Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Astrid PANOSYAN-BOUVET,
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Bonjour,
SALHIA BRAKHLIA
Le compte n'y est pas. Pour les socialistes, les annonces de François BAYROU, hier, sur les retraites ne vont pas assez loin. On le rappelle, trois mois de négociations par les partenaires sociaux et si pas d'accord entre eux, la réforme ne bouge pas. Olivier FAURE, le patron du PS, a donc posé inutilement un ultimatum, hier soir, au Premier ministre. C'était sur TF1.
OLIVIER FAURE, PATRON DU PS
Moi, ce que je demande au Premier ministre, c'est qu'il soit clair et qu'il dise que, qu'il y ait d'accord ou pas d'accord, le Parlement sera saisi de la question des retraites sur la base des propositions qui auront été faites par les uns et par les autres. A cette condition-là, effectivement, il y aura un vrai changement marqué par rapport à l'époque précédente. Nous censurons, sauf si nous avons une réponse claire.
SALHIA BRAKHLIA
Vous avez donc une réponse claire à donner à Olivier FAURE, ce matin.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ben moi, j'ai envie de reprendre un peu. J'ai fait le tour des organisations syndicales et patronales, hier, après la déclaration de politique générale du Premier ministre. Et le retour que j'ai de la plupart des organisations, c'est que l'ouverture a été créée par les politiques et maintenant le temps de la négociation, le travail des partenaires sociaux est ouvert.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais ce qu'ils disent, qu'ils craignent, c'est que cette négociation soit biaisée parce que si elle échoue, on en revient à la réforme d’Élisabeth BORNE.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est, quand même, fou que des sociaux-démocrates. Et moi, je pense qu'Olivier FAURE, Boris VALLAUD, Jérôme GUEDJ et d'autres sont des sociaux-démocrates sincères, puissent s'imaginer que le dialogue social est pipée d'avance. Je pense qu'il faut, quand même, saluer, d'abord, ces annonces. D'abord, une confiance qui consiste à dire qu'on remet les choses sur le tapis, sur la table en redonnant toutes les clés aux partenaires sociaux avec la seule règle d'or qui est le retour à l'équilibre dans un dans un horizon raisonnable. Une méthode fondée aussi sur une forme de transparence où on dit très clairement, pour la première fois, que la réforme de 2023 est perfectible, qu'elle crée des anxiétés avec un diagnostic partagé de la Cour des comptes et un point qui n'a peut-être pas été suffisamment soulevé dans les commentaires. Une volonté par le Premier ministre, que les Français se saisissent aussi des conclusions de la Cour des comptes sur le sujet de la soutenabilité financière. Et enfin, encore une fois, tous les sujets, y compris l'âge, sont sur la table, à condition que les règles d'équilibre soient respectées justement là-dessus, ce sont choses qui doivent, quand même, être saluées.
SALHIA BRAKHLIA
C'est pas un peu hypocrite de tenir ce discours-là, sachant que le MEDEF, vous le savez, sur les sources de financement avec les syndicats, ils ne sont pas du tout, mais alors pas du tout sur la même ligne. Donc l'accord va être possible, vous en êtes consciente, aujourd'hui ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Le MEDEF, comme la CPME, comme U2P ont également conscience que se joue, aussi, une forme de stabilité, à laquelle, ils sont très attachés. Enfin, fin décembre, il y a quand même eu un appel de quasiment l'ensemble des organisations syndicales, à l'exception de la CGT, l'ensemble des organisations patronales appelant à un sens de la responsabilité venant des partenaires sociaux et appelant à la stabilité. Parce que tous les acteurs, qu'ils soient syndicaux, qu'ils soient, aujourd'hui, patronaux, ont besoin de stabilité, il faut, quand même, s'en rendre compte.
