Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est 8 h 36. Notre invité, Benjamin HADDAD, ministre chargé de l'Europe. Bonjour.
BENJAMIN HADDAD
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. On va revenir évidemment sur la déclaration de politique générale de François BAYROU, mais nous allons parler d'Europe. Évidemment, nous allons parler du monde. Elon MUSK et Donald TRUMP, surtout Donald TRUMP et Elon MUSK, nous allons parler de l'Algérie et de la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Ça nous concerne évidemment. Benjamin HADDAD, les retraites, ni annulation, ni abrogation, ni gel, ni suspension de la réforme, mais le chantier est rouvert. C'est bien cela, comprendre une mission flash de la Cour des comptes sur le financement, ensuite des négociations entre les partenaires sociaux. Un conclave, négociations sur tous les sujets sans tabou.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est ce qu'a dit François BAYROU. Donc, si accord, très bien, très bien ; si pas d'accord, on reprend la réforme BORNES, c'est bien cela ?
BENJAMIN HADDAD
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai bien résumé.
BENJAMIN HADDAD
Écoutez ce qu'on a entendu hier de la part du Premier ministre, c'était un discours d'apaisement, volonté d'unité, de dialogue, à un moment où on voit que pays et surtout notre classe politique, notre parlement est fracturé. On a des divisions, les Français veulent de la stabilité. Et François BAYROU a proposé au fond un discours de la méthode. Dans cette période inédite de notre vie politique où on a besoin de trouver des compromis, d'avancer ensemble, on remet sur la table, sans tabou et avec en même temps l'honnêteté de dire que sur le système de retraites, effectivement, il y a des déficits et donc, il faut qu'on soit capable de répondre à ces déficits pour sauver notre système de retraite par répartition. C'est pour ça que moi, en tant que député Renaissance, non seulement, j'ai voté, mais j'ai soutenu activement cette réforme des retraites. Aussi parce que si on veut pouvoir financer nos services publics, si on veut pouvoir continuer à générer de la croissance et générer des investissements, il faut travailler plus et plus longtemps. Mais là, François BAYROU a décidé de faire confiance. Il fait confiance aux partenaires sociaux pour se mettre autour de la table, pour avoir une réflexion sur le fait de rouvrir…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et surtout, il cherche une voie pour ne pas… Pour ne pas être censuré, c'est surtout ça. C'était son objectif hier, évidemment, Benjamin HADDAD.
BENJAMIN HADDAD
Mais au fond, encore une fois, à partir du moment où on a besoin de stabilité, on a besoin de dialoguer. Oui, trouvons des voies de compromis, écoutons les forces politiques qui veulent avancer. Il a fait la distinction entre ceux qui font partie du socle, aujourd'hui, au Gouvernement, ceux qui sont dans une opposition radicale et frontale. On pense, bien sûr, à la France insoumise, qui ne rêvent que de chaos et de conflictualité. Et puis ceux qui ne sont pas au Gouvernement, mais souhaitent tout de même partager les responsabilités, soit avancer, soit trouver des compromis. Je pense notamment au Parti socialiste. Donc, c'est aussi un moment de vérité pour le Parti socialiste que s'est adressée le Premier ministre. Je crois effectivement qu'on faut qu'on trouve le moyen d'avancer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais, Benjamin HADDAD, je vois même qu'il n'y aura pas de. Hier, le Premier ministre annonce qu'il y aura une. Y aura un rendez-vous vendredi de concertation. Il n'aura pas lieu. Il n'aura pas lieu, nous dit Sophie BINET, de la CGT. Il n'aura pas lieu vendredi. Vous confirmez ? Il n'aura pas lieu vendredi ?
BENJAMIN HADDAD
Alors, je n'ai pas d'information sur ce rendez-vous de vendredi. Mais ce que je vous dis, c'est qu'encore une fois, ce qu'a dit le Premier ministre, les partenaires sociaux à qui il fait confiance, maintenant, ont l'opportunité pendant trois mois de se mettre autour de la table et de trouver des solutions. Encore une fois, c'est cette méthode d'apaisement, cette méthode de dialogue, en se disant la vérité. C'est pour ça qu'il y a, d'ailleurs, aussi la mission Flash sur la question du déficit, parce qu'il faut qu'on parte aussi, quand même d'un constat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des chiffres.
