Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.
BRUCE TOUSSAINT
Votre invité ce matin Amélie de MONTCHALIN, ministre chargée des Comptes publics.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Amélie de MONTCHALIN.
AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être là, vous allez pouvoir répondre à cet ultimatum lancé hier soir sur TF1 par Olivier FAURE, Premier secrétaire du Parti Socialiste. Il prévient : " Nous censurerons le Gouvernement, sauf si nous avons une réponse claire ". Il attend en l'occurrence une réponse du Gouvernement, un engagement très précis, que la réforme des retraites revienne au Parlement dans tous les cas, même après les discussions entre partenaires sociaux. Est-ce que vous pouvez répondre favorablement ? Est-ce que cette réforme reviendra au Parlement dans tous les cas ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, je vais vous répondre et je pense que pour nos auditeurs, c'est très important de comprendre de quoi on parle. Dans notre pays, on a une très longue tradition de partenaires sociaux qui savent se mettre d'accord sur des choses essentielles. Vous savez, j'étais ministre de la Fonction publique, moi, je crois à la puissance du dialogue social. Depuis une semaine, avec Éric LOMBARD, on a rencontré 17 groupes politiques, groupes parlementaires, et on a essayé de chercher la voie de passage pour créer un budget pour notre pays…
ADRIEN GINDRE
Y compris avec les socialistes que vous avez vus à plusieurs reprises.
AMELIE DE MONTCHALIN
Pour recréer de la stabilité et recréer une forme de capacité à agir ensemble et qu'on sorte de ce grand désordre.
ADRIEN GINDRE
Et pour qu'on sorte du grand désordre, les socialistes vous posent une condition. Est-ce que vous l’acceptez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Les groupes gauches, et nous, on a été d'accord dès le départ. Un sujet qui concerne les retraites, c'est que le dialogue social est la bonne méthode pour sortir de ce qui reste, un sujet où les Français n'y voient pas très clair, où le débat n'est pas terminé et où on voit que les partenaires sociaux, eux-mêmes ont des propositions à faire.
ADRIEN GINDRE
Donc ça veut dire que le dialogue social et uniquement le dialogue social, c'est une manière de nous dire qu'il n'y aura pas de retour au Parlement dans tous les cas ensuite ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Ce que j'ai à dire à Olivier FAURE, c'est que lui et moi, les socialistes et nous, les Français, nous croyons au dialogue social. Nous ne pouvons pas, alors que la négociation va commencer vendredi. Déjà, désarmer ce dialogue social, déjà, partir du principe que les partenaires sociaux ne vont pas y arriver. Ils vont y arriver. Ils vont y arriver parce que sur la pénibilité, sur les carrières des femmes, sur les carrières hachées, ils ont fait des propositions. La réforme des retraites, le Premier ministre l'a dit hier, elle était vitale. Vitale parce que sinon ces 380 milliards que nous payons tous pour les retraités, c'est le système qu'on a, qui auraient pu être non-financés et dans ce cas il n'y a plus de retraite.
ADRIEN GINDRE
Et donc, vous faites le pari de l'optimisme et vous ne répondez pas à la question posée par Olivier FAURE ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Je ne fais pas de pari. C'est une conviction très forte que le dialogue social est la bonne méthode. Les groupes de gauche croient au dialogue social, nous y croyons et ils vont y arriver.
ADRIEN GINDRE
Mais vous avez conscience, Amélie de MONTCHALIN, qu'en disant ce que vous nous dites, qui s'entend tout à fait, vous pouvez potentiellement pousser les socialistes à la censure jeudi ?
AMELIE DE MONTCHALIN
La censure et là aussi pendant une semaine avec Éric LOMBARD, on a vu des gens dans l'opposition. Ils sont dans l'opposition, c'est leur droit et nous ne leur demandons pas autre chose, mais nous avons vu des gens responsables qui savent que la censure, elle a un coût pour évidemment le pays. Mais moi en tant que ministre du budget, je leur ai aussi montré le coût pour les Français.
ADRIEN GINDRE
Donc, vous dites au PS : " Soyez responsable " ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que ce n'est pas, vous savez, les députés, les sénateurs, les hommes politiques qui payent le coût de la censure. Ce sont les Français. C'est des milliards d'euros. Ce sont des milliards d'euros qui ne rentrent pas dans les caisses. Ce sont des économies que nous ne sommes pas en train de faire. C'est de l'argent qui n'est pas au bon endroit. C'est un service minimum à service dégradé. Et ce que je sais aussi, c'est qu'aujourd'hui, le Premier ministre, avec ses valeurs, avec ce que nous croyons, ce que nous avons en partage, la foi et la conviction que le dialogue social peut fonctionner, ce que nous voyons, c'est que ce Premier ministre met sur la table une proposition unique.
ADRIEN GINDRE
Vous êtes, on a compris, convaincue que ça va fonctionner.
AMELIE DE MONTCHALIN
Remettre en chantier, et j'y crois, et je crois qu'ils peuvent y arriver, et je crois qu'ils peuvent avoir un accord.