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous entendez ce que dit Olivier FAURE. Ce qu'il dit : "Moi, j'ai toute confiance dans les partenaires sociaux". Il dit, en revanche…
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Pas tellement puisqu'il dit, s'il y a échec. Donc, moi, j'ai envie de dire…
SALHIA BRAKHLIA
S'il y a échec, oui, parce que c'est possible, ça veut dire… Il ne faut pas mettre de côté cette possibilité. Donc s'il y a échec, et d'ailleurs, le Premier ministre a dit, si échec, lui-même l'a envisagé, "La réforme reste telle quelle". Ce que dit Olivier Faure : "C'est, s'il y a échec, échec ou pas, il faut que ça revienne du côté de la représentation nationale et qu'on puisse en discuter". Pourquoi c'est non de votre côté ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce que je pense que ça, c'est biaisé, forcément, de penser qu'il y aura échec, c'est-à-dire que c'est comme on est un peu dans un phénomène de prophétie auto-réalisatrice. Je pense qu'il faut jouer la confiance. Je pense très franchement, et j'ai été une des premières à le dire, je me rappelle pendant la réforme de 2023, quand je débattais avec Laurent BERGER, je disais : "Oui, il y a des vrais sujets, aujourd'hui, d'amélioration sur la question de la pénibilité, sur la question de la retraite des femmes", on avait lancé avec Michel BARNIER une concertation sur ces questions. Et il faut aussi prendre en compte, je le dis aussi, les préoccupations du patronat. Vous avez, quand même, 28 % de vos salaires à vous deux, y compris le mien, qui part en financement de la retraite de base et complémentaire, aujourd'hui, pour quelque chose dont vous ne savez pas tout à fait. Très honnêtement, si dans 20, 30 ans, vous serez à même de pouvoir en bénéficier, aussi. Donc, il y a, à la fois, un sujet et qu'il faut comprendre côté patronat et de compétitivité et de soutenabilité financière. Tout en prenant le sujet de la justice sociale sur la question, encore une fois, de la pénibilité, parce que ça crée de l'emploi.
SALHIA BRAKHLIA
On va y revenir sur ce qui peut être négocié ou pas, sur le d'ultimatum que donne Olivier FAURE, le patron du PS, aujourd'hui. Vous risquez la censure, donc vous l'assumez. Il dit, "Dans deux jours, il n'y a pas de nouvelle, on censure".
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
En tout cas, il y aurait une censure du Parti socialiste. Mais moi, j'ai envie de dire qu'Olivier FAURE se rapproche aussi et je sais qu'il le fait des organisations syndicales réformistes qui ont envie que ça marche, qui ne partent pas avec la même présomption qu'il y aura un échec. Et je pense que…
SALHIA BRAKHLIA
Mais vous comprenez pourquoi il va aussi loin, lui. Parce que, lui, il attendait le mot suspension dans son discours, il l'a espéré.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, mais ce n'est pas la suspension, c'est qu'on remet les choses sur le tapis. C'est pour cela que moi, en tant que ministre du Travail, en tant que députée, avant d'être nommé ministre, je suis tellement attachée au dialogue social parce que les partenaires sociaux sont beaucoup plus, je le pense, ancrés dans la réalité économique et sociale et sont capables, beaucoup plus qu'on ne le croit, aux compromis.
JÉRÔME CHAPUIS
Alors, cette négociation, elle est censée commencer après demain à Matignon. C'est ce qu'a annoncé le Premier ministre, hier. Il se trouve qu'il y a quelques minutes, la numéro une de la CGT, Sophie BINET, a dit que la réunion prévue après demain n'aurait pas lieu. Ça, ce n'est pas de son fait. Nous n'avons pas de nouvelle date. Est-ce que vous nous confirmer ce matin que cette réunion est reportée ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je viens de d'échanger avec Sophie BINET avant d'arriver dans le studio pour lui dire qu'une lettre, une invitation serait envoyée, vendredi. Parce qu'on ne peut pas, non plus, convoquer les personnes en moins de 72 h. On comprend que les responsables syndicaux et patronaux de notre pays ont aussi des agendas chargés. Et moi, je n'ai pas encore, à date, la date d'invitation, ce sont des choses qu'il faut voir avec…
SALHIA BRAKHLIA
Ah, c'est vous qui l'avais prévu, il y a un quart d'heure, c'est ça ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Oui, voilà. Parce que c'est des choses qu'on a appris aussi. Voilà, les choses se font un peu en direct. Moi, j'ai simplement souhaité, parce qu'ils m'ont demandé très concrètement, quand est-ce que ça a lieu vendredi pour pouvoir dégager l'agenda ? Donc, une invitation sera envoyée, vendredi, pour une réunion très prochaine avec l'ensemble des partenaires sociaux pour fixer précisément les règles du jeu.
