Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
8 h 13 et nous sommes avec Philippe TABAROT. Bonjour Philippe TABAROT.
PHILIPPE TABAROT
Bonjour.
ROMAIN DESARBRES
Merci d'être avec nous ce matin. Grande interview CNEWS/Europe 1, vous êtes le ministre des Transports. Alors, on va parler de tous les sujets qui vous concernent. Je voulais qu'on commence évidemment par le réveillon du 31 décembre. Ce soir, quel dispositif de sécurité est mis en place dans les transports en commun pour assurer la sécurité des voyageurs, de ceux qui vont aller fêter la nouvelle année ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, il y a le dispositif mis en place par le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU et par le préfet de police, avec 100 000 policiers sur l'ensemble du territoire national et 10 000 policiers, de manière plus spécifique en région parisienne. Il y a également des abords, je dirais, d'endroits dis " festifs " qui ne seront pas ouverts aux transports en commun. D'autres qu'ils le seront, une gratuité dans les transports, la possibilité de prendre des transports en commun jusqu'à 5 h du matin également. Donc, des dispositifs plutôt habituels, mais avec un positionnement fort des forces de police. Et je dirais également, et je serai avec eux ce soir, des forces spécifiques aux transports en commun, que sont les agents de la SUJ pour la SNCF et les agents du GPSR pour la RATP.
ROMAIN DESARBRES
Alors, justement, vous avez fait voter une proposition de loi au Sénat, qui n'a pas été votée à l'Assemblée, sur la sécurité dans les transports. Il y a plusieurs mesures intéressantes sur lesquelles je voudrais qu'on s'arrête, parce que ça intéresse évidemment tout le monde et puis ça a du sens aujourd'hui. Votre texte prévoit notamment d'autoriser les agents de sûreté, donc, de la SNCF et de la RATP à effectuer les palpations de sécurité. Ça veut dire que ce n'est pas le cas aujourd'hui ?
PHILIPPE TABAROT
C'est le cas aujourd'hui, mais dans un cadre réduit, pas partout, notamment pas sur les parvis. Il faut des arrêtés préfectoraux, il faut l'autorisation de la personne, je pense qu'il faut ouvrir plus largement ces choses. Quand on voit ce que ces personnes saisissent comme armes, notamment, on se dit que c'est quelque chose qui paraît indispensable à la fois de renforcer leurs pouvoirs, de leur permettre d'intervenir dans un périmètre plus large et puis de se dire qu'ils sont là pour protéger les usagers, qu'ils sont là pour protéger également les agents, que ce soit de la SNCF et de la RATP, et souvent se protéger, puisque je rappelle que très souvent, notamment sur les attentats et autres, et les actes de terrorisme, ils sont en première ligne et les premiers confrontés à des personnes qui souhaitent les attaquer directement. Donc, c'est indispensable et c'est un des aspects de la proposition de loi de pouvoir leur donner ces pouvoirs. Une arme létale, mais une arme non-létale comme les tasers, par exemple. Ce sont des gens qui connaissent bien la procédure pénale, qui sont formés, qui ont une formation continue permanente et qui aident à notre sécurité. Ils doivent, dans le cadre d'un continuum de sécurité, pouvoir travailler avec la police nationale, la gendarmerie, les polices municipales et bien sûr, la justice.
ROMAIN DESARBRES
Ce qu'on se dit, c'est que les règles actuelles parfois protègent plus les voyous que les voyageurs honnêtes, j'allais dire. Votre texte prévoit également de créer un délit d'incivilité d'habitude avec une amende qui peut aller jusqu'à 7 500 euros. Qu'est-ce que vous appelez une incivilité d'habitude ?
PHILIPPE TABAROT
Ce sont les personnes qui, de manière régulière, souillent les métros, taguent, créent un sentiment d'insécurité, détériorent le matériel. Et ça, aujourd'hui, ça passe à la trappe ou ce sont des personnes qui reçoivent des amendes et qui ne payent pas ces amendes. Il faut dire que le recouvrement des amendes est, aujourd'hui, de moins de 10%. C'est à la fois un manque à gagner financièrement énorme et puis en termes d'exemplarité, vous imaginez bien que c'est un très mauvais exemple. Donc l'idée, c'est de pouvoir créer ce délit, un délit également d'interdiction d'entrée en gare pour un certain nombre d'individus et ne pas attendre qu'ils commettent un acte de délinquance dans la gare pour pouvoir les expulser, mais les empêcher d'ores et déjà d'entrer parce qu'on sait qu'ils sont habituellement des délinquants potentiels dans ces lieux si compliqués que sont les gares, où beaucoup de personnes entrent et sortent avec des endroits exigus quelque part et où il y a besoin d'une vraie surveillance.