BENJAMIN HADDAD
Exactement. Des chiffres, d'un constat de vérité. On a ce système de retraite par répartition, qui est un système de solidarité intergénérationnelle, mais qui, évidemment, quand vous avez une hémorragie changeante, quand vous avez – et c'est une chance – des Français comme nos voisins qui vivent plus longtemps et qui font moins d'enfants, donc, on a moins d'entrants dans la vie active…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui paiera les futures retraites.
BENJAMIN HADDAD
C'est exactement la question que l'on va poser. Nos voisins, nos voisins européens, puisque vous savez que je voyage beaucoup en Europe, travaillent souvent plus longtemps, d'ailleurs plus longtemps que nous, même quand on a fait la réforme de 64 ans. Mais encore une fois, on est dans cette situation politique inédite, où il faut trouver les voies du dialogue et du compromis. Donc le Premier ministre a raison, là, d'ouvrir et de ne pas avoir de tabou dans le fait d'ouvrir cette réflexion.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La dette, un enjeu moral autant que financier, dit François BAYROU. Des économies, mais où, les économies ?
BENJAMIN HADDAD
Alors la dette, un enjeu moral, bien sûr, pour les générations futures, parce qu'on ne peut pas vivre sur leur dos. Un enjeu financier, parce que c'est l'enjeu aussi de la crédibilité du système financier, parce que, vous savez, on n'est pas énil. À un moment, on a des agences de notation, on a des investisseurs étrangers, on a nos partenaires européens. La France est placée sous procédure de déficit excessif. On n'est pas les seuls, mais on fait partie, donc il faut aussi qu'on montre une trajectoire budgétaire crédible et c'est un enjeu de souveraineté. Si on veut pouvoir investir dans la défense, par exemple, dans les deux mandats d'Emmanuel MACRON, on aura doublé le budget des armées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va y revenir.
BENJAMIN HADDAD
Et il faudra continuer, parce qu'on va parler des tensions géopolitiques, naturellement. Il faudra continuer à augmenter les moyens de défense, comme l'a dit Sébastien LECORNU, ministre des Armées, ce week-end. Si on veut investir dans la transition environnementale, si on veut pouvoir continuer à rehausser le niveau de nos services publics, oui, il faut être capable de dégager des marges financières, c'est un enjeu aussi de souveraineté. Des économies, le Premier ministre en a parlé. Vous avez énormément d'agences, dont le fonctionnement de l'État, qui pourrait être, je crois, rationalisé, dont on pourrait réduire les coûts de fonctionnement. Je pense qu'il faudra aussi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'a pas parlé de baisser les impôts.
BENJAMIN HADDAD
Alors, je pense qu'il faudra aussi…
BENJAMIN HADDAD
Moi, j'ai soutenu une politique de…
JEAN-JACQUES BOURDIN
En Allemagne, je regardais tous les partis politiques - Il y a des élections en février - Tous les partis politiques, tous, de la gauche, de l'extrême-droite à l'extrême-gauche, parlent de baisser les impôts.
BENJAMIN HADDAD
Oui. Il ne vous aura pas échappé, Jean-Jacques BOURDIN, qu'ils sont en campagne électorale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Non, mais ça, c'est sûr.
BENJAMIN HADDAD
Moi, plutôt que de parler de promesses de campagne, je regarde quand même ce qu'on a fait depuis sept ans. Et depuis sept ans, on a soutenu une politique de l'offre, une politique de baisse d'impôts, à la fois de baisse d'impôts sur les ménages comme sur les entreprises. On a mis par exemple l'impôt sur les sociétés au même niveau que la moyenne européenne et ça a permis de redonner de l'attractivité à la France pour les investisseurs étrangers, de redonner une trajectoire de baisse au chômage, qui est aujourd'hui le plus faible dans notre pays depuis quarante ans, y compris le chômage des jeunes, qui a quand même été très longtemps un fléau pour notre pays. Donc les baisses d'impôts, c'est une bonne chose. Maintenant, ça veut dire aussi donner une trajectoire de baisse de déficit et de la dette. Donc ça veut dire faire des économies ici dans le fonctionnement de l'État.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Benjamin HADDAD, parlons de TRUMP. Investiture lundi. Donald TRUMP, vous avez vécu à Washington. Vous connaissez bien les États-Unis.
BENJAMIN HADDAD
J'ai vécu tout le premier mandat de TRUMP, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
TRUMP, oui, TRUMP qui veut, pas annexer, il veut annexer, on ne sait pas trop ce qu'il veut faire avec le Groenland. J'ai vu le Danemark qui est prêt à entretenir des relations plus étroites avec les États-Unis. TRUMP au Groenland comme Poutine en Ukraine, ce sont deux impérialismes à vos yeux ?
