Texte intégral
SERGE CIMINO
Bonjour, Monsieur le ministre. Merci d'être venu, ce matin. Vous apparteniez au Gouvernement BARNIER. Cette fois ci, vous êtes dans le gouvernement BAYROU. Vous n'avez pas été censuré. Votre réaction à cette censure rejetée hier ?
THANI MOHAMED SOILIHI
C'est le travail qui continue. Je suis à la tâche, le Gouvernement est à la tâche. Les Français ont besoin de stabilité. Ils le manifestent régulièrement. Et le Premier ministre qui a eu, lors de sa déclaration de politique générale, une certaine hauteur dans ses propos, avec une attitude respectueuse pour les élus, pour les Français et avec nous, avec son Gouvernement, à la tâche et nous allons tout faire pour plus de stabilité et travailler, en tout cas au profit des Françaises et des Français.
SERGE CIMINO
Pour obtenir cette non-censure, pour l'instant des socialistes, il a fallu, quand même, vous disiez qu'il a pris de la hauteur, le Premier ministre. Il a, quand même, lâché du lest sur un certain nombre de sujets. On ne va pas tous les aborder. Mais il y a une actualité, aujourd'hui, c'est la première rencontre du ministre avec les partenaires sociaux, comme on dit, syndicats, patronat, pour lancer la nouvelle négociation de la réforme des retraites. Est-ce que cela, ce n'est pas une énorme concession, même si ce n'est ni la suspension ni l'abrogation ? Est-ce que le jeu en valait la chandelle pour obtenir cette non-censure ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Je pense qu'il est utile de rappeler que nous nous trouvons, dans la Cinquième République, dans une situation sans précédent. Jusqu'ici, schématiquement, il y avait une majorité qui se dégageait et qui se suffisait avec quelques alliances pour pouvoir gouverner le pays. La situation est sans précédent, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun bloc qui est majoritaire, mais trois blocs très schématiquement. Et ça suppose quoi ? Cela suppose de parvenir à des compromis, à des discussions. Il faut discuter avec ces trois blocs, encore une fois, pour l'intérêt des Français. Et c'est ce que le Gouvernement et le Premier ministre, allons faire dans les semaines et les mois à venir.
SERGE CIMINO
Oui mais dans le précédent Gouvernement auquel vous apparteniez, vous étiez secrétaire d'Etat mais le même secteur, monsieur BARNIER s'est plutôt tourné vers le Rassemblement National. Pourquoi François BAYROU, lui, décide de travailler plutôt, pas avec l'ensemble de la gauche, on l'a compris mais plutôt du côté des socialistes. Qu'est-ce qui a changé dans ces deux Premiers ministres que vous avez connu, un brièvement, puisqu'il n'a fait que 90 jours, onze jours, et François BAYROU qui, lui, peut-être obtenu un sursis. Qu'est-ce qui a changé ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Les Premiers ministres ne partent pas d'emblée en disant " Je vais négocier, je vais discuter avec tel ou tel groupe politique ". La main est tendue à tous les groupes politiques. Il y en a qui sont dans le dialogue et ici, moi, j'étais socialiste. Et dans le groupe socialiste, on promu beaucoup la discussion, le dialogue, tout ça fonctionne. Aujourd'hui, vous l'avez vu, les discussions ont débuté avec les partenaires sociaux. Et à l'issue, dans la mesure où le résultat va permettre d'équilibrer notre situation et maintenir la compétitivité de la France, eh bien, comme l'a promis le Premier ministre. Nous légiférons en conséquence.
SERGE CIMINO
Alors, vous parliez des retraites, justement, aujourd'hui à 11 h, c'est la première rencontre. On va dire, le moment fondateur. Dans l'opposition, en particulier, les insoumis disent que cette réouverture des négociations, je cite " C'est de l'enfumage ". Est-ce qu'on ne connaît pas déjà le résultat, c'est-à-dire, si personne ne se met d'accord, et même si ça revient au Parlement, c'est la réforme de 2023 qui va s'appliquer. Est-ce que ce n'est pas du temps gagné ou est-ce que vous pensez, clairement, que ce Gouvernement veut renégocier la réforme de 2023 sur les retraites ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Discuter avec les forces politiques en présence pour dégager une solution positive pour notre pays, c'est plutôt quelque chose de bien. Et vous l'avez vu, ces discussions vont s'insérer dans un délai très réduit. Et les choses vont…
SERGE CIMINO
Il faut rappeler qu'il y a une mission flash demandée à la Cour des comptes, dans quelques semaines, pour avoir les vrais chiffres.