ROMAIN DESARBRES
Ce sont toutes ces personnes qui commettent ces incivilités que vous nous décrivez. Il n'y a pas que les agresseurs ou les fraudeurs, il y a aussi ceux qui fument dans la rame de métro, qui peuvent souiller, comme vous dites, ou uriner dans une rame de métro et qui, aujourd'hui, passent sous les radars.
PHILIPPE TABAROT
C'est exactement ça, il y a vraiment besoin d'un cadre législatif nouveau et cette proposition de loi va pouvoir le permettre et puis de se dire également que c'est une réalité, c'est-à-dire que sur l'année 2023, il y a eu 120 000 victimes dans les transports en commun, de tout type sur l'ensemble du territoire national, ça, c'est du concret, sans parler du sentiment d'insécurité qui existe aussi, vous l'avez rappelé sur vos antennes il n'y a pas très longtemps, 46% des Français craignent de prendre les transports en commun ou se sentent en insécurité quand ils sont dans les transports en commun, donc, particulièrement en région parisienne, particulièrement les femmes qui sont victimes de différents frotteurs, de raquetteurs pour les jeunes, de voleurs très régulièrement, donc on veut lutter à travers notamment cette proposition de loi et l'action, bien sûr, du ministre de l'Intérieur contre cette insécurité dans les transports.
ROMAIN DESARBRES
Vous seriez favorable, tient, à des rames de métro réservées aux femmes ou de trains ?
PHILIPPE TABAROT
Je crois que c'est dommage qu'on en arrive à ces extrémités, mais quelque part, si les choses ne s'améliorent pas, il faudra se poser un certain nombre de questions parce qu'on a beaucoup de retours de femmes qui s'inquiètent de ces situations. On a la chance aussi d'avoir une évolution à travers l'intelligence artificielle, les caméras, les algorithmes, des possibilités techniques de pouvoir prévenir un certain nombre d'actes de délinquance. Quelquefois, on ne nous laisse pas les utiliser, c'est également dans la proposition de loi, il faut utiliser toutes ces possibilités qui nous sont offertes pour pouvoir appréhender les délinquants, soit de manière préventive, soit après, dans le cadre d'une répression que nous souhaitons la plus forte possible.
ROMAIN DESARBRES
Monsieur le Ministre, ministre des Transports, Philippe TABAROT avec nous, invité de la grande interview CNEWS EUROPE 1. Dimanche matin dernier, une conductrice de la ligne R arrivant à la gare de Lyon à Paris a été violemment agressés. Son train était arrivé en gare de Lyon et elle remontait le train pour voir si tous les passagers étaient descendus et il y a un individu qui l'a agressée. Comment va-t-elle ?
PHILIPPE TABAROT
J'ai eu cette dame hier soir au téléphone qui a été très courageuse sur l'instant puisqu'elle a pu échapper aux griffes de son agresseur, tout en recevant un certain nombre de coups. Elle a pu aller vers les forces de police, justement, pour pouvoir immédiatement déposer plainte et permettre d'appréhender ce délinquant et elle essaie de se reconstruire physiquement et psychologiquement, mais je peux vous dire que c'est quelqu'un qui a une grande dignité et qui a fait preuve d'un grand courage.
ROMAIN DESARBRES
Quel est le profil de l'agresseur ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, c'est quelqu'un qui avait des problèmes psychiatriques puisqu'il est en hôpital psychiatrique immédiatement après sa garde à vue, où il a été totalement incohérent dans les propos qu'il a pu tenir aux agents. Donc, il y a ce problème du nombre de personnes qui ne devraient pas être dans nos rues et qui seraient mieux dans des hôpitaux pour être soigné et bien sûr, pour ne pas agresser une conductrice qui faisait simplement son travail et qui est passée à côté de quelque chose d'encore peut-être plus grave si elle n'avait pas eu ce courage et cette capacité à s'extirper des griffes de son agresseur.
