Texte intégral
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Antoine COMTE, l'interview politique de la matinale et vous recevez, ce matin, François-Noël BUFFET. Bonjour monsieur BUFFET,
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Bonjour,
JEAN-BAPTISTE MARTEAU
Vous étiez auparavant ministre des Outre-mer. Vous avez reçu dans ce cadre-là à Télématin pour les cadets. Vous êtes, désormais, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, ministre délégué à l'intérieur. C'est parti pour l'interview politique dans La Matinale.
ANTOINE COMTE
François-Noël BUFFET, bonjour, merci d'être là, avec nous, ce matin, sur France Info Tv. Cela fait seulement deux jours que Donald TRUMP est de retour au pouvoir aux Etats-Unis. Il menace déjà l'Europe de la soumettre à des droits de douane plus importants. Est-ce que ça ne vous inquiète ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Pas plus que cela. Je pense que, par contre, cela nous oblige et ça oblige la France, bien sûr, mais l'Europe elle-même à faire corps et à résister à ces mouvements d'annonces, en tous les cas, pour l'instant. Mais ça va peut-être nous réveiller, ce qui est une bonne chose.
ANTOINE COMTE
Alors venons en France. Vous étiez, on l'a dit, ministre des Outre-mer avant de rejoindre la place Beauvau, et c'est vous qui êtes à l'origine du texte pour l'urgence sur Mayotte, actuellement débattue du côté du Parlement, Un texte qui ne fait pas l'unanimité, notamment du côté des insoumis. La France insoumise, qui vous reproche, je les cite, de proposer une reconstruction de l'archipel au rabais. Qu'est-ce que vous leur répondez, ce matin ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je pense qu'ils sont dans la polémique et qu'ils se trompent. Le premier texte que nous avons préparé et que j'avais préparé après les événements, il est destiné simplement à assouplir les procédures administratives pour permettre de gagner du temps sur tous les délais que nous aurons à affronter, notamment dans la période de reconstruction de Mayotte. Donc, il est fait pour ça et il est fait aussi pour créer un établissement public particulier, type Notre Dame, pour faire très clair, de façon à ce que nous ayons une équipe opérationnelle pour reconduire Mayotte. C'est une première étape. Cette première étape est absolument nécessaire juridiquement pour que l'on ait les outils les plus opérants possibles. On s'est inspiré de ce qui avait été fait après les émeutes de 2023, ou y compris pour Notre Dame, d'ailleurs. Et puis, il y a un deuxième texte, c'est celui-là qui va construire le projet pour Mayotte.
ANTOINE COMTE
Porté par Manuel VALLS hein ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Qui sera porté par le ministre, effectivement, qui est nouveau ministre de l'Outre-mer, qui va porter sur ce sujet-là, multi critères multifactorielles, multi projet.
ANTOINE COMTE
Est-ce que cela n'était pas suffisant, n'était pas…
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non parce que nous étions dans l'urgence extrême. Je rappelle que juste après Chido, c'est la semaine d'après, la semaine suivante que nous construisons ce texte, que le Conseil d'État donne son avis et qu'il est débattu, aujourd'hui même. On est dans l'ordre, ce n'est pas anormal, on est dans l'ordre. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. On réduit les délais, on donne les outils juridiques pour pouvoir mener, maintenant, le projet de reconstruction. Il faut le réfléchir. Il faut être honnête aussi, c'est-à-dire qu'on ne va pas pouvoir reconstruire Mayotte en six mois, ce n'est pas vrai.
ANTOINE COMTE
Mais en deux ans, ce sera possible pour deux ans ? Ça semble très ambitieux.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est très ambitieux, il faut avoir cette ambition-là, le Premier ministre le souhaite. Il y aura une équipe dédiée autour de cet établissement public qui a été mis en place et qui va pouvoir agir vite. Et l'objet du texte, aujourd'hui, c'est permettre la vitesse de reconstruction.