BENJAMIN HADDAD
Il y a un retour à une forme de géopolitique du XIXe siècle.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est de l'impérialisme, non ?
BENJAMIN HADDAD
Oui, de l'impérialisme, des rapports de force très brutaux, une forte volonté de conquête qui, là, en plus, est appuyée sur la technologie du XXIe siècle, l'utilisation numérique des réseaux sociaux. Et à un moment, ça pose quand même la question du réveil stratégique des Européens. On le dit depuis déjà suffisamment longtemps. On le sait. On voit déjà que les Américains sont en train de tourner le dos à l'Europe. Déjà, Barack OBAMA nous avait alertés quand il parlait de pivot vers l'Asie. On voit une forme de repli aussi protectionniste. On a vu d'ailleurs l'administration BIDEN le faire. Quand l'administration BIDEN, sans aucune concertation avec les Alliés européens, fait l'IRA, c'est-à-dire le plan d'investissement massif dans son industrie, ça se fait au détriment de nos entreprises, de nos industries. L'administration BIDEN, elle poursuit aussi des tarifs douaniers contre l'Europe et contre d'autres partenaires qui avaient été imposés par l'administration TRUMP, donc, ne soyons pas naïfs. Donnons-nous les moyens de nous défendre. Le cas échéant d'assumer des rapports de force…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, renforçons notre défense européenne.
BENJAMIN HADDAD
Alors renforçons notre défense nationale, d'abord.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nationale, oui.
BENJAMIN HADDAD
C'est ce qu'on fait, donc, on augmente et nos voisins le font aussi. On augmente nos budgets de défense pour devenir plus souverains et se donner les capacités d'agir. Et puis investissons aussi dans les coopérations européennes. Trouvons les moyens de financer aussi la défense européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment se fait-il ? Tout le monde... Enfin beaucoup, beaucoup de responsables politiques demandent jusqu'à l'interdiction par exemple de X en Europe. Mais comment et pourquoi l'UE est-elle incapable d'avoir son propre réseau social ? Pourquoi ?
BENJAMIN HADDAD
Alors là, vous posez vraiment une question qui m'intéresse beaucoup, parce que... Bon. Il y a le fait de faire respecter nos règles, effectivement. Si vous avez un réseau social qui arrive en Europe et qui veut faire des deepfakes, c'est-à-dire qui veut laisser prospérer des vidéos fausses et qu'on ne puisse pas modérer les contenus, du racisme, de l'appel à la violence, là, effectivement, il faut faire respecter des règles. Mais après, en effet, moi, je trouve que ce qui se passe avec Elon MUSK, c'est aussi un révélateur du fait qu'en Europe, on a mis beaucoup l'accent sur la régulation, sur la norme, sur la bureaucratie, et pas assez sur l'innovation, sur le soutien à nos entreprises et à la compétitivité. Et sur tout un tas de secteurs, du numérique aux réseaux sociaux en passant par l'intelligence artificielle où on a dix fois plus d'investissements qui se font aux États-Unis qu'en Europe, on est à la traîne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'attend-on ?
BENJAMIN HADDAD
Alors, là, c'est ce qu'avait révélé le rapport de l'ancien gouverneur de la Banque Centrale italien, Mario DRAGHI, qui avait parlé du décrochage industriel de l'Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il avait vu juste, DRAGHI.
BENJAMIN HADDAD
Alors il a vu totalement juste. Et nous, c'est un constat que l'on partage sur le fait qu'il faut libérer l'investissement en Europe et donc, il faut faire confiance à ceux qui prennent des risques, à ceux qui veulent créer les entreprises, leur donner les moyens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais quelle initiative est prise aujourd'hui dans le domaine de l'intelligence artificielle ou dans le domaine des réseaux sociaux ?