THANI MOHAMED SOILIHI
Voilà. Et ensuite, un conclave avec de la transparence sur les résultats qui seront fournis par la mission flash de la Cour des comptes. Et les choses sont ouvertes, sont transparentes. Donc…
SERGE CIMINO
Ça veut dire qu'on peut arriver à la fin, éventuellement, à un changement sur l'âge de départ à la retraite ou des aménagements autour de la pénibilité, la carrière hachée des femmes, ou est-ce que vraiment le Premier ministre considère qu'on peut revenir... Il dit qu'il n'y a pas de tabou, mais bon, ça, c'est une expression, qu'on peut revenir sur l'âge de départ à la retraite ? Il y a beaucoup de Français qui s'attendent à ça.
THANI MOHAMED SOILIHI
Seules les discussions vont le révéler.
SERGE CIMINO
Ce n'est pas écrit depuis le début. Vous pensez qu'il y a une vraie négociation ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Bien sûr, évidemment.
SERGE CIMINO
Alors on va à Mayotte. Vous connaissez bien, vous venez là-bas. Vous étiez, jusque-là, sénateur mahorais. Il y a une première loi d'urgence qui est passée devant la Commission à l'Assemblée nationale. C'est très important, cette loi d'urgence. Ça permet quoi de reconstruire, justement, comme son nom l'indique, dans l'urgence ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Cette loi va permettre de réagir très rapidement. L'État a été au rendez-vous face à cette catastrophe sans précédent. Cette première loi d'urgence va permettre d'écraser les procédures et notamment les délais dans la construction et d'agir rapidement, répondre aux urgences, la reconstruction des écoles, la reconstruction des logements, la reconstruction d'un certain nombre d'infrastructures, avec aussi des mesures économiques qui sont mises en avant.
SERGE CIMINO
Juste une question là-dessus. J'interrogeais, hier, le ministère de l'Outre-mer, Manuel VALLS. On n'a pas encore le véritable coût de cette loi d'urgence. Vous avez une idée, vous, de ce que ça va représenter comme investissement ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Je pense que le coût sera plutôt déterminé dans le cadre de la seconde loi qui va être votée, d'ici 3 mois, une loi de programmation, où on va prendre un peu plus de temps pour savoir ce que l'on fait au tel délai. Mais pour l'instant, ce projet de loi qui a été voté en commission des lois de l'Assemblée nationale et qui va passer en séance et puis une lecture au Sénat, en est à ses débuts. Et là aussi, le débat, le dialogue est ouvert.
SERGE CIMINO
Alors vous parliez de la deuxième loi. Est-ce que cette deuxième loi intégrera une nouvelle réforme du droit du sol à Mayotte ? Quelle est votre position là-dessus ? Est-ce que le Premier ministre considère qu'il faut réformer à Mayotte le droit du sol, voire l'interdire, comme le disent certains ?
THANI MOHAMED SOILIHI
Dans cette seconde loi, il faudra parler de l'immigration, parce que l'immigration clandestine empêche Mayotte de se développer. Lorsque vous avez plus de personnes que de services publics, par exemple, l'école, par exemple, les hôpitaux, on ne peut pas fonctionner comme cela. Et donc, on va devoir parler de l'immigration. Vous invoquez le droit du sol, vous savez que j'ai été celui qui a travaillé sur ce sujet depuis 2016 avec une avancée en 2018. Donc pour vous dire que ça n'a jamais été un tabou pour moi, ça ne le sera pas. Il me semble néanmoins qu'il faut faire le bilan des dispositions de 2018 pour savoir sur ce sujet très précis, très important, très sensible, qu'est-ce qu'on fait.
SERGE CIMINO
Donc nous suivrons ce dossier avec, je le rappelle, vous l'avez dit, cette nouvelle loi, à priori, dans les 3 mois. Et on terminera cet entretien là-dessus. Je vous remercie d'être passé, monsieur le ministre, et bon courage pour une éventuelle prochaine motion de censure peut-être autour du budget. Nous en reparlerons à ce moment-là.
THANI MOHAMED SOILIHI
Nous sommes à la tâche.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 janvier 2025