Déclaration de M. Marc Ferracci, ministre, chargé de l'industrie et de l'énergie, sur la réindustrialisation de la France, au Sénat le 14 janvier 2025.

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  • Marc Ferracci - Ministre chargé de l'industrie et de l'énergie

Circonstance : Débat organisé à la demande de la commission des affaires économiques, relatif au programme Territoires d'industrie

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires économiques, relatif au programme Territoires d'industrie.

La parole est tout d'abord aux orateurs de la commission qui a demandé ce débat.

(…)
M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ambition du Gouvernement, portée par le Premier ministre, le ministre de l'économie Éric Lombard et moi-même, est d'accélérer la réindustrialisation de la France.

Je considère le ministère dont j'ai l'honneur d'assumer la charge comme un ministère de combat. Ce combat, c'est celui de la reconquête industrielle de nos territoires : un combat pour plus de prospérité, plus de souveraineté, mais aussi plus de cohésion dans nos territoires ; un combat pour faire de nos territoires, en Hexagone comme en outre-mer, des " territoires d'industrie "aménag.

Je suis extrêmement heureux d'échanger ce soir avec vous au sujet du programme Territoires d'industrie à l'occasion de la publication du rapport d'information des sénatrices Martine Berthet et Anne-Catherine Loisier et du sénateur Rémi Cardon, que je tiens à remercier chaleureusement pour leur travail, lequel nous permettra – je l'espère – d'améliorer le fonctionnement de ce programme.

Celui-ci s'inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement en faveur de la réindustrialisation. Il est porté en commun par le ministère de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et par le ministère de l'industrie ; en effet, il incarne véritablement le volet territorial de la politique industrielle.

Le Sénat est historiquement la chambre des territoires, et je connais l'engagement de chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, en faveur de la reconquête industrielle par et pour les territoires. Je salue la contribution essentielle de votre commission des affaires économiques au programme Territoires d'Industrie, à son ambition et à son financement. Je sais ce que nous vous devons !

Le rapport qui nous réunit est particulièrement riche en recommandations. Si son bilan est globalement très positif, le programme Territoires d'industrie n'est pas pour autant parfait ni achevé. Et mon souhait est d'échanger avec vous aujourd'hui sur les pistes d'amélioration que vous avez tracées afin que nous construisions ensemble des solutions.

Le rapport préconise premièrement de pérenniser le programme au travers de plusieurs actions.

D'abord, il serait recentré sur les " territoires porteurs de véritables projets industriels ".

Sur ce point, je rappelle que la sélection des 183 territoires d'industrie s'est faite sur la base de critères objectifs et exigeants. Tous les territoires labellisés sont porteurs d'initiatives et de potentiel. L'expérience montre qu'il n'y a pas de fatalité industrielle pour nos territoires. Sur 183 territoires d'industrie, 150 étaient en déclin industriel entre 2007 et 2020, mais 110 de ces 150 territoires ont réussi à recréer des emplois depuis 2020. Ces résultats montrent que la réindustrialisation est possible dans tous les territoires.

Vous proposez ensuite de renforcer le volet " attractivité " du programme.

L'industrie nécessite, il est vrai, un écosystème complet, avec des infrastructures adaptées, des compétences disponibles et du foncier, sans oublier une offre suffisante d'hébergement.

Vous soulignez particulièrement l'enjeu de la formation et du développement des compétences, un thème qui m'est cher et qui est crucial pour l'industrie, 70 000 postes y étant encore vacants. L'industrie a le potentiel d'attirer tous les talents et de les valoriser ; je pense bien sûr aux jeunes, mais aussi aux femmes, qui ne représentent aujourd'hui que 28% des salariés du secteur. Sur ce chantier des compétences, je souhaite, avec mes collègues du Gouvernement, réaliser le dernier kilomètre des réformes de la formation professionnelle et de l'apprentissage mises en œuvre ces dernières années.

Certains territoires d'industrie sont particulièrement actifs et innovants en matière de formation et de compétences ; je pense au territoire Lacq-Pau-Tarbes, qui est aujourd'hui l'un des fers de lance de la réindustrialisation dans l'aéronautique et dans les technologies vertes. Nous devons nous inspirer de ces réussites.

Je partage aussi votre ambition en matière de simplification. Tel est l'objectif du dispositif " sites clés en main " : proposer aux investisseurs, via un accompagnement sur mesure, des sites industriels prêts à l'emploi. Un exemple : le territoire du Grand Chalon, où, après la fermeture du site Kodak, la requalification des friches a permis de nouvelles implantations industrielles.

Mais, en matière de simplification, nous devons aller encore plus loin. Aucun projet industriel ne doit être inutilement freiné par des normes ! C'est là l'une des conditions de la réindustrialisation de notre pays.

Le gouvernement de Michel Barnier avait pris une initiative forte en la matière à la fin de 2024 : il avait décidé d'exempter les projets industriels du dispositif ZAN (zéro artificialisation nette) et du champ d'intervention de la CNDP, la Commission nationale du débat public.

Je sais que cette question est particulièrement chère à un grand nombre d'entre vous ; je rencontrerai prochainement les sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier pour échanger sur ce sujet.

J'en viens à présent au deuxième axe des recommandations du rapport, qui concerne la gouvernance et le financement.

Vous le savez, le programme Territoires d'industrie repose sur un modèle souple et partenarial. Il associe à l'échelon local l'ensemble des parties prenantes, publiques et privées, autour de binômes composés d'un élu et d'un industriel.

Les acteurs du territoire s'organisent autour d'un projet et c'est ce projet qui compte, non les structures. Avec ce programme – c'est là l'une de ses forces –, on ne crée aucune nouvelle strate : les acteurs sont libres d'expérimenter, d'innover et de mettre en place leur propre modèle d'organisation.

Lors de la deuxième phase du programme, l'accompagnement opérationnel a été renforcé via la généralisation des postes de chef de projet dans tous les territoires. À ce jour, 153 chefs de projet, sur 183 postes à pourvoir, ont déjà été recrutés.

Vous préconisez ensuite de pérenniser le financement du programme. Comme vous, je souhaite que ce programme soit suffisamment armé – nous aurons l'occasion d'approfondir ce sujet au cours du débat interactif.

Cela étant, vous le savez, le contexte budgétaire est très contraint, mais nous allons nous battre. Je sais pouvoir compter sur votre soutien, lors du prochain débat budgétaire, pour consolider ce programme.

J'insiste sur le fait que les financements mobilisés sont ciblés et qu'ils donnent des résultats. L'aide financière accordée aux 162 projets soutenus via le fonds vert a engendré 780 millions d'euros d'investissements et permis la création de 2 600 emplois. Ainsi, 1 euro d'investissement public a généré 12 euros d'investissements privés. En moyenne, un emploi a été créé pour 22 500 euros d'argent public investi. Pour qui connaît les politiques actives de l'emploi, voilà un ratio très satisfaisant.

Les auteurs du rapport préconisent, troisièmement, " de mieux s'adapter aux spécificités et aux besoins des territoires ".

La capacité d'adaptation est la force du programme Territoires d'industrie. L'ingénierie joue un rôle clé pour accompagner chaque territoire en tenant compte de ses spécificités et de ses problématiques. La phase II du programme renforce cet axe via une offre de services dédiée.

Vous préconisez de prioriser l'accès des territoires d'industrie aux dispositifs de droit commun, afin d'accroître l'effet de levier. Je m'engage à étudier cette proposition avec mes équipes, afin de voir comment les opérateurs peuvent être davantage sensibilisés aux projets et aux problématiques des territoires d'industrie.

Par ailleurs, plusieurs de vos recommandations sur le suivi et l'évaluation sont en cours de mise en œuvre. À cet égard, je souhaite que nous allions le plus loin possible. Vous le savez, je suis particulièrement attaché à l'enjeu de l'évaluation, qu'il s'agisse des politiques publiques, du financement ou des normes.

Enfin, quatrième axe, vous recommandez de " s'appuyer sur les retours d'expérience pour mieux calibrer les politiques industrielles ".

Le programme a suscité de nombreuses actions, qui ont ensuite été répliquées. Je pense aux missions " Rebond ", véritables missions commandos spécifiques aux territoires en difficulté, qui combinent soutien en ingénierie et soutien financier. Autre exemple, le programme a mis un coup de projecteur sur le modèle original des " écoles de production ", sorte de troisième voie entre les centres de formation d'apprentis et les lycées professionnels.

Vous l'aurez compris, je partage votre souhait que les territoires d'industrie nourrissent notre politique industrielle, s'agissant encore et toujours de faciliter et de simplifier la mise en œuvre des projets industriels en levant tous les freins.

Le programme Territoires d'industrie est un dispositif original, efficace et à présent éprouvé. Sa première phase a permis de confirmer l'intérêt d'une démarche partenariale, associant les acteurs locaux autour d'un projet industriel de territoire. Les retours du terrain ont permis un certain nombre d'adaptations et votre rapport, mesdames, messieurs les sénateurs, doit conduire à de nouvelles améliorations ; l'industrie et nos territoires en ont besoin.

