rappelle quand même, cinq millions de billets qui sont en circulation, douze millions de personnes qui ont circulé pendant ces fêtes, 1,2 million pour le week-end à venir.
OLIVIER BOY
Et alors, vous allez le mettre en oeuvre ? Est-ce que vous allez le mettre en oeuvre ?
PHILIPPE TABAROT
Alors, ce n'est plus de mon ressort, je dirais, c'est une proposition de loi qui a été votée au Sénat, et qui maintenant sera réinscrite ou non à l'Assemblée nationale, puisque vous savez que les deux chambres doivent la voter.
OLIVIER BOY
Vous le souhaitez, vous le soutenez ?
PHILIPPE TABAROT
Non, ce sera aux députés de décider s'ils souhaitent ou non. Moi, je suis arrivé dans ce ministère pour avoir un dialogue constructif avec les syndicats. Je ne souhaite pas d'incompréhension comme celles d'hier, j'ai eu des échanges déjà, je les recevrai les uns après les autres, on aura un dialogue franc, ils discuteront, bien sûr, aussi, et c'est la base avec la direction de leur entreprise, qu'est la SNCF ou d'autres entreprises de transport, et puis ce sera, je dirais, le fil rouge de notre action et j'espère qu'on n'arrivera pas à des extrémités, d'avoir sur certaines périodes de l'année, ne pas pouvoir mettre en place un service minimum pour les usagers, que ce soit pendant les périodes de vacances scolaires, mais également au quotidien, à travers des grèves, qu'on appelle des grèves de 59 minutes, des grèves perlées, des grèves qui désorganisent le service public, et qui empêchent tout simplement certaines personnes de pouvoir aller travailler.
OLIVIER BOY
Dernière question sur l'une des priorités que vous avez affichées, sur la sûreté dans les transports, une mesure par exemple très concrète, vous avez déjà exprimé que vous étiez en faveur d'une amende, par exemple, et importante, en cas d'oubli des bagages, qui là encore perturbe le trafic, est-ce que vous allez porter cette idée maintenant que vous êtes ministre ?
PHILIPPE TABAROT
Oui, cette proposition de loi, j'ai réussi à la faire voter au Sénat, en commission des lois à l'Assemblée nationale, malheureusement, le fait que le Gouvernement a été renversé à un retard des séances, en dehors de cette question de l'oubli des bagages, qui est très importante, parce qu'elle génère énormément de retard, il y a bien d'autres choses, notamment, je pense aux caméras piétons qui rassurent les utilisateurs des transports en commun.
OLIVIER BOY
Une amende de combien, d'ailleurs ? Vous soutenez une amende de combien ?
PHILIPPE TABAROT
Concernant les amendes, elles seront redéfinies, si le texte est réinscrit par les députés pour qu'elle soit cohérente et qu'il y ait un quantum de peine qui soit cohérent. En tout cas, ce que je souhaite, c'est remettre de la sécurité, de la sûreté, surtout dans les transports. Il y a aujourd'hui, une femme sur deux qui se sent en insécurité dans les transports en commun, et on sait que c'est la première des motivations pour prendre des transports en commun, de se dire que ces transports en commun, on est en sûreté et qu'on n'a pas l'inquiétude d'être embêté, d'être agressé, donc, ça me paraît être une priorité. Et là également, j'espère que ce texte sera réinscrit à l'Assemblée nationale, non pas parce que je l'ai porté, mais parce que je crois qu'il est bon pour les usagers des transports en commun et qu'il est bon pour notre pays.
OLIVIER BOY
Merci beaucoup, Philippe TABAROT, nouveau ministre des Transports. Merci d'avoir été l'invité de RTL ce matin. Bonne journée et à bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 décembre 2024