ANTOINE COMTE
Un mot sur votre nouveau portefeuille. Vous êtes donc ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, et vous avez relancé, lundi, le Beauvau de la sécurité civile et vous avez parlé d'un projet de loi, d'ici le mois de juin 2025, le mois de juin de cette année, un projet de loi pour quoi faire ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
C'est une procédure qui avait déjà été engagée précédemment, que je continue…
ANTOINE COMTE
Par Gérald DARMANIN.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Voilà. Que je continue de façon à essayer de déterminer ce que sera la sécurité civile pour l'ensemble de nos compatriotes, d'ici une dizaine d'années. C'est ça l'enjeu. On a des enjeux de matériels, on a des enjeux de personnels, on a des enjeux de statut. Imaginez, par exemple, il faut le savoir, que nos pompiers n'interviennent comme sur des feux véritablement, que dans 6% des cas, que les quatre, ce qui reste, c'est du temps d'intervention pour du secours à la personne relativement classique, j'allais dire. Or, il faut qu'on ait une organisation qui nous permette de bien tenir compte de ces évolutions. Par ailleurs, on a le sujet des pompiers professionnels et des pompiers volontaires qui sont très majoritaires dans des questions de statut. Et puis j'invite, puisque j'entendais le sujet que vous aviez tout à l'heure sur le SAMU, j'invite à aller voir le Centre de gestion des appels téléphoniques de Haute Savoie. J'y étais lundi, c'est absolument formidable ce qu'ils font depuis 20 ans. Les temps d'intervention sont extrêmement rapides. Les gens, on répond très vite au téléphone. Ils sont pris en charge, orientés selon la difficulté. Véritablement, c'est un modèle. Je voudrais saluer le président SADDIER, qui a mis en place…
ANTOINE COMTE
Le but, c'est de le généraliser dans toute la France ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Le but, franchement, c'est d'inciter tout le monde de s'inspirer de cela. Et s'il faut les obliger, on les obligera un peu, mais vraiment, c'est un exemple.
ANTOINE COMTE
François-Noël BUFFET un mot sur Bruno RETAILLEAU qui a déclaré, hier chez nos confrères de L'Express, qu'il ne voyait pas pourquoi, je le cite " L'Etat devrait continuer à financer les associations qui luttent contre la politique que souhaite le peuple français ". Il cible directement les associations qui viennent en aide aux migrants comme la CIMADE. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y a une question qui est posée. Elle est réelle, ça fait longtemps qu'on l'a identifié. C'est le fait que nous avons, notamment dans nos centres de rétention, des associations qui interviennent pour assister les migrants. C'est normal, c'est ce n'est pas discutable, c'est normal, c'est nécessaire. Il faut les accompagner, il faut leur donner les voies de droit qui sont utiles pour eux. Il n'y a aucun doute là-dessus. Et puis, vous avez une partie des associations et pour cela, elles sont souvent dans une situation de délégation de service public, c'est-à-dire payées par l'Etat, ce qui est logique puisqu'on offre ces aides. Et puis, par ailleurs, à côté, il y a une activité qui consiste à contester les décisions de l'Etat. Je crois qu'on a besoin simplement de clarifier les choses. Personne n'est de mauvaise foi.
ANTOINE COMTE
Il ne s'agit pas de leur couper les vivres, ce n'est pas ce que vous dites ? Bruno RETAILLEAU dit ça.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Non, il faut clarifier les choses avec eux. Chacun sa mission, que les missions soient bien claires de façon à ce qu'on n'ait pas de risque de conflit d'intérêts. Je les connais toutes, je sais toutes comment elles travaillent. Il est vrai que certaines font très bien le travail, d'autres, il y a peut-être des écarts qu'il faut reprendre. Mais dans tous les cas, sur le principe, il y a bien longtemps que j'ai discuté avec Bruno RETAILLEAU de tous ces problèmes d'immigration que je suis depuis des années au Sénat et que je connais par coeur. Il y a besoin de clarifier les choses. Voilà, c'est très important que chacun soit bien conscient de ce qu'il doit faire.