" L'œuvre accomplie est œuvre à faire ", écrivait Paul Éluard ; mon collègue François Rebsamen et moi-même avons encore beaucoup à faire. Dans ce combat, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais pouvoir compter sur votre soutien et sur votre engagement.


- Débat interactif -

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique.

Le Gouvernement dispose pour répondre d'une durée équivalente. Il aura la faculté, s'il le juge nécessaire, de répondre à la réplique pendant une minute supplémentaire. L'auteur de la question disposera alors à son tour du droit de répondre pendant une minute.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.

M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, le rapport relatif au programme Territoires d'industrie, réalisé dans le cadre du premier contrôle sénatorial de proximité, contient différentes recommandations visant à accroître l'efficacité de ce dispositif afin de véritablement réindustrialiser notre pays : priorisation des territoires présentant déjà un terreau favorable et de ceux ayant mis en œuvre une stratégie partagée ; évaluation globale et mise en place d'indicateurs.

La réindustrialisation de notre pays est une absolue nécessité pour réarmer notre économie, renforcer notre souveraineté et redynamiser l'emploi dans nos territoires. C'est parce qu'ils ont su conserver une industrie vivace dans leurs territoires que l'Allemagne, l'Italie ou la Suisse ont des taux d'emploi industriel plus élevés que le nôtre.

J'appelle votre attention sur deux points particulièrement intéressants pour notre politique industrielle et pour le développement de l'emploi dans nos territoires : le logement et le transport des salariés.

Notre pays se singularise en effet par un manque de mobilité professionnelle. Lorsqu'un bassin d'emploi se tarit au profit d'un autre, les travailleurs, notamment industriels, ont du mal à suivre l'emploi tant ils sont captifs, malgré eux, des logements et des transports.

Dans notre pays, déménager a un coût exorbitant, surtout pour ceux qui sont propriétaires de leur logement, soit 57 % des ménages. Les causes, nous les connaissons : manque de construction de logements et très forte fiscalité, pour ce qui est notamment des cessions.

Pourtant, les entreprises paient le plus souvent le versement mobilité, qui doit servir au transport de leurs salariés, et participent à l'effort de construction, via le fameux 1% logement, pour pourvoir à leur logement.

Je pense comme vous, monsieur le ministre, que la désindustrialisation n'est pas une fatalité. Que préconise le Gouvernement pour accroître l'offre de logements abordables disponibles autour des territoires d'industrie, en plus des opérations déjà menées par Action Logement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Je partage évidemment votre point de vue, monsieur le sénateur. Pour se développer, l'industrie a besoin d'un écosystème complet, incluant les infrastructures, notamment de transport, le logement, mais également le foncier, les compétences et les services. L'enjeu est celui du désenclavement des territoires – je pense en particulier à tout ce qui touche à la mobilité.

Il importe évidemment de proposer aux salariés des logements accessibles, à tous niveaux de qualification et de revenu. Il est vrai que ce problème n'a pas été pris en compte durant la phase I du programme Territoires d'industrie. Il a depuis été identifié comme un axe d'amélioration du programme ; c'est la raison pour laquelle Action Logement fait désormais partie, depuis la fin de l'année 2023 pour être tout à fait précis, des partenaires du programme. En 2024, un premier bilan peut être tiré : vingt-cinq territoires d'industrie ont inclus Action Logement dans leur plan d'action local.

Nous devons aujourd'hui aller plus loin, en nous fondant sur les retours d'expérience, et penser de manière systématique l'intégration du projet industriel et du logement. Lorsque je visite des territoires, on me signale des projets industriels entravés, suspendus ou reportés, précisément parce que les conditions de logement des salariés ne sont pas réunies.

Je pense que nous avons besoin, pour résoudre ce problème, d'une approche encore plus territorialisée. Nous pouvons utilement, à cette fin, nous appuyer sur la nouvelle gouvernance de France Travail, qui mêle un certain nombre d'acteurs, dont ceux du logement, afin que l'ensemble des moyens et des initiatives puissent faire masse.

Quant aux problématiques de mobilité, elles sont traitées ponctuellement dans les territoires d'industrie en fonction des besoins locaux. Elles sont également prises en compte, vous le savez, dans d'autres programmes conduits par l'ANCT, l'Agence nationale de la cohésion des territoires, comme Action cœur de ville ou Petites Villes de demain, le tout en concertation avec les territoires d'industrie.

Nous avons besoin de coordination, nous avons besoin de faire masse – j'y insiste. Je m'engage ici à continuer à travailler sur ces sujets, comme je l'ai dit précédemment, avec mon collègue François Rebsamen.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Monsieur le ministre, la désindustrialisation de ces dernières années, portée par le mythe d'un pays qui pourrait prospérer sans usine, sans production et sans ouvriers, a fragilisé nos territoires, accru notre dépendance aux importations et obéré notre souveraineté économique.

Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie va dans le bon sens en coordonnant l'action de binômes élu-industriel, sous le pilotage de l'État et de la région, afin de réindustrialiser au plus près de chaque bassin d'emploi. S'il donne déjà des résultats positifs, notamment dans l'intercommunalité Boucle Nord de Seine, dans les Hauts-de-Seine et le Val-d'Oise – je connais bien ce territoire –, certains freins demeurent.

Pour les lever pleinement, le programme Territoires d'industrie doit monter en puissance en portant une attention particulière à la formation et à l'adaptation des compétences au projet ; ainsi nous donnerons-nous les moyens de répondre efficacement aux mutations en cours. En effet, les industriels se heurtent aujourd'hui à des difficultés croissantes pour recruter et cette situation devrait s'aggraver d'ici à 2030.

Pourtant, les études révèlent que la disponibilité des compétences est un critère déterminant pour décider des implantations industrielles. C'est pourquoi il faut réinvestir massivement dans une culture scientifique et technique en améliorant le niveau en mathématiques, indispensable à la formation des ingénieurs et des techniciens. Or les résultats des élèves français dans cette discipline sont préoccupants. Il faut aussi améliorer la féminisation des métiers de l'industrie.

Il est urgent également de redonner leurs lettres de noblesse aux métiers industriels, souvent mieux rémunérés, en renforçant des initiatives comme la Semaine de l'industrie. Celle-ci doit être mieux intégrée dans la scolarité, dans toutes les filières, grâce à une mobilisation accrue des enseignants et à des campagnes nationales plus efficaces.

Soulignons enfin le rôle essentiel de l'alternance, mais aussi des écoles de production, que vous avez citées, monsieur le ministre, dans l'écosystème des territoires d'industrie. Toutefois, pour des raisons financières, leur pérennité reste fragile. Or renforcer ces structures est primordial pour préserver notre compétitivité industrielle.

Aussi, monsieur le ministre, quelle est votre feuille de route pour faciliter l'émergence d'un capital et de ressources humaines qualifiées, indispensables à la réussite de chaque territoire d'industrie ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice, mais aussi de votre engagement, que je connais, dans votre territoire d'industrie, Boucle Nord de Seine.

Je partage le constat que vous faites quant au manque d'attractivité des métiers de l'industrie. Il existe des tensions de recrutement, je les ai évoquées dans mon propos liminaire. Nous devons aujourd'hui accroître l'attractivité initiale de ces métiers, mais aussi résoudre le problème de l'" évaporation ", soit le fait, pour des jeunes formés aux métiers de l'industrie, d'exercer leur premier métier dans des filières autres que les filières industrielles.

Aujourd'hui, je l'ai dit, 70 000 emplois sont non pourvus dans l'industrie ; un recrutement sur deux est jugé difficile et 69 % des jeunes diplômés considèrent l'industrie comme un secteur peu ou pas attractif.

Il nous faut changer les représentations des jeunes, en particulier des jeunes femmes. On ne compte en effet que 28% de jeunes femmes dans l'industrie, c'est trop peu. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec mon homologue du Kazakhstan, pays dans lequel la proportion des femmes dans l'industrie est de 47%. C'est dire combien nous avons encore des progrès à faire !

La réponse consiste à s'attaquer aux stéréotypes et à faire aimer l'industrie en montrant ce qu'elle est aujourd'hui. Lorsqu'on visite des sites industriels, on voit que les conditions de travail ont changé. Les métiers de ce secteur ont du sens et offrent des opportunités d'évolution professionnelle, mais également de bons salaires.

En matière de féminisation, la situation évolue. À cet égard, je tiens à souligner le rôle des collectifs, comme le collectif Industri'Elles. J'essaie, avec la direction générale des entreprises, de les accompagner et de leur apporter le maximum de soutien afin qu'ils puissent poursuivre leurs actions.

Il convient de lutter contre le phénomène d'évaporation et, à cette fin, de faire en sorte que l'obtention d'un diplôme industriel ou scientifique se traduise par un premier métier dans la filière ; de réaliser le dernier kilomètre des réformes du lycée professionnel en faisant évoluer la carte des formations vers davantage de sections industrielles – c'est là aussi un axe extrêmement important ; de s'appuyer, enfin, sur des filières innovantes comme le nucléaire pour créer non pas une mode, mais une appétence, en tout cas un intérêt.