ROMAIN DESARBRES
A Strasbourg et dans des banlieues dangereuses, autour, il y a eu une trentaine d'interpellations pour des heurts avec des tirs de mortier d'artifice notamment, c'est un chiffre donné par le préfet du Bas-Rhin qui était en direct avec nous dans la matinale de CNEWS, il y a quelques instants. Il y a fréquemment des attaques dans les bus. Quelles sont les consignes pour ce soir et est-ce que les transports en commun vont fonctionner normalement à Strasbourg ce soir ?
PHILIPPE TABAROT
Oui, les transports en commun vont fonctionner. Dans la proposition de loi, et permettez-moi de revenir dessus également, il y avait l'expérimentation des caméras piétons puisque c'est quelque chose qui fonctionnait plutôt bien et qui n'a pu être reconduit, du fait de la proposition de loi qui à cause de la dissolution puis ensuite du Gouvernement BARNIER renversé n'a pu être confirmée. Ça, c'est un vrai outil pour les agents qui sont dans les bus, les conducteurs à la fois la captation du son quand le ton monte avec un certain nombre de délinquants et puis l'utilisation de ces caméras piétons. Cette situation de Strasbourg reflète malheureusement ce qu'on a trop vu souvent et ces dernières années la nuit de la Saint-Sylvestre à Strasbourg avec des véhicules brûlés. Je vois que cette année ça a commencé avant le 31. En tout cas en ce qui me concerne, je fais une entière confiance à notre ministre de l'Intérieur pour gérer cette situation et maintenant également avec le garde des Sceaux qui a exprimé sa volonté de travailler étroitement avec Bruno RETAILLEAU et je m'en réjouis.
ROMAIN DESARBRES
Bruno RETAILLEAU et Gérald DARMANIN place Vendôme et Bruno RETAILLEAU au ministère de l'Intérieur.
PHILIPPE TABAROT
Un couple indispensable pour les sujets régaliens dans notre pays. D'une manière générale, un ministre de l'Intérieur et un garde des Sceaux doivent bien fonctionner ensemble et là je crois qu'il y a une volonté politique très forte accompagnée par l'ensemble du Gouvernement.
ROMAIN DESARBRES
Plus efficace que le duo RETAILLEAU-Didier MIGAUD à la Justice ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, en tout cas Didier MIGAUD a fait le job comme on a pu le dire, mais c'est vrai que du côté de Bruno RETAILLEAU et de Gérald DARMANIN, il y a une habitude de fonctionner, peut-être par le passé ensemble et puis je pense que le garde des Sceaux a affirmé un certain nombre de choses et notamment sa volonté de lutter contre les narcotrafics avec des propositions que vous avez largement relayées et qui me paraissent aller dans le bon sens.
ROMAIN DESARBRES
Évidemment. Je voulais vous parler de ce qui s'est passé à Toulouse récemment. Un chauffeur de bus a été mis à pied, car il avait sorti de son bus, manu militari, deux adolescents sans billet, insolent. On parlait de caméra piétonne à l'instant la scène avait été filmée non pas par une caméra, mais par des passagers. On les avait diffusés sur CNEWS et on avait beaucoup parlé également sur Europe 1. Quelle image ça donne ? Le fait qu'un chauffeur de bus soit mis à pied, alors une seule journée effectivement, mais soit mis à pied alors qu'il demandait simplement le respect à deux adolescents de quatorze ans qui sont des gamins qui devraient faire ce qu'on leur demande.
PHILIPPE TABAROT
Je n'étais pas encore en fonction quand les choses se sont passées, mais je peux vous dire que pour avoir vu à travers une vidéo ce qui s'est passé, à titre personnel et ce n'est pas le ministre qui se prononce-là, je peux vous dire que dans ce qui me concerne, je ne l'aurais pas mis à pied et il était quelque part dans son rôle. Alors, ce n'était peut-être pas de cette manière de dire qu'il fallait faire les choses, mais quand on est dans l'instant quand on est dans cette situation, c'est la raison pour laquelle, pour éviter ces situations, les caméras piétons et la captation du son, sont indispensables pour que des personnes puissent arriver très rapidement et ne pas laisser les chauffeurs de bus totalement seuls et isolés. Il y a encore un chauffeur de bus qui a été agressé, également, en Seine-Saint-Denis, avant-hier, donc, on voit que c'est quelque chose de très récurrent et je veux qu'on les aide à travers cette proposition de loi.
ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, invité de la grande interview CNEWS Europe 1. Il n'y a pas eu de grève à la SNCF, à Noël, il y a eu une menace de grève, mais il n'y a pas eu de grève.
PHILIPPE TABAROT
Il y a eu une grève d'échauffement.
ROMAIN DESARBRES
Il y a eu une grève d'échauffement au début.
PHILIPPE TABAROT
D'échauffement, c'est le terme qui avait été employé le 9 décembre de mémoire.
ROMAIN DESARBRES
Les vacances de Noël des Français ont été sauvées. Est-ce qu'il faut mettre en place un système à l'italienne où les grèves sont interdites pendant les vacances ? Je sais que vous avez un avis très précis là-dessus.
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, j'ai été parlementaire, un parlementaire qui a déposé un certain nombre de propositions de loi, on a parlé de celle de la sûreté dans les transports, d'autres plus consensuelles comme sauver les petites lignes ferroviaires et d'autres qui l'étaient peut-être un petit peu moins comme le sujet de l'ouverture à la concurrence ou du droit de grève. Je suis un homme de conviction, je ne vais pas parce que je suis ministre, aujourd'hui, renier ce que j'ai pu déposer comme proposition de loi et le parlementaire que j'ai été. Oui, je suis pour certaines périodes dans l'année à une limitation du droit de grève parce que je pense qu'il a été dévoyé, détourné ces dernières années que la grève, c'est quelque chose qui a pu permettre de faire avancer un certain nombre de choses dans notre pays, mais il y a déjà très longtemps et qu'aujourd'hui c'est devenu un préalable et plus un ultime recours et je pense qu'il y a des périodes dans l'année selon l'exemple italien, où on pourrait sanctuariser ces périodes, notamment aux heures de pointe.
ROMAIN DESARBRES
Quelles périodes ?
PHILIPPE TABAROT
Notamment les périodes… Alors, sur la proposition de loi que j'ai déposée à l'époque avec Bruno RETAILLEAU, quand il était sénateur et avec le président des centristes, Hervé MARSEILLE, la période bien sûr des fêtes, la période des examens si important pour nos jeunes les périodes électorales pour qu'il n'y ait pas ce chantage à la grève pour des jours aussi importants dans notre pays et ne pas oublier les grèves du quotidien qui désorganisent le service. On ne peut plus laisser des préavis qui dorment pendant des années. Si on dépose un préavis, on le déclenche, on ne peut pas le laisser dormant. On ne peut pas faire des grèves de 59 minutes pour ne pas être imputé financièrement par rapport à cette grève, on ne peut pas faire des grèves perlées. Tout ça dans l'idée de pouvoir assurer un service minimum de qualité aux usagers des transports en commun.
ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, sur les concessions autoroutières entre 2031 et 2036, c'est demain les sept plus grandes concessions autoroutières de France vont arriver à échéance. Qu'est-ce que vous préconisez ? Est-ce qu'il faut que l'État les reprenne ?
PHILIPPE TABAROT
Je pense que la nationalisation n'est pas une bonne chose que l'Etat n'est pas en état de pouvoir le faire aujourd'hui, d'entretenir ces autoroutes qui sont plutôt très bien entretenues, mais certes, à quel prix, il y a des péages conséquents. Moi, je pense qu'il faut se poser avec tous les acteurs discuter, c'est ce qu'on fait aujourd'hui parce qu'il y a une remise en état des biens. Les procédures même si on parle de 2031-2032, doivent commencer maintenant. Je pense que l'idée, c'est de pouvoir continuer à bien entretenir nos autoroutes, à les décarboner et puis à pouvoir à travers les gains potentiels faire financer d'autres modes de transport qui ont beaucoup moins de recettes et je pense notamment aux ferroviaires ou à d'autres modes de transport.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre des Transports.
PHILIPPE TABAROT
Merci.
ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, vous serez où à 20 h, ce soir ?
PHILIPPE TABAROT
Je serai, gare de Lyon ou à la Bastille, ou je ne sais plus exactement après.
ROMAIN DESARBRES
Et vous écouterez le président de la République ?
PHILIPPE TABAROT
Je vais essayer, mais je serais surtout auprès des agents de la police ferroviaire pour les soutenir.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup, Philippe TABAROT, merci à vous, merci d'être venu, ce matin, sur CNEWS et sur Europe 1. Bonne journée.
PHILIPPE TABAROT
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 janvier 2025