BENJAMIN HADDAD
Alors sur ce qu'on va faire, nous, c'est qu'il y a beaucoup de... Il y a un chantier vraiment qui va de l'union des marchés de capitaux à l'union bancaire, parce qu'on va pousser, c'est-à-dire faire en sorte que des entreprises puissent plus facilement se financer, plus facilement croître, se développer au niveau européen, simplifier. Vous savez, il y a beaucoup de normes qu'on a mises ces dernières années. On est allé un peu loin. Je vous donne un exemple. Quand je vais voir des PME françaises, elles me parlent de la CSRD. La CSRD, c'est un texte où on leur demande de remplir un fichier – c'est du reporting – de tous leurs fournisseurs. Premier fournisseur, le fournisseur du fournisseur, le fournisseur du fournisseur du fournisseur, pour voir leur empreinte carbone. Donc, la charge administrative et la paperasse est insupportable et en plus de ça, nous... Pardon d'être un peu technique. Nous, on l'a transposé dans le droit français. On a 17 pays européens qui ne l'ont pas encore fait. Donc vous vous retrouvez avec des problèmes de concurrence déloyale au niveau européen. Donc, la vision, aujourd'hui, du président de la République et celle qu'on pousse au niveau européen, c'est de dire : " Maintenant, il faut simplifier. Il faut mettre l'accent sur l'innovation plutôt que sur la bureaucratie ". Moi, je vais faire ce travail aussi au niveau français. Vous savez, hier, le Premier ministre a parlé des cahiers de doléances des Gilets jaunes. Moi, je vais envoyer une forme de questionnaire à des centaines d'entreprises, mais aussi de représentants de syndicats. Je pense à la FNSEA, aux jeunes agriculteurs. On va faire des cahiers de doléances européens et on va leur demander très concrètement qu'est-ce qui marche pour vous et que vous aimeriez voir plus développé au niveau européen ? Et qu'est-ce qui, au contraire, est une norme excessive ? Qu'est-ce qui, au contraire, vous complique la vie ? Je suis pro-européen. Je considère que la France se porte mieux quand elle est influente en Europe et quand l'Europe est capable de défendre ses intérêts, de défendre sa sécurité, de se protéger. Mais je veux précisément que pour nos concitoyens, nos entreprises, nos agriculteurs, que l'Europe soit un atout et non pas un emmerdement. Et donc, c'est pour ça qu'on fera ce travail avec des centaines, encore une fois, d'interlocuteurs de doléances européennes pour voir comment on peut mieux porter leurs préoccupations au niveau européen et faire en sorte que l'Europe soit vue, encore une fois, comme une opportunité pour tous ceux qui veulent prendre des risques et tous ceux qui veulent travailler dans le pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Benjamin HADDAD, est-ce que l'Europe va créer son propre réseau social ?
BENJAMIN HADDAD
Mais ce n'est pas, vous savez, le problème, ce n'est pas un bureaucrate de la Commission européenne de créer le réseau social.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais vous savez que certaines entreprises, je ne sais pas, il y a des initiatives européennes pour aller concurrencer les grands réseaux sociaux ou chinois ou américains.
BENJAMIN HADDAD
On a des acteurs qui se lancent dans les réseaux sociaux, on a des acteurs qui se lancent dans l'intelligence artificielle, on a des start-ups qui se lancent dans l'espace spatial.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ils ne comptent pas pour l'instant.
BENJAMIN HADDAD
Mais vous avez raison, encore une fois, c'est pour ça qu'il faut leur donner les moyens de réussir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels moyens ?
BENJAMIN HADDAD
Alors, attendez, quand je vois MUSK, je vois effectivement quelqu'un qui, aujourd'hui, s'ingère dans nos démocraties en amplifiant des discours comme ceux de l'AFD avec ses algorithmes, mais je vois aussi l'industriel qui disrupte, si vous me permettez le terme, des industries comme le spatial ou véhicules électriques et là, je pose la question, où sont les Elon MUSK européens ? Comment on donne les moyens de réussir quand on voit, dans le spatial, le décalage entre le nombre de lancements de SPACE X aux Etats-Unis et ceux d'Ariane 6 en Europe ? On ne se donne pas, là, les moyens de réussir. Donc ça veut dire, encore une fois, ça veut dire faire en sorte qu'on ait du capital risque et qu'on ait des investisseurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais une initiative d'entreprise ou, je ne sais pas, c'est…
BENJAMIN HADDAD
Mais, oui, oui, c'est ce que je vous dis, mais précisément, c'est qu'on pousse là, aujourd'hui, au niveau européen, toutes ces initiatives de la simplification des documents donc là, sous l'impulsion de la France, la Commission européenne va bientôt proposer un texte de simplification de toutes ces normes dont je vous ai parlé qui sera présenté dans les prochaines semaines. Dans les prochaines semaines, elle présentera aussi un paquet compétitivité, qui posera les questions, encore une fois, de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux, de faire en sorte qu'on puisse avoir des investisseurs en capital-risque qui soutiennent les entrepreneurs. Ça doit être vraiment, encore une fois, la priorité de l'Union européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, l'Algérie, est-ce que le régime du président algérien TEBBOUNE est antisémite ?