Pour conclure, je vous informe, si vous ne le savez pas déjà, que l'inspection générale des finances vient de lancer une mission sur la présence des filles dans les filières scientifiques et industrielles.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie a enfin permis de redonner un souffle à l'industrie dans notre pays, après des décennies de déclin industriel et de fermetures d'usines.

Disons les faits tels qu'ils sont : de 1970 à 2010, la désindustrialisation a frappé dans toutes les économies développées, mais elle a été particulièrement sévère en France. Entre 1995 et 2017, la part de l'industrie dans notre économie est passée de 17% à 11% du PIB.

Mais l'industrie n'est pas qu'une affaire de chiffres. Elle est au cœur de la prospérité de nos territoires, face aux multiples défis liés à l'environnement et à notre souveraineté. Depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République et des gouvernements successifs, une dynamique encourageante se dessine. Ainsi, 130 000 emplois ont été créés dans l'industrie, dont 28 000 pour la seule année 2023 ; au cours de la période 2016-2023, plus de 500 usines supplémentaires ont été installées sur notre territoire ; 201 nouveaux sites industriels ont été ouverts ou agrandis rien que l'année dernière. Le programme Territoires d'industrie y est pour beaucoup. Je tiens ici à saluer ces résultats.

Depuis 2018, près de 2 000 projets ont été accompagnés. Pas moins de 183 territoires d'industrie ont été labellisés pour la période 2023-2027, ce qui a permis de mettre l'accent sur la notion essentielle de territoire. Implanter une usine, c'est bien plus qu'un acte économique : c'est donner de la vitalité à un territoire, c'est renforcer son attractivité en créant une dynamique.

Pourtant, mes chers collègues, tout n'est pas simple. Je pense notamment à la contrainte que représente le zéro artificialisation nette. (M. Yannick Jadot s'agace.) Bien sûr, personne ne remet en cause la nécessité de préserver nos espaces naturels,…

Mme Antoinette Guhl. Ah bon ?

M. Bernard Buis. … mais comment concilier enjeux fonciers, construction de nouvelles usines et réindustrialisation ?

Enfin, si ce programme est une réussite, c'est aussi grâce à l'implication dans la gouvernance du binôme local composé d'un élu et d'un industriel.

Monsieur le ministre, comment cette collaboration a-t-elle transformé les relations entre acteurs publics et privés dans les territoires concernés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le ZAN, dont j'ai parlé de manière très brève dans mon propos liminaire. Si nous voulons réindustrialiser, il faut bel et bien trouver un équilibre entre l'objectif, que nous partageons, de limiter l'artificialisation des sols et les contraintes liées au développement industriel et à la nécessité de faire émerger des projets.

La loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et Résilience, fixait un objectif de zéro artificialisation nette à l'horizon 2050. Cette loi impose, il faut bien le dire, des contraintes fortes en matière d'aménagement à l'échelon local et conduit les élus, je le sais, à des choix difficiles concernant l'industrie et le logement. Or, nous l'avons dit, il faut pouvoir développer les deux en parallèle.

L'industrie représente seulement 5% du foncier total, mais les règles du ZAN, on le sait, fragilisent l'émergence d'un certain nombre de projets. On m'a informé dans différents départements de projets entravés, voire empêchés, par les contraintes du ZAN.

On ne peut pas garantir aux investisseurs industriels que la France pourra accueillir de grands ou de petits projets industriels si l'on ne réfléchit pas à un assouplissement de ces contraintes. C'est la raison pour laquelle, afin de concilier la sobriété foncière et le développement économique, le gouvernement de Michel Barnier a pris l'initiative d'exempter les projets industriels du ZAN pendant une période d'évaluation et d'expérimentation de cinq ans, au terme de laquelle l'activation d'une clause de revoyure est prévue.

Une modification législative est nécessaire pour cela. Je pose ici des jalons pour les prochaines semaines ou les prochains mois : nous pourrions nous appuyer sur le projet de loi de simplification de la vie économique ou sur la proposition de loi des sénateurs Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier, dont l'examen est prévu en mars. Je souhaite que nous puissions aller vite sur ce sujet de la simplification du ZAN, au profit de nos industriels.

MM. Jean-Baptiste Blanc et Guislain Cambier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet.

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, je ne sais si, en matière de développement industriel, on enseigne à HEC ou sur les bancs de Sciences Po ce que me disait mon grand-père : on ne fait pas pousser les carottes en tirant sur les feuilles ! (Sourires.) À méditer…

Si, dans son évaluation du programme Territoires d'industrie, la Cour des comptes note un renforcement de la coopération et une meilleure mobilisation des acteurs locaux, elle souligne également l'échec de l'État, de ses opérateurs et des régions à prioriser et à coordonner leurs moyens et leurs interventions dans les territoires labellisés.

Le manque de direction claire et les errements persistants en matière de pilotage et de coordination sont révélateurs de l'absence d'une vision globale adaptée aux spécificités de chaque territoire.

En réalité, monsieur le ministre, pour faire pousser des carottes, il faut avant tout un terreau fertile. Nos industries ont besoin, pour s'épanouir, d'un ensemble de politiques publiques coordonnées à l'échelon local : recherche, innovation, enseignement supérieur, formation, logement, transport, accompagnement financier, urbanisme, politique foncière.

Dès lors, nous ne pouvons nous satisfaire des discours incantatoires de vos prédécesseurs : nous avons besoin de preuves. Qu'envisagez-vous concrètement pour remédier aux dysfonctionnements observés par la Cour des comptes ? Comment, dans cette situation politique instable, comptez-vous donner à nos entreprises la capacité de se projeter dans le temps long ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, la recherche d'efficacité doit être au cœur de nos préoccupations et de toutes les politiques publiques. C'est la raison pour laquelle j'ai prêté une grande attention au rapport de la commission des affaires économiques, ainsi qu'à celui de la Cour des comptes.

Un certain nombre d'actions ont d'ores et déjà été mises en œuvre pour accroître l'efficacité du dispositif, il faut le souligner. Un surcroît d'ingénierie est ainsi prévu, conformément aux remontées du terrain, ce qui devrait nous permettre d'améliorer l'efficacité du programme. Nous avons en particulier recruté davantage de chefs de projet et instauré le principe d'une coordination régionale entre Régions de France et l'ensemble des acteurs concernés au niveau du territoire d'industrie. Il s'agit là d'une avancée concrète.

J'ai évoqué précédemment la nécessité de mieux articuler le programme aux différents niveaux de gouvernance de France Travail et de prendre en compte l'ensemble des enjeux associés.

Nous avons également besoin, comme cela est indiqué dans le rapport, d'assurer un meilleur suivi et de collecter davantage de données. On ne saurait améliorer l'efficacité du programme si l'on ne collecte pas plus de données sur les actions qui sont réalisées et sur leurs effets. Je souhaite donc que la collecte de telles données soit accélérée et que l'articulation entre les différents systèmes d'information soit améliorée, afin que nous puissions faire des bilans de ce programme qui soient actualisés de manière plus fréquente, par exemple tous les six mois.

Enfin, la recherche de l'efficacité du programme, que vous appelez de vos vœux et que je souhaite également, suppose de s'interroger sur la refonte des périmètres et sur le ciblage des territoires concernés. Concrètement, le passage du temps I au temps II a conduit à une meilleure prise en compte d'un certain nombre de critères. En particulier, les territoires sont sélectionnés en fonction du caractère opérationnel des projets ; j'espère que cette dimension sera encore mieux prise en compte à l'avenir.

Je partage votre point de vue, monsieur le sénateur, quant à la nécessité d'une approche interministérielle. J'aurai, je l'espère, l'occasion de faire part au Sénat et à sa commission des affaires économiques d'éléments plus globaux de la feuille de route de mon ministère.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour la réplique.

M. Philippe Grosvalet. Monsieur le ministre, permettez-moi d'évoquer deux territoires d'industrie où le Gouvernement, non pas l'État, aurait pu ou pourrait agir directement.

Il pourrait revenir, premièrement, sur la décision du précédent gouvernement d'abandonner, à Cordemais, un magnifique projet industriel, novateur en matière de transition énergétique.

Deuxièmement, pour ce qui est de ma ville, il pourrait décider de ne pas reporter indéfiniment la signature de la commande d'un porte-avions.

L'État, quand il est directement impliqué, peut mettre à mal de grandes entreprises et leurs sous-traitants en reportant des commandes de cette nature.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot.

M. Daniel Fargeot. Monsieur le ministre, le programme Territoires d'industrie, qui est peu coûteux, comme l'a souligné la Cour des comptes, produit incontestablement des effets dans les petites et moyennes villes françaises.

La coopération et la mobilisation des acteurs locaux, aux côtés des opérateurs de l'État, contribuent à une dynamique de réindustrialisation de nos territoires. Dans ce type de programme, l'enjeu est de définir le juste niveau d'intervention. Nous sommes convaincus qu'associer les élus locaux et les industriels dans une gouvernance publique-privée est une stratégie vertueuse permettant de poser des fondations solides.

Des entreprises se réinstallent, des emplois se maintiennent et se créent et des collectivités retrouvent une dynamique économique. Oui, l'ambition et la volonté sont présentes : voilà une première victoire.