ADRIEN GINDRE
C'est très clair.
AMELIE DE MONTCHALIN
Et le Premier ministre l'a dit, s'il y a accord, il y a nouvelle loi.
ADRIEN GINDRE
Amélie de MONTCHALIN, il y avait d'autres demandes du Parti socialiste et ce qu'il s'est évoqué hier dans la déclaration de politique générale par le Premier ministre des annonces sur les suppressions de postes dans l'Éducation nationale, des annonces sur les jours de carence pour les fonctionnaires. On est resté dans un grand flou. Ça veut dire que tout ça s'est renvoyé plus tard aux discussions sur le budget ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Alors, il n'y a pas de flou, parce que les discussions sur le budget commencent aujourd'hui. Donc on n'a pas, vous voyez, une période où…
ADRIEN GINDRE
Donc il n'y aura pas d'engagement du Gouvernement, a priori, sur ces sujets ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Il y a un engagement du Gouvernement.
ADRIEN GINDRE
On ne sait pas ce que vous allez faire sur les postes dans l'Éducation nationale, ni sur les jours de carence dans les fonctionnaires.
AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous le dis. Sur les jours de carence, il a été discuté par le ministre de la Fonction publique et les syndicats de ne pas forcément aller sur les deux jours de suppression des jours de carence, mais de conserver la mesure qui fait qu'on n’est indemnisé qu'à 90% de son salaire. Ce sera discuté au Sénat. Vous savez, le Parlement, à la fin, a le pouvoir, et c'est normal, donc, c'est ça qui rentre dans la discussion. Sur les enseignants, il y avait 4 000 postes de moins. La proposition qui sera discutée au Sénat, c'est que sur ces 4 000 postes, il y ait 2 000 postes d'enseignants et 2 000 postes d'AESH, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de suppression de postes. Au total…
ADRIEN GINDRE
AESH, c'est pour l'accompagnement…
AMELIE DE MONTCHALIN
Pour les enfants handicapés.
ADRIEN GINDRE
Des élèves en situation de handicap.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je veux vous dire aussi quelque chose, qu'il faut dire aux Français, parce que j'ai regardé le 20 h de TF1 hier soir. Vous aviez interrogé le TF1 hier soir. Vous aviez interrogé une dame, je crois, assistante en direction, qui était avec sa feuille de paye, qui était très inquiète.
ADRIEN GINDRE
Sur d'éventuelles augmentations d'impôts.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais moi, ce matin, je veux rassurer tous ceux qui nous regardent. Dans ce budget, nous allons faire un effort historique de baisse des dépenses publiques. Plus de trente milliards, c'est l'effort le plus grand que nous allons faire.
ADRIEN GINDRE
Est-ce que ce sera 32 milliards, pardon, je vous interromps, soyons très précis. Est-ce que vous nous pardonnez ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On est à plus de trente milliards. Là aussi, le Parlement, je ne vais pas vous donner le chiffre à l'euro près, ça n'aurait aucun sens. On est à plus de trente milliards d'économies de dépenses.
ADRIEN GINDRE
On lit ce matin dans la presse, je le précise pour nos téléspectateurs, 32 milliards de baisses de dépenses, 21 milliards de russes de recettes dans ce budget de 2025.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire quoi ?
ADRIEN GINDRE
Ces chiffres sont exacts ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Tout à fait. C’est avec ça qu'on rentre au Parlement, ça veut dire que c'est le plus grand effort de baisse de dépenses depuis 25 ans. Pourquoi on fait ces baisses de dépenses ? Parce que j'ai pris un engagement, le Gouvernement a pris un engagement, c'est notre ADN. Nous n'allons pas augmenter les impôts pour les classes moyennes et les classes populaires.
ADRIEN GINDRE
Mais, Amélie de MONTCHALIN, ça, c'est un engagement qui avait déjà été pris par Michel BARNIER, c'était très clair, mais très bien, c’était très clair.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, je peux vous dire, la taxe sur l'électricité, il n'y en a plus. L'impôt sur le revenu…
ADRIEN GINDRE
C'était déjà réglé ça.
AMELIE DE MONTCHALIN
Non, les Français ne sont... La dame que j'ai vue hier dans le journal, elle n'était pas…
ADRIEN GINDRE
Concentrons-nous, s’il vous plaît, sur les questions qui restent et qui vous sont posées, notamment sur les économies, vous nous dites : " Très bien, on aura plus de 30 milliards, 32 milliards peut-être, de baisses de dépenses ". Hier, le Premier ministre dit par exemple : " On peut voir les opérateurs, les agences de l'État ", mais ça rapporterait combien, ça, sur ces 32 milliards ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Parce qu'on fait zéro impôt pour les Français, de plus, sur l'impôt sur le revenu, sur le PFU…
ADRIEN GINDRE
Sur les baisses de dépenses.
AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, j'y viens. Parce qu'on a fait ce choix de zéro impôt de plus pour les Français, et je veux rassurer les Français, on fait beaucoup d'efforts sur les dépenses. Exemple, nous avons mille agences publiques dans le pays, c'est trop. Nous avons fait le choix, avec le Premier ministre, de faire une chose : moins 5% sur la dépense de toutes ces agences.
ADRIEN GINDRE
Mais ça ne rapporte pas 32 milliards. On ne voit pas quand même très bien comment on va arriver à 32 milliards.
AMELIE DE MONTCHALIN
Moins 5%, moins 5% sur toutes les agences, c’est plus de deux milliards d'euros d'économies. Et ensuite, chaque ministre, vous allez le voir au Sénat, chaque jour, va annoncer dans son périmètre les agences qu'il va fusionner, les agences qu'il va supprimer, les économies…
ADRIEN GINDRE
Et avec un objectif que ça rapporte combien ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Plus de deux milliards d'euros d'économies dès 2025 sur ces agences.
BRUCE TOUSSAINT
Mais est-ce qu'il y aura des hausses d'impôts pour les autres Français ? Vous avez parlé des plus modestes et des classes moyennes. Et ensuite ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, moi, ma ligne est très simple : nous n'augmentons aucun impôt. En revanche…
ADRIEN GINDRE
Pas même une contribution sur les plus hauts patrimoines ?
AMELIE DE MONTCHALIN
En revanche et j'y viens, ce n'est pas parce que les impôts n'augmentent pas qu'on ne va pas vérifier que les impôts qui existent, il faut bien qu'ils soient payés par tout le monde. Et donc, nous allons mettre en place non pas un nouvel impôt, mais un mécanisme anti-optimisation pour que, ceux qui doivent payer l'impôt sur le revenu, le PFU, l'IFI, l'Impôt sur la fortune immobilière, la contribution exceptionnelle sur les revenus, on vérifie que toute cette somme payée correspond bien à un minimum et que deux milliards.
BRUCE TOUSSAINT
Et ça doit rapporter combien ?
ADRIEN GINDRE
Ce sera bien 0,5% sur le patrimoine financier.
AMELIE DE MONTCHALIN
Ça, c'est le point de départ de notre discussion. Ça, il faut quand même qu'on le vérifie. Vous savez que pour faire de l'anti-optimisation, il faut bien s'assurer que ça va bien marcher parce que sinon, si on ré-optimise l'anti-optimisation, on n'est pas dans le bon chemin. Donc, on va travailler, c'est le point de départ de notre discussion, mais je veux rassurer les Français. Moi, mon engagement, ce n’est pas de hausse d'impôts pour les classes moyennes, pour les Français, pour les ménages. On n'augmente pas le taux, il n’y a aucun intérêt.
ADRIEN GINDRE
Mais il y aura pour les entreprises et dans certaines situations, quand même des efforts à faire.
AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je lutte contre l'optimisation, la sur-optimisation parce que chacun dans notre pays doit payer sa juste part. C’est une question de justice fiscale.
ADRIEN GINDRE
Un tout dernier mot très rapidement, Amélie de MONTCHALIN, puisque vous avez à coeur les Français. Les Français qui nous regardent se demandent aussi dans quelle mesure les prix vont augmenter cette année. La prévision d'inflation, elle est faite aussi par le Gouvernement. Vous prévoyez 1,4% d'inflation cette année. C'est correct ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Tout à fait. L'INSEE, après les années, on a eu beaucoup d'inflation. Au mois de décembre, on a eu 1,3% d'inflation. La prévision, c'est que sur l'année, on ait 1,4% d'inflation. Les prix ne sont pas en train de baisser, mais en tout cas, ils augmentent beaucoup, beaucoup moins vite que dans le passé. Ça, je crois que pour les Français, c'est quand même une information importante. Pour les retraités, ils ont vu leurs pensions être augmentées au 1er janvier de 2,2% dans un pays où l'inflation est à 1,4%. Ça veut dire qu'on protège le pouvoir d'achat des Français et c'est mon combat. Ce que je veux vous dire en conclusion, nous sommes dans une situation inédite, grave. Nous sommes au service minimum. Il nous faut un budget le plus vite possible.
BRUCE TOUSSAINT
Quand ?
AMELIE DE MONTCHALIN
Ce sera cette semaine au Sénat et la semaine prochaine finalisée à l'Assemblée. On va vite.
BRUCE TOUSSAINT
Dans quinze jours, il y aura un budget ?
AMELIE DE MONTCHALIN
On va vite. On est en train de travailler pour qu'il puisse y avoir un accord à l'Assemblée à la fin du mois de janvier. Et je veux dire aux Français que ce budget, il n'est pas fait contre eux, il est fait pour que le pays reparte, ils n'auront pas de hausse d'impôts et nous faisons beaucoup, beaucoup d'économies, le plus en 25 ans.
BRUCE TOUSSAINT
Merci, Amélie de MONCHALIN. Merci, Adrien GINDRE. Dans quelques instants, on se retrouve pour la suite.
Source : Service d’information du Gouvernement, le 16 janvier 2025