BENJAMIN HADDAD
Ce que je constate, c'est qu'en tout cas, il utilise la France, notamment, le discours antifrançais comme une rente de politique intérieure et qu'à un moment, vous savez, le président de la République l'a dit sur des épisodes comme celui de Boalem SANSAL qui est un héros véritablement de la liberté d'expression, un héros, aussi, de la lutte antitotalitaire et contre les islamistes que sa détention, la détention d'un homme vieux, malade, et déshonorait, aujourd'hui, le régime algérien. Et donc, à un moment, il faut qu'on soit, nous, capables de faire entendre nos voix et de défendre nos intérêts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que l'Union européenne doit reconsidérer ses relations avec l'Algérie ?
BENJAMIN HADDAD
Oui, je crois que ça fait partie, effectivement, des sujets qu'on doit porter au niveau européen. Vous savez, il y a tout un tas d'instruments, que ce soit la politique de visa, la politique d'aide au développement. Je crois qu'effectivement, il faudra qu'on remette ça sur la table et je suis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faudra veiller à des initiatives qui vont être prises-là ?
BENJAMIN HADDAD
Vous avez entendu ce qu'a dit, par exemple, le ministre de la Justice qui a proposé Gérald DARMANIN, qui a proposé une remise à plat de la question des visas diplomatiques. Vous avez entendu aussi ce qu'a dit Bruno RETAILLEAU. Moi, je le soutiens. D'ailleurs, je voudrais préciser, quand même, sur l'Union européenne, au-delà simplement de la question de l'Algérie, il faut clairement aussi, alors, c'est ce qu'on pousse, je peux vous détailler un peu plus, que l'Union européenne soit capable de maîtriser ses frontières et de maîtriser sa politique migratoire, c'est attendu par une immense majorité des citoyens français comme européens.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Italie a eu raison de prendre les mesures qu'elle a prises. Benjamin HADDAD, je regardais les chiffres. Vous avez vu les chiffres de Frontex ? L'immigration, les arrivées irrégulières ont baissé, et notamment celles qui arrivaient par la Méditerranée.
BENJAMIN HADDAD
Mais pourquoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il y a eu plus de contrôles ?
BENJAMIN HADDAD
Mais bien sûr. Plus de contrôles, mais grâce à la Coopération européenne, parce que nous avons travaillé avec les Italiens. Les Italiens ont raison de vouloir maîtriser leurs frontières extérieures. Je me rends, ce soir, en Italie. J'ai rencontré l'équipe de Madame MELONI et je pense que sur énormément de sujets dont on a parlé, que ce soit sur la question de la compétitivité, sur la question de l'immigration, sur le Mercosur, puisque l'Italie comme la France s'oppose au Mercosur, on a énormément de choses à faire avec Madame MELONI et avec l'Italie et en plus, il y a des liens historiques très fortes…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Madame MELONI qui négocie avec Elon MUSK, parallèlement à cela, pour un système de télécommunication sécurisé.
BENJAMIN HADDAD
Vous avez raison. Effectivement, on a des désaccords, mais il faut qu'on se parle parce qu'on se respecte et parce que l'Italie est un grand pays avec qui nous avons en plus une histoire et une culture partagées. Mais sur l'immigration, ce ne sont pas les solutions solitaires ou nationales qui l'ont apporté. Quand l'Italie fait un accord avec l'Albanie, aujourd'hui, il n'y a pas de migrants en Albanie. En revanche, effectivement, nous avons travaillé avec les Italiens, avec les autres, à renforcer nos frontières extérieures, à avoir plus de contrôles, à renforcer les moyens de Frontex. On a fait passer au Parlement européen, on nous avait dit que c'était impossible parce que pendant des années, il y aurait trop de divisions au niveau européen. On a fait passer un texte qui s'appelle le pacte asile-migration, qui permet notamment de faire un premier contrôle, un premier filtrage des demandeurs d'asile aux frontières de l'Union européenne. Maintenant, il faut qu'il soit mis en oeuvre et on demande avec Bruno RETAILLEAU, au niveau européen, à ce qu'il soit mis en oeuvre de façon accélérée. On va réouvrir la directive retour, ce qui permettra aussi d'expulser plus facilement et de remettre sur la table des questions comme le délit de séjour irrégulier. Et il faut aussi que l'Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez remettre sur la table le délit de séjour irrégulier ?