Il convient à présent d'aller plus loin, en évaluant le dispositif et en priorisant, les territoires d'industrie ne bénéficiant pas tous d'une mobilisation des acteurs et d'une coordination régionale égales. Il faut évaluer pour ne pas saupoudrer et pour capitaliser sur les écosystèmes économiques efficients.

Il faut aller plus loin également en simplifiant, car il faut bien reconnaître que la complexité du dispositif nuit à son efficacité. Les entreprises et les élus locaux peinent à se frayer un chemin dans une forêt de dispositifs d'aide, ceux-ci chevauchant parfois de nombreux guichets. De ce fait, les démarches administratives et les délais s'en trouvent multipliés.

Monsieur le ministre, au moment où l'Europe et le monde s'engagent dans une compétition industrielle féroce, quelles mesures concrètes proposez-vous s'agissant de ne pas nous laisser étouffer par la lourdeur de nos procédures administratives ? Quelle synergie, quels rapprochements entre opérateurs, quelle simplification générale pourraient être institués dans le cadre de la reconduction de ce programme, l'enjeu étant de faire des territoires d'industrie de véritables moteurs de notre souveraineté économique ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, la simplification est un rocher de Sisyphe qui a mobilisé beaucoup de gouvernements, d'administrations et d'élus depuis déjà bien des années.

Vous attirez notre attention sur la question de la coordination entre les opérateurs, qui peut être source de complexité et de difficultés pour les acteurs du programme, j'en conviens. Six opérateurs sont partenaires du programme : la Banque des territoires, Bpifrance, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Business France, France Travail et Action Logement, autour desquels s'articulent Intercommunalités de France, Régions de France et France Industrie.

En matière de coordination, il me semble que nous avons fait des progrès. L'implication des opérateurs durant le temps I du programme a été relativement hétérogène, selon les remontées du terrain, confirmées par un certain nombre d'élus. Plusieurs actions correctives seront mises en œuvre à cet égard au cours du temps II.

D'abord, je l'ai dit, les données et les plans d'action seront partagés avec les opérateurs. Un travail un peu plus coopératif sera ensuite réalisé, sous la forme de webinaires thématiques, pour faciliter la diffusion des offres de services des divers opérateurs et ainsi lever les freins qui entravent l'accès à certaines ressources et à différentes dimensions du programme.

Sur ce sujet, je vous renvoie à un certain nombre de pistes, que je ne vais pas développer, figurant dans le rapport sur la simplification. J'espère que nous aurons l'occasion de travailler ensemble à ce propos et de concrétiser ces pistes.

En matière de simplification, plus globalement, nous avons besoin de mesures fortes, qui s'attachent, et même s'attaquent, aux normes françaises comme européennes. Nous avons transposé de manière plus que zélée, pour ne pas dire surtransposé, un certain nombre de directives européennes ; ces surtranspositions pénalisent nos industriels. En ce domaine, une évaluation est indispensable – j'aurai l'occasion d'y revenir dans mes propos ultérieurs.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Bonduelle : 159 emplois supprimés ; Renault Alpine : 350 emplois menacés ; Fonderie de Bretagne : 500 emplois menacés ; Valéo : 868 emplois menacés ; MA France : 400 emplois supprimés ; Impériales Wheels : 176 emplois supprimés ; Continental Automotive France : 240 emplois supprimés ; Stellantis : 500 emplois supprimés, 600 menacés ; IBM France : 206 emplois supprimés ; Air Liquide : 479 emplois supprimés, 500 menacés ; ExxonMobil : 677 emplois supprimés ; Thales Aliena Space : 980 emplois supprimés ; Sanofi : 300 emplois supprimés ; Vencorex : 500 emplois menacés ; General Electric : 484 emplois supprimés ; Dumarey : 500 emplois menacés ; Clestra Metal : 125 emplois menacés ; Mahle Behr : 135 emplois supprimés ; Yara : 139 emplois supprimés ; Yves Rocher : 460 emplois supprimés ; Michelin : 1 250 emplois menacés.

Si je cite tous ces chiffres, monsieur le ministre, c'est pour trois raisons.

Premièrement, depuis sa nomination, le Premier ministre n'a pas eu un mot pour les hommes et les femmes qui sont en train de perdre leur emploi ou dont l'emploi est menacé ; pas un mot non plus pour eux en une heure et demie de déclaration de politique générale ; pas un mot pour ces hommes et ces femmes grâce à qui, pourtant, notre industrie tourne.

La deuxième raison, c'est le décalage entre votre communication ou celle des gouvernements depuis sept ans – c'est toujours la même ! – et la réalité. " Tant d'emplois créés ! ", claironne-t-on à chaque édition de Choose France ou de je ne sais quel événement de ce type… En réalité, pour un emploi créé, il y a deux emplois supprimés dans chaque territoire !

Troisièmement, avant de parler d'industrialisation – et c'est un combat que nous menons sans relâche –, il faudrait, me semble-t-il, commencer par stopper la casse industrielle !

Allez-vous rester les bras ballants ? Ou allez-vous enfin conditionner les aides publiques et interdire aux entreprises qui en touchent de verser des dividendes aux actionnaires tout en supprimant des emplois ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous avez égrené une longue liste de plans sociaux et de fermetures de sites. Je regrette que vous n'ayez pas évoqué – la liste est tout aussi longue – les entreprises qui créent des emplois sur notre territoire, nous offrant ainsi quelques motifs d'espoir.

L'important, c'est le solde entre les emplois créés et les emplois supprimés. Ce solde est positif – comme vous le savez, depuis 2017, 130 000 emplois ont été créés en France (M. Fabien Gay proteste.) –, et il continue de l'être, ainsi qu'en témoignent les dernières données de l'Insee.

Il est vrai que la situation est plus difficile qu'elle ne l'était ces dernières années. Il est vrai aussi que certaines filières – vous les avez mentionnées – sont en difficulté : l'automobile, la chimie, la sidérurgie, etc.

Mais, contrairement à ce que vous indiquez, nous ne restons pas " les bras ballants ". Cette expression ne tient pas compte de l'énergie que déploient tous les services de l'État, les commissaires au redressement et à la prévention des difficultés des entreprises sur le terrain, les services de la délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises (Dire) et ceux du comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), pour essayer de résoudre les problèmes.

Vous avez cité des exemples d'entreprises en difficulté. Sur tous ces dossiers, nous nous sommes battus. Et nous avons connu des réussites. Nous avons sauvé l'entreprise Niche Fused Alumina (NFA) : cela représente quelques centaines d'emplois. La semaine dernière, j'étais à Arques, dans le Pas-de-Calais. Nous avons trouvé un plan de financement qui préserve l'outil industriel pour 4 000 salariés. Or je ne vous ai pas entendu faire mention de cette réussite collective, qui a impliqué l'ensemble des parties prenantes : les créanciers, les actionnaires, les élus locaux, en particulier ceux de la région et de l'intercommunalité, la communauté d'agglomération du pays de Saint-Omer.

Il ne faut donc pas tomber dans une forme de défaitisme. Pour ma part, je considère mon ministère comme un ministère de combat : combat pour préserver l'existant ; combat sur tous les dossiers d'entreprises et de filières en difficulté ; combat aussi pour renforcer l'attractivité et soutenir les entreprises et les filières qui vont bien et créent des emplois, afin qu'elles en créent encore plus demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Fabien Gay. Pas un mot sur les entreprises qui ferment ?

M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot.

M. Yannick Jadot. Monsieur le ministre, puisse ce débat vous permettre de revoir certaines de vos expressions, vous qui nous parlez de " solde "…

Bien sûr que des entreprises se créent, et nous en sommes ravis ! Mais, sur certains territoires, c'est la catastrophe ! Songez à ce que vivent les familles lorsqu'une entreprise ferme et qu'il n'y a aucune perspective d'emploi dans le secteur !

Se battre pour la réindustrialisation, c'est aussi se battre pour que nos usines ne ferment pas. " Le ZAN ! Le ZAN ! Le ZAN ! ", nous répètent en chœur certains collègues ; et il vous arrive de reprendre cette antienne, monsieur le ministre. Soyons un peu sérieux ! Michelin, Systovi, General Electric, la Fonderie de Bretagne, quarante ans de désindustrialisation, même s'il y a eu un peu de mieux ces dernières années : tout cela, ce n'est pas la faute du ZAN !

Reconnaissons que l'instrument dont nous disposons – ce n'est pas un instrument à l'américaine – est utile. Nous sommes déçus néanmoins qu'il soit assorti d'aussi peu de moyens et, surtout, que ces moyens soient peu ou mal orientés, mal ciblés.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n'a pas cité la bataille du climat. Dans le monde actuel, ne pas citer la bataille du climat, c'est dramatique. Derrière la bataille du climat, il y a – vous le savez – une guerre économique, qui a trait à la transition énergétique. Nous donnons-nous les moyens de la mener, cette guerre ? À voir fermer l'une après l'autre nos usines de panneaux photovoltaïques, d'éoliennes ou de silicium, on comprend que la réponse est non !

