Interview de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à RTL le 27 décembre 2024, sur la situation à Mayotte, la décarbonation, la voiture électrique et le budget pour la politique de l'environnement.

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Intervenant(s) : 
  • Agnès Pannier-Runacher - Ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

Média : RTL

Texte intégral

OLIVIER BOY
Et l'invitée de RTL Matin est la ministre de la Transition écologique, Agnès PANNIER-RUNACHER. Bonjour madame.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Bonjour.

OLIVIER BOY
On va évoquer d'abord avec vous la situation à Mayotte. Le Premier ministre François BAYROU part dimanche, avec notamment Elisabeth BORNE ou encore Manuel VALLS. Vous, vous n'y allez pas à Mayotte, pour quelles raisons ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Parce que j'irai dans quelques jours après. C'est-à-dire que moi, je suis tout ce qui est en lien avec l'approvisionnement en eau, l'assainissement, le traitement des déchets. L'approvisionnement en eau, c'est le système d'approvisionnement, je dirais, par les tuyaux et les captages. Ce n'est pas l'acheminement de bouteilles d'eau qui a été organisé par les autres ministères.

OLIVIER BOY
C'est le raccordement du réseau, c'est la réparation du réseau.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Exactement.

OLIVIER BOY
On en est où, d'ailleurs, des derniers chiffres ? Il y avait une promesse que 90% du réseau soit réparé dès le week-end dernier. Est-ce que c'est le seul cas aujourd'hui ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui, aujourd'hui, 90% des Mahorais ont accès au réseau de ceux qui avaient déjà accès au réseau. Je rappelle qu'avant le cyclone, tout le monde n'avait pas accès au réseau d'eau. Ça c'est important pour comprendre aussi la crise à laquelle nous faisons face. En revanche, le réseau ne fonctionne pas 24 heures sur 24. On fait des tours d'eau pour permettre justement à chacun d'être approvisionné.

OLIVIER BOY
Je vous demandais si vous y alliez, parce qu'on est d'accord que la gravité de ce cyclone, qui ne sont pas rares dans l'océan Indien, mais la gravité, l'ampleur du phénomène, la répétition aussi, c'est directement lié au dérèglement climatique qu'on connaît en ce moment et depuis des années.

AGNES PANNIER-RUNACHER
C'est un cyclone qui a tout ravagé. Je pense qu'il faut avoir cette idée que tout a été ravagé, même les constructions en dur, certaines ont vu leur toit se décoller, partir. On est en saison des pluies, il faut avoir cela aussi en tête, ce qui dégrade effectivement les conditions d'intervention. Il n'y a plus un arbre debout. Toute la partie électrique, tous les réseaux, tous les fils ont été ravagés et évidemment toute la partie télécommunication. Télécommunication, ça veut dire que c'est très compliqué d'accéder aux personnes, de comprendre leurs besoins de manière rapide, il faut aller sur place, et c'est ça qui explique le temps qui est pris pour accompagner et reconstruire.

OLIVIER BOY
C'est une énième catastrophe qui touche le territoire français, évidemment pas sur les mêmes lieux géographiques, mais on a connu les inondations dans le Nord Pas-de-Calais. On a connu plus récemment, vous étiez en charge déjà, les inondations et la tempête en Ardèche, dans la Loire également. L'année 2024 a été, de ce point de vue-là, une année terrible ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Oui. En même temps, c'est une année qui illustre ce qu'est le dérèglement climatique, qui envoie un message à tous ceux qui nous demandent de regarder ailleurs. Le dérèglement climatique il est là, il est dans nos quotidiens. Il menace nos emplois, il menace nos maisons, et il faut agir. Et c'est un appel à l'action. Tous ceux qui disent qu'il faut ralentir dans la lutte contre le dérèglement climatique mettent en danger les Françaises et les Français, mettent en danger leur emploi. 80% des emplois en France sont liés à ce qu'on appelle les actifs naturels, c'est-à-dire qu'à un titre ou à un autre ils sont reliés à la nature. Lorsque vous êtes dans l'agroalimentaire, il faut faire pousser des plantes et il faut avoir de l'élevage. Lorsque vous êtes dans la construction bois, il faut des forêts. Et vous pouvez répéter dans la pharmacie, dans la cosmétique, vous êtes lié à la nature.