JÉRÔME CHAPUIS
Ça veut dire, quand même, qu'on est sur cet agenda de trois mois qui nous amène, grosso modo, à la mi-avril ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
A la mi-avril. Il y aura d'abord, comme l'a dit le Premier ministre, cette mission flash confiée à la Cour des comptes, pour qu'il y ait vraiment, parce que ça aussi, c'est un des enseignements de 2023 où on a eu beaucoup de débats au Parlement sur les hypothèses, sur déficit ou non. Qu'il y ait vraiment un diagnostic partagé sur la réalité financière d'un régime de répartition pour qu'ensuite, une fois que cette mission flash est réalisée, il y ait trois mois de négociation.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais les chiffres, on les a. Le Conseil d'orientation des retraites, ça fait des années qu'il produit des chiffres sur le déficit des différents régimes. Qu'est-ce que vous allez apprendre que vous ne sachiez déjà ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce qu'on est dans un système dynamique. Les chiffres sur la natalité qui sont sortis, hier, montrent qu'il y a une dégradation. On voit qu'il y a une très forte sensibilité aussi des équilibres liés à la question du taux d'emploi ses seniors.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous ne faites pas confiance au Conseil d'orientation des retraites ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça, c'est un choix du Premier ministre de confier à la Cour des Comptes, qui est le contrôleur en chef des finances publiques, et moi, je n'imagine pas la Cour des Comptes ne s'appuyant pas, aussi, sur l'expertise très précise du Conseil d'Orientation des Retraites, précisément sur des paramètres qui peuvent avoir un impact considérable sur les tendances et les projections financières, productivité, taux d'emploi, taux de croissance.
JÉRÔME CHAPUIS
Je vous pose la question parce qu'on a été surpris…
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Et natalité, bien sûr.
JÉRÔME CHAPUIS
On en reparlera de la natalité, mais on a été surpris par les chiffres que François BAYROU a annoncé, hier, a produit, hier, devant l'Assemblée nationale. Le Premier ministre dit qu'on emprunte, chaque année, plus de 45 milliards d'euros pour financer les retraites. Or, si l'on se fie aux chiffres des régimes de base, chaque année, on est autour, en 2023, de 2,6 milliards, 6,2 milliards en 2024. C'est-à-dire très loin des 45 milliards dont a parlé François BAYROU.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Parce qu'on ne parle pas de la même chose. François BAYROU fait référence à une étude qu'il a faite quand il était au commissariat au plan, qui, lui, se base sur l'ensemble des régimes de retraite, y compris ceux de la fonction publique, là où le corps concerne les salariés privés, 21 millions de personnes dans notre pays, où effectivement, on prévoit, si rien n'est changé, aujourd'hui, à 2030, un déficit de 14 milliards d'euros.
JÉRÔME CHAPUIS
Et c'est quoi l'objectif ? C'est de frapper les esprits ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est, sans doute, de frapper les esprits, effectivement, sur le sujet de la soutenabilité de notre régime de retraite, sur le fait qu'on s'endette aujourd'hui, non pas pour investir, mais pour des dépenses de fonctionnement, avec un coût du modèle social qui impacte, et le coût du travail, mais aussi le salaire net et le pouvoir d'achat de nos salariés comme de nos agents. Donc c'est aussi, et ça c'est vraiment un point qu'il faut souligner, une volonté qui a été indiquée par le Premier ministre, de saisir, à l'occasion de cette mission Flash, l'ensemble des Français sur la soutenabilité financière et la confiance qu'on peut avoir dans le régime des retraites.