L'outil Territoires d'industrie doit rassembler les acteurs, mais il doit être mieux ciblé, et fonctionner sur tous les territoires. Tous les territoires méritent des usines ! Dans des territoires parfois appauvris ou désertifiés, nous avons besoin de services publics pour protéger et nous avons besoin d'usines comme sources de fierté.

Économie circulaire, transition énergétique et écologique : voilà de réelles perspectives pour notre industrie et pour nos territoires ! Ayons un outil à la hauteur de ce défi ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – MM. Fabien Gay et Simon Uzenat applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je vous rejoins sur de nombreux points. Oui, réindustrialiser et décarboner, voire, d'une manière plus générale, s'engager dans la transition écologique sont des objectifs parfaitement compatibles et même complémentaires ! Oui, le potentiel de création d'emplois lié à la transition écologique est important, et nous devons nous en saisir !

Permettez-moi de vous faire part de quelques éléments chiffrés. Au premier semestre 2024, le baromètre industriel de l'État, qui donne le " solde " – je vous prie de m'excuser d'utiliser ce terme une nouvelle fois –, a montré que trente-six ouvertures nettes de sites avaient eu lieu sur notre territoire. En l'occurrence, et cela va dans votre sens, les sites qui ferment se trouvent principalement dans les filières en difficulté et ceux qui ouvrent sont principalement liés aux industries vertes et à la décarbonation. La transition est à l'œuvre : des emplois se créent dans des secteurs d'activité liés à la décarbonation, aux énergies renouvelables, à l'hydrogène, etc.

J'ai eu l'occasion de visiter une usine de l'entreprise Forvia qui fabriquait des pots d'échappement sur le site d'Allenjoie, à proximité de Sochaux. Son activité étant percutée par la fin prochaine du véhicule thermique, l'usine se reconvertit peu à peu, et ses salariés avec elle, dans la production de réservoirs à hydrogène. La transition est là, sous nos yeux ; elle est créatrice d'emplois. Je pense que nous devons l'accompagner et faire de la décarbonation de l'industrie et de l'énergie la source de nos emplois de demain.

Attaché à cet objectif, je m'inscris dans les pas de mes prédécesseurs Roland Lescure, Agnès Pannier-Runacher et Olga Givernet pour essayer de transformer notre outil industriel, de le décarboner et d'en renforcer la compétitivité.

Vous le savez, nous agissons. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le Sénat a adopté un amendement tendant à majorer de 1,6 milliard d'euros les autorisations d'engagement en faveur de la décarbonation de grands sites industriels.

L'État agit, et il continuera de le faire ; je m'y engage.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, il est utile de débattre de l'avenir du programme Territoires d'industrie. Le rapport sénatorial souligne les insuffisances et les manquements du dispositif, dans un contexte économique national en forte dégradation – Fabien Gay l'a éloquemment rappelé –, mais il en constate aussi la pertinence.

Au regard de l'expérience gersoise, qui a débuté en 2008 et qui a été confortée en 2023, je pense qu'il faut donner une nouvelle ambition à Territoires d'industrie au profit – j'insiste sur ce point ! – de tous les territoires de notre pays, sans exception. À l'ère des transitions écologique, énergétique et climatique, nous avons urgemment besoin d'une économie territoriale repensée, au plus près des besoins de notre population et des défis de transition à relever.

La planification écologique des transformations de l'économie française ne saurait se limiter à quelques gigafactories de batteries électriques et à la décarbonation énergétique des process. Gardez le meilleur de Territoires d'industrie et donnez suite aux recommandations du Sénat pour les programmes en cours, monsieur le ministre !

Comment comptez-vous stimuler les autres territoires ruraux, qui ne demandent qu'à prendre leur part du développement nécessaire à notre avenir collectif, pour peu qu'on les accompagne dans une démarche structurée ? Le potentiel est immense. Ne passez pas à côté !

Quelle est l'ambition du Gouvernement en matière de développement économique territorial résultant – tous les mots ont leur importance – de la planification écologique dont notre pays a tant besoin ? Du reste, nous espérons que ladite planification écologique est toujours d'actualité pour votre gouvernement ; peut-être allez-vous nous rassurer à cet égard… (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, ma réponse s'inscrira dans le prolongement de celle que je viens de faire à votre collègue Yannick Jadot : d'un point de vue institutionnel, l'idée d'une planification écologique est une innovation pour notre pays. Vous le savez, depuis maintenant plusieurs années, nous disposons d'un secrétariat général à la planification écologique (SGPE) placé directement sous l'autorité du Premier ministre. Cette planification se poursuit.

Les deux documents que sont la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ont été soumis à la concertation ; cette concertation étant aujourd'hui terminée, ma collègue Agnès Pannier-Runacher et moi-même sommes en train d'envisager les modalités de prise en compte des propositions de chacun.

Afin d'atteindre les objectifs qui correspondent à nos engagements internationaux, en particulier les accords de Paris, et à nos engagements européens, nous avons besoin – c'est le sens de Territoires d'industrie – d'articuler notre stratégie de planification écologique à notre stratégie industrielle. Cela implique par exemple de faire du ciblage en orientant le dispositif Territoires d'industrie vers un certain nombre de projets ayant une dimension de décarbonation. Cela suppose aussi de soutenir nos filières qui participent de la planification écologique ; je pense en particulier aux filières des énergies renouvelables.

J'aurai l'occasion dans quelques semaines d'annoncer la révision de la stratégie hydrogène. Je le ferai avec le souci de donner de la visibilité aux acteurs de cette filière, qui est un élément, non le seul, de notre mix énergétique pour les prochaines années.

Il y a une cohérence dans notre action. Ne raisonnons pas en silos : la démarche prospective et de planification ne doit pas être fondée uniquement sur des objectifs écologiques ; elle doit tenir compte des potentialités de nos filières industrielles et de la capacité de développement de l'emploi industriel dans nos territoires. Nous continuerons d'agir en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je partage l'essentiel de vos propos.

Simplement, la planification écologique ne se résume pas à la transition énergétique ou à la décarbonation. C'est l'ensemble de l'activité économique française, sur l'ensemble des territoires, qui doit être revue et adaptée en fonction de cet objectif. (M. le ministre acquiesce.)

J'espère que cette démarche va perdurer et se traduire sur le terrain. Ce qui s'est passé lorsque M. Attal était à Matignon n'augurait tout de même pas d'un avenir radieux pour la planification écologique… Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est ici donnée pour saluer l'action de M. Pellion à la tête du secrétariat général à la planification écologique.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Je salue à mon tour le travail remarquable des équipes du SGPE, et en particulier d'Antoine Pellion.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jeanne Bellamy.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. Monsieur le ministre, depuis trente ans, le poids de l'industrie dans l'économie française et européenne n'a cessé de chuter. L'industrie est pourtant un moteur indispensable de productivité, de croissance et d'innovation. Elle représente un enjeu majeur pour notre économie, pour la cohésion sociale et territoriale de la France, mais aussi pour notre autonomie stratégique et notre souveraineté technologique.

Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie avait pour objectif d'apporter des réponses concrètes aux enjeux de soutien à l'industrie. Présenté comme une stratégie de reconquête industrielle par et pour les territoires, le programme n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les industriels et les élus locaux. Ces derniers se sont cependant approprié le dispositif, qui a été renouvelé pour la période 2023-2027. Le rapport d'information sénatorial de nos collègues Berthet, Cardon et Loisier, publié au mois de décembre dernier, a relevé le caractère hétérogène de la mise en œuvre du programme Territoires d'industrie.

Ce constat, je le partage sur mon territoire. Dans le département de la Vienne, deux territoires ont été lauréats : la communauté d'agglomération Grand Châtellerault et la communauté de communes du Pays Loudunais. Pour ce qui est du premier, à savoir le bassin industriel historique, la réunion de lancement s'est tenue dès 2023, et de nombreux projets sont en cours. Pour ce qui est du second, territoire rural peu industrialisé, les projets sont là, mais les industriels sont inquiets, en raison des retards pris et des difficultés rencontrées, notamment pour recruter.

Il faut pérenniser le dispositif et le rendre plus opérationnel. Ne faudrait-il pas accompagner différemment les territoires historiquement industriels et les territoires industriels en devenir ? Pour que le système soit efficient malgré des moyens limités, il est indispensable de ne pas se disperser, d'associer et d'accompagner tous les acteurs locaux et industriels et de simplifier.

Je souhaite ainsi insister sur le besoin de formation et de promotion des métiers de l'industrie. Quelles actions sont envisagées pour que l'absence de personnel qualifié ne freine pas le déploiement des projets ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice, les élus locaux et les industriels sont associés à la conception du programme. Comme je l'ai indiqué, Intercommunalités de France, Régions de France et France Industrie sont parties prenantes et partenaires du programme. Certes, on peut sans doute toujours faire mieux, et les y associer de manière encore plus étroite…

Quoi qu'il en soit, concernant la gouvernance du programme, une charte collective d'engagement a été signée entre l'État et les six opérateurs. De manière très concrète, très opérationnelle, des réunions régulières, des outils numériques partagés ou encore l'existence de coordinateurs régionaux doivent permettre cette coordination.