OLIVIER BOY
Donc il y a plus que jamais urgence, on est d'accord. Vous l'avez dit d'ailleurs lors de votre passation. Mais si on regarde aujourd'hui, vous perdez par exemple le secteur de l'énergie dans votre ministère de tutelle qui part à l'économie. Vous êtes 12ème sur le rang protocolaire. Juste, je dis ceci pour comparaison, Nicolas HULOT était ministre d'État, 3ème du Gouvernement au moment où Emmanuel MACRON est arrivé au pouvoir. Est-ce que ça ce n'est pas un signal, un symbole que l'écologie n'est pas vraiment la priorité de ce Gouvernement ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je ne partage pas cette analyse parce qu'au contraire, j'élargis mon portefeuille à tout ce qui est enjeux de la forêt, les enjeux de la mer et de la pêche, et je conserve la décarbonation de tous les secteurs, c'est-à-dire y compris celui de l'énergie.

OLIVIER BOY
Mais comment on est ministre de l'Écologie sans s'occuper d'énergie ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Mais je m'occupe de l'énergie, j'en ai le pilotage sur la partie décarbonation. C'est une compétence qui est partagée. Et par ailleurs, je rappelle que tant Éric LOMBARD que Marc FERRACCI… Éric LOMBARD qui est le ministre de l'Economie, Marc FERRACCI qui est le ministre de l'Industrie et de l'Energie, ont clairement affirmé leur engagement sur la décarbonation. Pourquoi on réunit Industrie et Energie ? Parce que ce sont les réponses, ce sont les solutions pour construire les filières qui vont nous permettre de lutter contre le dérèglement climatique. Il faut des solutions, les Français ont besoin de solutions. Ils ne sont pas contre la lutte contre le dérèglement climatique. Mais lorsqu'on dit " il faut changer de voiture ", ils disent " très bien, mais je veux une voiture électrique qui ne soit pas chère et qui fonctionne. Que je ne me retrouve pas en difficulté parce que je n'ai pas une recharge rapide à proximité de chez moi. " Donc ce sont ces politiques que nous devons développer de façon à avoir de l'emploi. C'est tout le sens de la vallée européenne de la batterie électrique que nous avons mis en place dans les Hauts-de-France. Vous avez 20 000 emplois à la clé et de mettre en place des solutions qui soient accessibles au portefeuille des Français.

OLIVIER BOY
Vous l'avez évoqué vous-même, le fait que la pêche, ce soit sous votre responsabilité. On a entendu le 7h30, un pêcheur, le représentant dans le Finistère, qui disait justement qu'il regrettait qu'il n'y ait pas de ministère dédié, alors que c'est un sujet, selon lui, central. Qu'est-ce que vous lui répondez ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Je lui réponds qu'il a un ministre plein et pas un ministre délégué. Et justement, vous mentionnez le rang protocolaire pour le coup, aujourd'hui, la pêche et la mer font l'objet d'un ministère plein et je crois que c'est un signal fort envoyé par le président de la République et le Premier ministre.

OLIVIER BOY
Alors, l'urgence climatique, on a, ce matin, les chiffres sur les émissions de gaz à effet de serre en France. Je rappelle qu'on a l'objectif de les réduire de 30% à horizon 2030 et là, ils repartent à la hausse ce matin, ce sont les chiffres que vous nous annoncez au troisième trimestre.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attention, plusieurs choses. D'abord, on a déjà réduit nos émissions de 30%. L'objectif pour 2030, c'est 55%. Deuxièmement, effectivement, nous avons un ralentissement de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. Ce ralentissement, fort heureusement, nous laisse encore sur la bonne trajectoire, c'est-à-dire que, compte tenu des efforts que nous avons fait ces deux dernières années, nous ne prenons pas de retard, mais attention, ça nous rappelle qu'il ne faut pas baisser la garde et que les Français doivent avoir des messages très clairs…

OLIVIER BOY
Pourquoi ça repart à la hausse ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

OLIVIER BOY
Qu'est-ce que vous avez comme premier élément pour expliquer ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Deux phénomènes, alors, ce sont des premiers éléments. Il va falloir investiguer plus avant, mais deux phénomènes assez clairement : le ralentissement du passage à la voiture électrique, en particulier dans les entreprises. Les entreprises achètent deux fois moins de voitures électriques que les ménages et donc, elles ne jouent pas le jeu et il va falloir les pousser à jouer le jeu et deuxième élément, c'est sur le chauffage. Alors qu'on avait eu un rythme important de baisse des émissions de gaz à effet de serre dans les bâtiments, avec la rénovation thermique et avec le changement de chaudière fossile, on constate, cette année, une augmentation de la pose de chaudière gaz, donc, ça, ce n'est pas une bonne nouvelle et une augmentation de l'utilisation du fioul.