BENJAMIN HADDAD
En tout cas, on veut que l'Union européenne puisse en donner la possibilité parce qu'aujourd'hui, ce n'est plus possible au niveau européen. Et puis ensuite, il faut que l'Union européenne renforce ses moyens externes pour contrôler l'immigration. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire précisément la conditionnalité des visas, ça veut dire la conditionnalité de l'aide de développement. Si vous avez des pays qui ne sont pas coopératifs sur la question des laissez-passer consulaires, vous pouvez réduire l'aide de développement. Et à l'inverse, vous pouvez aussi soutenir plus ceux qui souhaitent coopérer, ceux qui veulent travailler avec l'Union européenne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, durcissement des règles migratoires de la part de l'Union européenne.
BENJAMIN HADDAD
Durcissement des règles, durcissement et renforcement des instruments. Le tout, c'est de dire, vous savez : " Si vous venez, que vous respectez les règles, que vous travaillez, que vous vous intégrez ou que vous répondez aux critères d'asile, aux critères humanitaires, vous êtes le bienvenu en Europe ". Moi, je ne crois pas à l'Europe forteresse, je ne crois pas à l'Europe citadelle qui se ferme et qui n'accepte personne, ce n'est pas ça le sujet. Mais en revanche, si vous contournez la procédure d'asile pour des raisons économiques, si vous ne respectez pas les règles, si vous êtes clandestin, vous n'avez pas vocation à rentrer. Et là, les Européens doivent pouvoir se soutenir entre eux, être solidaires, parce que l'histoire a montré, et le Brexit en est un très bon exemple, l'histoire a montré qu'il n'y a pas de solution nationale, c'est un sujet trop complexe qui demande la coopération. Les partisans du Brexit avaient dit : " On va sortir de l'Union européenne parce qu'on pourra mieux contrôler notre immigration ", ça a été un échec.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Benjamin HADDAD, je termine avec la guerre Ukraine-Russie. Est-il vrai que Volodymyr ZELENSKY et Emmanuel MACRON ont discuté du déploiement de contingents militaires étrangers en Ukraine ?
BENJAMIN HADDAD
Mais vous savez, Emmanuel MACRON avait été le premier à dire, il y a presque un an aujourd'hui, qu'il ne fallait rien exclure dans notre soutien à l'Ukraine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, c'est vrai ? Ils ont discuté de cela tout à fait récemment, tous les deux ?
BENJAMIN HADDAD
Le vrai sujet aujourd'hui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on pourrait envoyer... Alors, l'Europe pourrait envoyer des militaires en Ukraine ?
BENJAMIN HADDAD
Non. Alors attendez. Il ne s'agit pas là de parler de participer au combat ou d'envoyer des troupes militaires.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vois " déploiement de contingents militaires ". C'est ce que dit Volodymyr ZELENSKY. C'est lui qui le dit, pas moi.
BENJAMIN HADDAD
Le sujet fondamentalement, aujourd'hui, c'est comment est-ce qu'on peut mettre l'Ukraine dans une position de force pour des négociations ? Donc là, en continuant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elles vont s'ouvrir, ces négociations ?
BENJAMIN HADDAD
Vous savez, pour négocier, il faut être deux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
BENJAMIN HADDAD
" It takes two to tango ", comme disaient les Américains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
BENJAMIN HADDAD
Volodymyr ZELENSKY, dit depuis longtemps qu'il est prêt à négocier, qu'il est prêt à faire des concessions, qu'il est prêt à se mettre autour de la table. Qui refuse de négocier ? Qui refuse la diplomatie aujourd'hui ? C'est la Russie de Vladimir POUTINE. C'est la Russie depuis le début, puisque le président de la République avait, lui, d'ailleurs, tenté la voie diplomatique à l'époque, il y a trois ans, pour empêcher la guerre. C'est Vladimir POUTINE, à l'époque, qui a fermé la porte à la diplomatie et qui, toujours, aujourd'hui, escalade avec des missiles et des drones iraniens, avec des troupes nord-coréennes. Il faut voir, quand même, le changement de paradigme dans lequel on est, aussi. On a, aujourd'hui, des troupes nord-coréennes qui se battent sur une guerre en Europe et donc, qui refusent, aujourd'hui, la diplomatie. Donc, si on veut pouvoir, et c'est ce qu'on souhaite, entraîner une négociation, il faut d'abord faire comprendre à Vladimir POUTINE que la victoire militaire est impossible et donc, mettre les Ukrainiens dans la meilleure situation de négociation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
TRUMP a la solution, vous pensez ? Vous pensez que Donald TRUMP a la solution ?