Ainsi que vous l'avez rappelé à juste titre, il est fait mention dans le rapport du caractère assez hétérogène du déploiement du programme, notamment dans le temps I. Ce constat, je le partage. La phase I a été marquée par des disparités correspondant à l'hétérogénéité, d'un territoire à l'autre, du portage politique, de l'animation et de l'ingénierie. De surcroît, un tel programme ayant une dimension très qualitative, sa mise en œuvre est par nature hétérogène.

Toutefois, un certain nombre de mesures ont été mises en œuvre dans le cadre de la phase II pour remédier à ces problèmes. Je pense à la redéfinition des périmètres des projets, dans un souci de cohérence et d'harmonisation – cela se fera toujours sur proposition des territoires –, à la généralisation des postes de chef de projet, qui permettra également de beaucoup mieux structurer les actions, ainsi qu'au renforcement de l'échelon régional, via le recrutement des coordinateurs régionaux, auxquels j'ai fait référence.

Ainsi que je l'ai indiqué, je souhaite que des bilans puissent être réalisés chaque semestre.

J'aurai l'occasion de revenir dans une prochaine réponse sur l'attractivité et les compétences.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier.

M. Guislain Cambier. Monsieur le ministre, dans les Hauts-de-France, l'industrie, c'est un emploi sur cinq, soit 255 000 emplois. Le Nord est une terre d'industrie, et les élus y ont toujours été attentifs, bien avant le lancement du programme Territoires d'industrie.

Ce programme a un mérite : afficher le volontarisme politique, rappeler le caractère stratégique du secteur et les enjeux de souveraineté qui lui sont associés.

Je souhaite vous interroger sur les enjeux fonciers de la réindustrialisation et sur le portage politique du dispositif.

Le foncier, nous le savons, est un acteur clé de la réindustrialisation, mais il n'apparaît pas comme tel dans le programme. La mise en œuvre complexe du ZAN, le zéro artificialisation nette, tétanise les élus locaux. Comment comptez-vous concilier sobriété foncière, développement industriel et construction de logements pour les salariés ?

Avec mon collègue Jean-Baptiste Blanc, nous avons déposé la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux (Trace), qui sera débattue le 18 février prochain. Nous comptons sur le soutien du Gouvernement pour un atterrissage pragmatique. Nous appelons l'État à se doter d'une vision de l'aménagement du territoire en assumant le coût foncier de ses projets d'envergure nationale ou européenne (Pene).

Nous devons poursuivre et amplifier le mouvement de recyclage foncier. Le projet de loi de finances pour 2025 devra donc être ambitieux ; je pense notamment au fonds vert. Quelle est votre stratégie foncière pour relever le défi de la réindustrialisation ?

Dans sa méthode, le dispositif Territoires d'industrie est un appel à projets. Soyez donc vigilant, monsieur le ministre : gardez-vous de mettre en concurrence les territoires, car nous devons privilégier la synergie. Pensons également aux conséquences financières et fiscales des implantations. Les régions, pourtant cheffes de file en matière de développement économique, sont snobées dans le dispositif. Là aussi, créons des synergies, au lieu de multiplier les portes d'entrée.

Dans le département dont je suis élu, le Nord, nous avons montré qu'ensemble, État, collectivités locales, industriels, partenaires sociaux, nous savons construire des réussites industrielles. Toyota Valenciennes est la plus grande usine automobile de l'Hexagone ; elle vient de fêter sa cinq millionième voiture produite depuis 2001. Faire confiance aux territoires, cela fonctionne !

Je souhaite aussi vous interroger sur le portage politique du programme Territoires d'industrie, qui devrait, selon moi, être réexaminé.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, le foncier est évidemment une question essentielle pour notre développement industriel ; je pense notamment au ZAN. Le dispositif des sites clés en main, qui est un élément assez structurant du programme Territoires d'industrie, porte, entre autres, sur ce sujet.

Je salue la région des Hauts-de-France, qui est particulièrement dynamique, voire exemplaire, dans la mise en œuvre de ce programme.

L'articulation des territoires d'industrie avec les problématiques foncières passe par l'optimisation et l'amélioration de l'efficacité du dispositif des sites clés en main. Ce dernier est un outil de simplification qui est à la main de nos industriels : il s'agit de résoudre les problèmes normatifs, d'autorisation environnementale ou de raccordement électrique en amont d'une implantation industrielle et de sécuriser juridiquement les entreprises qui souhaitent s'installer sur un site. Cet élément du programme a fait la preuve de son efficacité.

Il existe aujourd'hui cinquante-cinq sites clés en main. Ils ont été sélectionnés au mois d'avril 2024 au regard d'un double objectif : favoriser la sobriété foncière, mais aussi l'attractivité. Le ciblage a une véritable dimension internationale, puisque la promotion de ces sites se fait au-delà de nos frontières. Outre le foncier, j'insiste sur l'importance de l'enjeu du raccordement électrique ; d'ailleurs, Réseau de transport d'électricité (RTE) fait partie du comité de pilotage de ces sites.

À l'heure où nous nous parlons, nous disposons de dix sites qui sont arrivés à maturité, pleinement disponibles pour une implantation industrielle. À mon sens, l'enjeu pour l'avenir est de mobiliser davantage de financements. Il faut en particulier sécuriser le financement du dispositif des sites clés en main et renforcer la valorisation des sites les plus matures.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat. (M. Christian Redon-Sarrazy applaudit.)

M. Simon Uzenat. Monsieur le ministre, oui, l'industrie a un avenir ! Mieux : elle est notre avenir, en Bretagne, en France et en Europe ! Nous en sommes toutes et tous convaincus.

De ce point de vue, Territoires d'industrie a eu des effets positifs. Toutefois, j'aimerais tout de même pointer quelques limites, qui ont d'ailleurs été rappelées par certains de mes collègues, en particulier Franck Montaugé.

Pour la Bretagne, qui est une région industrielle dotée d'un tissu diffus de PME, le programme n'est pas parfaitement adapté. Nous souhaitons – cela a été dit – faire davantage confiance aux collectivités, qui sont plus proches, plus réactives, plus efficaces. Il faut renforcer leurs moyens, qu'il s'agisse des intercommunalités comme des régions, afin qu'elles puissent faire du sur-mesure, en termes de périmètre notamment. Le Gouvernement est-il prêt à évoluer à cet égard ?

La réalité, c'est que, depuis maintenant plusieurs semaines, les nuages s'amoncellent. Vos choix politiques ont des conséquences, monsieur le ministre. Ainsi, faute de moyens suffisants pour l'éducation nationale, les cartes des formations conduisent à des fermetures de formations industrielles. Deux grandes filières, l'agroalimentaire et l'automobile, connaissent aujourd'hui des difficultés en Bretagne, en particulier dans le Morbihan.

Je pourrais évoquer Sodiaal à Missiriac, Michelin à Vannes ou Fonderie de Bretagne à Caudan. Tout à l'heure, vous parliez de « solde », monsieur le ministre ; quant à nous, nous parlons d'emplois, de compétences et d'humain, toutes choses très éloignées d'un tableau Excel…

Quel accompagnement envisagez-vous pour les salariés et les familles concernés ?

Enfin, sur le dossier Fonderie de Bretagne, que vous connaissez bien, la mobilisation est générale. On parle là d'un outil quasi neuf, de 350 emplois, d'une diversification engagée. La responsabilité du groupe Renault est totale, mais l'État aussi a un rôle à jouer. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur le sujet ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, la carte des formations est un enjeu essentiel. Elle requiert évidemment une adéquation la plus fine possible avec les besoins du territoire. Tel est le sens de la réforme des lycées professionnels qui a été engagée dès la fin de l'année 2022 : l'idée était de revoir la carte des formations et des sections des lycées en fonction de ces besoins en faisant entrer les représentants des entreprises, à une maille la plus fine possible, dans les lycées professionnels eux-mêmes, dans les bureaux des élèves et, parfois, dans les conseils d'administration.

Il y a aussi un sujet de filière. Les formations sont également proposées par les centres de formation d'apprentis. Vous le savez, un CFA peut relever des opérateurs de branches, mais aussi des entreprises elles-mêmes : la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel l'a permis. En tout état de cause, nous avons besoin que nos filières industrielles se mobilisent.

J'essaie d'accompagner et de structurer le mouvement dans le cadre du Conseil national de l'industrie. J'ai rencontré les représentants des comités stratégiques de filière pour aborder la question des compétences et des formations. Mon action s'inscrit dans l'ambition d'une structuration des filières évoquée aujourd'hui même par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Quant au dossier Fonderie de Bretagne, il occupe mes équipes et m'occupe personnellement depuis un certain nombre de semaines. Nous avons un repreneur potentiel : le fonds Private Assets. Nous avons cherché – et réussi, dans une certaine mesure – à rapprocher les points de vue de Private Assets et de Renault, principal client de Fonderie de Bretagne, dont il représente 95 % du chiffre d'affaires. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un blocage qui a trait à l'engagement de Renault non pas sur des volumes – il est difficile de s'engager sur des volumes de production quand le marché automobile est incertain –, mais sur une part de marché, c'est-à-dire sur la proportion des achats que l'entreprise adresserait à Fonderie de Bretagne.