OLIVIER BOY
Donc, qu'est-ce que vous allez faire ? On prend la voiture électrique, le bonus va baisser à partir de janvier et ça pénalise clairement les ventes de voitures électriques, qui baissent en ce moment en Europe. Qu'est-ce que vous pouvez faire là-dessus ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Attention, le bonus est bien maintenu. Et par ailleurs, nous allons travailler au travers des certificats d'économie d'énergie pour compléter ce bonus et faire en sorte que les Français aient des aides importantes. Par ailleurs, le prix des voitures électriques, et ça, c'est une bonne nouvelle, est en train de fortement baisser. On n'est pas encore aux coûts de la voiture thermique, évidemment l'attendre…

OLIVIER BOY
Et puis avec les marques chinoises, pas avec les marques françaises, pour l'instant ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
Non, avec les marques françaises, je vous rappelle que la C3, c'est une voiture électrique qui est en dessous de 25 000 euros. Je rappelle que la R5 électrique, elle est produite en France, elle est à moins de 30 000 euros. Nos politiques avaient été, comment dire, calées il y a quelques années sur des voitures électriques qui étaient au-delà de 30 000 euros, c'est-à-dire un montant considérable. Donc ça, c'est un des éléments positifs, par ailleurs…

OLIVIER BOY
Le bonus, 4 000 euros, est-ce que ça va augmenter ? Juste, pour donner des chiffres, sur les ordres de grandeur, que les Français puissent se projeter dans un éventuel budget.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Ce n'est pas encore tranché. Par contre, ce qui est clair, c'est que vous avez aussi des aides pour la pose de bornes électriques et que, comme je vous l'ai indiqué, vous avez un marché de la voiture de l'occasion qui est en train de se constituer parce que les Français n'achètent pas, 85% des Français achètent des voitures d'occasion. Et c'est ce marché-là aussi qui va décoller progressivement, et c'est ça qui va nous permettre de basculer. Mais aujourd'hui, l'enjeu, ce sont les entreprises qui n'achètent que 11% de voitures électriques, là où les Français et les ménages achètent 25%.

OLIVIER BOY
Est-ce que vous avez des garanties sur les moyens que vous aurez pour agir ? On a en tête qu'il y a deux mois, lors du Gouvernement BARNIER, vous aviez les mêmes fonctions et vous aviez laissé entendre que le compte n'y était pas pour le moment, laissant planer la menace d'un départ si les choses n'étaient pas rectifiées aujourd'hui. Vous allez avoir les moyens de fonctionner ?

AGNES PANNIER-RUNACHER
En tout cas, moi, je porterai effectivement une vision offensive. L'examen du budget tel qu'il a été fait à l'Assemblée nationale et au Sénat, a permis de faire des avancées assez importantes sur ce budget-là. Je pense notamment à l'enveloppe décarbonation de l'industrie, je pense à l'augmentation du fonds chaleur. Je pense effectivement au budget du fonds BARNIER qui est un budget qui permet d'accompagner notre territoire à l'adaptation au changement climatique.

OLIVIER BOY
C'est là-dessus que c'était expliqué, l'enveloppe avait beaucoup baissé, ce fonds de transition qui est censé aider les collectivités…

AGNES PANNIER-RUNACHER
L'enveloppe était stabilisée et j'ai obtenu, à l'époque, une augmentation de 30%. Maintenant, on remet les compteurs à zéro, donc c'est une nouvelle discussion budgétaire qui va démarrer, mais je pense que les éléments de la discussion budgétaire antérieure restera en mémoire de chacun et on voit bien les améliorations qu'il faut apporter à ce budget tout en étant responsable, parce que si on ne tient pas les finances publiques, c'est nos prêteurs qui vont exiger plus d'intérêt et là, ça sera moins de moins d'argent public pour nos politiques publiques, qu'elles soient écologiques ou dans d'autres domaines.

OLIVIER BOY
Merci beaucoup, Agnès PANNIER-RUNACHER, d'avoir été avec nous sur RTL ce matin. Je rappelle que vous êtes la ministre de la Transition écologique, de la pêche également, puisque vous avez rassuré notre auditeur qui s'inquiétait de ne plus avoir de ministère de plein exercice là-dessus.

AGNES PANNIER-RUNACHER
Merci à vous.

OLIVIER BOY
Bonne journée, à bientôt.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 31 décembre 2024