SALHIA BRAKHLIA
Alors justement, dans la renégociation, pas de tabou, pas même l'âge de départ à la retraite, c'est ce qu'a dit François BAYROU, hier, mais avec une exigence, vous l'avez dit, garder un équilibre financier.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Une règle d'or.
SALHIA BRAKHLIA
Question, l'équilibre financier doit se faire au sein même de la réforme des retraites, ou alors les partenaires sociaux peuvent trouver des financements ailleurs ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense que tout est ouvert. Il l'a dit le Premier ministre, et je trouve que c'est vraiment une bonne logique de négociation. Chaque organisation peut mettre, à l'ordre du jour, un sujet qui lui est cher.
SALHIA BRAKHLIA
Donc quand la CGT dit qu'on peut financer les retraites en taxant davantage les très hauts patrimoines, on peut y aller ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Écoutez, il y a ensuite cette discussion, comme je sais que la CPME est attachée à, pourquoi pas, la constitution d'un deuxième ou troisième pilier, qui serait celui de la capitalisation collective gérée par les partenaires sociaux. Mais je vais vous donner, pour reprendre la première question, et notamment la remarque d'Olivier FAURE. On a un exemple très précis où les partenaires sociaux sont en capacité, aujourd'hui, de trouver des compromis et de gérer un régime sans qu'il y ait les soubresauts. C'est l'Agirc-Arrco. C'est, quand même, le deuxième gros pilier qui sont les régimes complémentaires pour les cadres et le non-cadre. Je parle, encore une fois, de nos salariés du secteur privé, 21 millions de nos concitoyens qui nous écoutent en allant au bureau à la radio. Eh bien, ils le font, ils font le job. Donc donnons-nous un peu les chances, aujourd'hui en trois mois, pour voir si tous les sujets peuvent être mis sur la table et s'il peut y avoir des compromis ici et là.
SALHIA BRAKHLIA
On voit bien, Astrid PANOSYAN-BOUVET, la volonté du Gouvernement d'écarter les politiques de cette renégociation de la réforme des retraites. La réunion dont on parlait, à l'instant, qui n'est pas encore calée, mais dont les invitations vont être envoyées, vendredi, la réunion sera animée par un expert du sujet, pas par un politique. C'est ce qu'annonce, ce matin, votre ministre de tutelle, Catherine VAUTRIN. Ce sera qui ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, ça c'est encore à déterminer. C'est un tir de confiance. Alors, soit ça peut être un expert, soit ça peut être un garant de la négociation. Il ne s'agit pas d'écarter les politiques. Je pense, pour avoir discuté du sujet avec François BAYROU, on veut, quand même, aussi créer des passerelles régulières pour que les politiques, que ce soit les responsables de partis, que ce soit les présidents de groupes…
SALHIA BRAKHLIA
Mais qui va jouer l'arbitre ? A quel profil vous pensez ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je ne veux pas indiquer de nom. Je ne veux pas indiquer de nom parce que c'est aussi quelque chose qu'il faut voir avec les partenaires sociaux. Et c'est, d'ailleurs, pour ça que j'ai demandé aux partenaires sociaux aussi, en toute transparence, de donner l'idée…
SALHIA BRAKHLIA
Donc il faut que ce soit quelqu'un qui soit validé par les partenaires sociaux, aux syndicats comme MEDEF ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il faut que ce soit un tiers de confiance, donc quelqu'un qui puisse, effectivement créer, susciter la confiance des syndicats et du patronat. Et donc, c'est pour ça aussi que j'ai demandé aux uns et aux autres de me proposer quelques noms que je pourrais soumettre, avec Catherine VAUTRIN, au Premier ministre.
JÉRÔME CHAPUIS
Et l'idée c'est de gagner en crédibilité ? C'est ça le message sur cette négociation ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
C'est de montrer, et Dieu sait que j'y suis très favorable, la place que peut avoir le dialogue social dans la capacité à créer du compromis et à trouver des réponses dans une forme d'apaisement. On a besoin et de stabilité et je pense qu'on a besoin d'apaisement.