Nous continuons à échanger avec les acteurs et à nous battre pour trouver des solutions, afin que cette occasion, qui est aussi une occasion de diversification industrielle, puisse être saisie. Mais c'est un dossier difficile, je dois bien le confesser.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, pour la réplique.

M. Simon Uzenat. Pour ce qui est de la carte des formations, la réalité est que le pilotage des rectorats est aujourd'hui fonction non pas des besoins de l'économie, mais des moyens alloués – si vous pouviez faire passer le message à votre collègue…

Concernant Fonderie de Bretagne, Renault ne respecte que 60% des commandes prévues en 2022. Nous voulons rester fiers d'un constructeur français ; l'État, qui est actionnaire à hauteur de 15%, doit donc taper du poing sur la table. Monsieur le ministre, je vous invite à venir à la rencontre des organisations syndicales et des salariés sur le site de Caudan.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre. Monsieur le sénateur, si je ne suis pas venu physiquement sur le site, pour de simples raisons d'agenda, j'ai en revanche eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises, par visioconférence, avec les organisations syndicales.

J'ai pour habitude de venir sur les sites industriels lorsque j'ai la possibilité d'expliquer une action et de faire des annonces. Nous continuons de nous battre – la Dire est particulièrement mobilisée – pour trouver des solutions. Mais, encore une fois, il s'agit d'un dossier difficile.

M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. Oui, monsieur le ministre, il s'agit d'un dossier difficile, nous le savons. Mais un tel outil industriel est une chance pour notre région, pour notre pays et pour notre continent. D'ailleurs, de l'avis de beaucoup, l'engagement qui est demandé à Renault est un engagement parfaitement raisonnable. Je le redis, nous voulons tout simplement rester fiers d'un constructeur français.

Les collectivités sont mobilisées. Elles ont mis de l'argent sur la table. Du reste, l'État a fait de même : vous avez proposé un prêt à hauteur de 14 millions d'euros. La région Bretagne et Lorient Agglomération ont également proposé un accompagnement financier renforcé.

Vous le savez, aujourd'hui, la procédure de redressement judiciaire est lancée. Les salariés et leurs familles sont évidemment extrêmement inquiets ; ils ont besoin de savoir que tous les acteurs institutionnels, de l'échelon local jusqu'au plus haut niveau, sont mobilisés à leurs côtés. Je reste convaincu qu'il faut en appeler personnellement au Président de la République et au Premier ministre eux-mêmes pour que le groupe Renault entende raison et fasse le choix du pays qui l'a vu naître et l'a toujours soutenu, y compris financièrement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Mme Frédérique Puissat. Monsieur le ministre, en Isère, l'industrie est fortement développée. À ce titre, un nombre important de collectivités iséroises participent au programme Territoires d'industrie.

Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que ces territoires sont en train de subir un choc économique violent qui percute de plein fouet l'économie et l'industrie locales. À ce jour sont menacés 238 salariés à Valeo, 170 à Photowatt et 460 à Vencorex.

Avez-vous des éléments nouveaux à nous apporter sur les dossiers Valeo et Photowatt ?

Je voudrais évoquer plus particulièrement la filière chimique de l'agglomération grenobloise. Le sort de l'entreprise Vencorex, qui se trouve en redressement sans repreneur à ce stade, nous inquiète au plus haut point, comme le devenir de l'entreprise Arkema. C'est toute une vallée qui se trouve dans un état d'inquiétude extrême. Cette inquiétude devrait s'emparer de la France entière, tant les enjeux de souveraineté liés à ces usines sont immenses : enjeu de souveraineté industrielle, enjeu de souveraineté sanitaire, enjeu de défense nationale.

Monsieur le ministre, il s'agit de changer de posture, de ne plus subir et de reprendre notre avenir en main. C'est là, nous semble-t-il, l'essence même de Territoires d'industrie.

Dans ce cadre précis et dès lors que l'enjeu de souveraineté est important, une piste pourrait être la création d'une entreprise publique à capitaux privés, laquelle pourrait porter toute une filière – la mine de sel de Hauterives, son saumoduc et le purificateur de sel présent sur le site de Vencorex – et ainsi alimenter, entre autres, l'électrolyseur d'Arkema et celui de Vencorex, tous deux financés par l'État à hauteur de 80 millions d'euros voilà moins de dix ans.

Monsieur le ministre, cette piste est-elle crédible à vos yeux pour préserver cette filière et donner un avenir à ses salariés ?

Plus généralement, ne pourrait-elle pas être empruntée dans d'autres territoires, dès lors que, s'agissant de l'industrie de notre pays, il y va d'un enjeu de souveraineté majeur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice, je sais votre engagement sur les questions d'emploi, en particulier celles qui sont liées à votre territoire.

Comme vous le savez, un projet de reprise de Photowatt, qu'EDF a souhaité céder, a été abandonné à la suite de son rejet par le comité social et économique (CSE) de l'entreprise. Il s'agit donc d'un choix des salariés.

Sur le plan social, l'État sera très attentif, dans ces circonstances, à ce que l'accompagnement et le reclassement des salariés par EDF se fassent dans de bonnes conditions ; je pense que tel sera le cas.

De manière plus générale et dans le prolongement de mes propos précédents, la filière industrielle des énergies renouvelables a besoin de soutien, non seulement par principe, mais parce qu'elle participe de notre souveraineté, en particulier de notre souveraineté énergétique. Nous continuerons donc à rechercher des solutions pour la soutenir.

Quant à l'entreprise Valeo, elle a en effet annoncé, à la mi-juillet, une réorganisation incluant la recherche de repreneurs pour trois sites, en particulier celui de Saint-Quentin-Fallavier à L'Isle-d'Abeau. Un dialogue s'est engagé avec les services de l'État afin de limiter les impacts économiques de cette réorganisation.

Contrairement à ce qui avait été envisagé initialement, Valeo a décidé, à l'issue de ce dialogue, de ne pas fermer le site de Saint-Quentin-Fallavier. Sur l'ensemble des sites concernés, des mesures d'accompagnement et de reconversion et des engagements fermes ont été pris par Valeo afin que les choses se passent de la meilleure manière possible. En l'occurrence, le site de Saint-Quentin-Fallavier fera l'objet d'un redimensionnement dont les critères et les paramètres sont en cours de discussion.

J'en viens au dossier Vencorex, sujet compliqué.

L'État a négocié et obtenu pour les salariés du site, auprès de l'actionnaire thaïlandais PTT Global Chemical (PTTGC), une indemnité supralégale de 40 000 euros, qui a été acceptée par l'ensemble des organisations syndicales. Pour une entreprise en redressement judiciaire, ce montant important est presque inédit ; il est en tout cas assez rare.

Vous avez soulevé la question de la continuité de l'activité industrielle en amont et en aval du site. Nous sommes soucieux en particulier de pérenniser l'activité de la mine de sel, mais également l'activité de gestion de la plateforme du Pont-de-Claix, qu'assumait jusqu'à présent Vencorex.

Sur ces deux sujets, les services de l'État sont mobilisés. J'ai bien pris connaissance de l'hypothèse que vous avez formulée et je vous propose, madame la sénatrice, que nous continuions d'en discuter. Nous avons en tout cas lancé une démarche de recherche d'un repreneur pour la mine de sel. En ce qui concerne la gestion de la plateforme, la méthode est plus coopérative, dans la mesure où cette activité engage l'ensemble des entreprises concernées.

Là encore, l'État essaie de jouer un rôle d' " ensemblier " et je serais heureux de partager avec vous les informations dont je dispose.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.

M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, je souhaite apporter mon témoignage sur la portée significative du dispositif Territoires d'industrie dans ce département à la fois très rural et très industriel qu'est l'Ariège.

Si la première labellisation, sur la période 2018-2022, y a eu une portée très faible, le dispositif permet, depuis son renouvellement l'an passé, de soutenir plus puissamment les ambitions industrielles de ce territoire.

Ce changement de braquet résulte tout d'abord du soutien en ingénierie, qui a pris la forme du financement de postes de chef de projet ; cet apport significatif a permis au programme de s'imposer aux acteurs de l'écosystème industriel local. C'est la chambre de commerce et d'industrie (CCI) qui assure cette mission de chef de projet Territoires d'industrie, ce qui facilite grandement l'orchestration des interventions de l'ensemble des acteurs concernés, chacun dans son domaine d'expertise.

L'autre facteur déclenchant a été l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) " Rebond industriel ", véritable " booster " dans cette nouvelle séquence du dispositif Territoires d'industrie.

D'une part, 150 jours d'ingénierie financés par l'ANCT ont permis d'établir très rapidement un état des lieux des enjeux et des projets industriels et de faire en sorte que l'ensemble des acteurs s'accordent sur une feuille de route industrielle partagée.

D'autre part, une enveloppe de 1,5 million d'euros a été dédiée à une sélection de projets industriels locaux structurants qui, dans le contexte actuel, n'auraient pu, à défaut d'un tel financement, être engagés.