BENJAMIN HADDAD
Nous, vous savez, le Président a invité Donald TRUMP et Volodymyr ZELENSKY, et à cet égard, d'ailleurs, la bonne relation qu'il a nouée avec Donald TRUMP lors du premier mandat est utile. Ils se sont rencontrés en marge de Notre-Dame. Et, fondamentalement, ce qu'on dit aux Américains, c'est, encore une fois, il n'y a pas de solution simple et rapide.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais la solution, c'est de mettre ZELENSKY, POUTINE, TRUMP autour de la même table.
BENJAMIN HADDAD
Mais pourquoi pas ? Mais encore une fois…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec, aussi, un représentant européen. Est-ce que ça, c'est en préparation ?
BENJAMIN HADDAD
Mais, aujourd'hui, c'est la Russie qui…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France pourrait prendre l'initiative, mettre autour de la table TRUMP, POUTINE et ZELENSKY ?
BENJAMIN HADDAD
Mais la France, précisément, s'active pour pouvoir avoir des négociations. C'est pour ça que la France a mis autour de la table le Président américain et le Président ukrainien en marge de Notre-Dame. Mais, encore une fois, ce que je vous dis, c'est que c'est la Russie qui refuse de négocier. C'est la Russie, aujourd'hui, qui est dans une logique escalatoire et agressive sur le terrain. Donc, il n'y a pas de solution accélérée, de solution simple et facile. Je sais qu'on aimerait bien le croire, ça nous ferait plaisir, mais, aujourd'hui, c'est la Russie qui refuse la diplomatie. Donc, donnons aux Ukrainiens les moyens de rééquilibrer le rapport de forces militaires sur le terrain qui pourra, ensuite, entraîner une négociation. Une négociation à laquelle les Ukrainiens doivent participer puisque c'est leur sécurité, à laquelle les Européens devront prendre toute leur part et c'est aussi ce que dit la France et le président de la République. Est-ce que c'est notre sécurité, nos intérêts qui sont en jeu. Et, en effet, après se posera, à plus long terme, la question des garanties de sécurité pour l'Ukraine. C'est, encore une fois, la condition de la stabilité de la sécurité de notre continent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai une dernière question qui n'a rien à voir avec tout ça : " Je respecte toutes les forces politiques, sauf le RN ". Vous aussi ?
BENJAMIN HADDAD
Non, ce n'est pas mon approche.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est François REBSAMEN, le ministre, qui a dit cela.
BENJAMIN HADDAD
Je sais, je respecte et je comprends. Vous savez, moi, je respecte tous les Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Donc, vous ne cautionnez pas cette phrase ?
BENJAMIN HADDAD
Non, et je respecte les représentants des Français. Je parle à tous. Il y a des gens que je combats. Je combats le RN qui n'a pas les mêmes convictions que moi sur l'Europe, sur les questions économiques, sur les questions du droit du sol. Mais, encore une fois, je respecte tous les Français. Je respecte leurs représentants.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, vous n'êtes pas d'accord avec cette phrase ?
BENJAMIN HADDAD
Non, je ne suis pas d'accord avec cette phrase. Mais, encore une fois, je respecte François REBSAMEN. On peut avoir des approches différentes là-dessus, mais on se retrouve dans le fait que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une erreur ?
BENJAMIN HADDAD
... Que l'on combat le Rassemblement National.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une erreur ?
BENJAMIN HADDAD
Non, mais c'est une sensibilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, vous êtes dans le même Gouvernement ?
BENJAMIN HADDAD
Et je respecte la sensibilité. On combat, on a des opposants politiques. Et moi, encore une fois, je respecte…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est de l'irrespect envers les électeurs du Rassemblement national ?
BENJAMIN HADDAD
C'est à lui qu'il faut poser cette question. Moi, je respecte tous les Français, tous les électeurs. Et je respecte leurs représentants. Je parle à tous, même ceux que je combats.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, merci Benjamin HADDAD. 8 h 58, nous avons Patrick ROGER avec nous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2025