JÉRÔME CHAPUIS
Encore beaucoup de questions à vous poser, Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre déléguée au travail et à l'emploi, invitée de France Info, ce matin. On vous retrouve après le Fil Info 8h47.
(…)
JEROME CHAPUIS
Et la ministre déléguée au travail et à l'emploi, Astrid PANOSYAN-BOUVET, vous évoquez la natalité, les derniers chiffres de l'INSEE avant le Fil-Info. Le taux de fécondité est au plus bas dans notre pays depuis 1919, chiffres qui sont donc sortis, hier. Est-ce que la démographie française vous inquiète, notamment pour le financement des retraites qu'on évoquait il y a un instant ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Mais elle m'inquiète, mais bien au-delà de la question des retraites. Un régime de répartition, il est forcément assis sur les équilibres démographiques et sur la capacité des actifs à contribuer pour les pensionnés.
JÉRÔME CHAPUIS
D'autant que la longévité, l'espérance de vie continue d'augmenter légèrement.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Dont l'espérance de vie, il faut s'en féliciter, continue à s'allonger. Mais ça dit quelque chose d'un pays, ça dit quelque chose de l'espérance qu'on projette. Un chiffre qui n'est pas suffisamment indiqué, quand même, c'est qu'il y a un décalage, quand on parle aux femmes, entre le nombre d'enfants, le taux de fécondité et le nombre d'enfants souhaités. Le nombre d'enfants souhaités est supérieur, donc ce n'est pas comme s'il y avait…
SALHIA BRAKHLIA
Il y a l'envie, mais, en fait, la réalité les empêche.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Il y a une envie, mais il y a une incapacité à réaliser cela. Et je pense que c'est vraiment une priorité, aujourd'hui, de tous les instants, au-delà de la question des retraites, que de pouvoir réaliser cette envie.
JÉRÔME CHAPUIS
Et ce décalage, il n'est pas lié aux questions du travail, justement, dont vous avez la charge ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense qu'une des choses, quand même, le travail des femmes n'est pas l'ennemi de la fécondité. A condition, voilà, ça c'est un cas réel d'expérience de comparaison entre la France et l'Allemagne, où quand on met en place les systèmes de garde, les femmes peuvent continuer à travailler, et peuvent continuer aussi, avec leurs conjoints, à avoir une vie familiale qui leur permette de se projeter. Et donc, je pense que ces sujets sont aussi liés à la question du système de garde, à la question du logement…
SALHIA BRAKHLIA
Emmanuel MACRON promettait un droit opposable et il n'existe toujours pas.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi, vous savez, la question du droit opposable, plus que le droit opposable, je crois au droit effectif. Le droit opposable, ça veut dire que, je le vois, aujourd'hui, au niveau du logement, où effectivement, en tant qu'élu, on peut, ensuite, écrire au préfet, en disant, voilà, c'est au titre du droit opposable, etc., et on s'en lave les mains. La question, c'est vraiment le droit effectif, et c'est tout le travail, aujourd'hui, que conduit Catherine VAUTRIN, qui est comment est-ce qu'on remet la question de la politique de la petite enfance au service des femmes, au service des familles, et au service du taux d'activité des femmes ?
SALHIA BRAKHLIA
Mais il y a aussi les conditions de travail, Astrid PANOSYAN-BOUVET. Hier, le Premier ministre a parlé d'une concertation sur le travail et les salaires. Qu'est-ce que c'est ? De quoi il s'agit ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, il y a d'abord quelque chose sur lequel on travaille, pour le coup, c'est le cas de le dire, avec les partenaires sociaux, sur le sujet de la santé et des conditions de travail. J'avais une discussion extrêmement intéressante, lundi soir, avec les différents directeurs de ressources humaines de l'Association nationale des DRH, le sujet de la santé au travail, que ce soit la question de la santé physique, et notamment, et là on revient à la question des seniors, du maintien en activité de nos seniors, mais également le sujet de la santé mentale au travail, sur l'intensification des rythmes, du fait d'avoir à faire plein de choses tout le temps, vous le voyez en tant que journaliste, ou votre métier de journaliste aussi a changé, a un impact. Et ça permet, en objectivant les choses, et j'aimerais donc lancer, le projet c'est de lancer une conférence au mois de mars sur la question avec les partenaires sociaux, les chercheurs, une comparaison aussi avec l'Allemagne, pour proposer des solutions et sortir de ce débat qui est jour de carence, absentéisme, et de voir comment est-ce qu'aujourd'hui les conditions de travail, la santé au travail, la médecine, la prévention, les organisations de travail, les pratiques managériales favorisent ou non la question de la santé, du bien-être au travail.