ANTOINE COMTE
Un mot donc sur ces déclarations, ces prises de position personnelles de nombreux ministres au sein de ce Gouvernement, comme, par exemple, Bruno RETAILLEAU, hier soir encore, on a l'impression que ça crée une forme de cacophonie générale. Vous le regrettez ? Chacun s'exprime un peu de son côté, donne ses positions personnelles. On a l'impression que François BAYROU ne gère pas directement ses ministres.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Il y a une volonté du Premier ministre de laisser chacun d'entre nous pouvoir s'exprimer librement, sans relecture. Cela a été évoqué tout à l'heure, d'interview ou autre. Je crois que c'est, d'abord, une marque de confiance, il faut la saluer. Ce n'est pas qu'avec Michel BARNIER, il n'y avait passé de confiance, mais il fonctionnait différemment. Ensuite, il faut que chacun se… J'allais dire s'autopilote, et n'oublie pas, ni les uns ni les autres, moi-même le premier, que nous appartenons à une équipe gouvernementale et qu'on a tout intérêt, préalablement quand même, à se parler et à échanger ensemble. Cela me paraît beaucoup plus profitable.
ANTOINE COMTE
Justement, un exemple très récent de cette cacophonie gouvernementale. C'était, hier, avec la sortie de la ministre du Travail et de L'emploi, madame Astrid PANOSYAN-BOUVET, qui souhaite, elle, taxer les retraités les plus aisés pour financer le budget de la Sécurité sociale. Est-ce que vous soutenez cette proposition ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
J'ai été assez surpris de celle-ci. Ça fait partie de ce que l'on vient d'évoquer. Ça n'a jamais été discuté au sein du Gouvernement à ce stade.
ANTOINE COMTE
Donc là, c'est une proposition personnelle ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Oui, elle l'a dit, elle l'a redit. Tant mieux, on aura le débat. En revanche, sur le fond et sur le principe, je suis plutôt extrêmement réservé sur le fait qu'on taxe encore les Français, et d'une façon générale, au-delà de ce principe.
ANTOINE COMTE
Même les plus aisés ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Au-delà de ce principe-là. Et puis, il y a le sujet de taxer travail et la question qui se pose, est-ce que tous les retraités ont cotisé pour pouvoir percevoir leur retraite ? Donc, faisons d'abord le maximum d'effort sur les dépenses, la limitation des dépenses et les réformes structurelles qui vont générer des économies. Et, ça, c'est, à mon avis, essentiel et reportant, à plus tard, les taxations nouvelles. Je crois que quand vous allez dans la rue, j'ai vu beaucoup de monde ces derniers temps. Les gens ont besoin de stabilité. Nos compatriotes ont besoin de stabilité et ont besoin de dire : " On a besoin de souffler par ce pouvoir d'achat ".
ANTOINE COMTE
François-Noël BUFFET, un dernier mot rapide sur le texte de Fin de vie. François BAYROU a annoncé, hier, qu'il souhaitait scinder en deux parties le texte, d'un côté sur les soins palliatifs, un texte sur les soins palliatifs et de l'autre côté, un texte sur l'aide active à mourir. Le député MoDem, qui soutient François BAYROU, Olivier FALORNI, lui, dit que ce n'est pas du tout une bonne idée. Il reproche, en tout cas, il sous-entend vouloir abandonner la question d'euthanasie. Qu'est-ce qu'il en est ? Comment vous comprenez le positionnement de François BAYROU ?
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Je pense que c'est un peu une position qui est très Intéressante parce que ce texte crispait tout le monde. Et dans ce texte, la partie euthanasie, comme vous l'évoquez, c'est vraiment une question extrêmement personnelle. Alors que tout le monde est d'accord sur la partie soins palliatifs, renforcement des moyens et accompagnement des malades. Tout le monde est d'accord là-dessus.
ANTOINE COMTE
Donc, il sera sans doute voté
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
. C'est très bien et tant mieux, mais il faut l'améliorer. Et puis, le texte Fin de vie au sens de l'euthanasie, je crois qu'il faut avoir un débat spécifique et chacun dans sa conscience décidera. Mais n'imposons rien ou n'essayons pas d'imposer aux uns et aux autres des choses qui sont aussi importantes que celles de la mort.
ANTOINE COMTE
Merci François-Noël BUFFET.
FRANÇOIS-NOËL BUFFET
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2025