Comme indiqué dans l'axe 2 des recommandations du rapport de notre commission, ces résultats concrets plaident pour la pérennisation du soutien en ingénierie, prérequis pour le bon fonctionnement du dispositif.

Ma question porte sur le point sensible des aides aux projets industriels dans les territoires d'industrie. Est-il envisageable de sanctuariser des enveloppes financières dans ces territoires, à l'instar de ce qui a été fait avec l'AMI " Rebond industriel ", afin d'accompagner les projets structurants d'investissement productif de nos PME qui ne peuvent pas être soutenus dans le cadre du plan France 2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous m'invitez, sous l'angle des moyens, à faire un bilan des premières phases du programme, et peut-être également à élargir ma réponse au dispositif spécifique des missions " Rebond ", que vous avez évoqué.

Des résultats ont été obtenus. En ce qui concerne les réseaux de chefs de projet, 153 chefs de projet sont d'ores et déjà en fonction ou en voie d'être recrutés, ce qui représente 6,7 millions d'euros de financements mobilisés.

Je pense également au développement des programmes de soutien en ingénierie visant à accélérer en particulier le déploiement des projets les plus complexes. Les crédits ANCT, à hauteur de 2 millions d'euros, ont ainsi permis la réalisation de dix-sept missions d'ingénierie.

Se pose enfin la question du soutien financier aux projets, et en particulier aux projets qui sont exemplaires en matière de transition écologique : 63 millions d'euros y ont été consacrés en 2024.

Notre souhait – la question est évidemment en suspens du point de vue budgétaire compte tenu de l'incertitude du moment – est de poursuivre cette dynamique.

Nous devons aussi faire le bilan des dispositifs bien particuliers que sont les missions " Rebond ".

Ces missions avaient vocation à soutenir la réindustrialisation de territoires confrontés à des restructurations. Plutôt conçues comme des instruments de sortie de crise, elles ont atteint leurs objectifs et font l'objet de retours positifs de la part des élus et des industriels qui sont responsables des programmes.

Depuis le mois de novembre 2023, vingt et un territoires ont été accompagnés par des missions " Rebond industriel ", dont deux sont encore en cours ; dans ce cadre, près de 40 millions d'euros de subventions aux investissements ont ainsi permis de débloquer 413 millions d'euros d'investissements.

Nous devons évaluer collectivement ce dispositif de sortie de crise avant d'envisager de l'étendre à d'autres territoires et situations.

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Mme Marta de Cidrac. Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie a déjà largement achevé sa phase I.

Depuis le mois de novembre 2023, sa phase II est engagée et les sélections sont à ce jour terminées. Le montant est tout de même de près de 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable en cette période budgétaire contrainte.

La Cour des comptes s'est penchée sur l'exécution de la phase I, et ses conclusions ne sont pas tout à fait à la hauteur des attentes : sur la période 2018-2023, le programme est à l'origine de la création de 5 500 emplois seulement, soit 11% des créations d'emplois dans l'industrie, les 89 % restants ayant eu lieu – vous l'aurez compris – dans des territoires non labellisés.

Le programme a donc été impuissant à créer une véritable dynamique pour l'emploi industriel dans nos territoires, ce qui était pourtant son objectif initial.

Le dispositif Territoires d'industrie n'a pourtant pas manqué d'ambition, pas plus qu'il n'a été sous-doté ; il a simplement été mal piloté et mal exécuté, dilué sans distinction dans la masse des aides publiques à l'économie. Le 1,4 milliard d'euros de la phase I n'a pas aidé les territoires industriels qui sont dans le besoin, comme cela était prévu. Il est donc difficile, à l'heure du bilan et au-delà de vagues corrélations, d'établir de solides causalités.

Monsieur le ministre, pour la phase II, il y a lieu de corriger le tir en urgence ; à défaut, on risque de devoir de nouveau dépenser – j'ose le dire – à perte.

Comment envisagez-vous d'inscrire Territoires d'industrie dans une trajectoire d'efficience au bénéfice de tous nos territoires ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice, je ne partage pas tout à fait ce constat d'une inefficacité du programme en matière de création d'emplois.

Comme vous le savez, le programme a comporté deux " temps " bénéficiant chacun d'enveloppes bien différentes. Le premier s'est inscrit dans le cadre du plan de relance, pour des montants considérables.

Durant cette période, entre 40 000 et 50 000 emplois ont pu être associés au programme. Je fais très attention en utilisant ce terme d'" association ", afin de ne pas préjuger de l'existence d'un lien de causalité parfait entre les sommes qui sont consacrées au programme et les emplois créés. Reste que l'on peut tirer de ces chiffres le constat d'une certaine efficacité de la première phase du programme : 40 000 à 50 000 emplois générés, je le répète.

J'ai cité tout à l'heure d'autres chiffres, qui ont trait au nombre d'emplois créés rapporté au coût pour les finances publiques : ils sont relativement satisfaisants.

Vous avez évoqué par ailleurs le sujet du pilotage ou du manque de pilotage.

L'objet de notre débat de ce soir est précisément de trouver des solutions pour améliorer le programme Territoires d'industrie, car tout programme à dimension qualitative peut et doit être amélioré.

Nous avons échangé sur un certain nombre de propositions. Le rapport de votre commission des affaires économiques, dont je salue une nouvelle fois les auteurs, contient notamment des recommandations qui sont susceptibles d'aboutir à un meilleur pilotage, à condition de ne jamais cesser d'évaluer. Évaluer, cela signifie quantifier et adopter une approche coût-bénéfice, démarche d'autant plus nécessaire que, dans le contexte actuel, il est essentiel que les deniers publics ne soient pas dépensés à tort et à travers.

Je souhaite donc que nous tirions de nos échanges et de l'analyse du rapport un certain nombre de recommandations, en matière de pilotage et de gouvernance notamment.

M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.

Mme Martine Berthet. Ma question porte sur les écoles de production.

Celles-ci ont connu un vif succès dans le cadre des territoires d'industrie : vingt-cinq écoles, sur les soixante-dix existant à ce jour, y ont été créées depuis 2021.

Par leur formation technique ciblée, effectuée pour deux tiers en atelier, ces écoles répondent en effet de manière efficace aux besoins des industries locales.

Nombre d'entre elles ont bénéficié pour leur création de l'appel à manifestation d'intérêt « Écoles de production », ainsi que de contributions de la part des collectivités locales, y compris, dans certains cas, de la région.

Cependant, leur soutenabilité financière est loin d'être évidente : les recettes issues de la taxe d'apprentissage et des ventes des productions des élèves ne suffisent pas à couvrir leurs frais de fonctionnement ; de ce fait, la subvention versée par l'État est rendue cruciale.

L'actuelle convention de financement pluriannuelle signée avec le ministère du travail court jusqu'en 2025. Est-il prévu de la renouveler, voire de pérenniser la part " État " du financement des écoles de production ?

Il pourrait être opportun également de prévoir à cette occasion un accompagnement financier renforcé des écoles de production pendant leur période d'amorçage, le temps de la montée en charge des effectifs et des commandes.

En outre, les écoles de production accueillent le plus souvent des jeunes peu adaptés au système scolaire classique, ou qui en étaient sortis, ainsi que des jeunes " fragiles ".

Or, pour ces derniers, qui sont souvent issus de milieux très modestes ou qui sont sous statut protégé, le coût du logement, et même celui des produits de première nécessité, peut être un obstacle à la poursuite de la formation.

Comment mieux les accompagner sur ce point, pour permettre aux écoles de production de jouer à plein leur rôle de cohésion sociale ? Est-il envisageable, par exemple, de donner aux jeunes accueillis dans ces structures le statut d'apprentis ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Je vous remercie beaucoup, madame la sénatrice, d'attirer notre attention sur ce sujet, qui me tient particulièrement à cœur.

J'ai moi-même participé à l'élaboration de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a donné une reconnaissance aux écoles de production ; et je crois profondément que cette troisième voie entre les CFA et les lycées professionnels correspond à des publics qui ont besoin d'apprendre leur métier autrement.

Cette voie, nous devons la soutenir, parce qu'elle produit des résultats.

Le sujet du financement concerne évidemment l'État, qui représente entre 25% et 30% des ressources des écoles de production. Vous avez évoqué la taxe d'apprentissage ; je veux citer également la Banque des territoires, qui verse des aides, ainsi que les collectivités.

Grâce au programme Territoires d'industrie, un coup de projecteur a été donné sur les écoles de production. Si les effectifs restent modestes – c'est le sens même de la pédagogie de ces écoles que de fonctionner en effectifs réduits pour s'adapter à des publics qui, je l'ai dit, ont besoin d'apprendre autrement –, le nombre d'écoles de production a triplé depuis 2020. On en compte soixante et onze à ce jour et nous avons pour objectif d'atteindre les cent écoles à la fin de l'année 2026.

Pour ce faire, nous avons besoin de sécuriser les financements. J'ai prévu d'en discuter avec mes homologues concernés, en particulier avec la ministre du travail et avec la ministre de l'éducation nationale, afin que nous coordonnions nos actions.

Soyez-en assurée, madame la sénatrice, mon soutien personnel à ce dispositif va perdurer.


Source https://www.senat.fr, le 20 janvier 2025