JÉRÔME CHAPUIS
L'actualité également, parce qu'il nous reste quelques minutes et c'est important d'en parler, elle est marquée par tous ces plans sociaux, ces défaillances d'entreprises, notamment dans l'industrie. Est-ce que vous partagez les inquiétudes et même les chiffres que nous donnait l'autre jour sur ce plateau encore, Sophie BINET de la CGT, 160 000 emplois directement menacés par ces plans sociaux, aujourd'hui, en France ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Moi je partage l'inquiétude. Il y a une inquiétude d'abord au niveau européen.
JÉRÔME CHAPUIS
Vous faites les mêmes estimations ? C'était ça ma question.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Les estimations, ce que je peux vous dire, en tout cas sur le passé, c'est qu'on a une augmentation d'un tiers, aujourd'hui, des PSE homologués. Des plans sociaux d'ailleurs comme, on parle beaucoup des plans sociaux, mais également des licenciements économiques dans les entreprises de moins de 10 salariés, pour reprendre cette expression de François ASSELIN qui est le président des CPME, de ces licenciements, de ces plans sociaux à bas bruit. On voit une augmentation de 18 % sur un an des inscriptions à FRANCE TRAVAIL de personnes licenciées pour des raisons économiques. Donc oui, le sujet est un sujet d'attention très forte, lié, à la fois, à une dégradation du contexte européen, mais qui est plus marqué en France. Baisse de l'investissement, sujet autour de l'innovation, toujours des vrais sujets autour des compétences et de la productivité.
SALHIA BRAKHLIA
Donc, 2025 sera l'année du retour du chômage de masse ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Non, justement, il faut avoir une nuance, parce qu'il y a toujours une forme d'embauche soutenue, qui sont moins fortes que l'année dernière, mais qui reste soutenue. Mais vous avez, effectivement, l'accélération de la restructuration d'un certain nombre de secteurs dont on parle, l'automobile, la grande distribution, la chimie, et également, il faut aussi dire les choses, c'est-à-dire que la situation politique et l'instabilité politique qu'on s'est, nous-mêmes créés, créent une forme d'attentisme où les investisseurs, les recruteurs, les acheteurs lèvent le stylo en attendant de voir si on peut avoir un budget. Un point, par exemple, je vais vous donner un exemple très concret de l'impact, aujourd'hui, j'étais dans l'Aveyron, la semaine dernière, du fait qu'on n'ait pas de budget, ni PLFSS, ni PLF. Il y a des négociations sur les salaires qui n'ont pas pu commencer dans les entreprises, parce que les entreprises attendent d'avoir un atterrissage sur les fameux allégements généraux et les charges pour les entreprises, parce que ça va avoir un impact sur les comptes d'exploitation.
SALHIA BRAKHLIA
Donc sur les politiques qui sont responsables de tout ça ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Ça, ce sont des choses très concrètes. Oui, c'est-à-dire qu'il faut, à un moment donné, réapporter de la stabilité à nos entreprises comme à nos salariés qui en ont besoin.
SALHIA BRAKHLIA
Depuis le 1er janvier, Astrid PANOSYAN-BOUVET, comme vous parlez de FRANCE TRAVAIL, les bénéficiaires du RSA sont aussi inscrits à FRANCE TRAVAIL. Ils doivent aussi se soumettre à une activité de 15 à 20 heures par semaine. Vous, vous parlez d'accompagnement, mais pour nombre d'allocataires, c'est du travail forcé. Qu'est-ce que vous leur répondez ? Vous sentez le malaise ou pas ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je sens le malaise. Mais je pense qu'il faut encore, une fois, se réinscrire dans le réel. Et le réel, c'est qu'il y a eu des expérimentations dans 49 départements très différents, urbains, ruraux, qui a concerné 70 000 bénéficiaires du RSA, qui montrent que ces fameuses 15 heures, ce n'est pas du travail forcé, du travail gratuit et on convoque la déclaration des droits de l'homme, etc. C'est quoi, très concrètement ? Il aurait fallu que vous m'accompagniez à la réunion que j'ai eue, justement dans l'Aveyron avec FRANCE TRAVAIL et des bénéficiaires de l'expérimentation. C'est de l'aide au CV, c'est de l'aide à l'expression orale et écrite quand, effectivement, on a été bénéficiaire du RSA et qu'on finit par manquer de confiance en soi et qu'on est cassé par cette expérience. C'est de voir des choses très concrètes. On revient sur la question des femmes, sur le sujet de la garde d'enfants. Dans les zones rurales, c'est la question des transports. Donc, ce n'est pas du tout du travail forcé, c'est comment est-ce qu'on accompagne mieux ? Parce que dans le système précédent, si vous voulez revenir dans le système précédent, il faut quand même rappeler qu'il y a 18 % des bénéficiaires du RSA qui le restent pendant 10 ans. Il y en a 42 % des bénéficiaires du RSA qui le restent durablement pendant 7 ans. Ça, ce n'est pas satisfaisant non plus.
JÉRÔME CHAPUIS
Une dernière question qui concerne un sujet qui a été évoqué là encore, hier, par le Premier ministre, l'immigration. Vous devez publier, à la fin du mois de février, l'actualisation de la liste des métiers en tension dans lesquels les travailleurs sans papiers peuvent être régularisés. Sur quels critères est-ce que vous allez faire cette sélection ? Est-ce qu'il y aura des changements par rapport à la situation actuelle ?
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Alors, là aussi, moi je me base sur le réel. Donc, on a demandé aux régions, à la fois, en partant des besoins de main-d’œuvre qui sont inscrits à FRANCE TRAVAIL, d'un dialogue avec les partenaires sociaux. Donc là, on n'est pas en région parce que les besoins à main-d’œuvre peuvent être différents selon les régions et les départements et la réalité économique. Pour nous faire remonter les métiers en tension, il y a des métiers effectivement qui ont évolué. On voit, je discutais avec Thierry MARX en charge de l'hôtellerie-restauration, je discutais également avec le président de la FNSEA, des besoins croissants dans l'ensemble de départements sur la question des métiers en tension. Et c'est ces sujets que l'on va avoir en discussion avec Bruno RETAILLEAU.
SALHIA BRAKHLIA
Il pourrait y avoir plus de régularisation que l'année précédente.
ASTRID PANOSYAN-BOUVET
Je pense, en tout cas, qu'il faut répondre aux besoins des entreprises. Il y a un deuxième sujet quand même, qui est de toujours travailler sur la meilleure formation professionnelle de nos salariés. On a commencé la concertation sur l'apprentissage en lien avec les métiers en tension et les compétences dont les entreprises ont besoin. Et un troisième point dont il faut parler, qui est que pour les chômeurs qui sont d'origine étrangère et qui sont inscrits à FRANCE TRAVAIL, parce qu'ils ont travaillé, parce qu'ils sont éligibles, il y a un sujet dont il faut parler parce qu'on n'est pas très bon en France par rapport à l'Allemagne et par rapport au Pays du Nord, c'est l'apprentissage du français en langue étrangère, qui est un frein, aujourd'hui, à l'emploi et sur lequel il faut qu'on s'améliore très concrètement.
JÉRÔME CHAPUIS
Merci beaucoup. Et donc des décisions pour la fin du mois de février. Astrid PANOSYAN-BOUVET, ministre déléguée au travail et à l'emploi, invité de France Info ce matin, merci d'avoir été avec nous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2025