Texte intégral
JULIEN ARNAUD
Merci d'être avec nous ce matin, Éric LOMBARD. Bonjour.
ÉRIC LOMBARD
Bonjour, Julien ARNAUD.
JULIEN ARNAUD
Pour confirmer ou démentir peut-être tous ces ballons d'essai dont on vient de parler, peut-être commençons par la carte grise. Est-ce que c'est vrai que le plafond des soixante euros va devenir un plancher ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, c'est aux mains du Parlement et c'est un sujet qui regarde les régions. Mais je veux rebondir tout de suite sur ce qu'ont dit les Français dans le sondage. Ils ont raison. Ils ont raison. On ne va pas augmenter les impôts des familles. On ne va pas augmenter les impôts des ménages.
JULIEN ARNAUD
Ça, c'est une annonce que vous nous faites ce matin. C'est garanti ?
ÉRIC LOMBARD
C'est une confirmation. Il y a des hausses d'impôts qui ont été faites dans les années passées. On va vraiment s'en tenir là.
JULIEN ARNAUD
Jusqu'à quand ?
ÉRIC LOMBARD
On doit régler dans l'urgence le budget de cette année.
JULIEN ARNAUD
Donc, c'est un engagement pour cette année.
ÉRIC LOMBARD
Oui, mais l'engagement à plus long terme, c'est quoi ? C'est d'abord qu'il faut baisser les dépenses de l'État et de la Sécurité sociale parce que c'est ça qui a beaucoup augmenté. Et si elles augmentent, il faut bien qu'on augmente les ressources pour les financer. Cette année, on va s'appuyer sur les entreprises, sur les grandes entreprises, sur lesquelles il y a une surtaxe pour un an seulement pour les très grandes entreprises.
JULIEN ARNAUD
Ça, c'est un changement. Ça devait être deux ans dans la version du Gouvernement précédent.
ÉRIC LOMBARD
Dans la version du Gouvernement précédent, c'était deux ans puisqu'on veut donner un signal de soutien de nos entreprises. Puis, il y avait aussi une taxe sur les hauts revenus qui devait rapporter deux milliards d'euros. On va garder le principe d'une contribution des hauts revenus, des hauts patrimoines. Tout cela est en débat sans augmentation. C'est sur les grandes entreprises et les hauts revenus que nous allons nous appuyer. On ne souhaite pas augmenter encore une fois les impôts des ménages, que ce soit les retraités ou les salariés.
JULIEN ARNAUD
Donc personne ne verra ces impôts augmentés. C'est l'annonce que vous nous avez faite ce matin dans les 4V, à l'exception des hauts revenus, via des luttes contre l'optimisation fiscale, si on a bien compris.
ÉRIC LOMBARD
Absolument, parce que nous sommes pour l'équité face à l'impôt. Mais il n'y aura pas d'augmentation d'impôt si le budget est voté. Je rappelle que le budget n'a pas été voté à cause d'une motion de censure qui est tout à fait légitime démocratiquement. Nous n'avons pas de budget. Le barème des personnes qui sont opposées n'a pas pu être ajusté. Donc, il est vraiment impératif que les parlementaires, c'est leur responsabilité, nous avons dialogué avec eux, c'est un budget qui a été profondément renouvelé à la suite du dialogue avec les partis politiques.
JULIEN ARNAUD
Et ça continue d'ailleurs.
ÉRIC LOMBARD
Et ça continue. Nous avons reçu 17 groupes et partis à Bercy, ma collègue Catherine VAUTRIN a fait de même sur la sphère sociale.
JULIEN ARNAUD
A quel moment, d'ailleurs, votre autre collègue, Astrid PANOSYAN-BOUVET, a compris qu'on allait peut-être faire payer davantage les retraités au-dessus d'un certain seuil de revenus ? Elle a été démentie assez vite.
ÉRIC LOMBARD
En réalité, on fait quelque chose de très innovant. On a confié la réforme éventuelle des régimes de retraite aux partenaires sociaux. Avec le Premier ministre, nous avons réuni autour de Catherine VAUTRIN, Astrid PANOSYAN-BOUVET, les partenaires sociaux, le patronat, les représentants des salariés, pour leur dire : « Vous n'êtes pas satisfait de la réforme des retraites telle qu'elle fonctionne. Vous avez des idées d'améliorations ».
JULIEN ARNAUD
Oui mais pourquoi elle fait cette sortie-là ? C'est ça qu'on a envie de comprendre. Ça ne sort pas de nulle part.
ÉRIC LOMBARD
Il y a des idées qui circulent. Ces idées sont dans le débat public, ce qui est normal. Moi, je vous confirme, en tant que responsable des comptes publics avec Amélie de MONTCHALIN, nous n'augmenterons pas les impôts des personnes. Je veux les rassurer.
JULIEN ARNAUD
Vous voulez rassurer les retraités, y compris au-dessus des 2 000 euros de pension. Il n'y aura pas de changement ?
ÉRIC LOMBARD
Il n'y aura pas de changement.
JULIEN ARNAUD
D'accord, c'est important. Vous avez parlé de Catherine VAUTRIN, elle a lancé une autre piste dont celle d'Axel de TARLÉ a parlé il y a quelques instants. C'est le travail gratuit, sept heures de plus sans être payé. Est-ce que cette piste, vous la retenez ou est-ce que vous l'écartez ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, cette piste, elle est en débat aussi avec les responsables politiques, avec les partenaires sociaux. Je veux quand même peut-être prendre un peu de distance par rapport à ces questions. Nous sommes dans une situation de déficit tout à fait sérieux. En 2024, le déficit, c'est un peu plus de 6% de la richesse nationale. Nous avons une dette qui est de plus de 3 000 milliards d'euros. C'est un problème pour toutes les Françaises et pour tous les Français. Nous ne voulons pas léguer cette dette à nos enfants. Donc, pour cela, il faut rééquilibrer nos finances publiques. J'ai pris l'engagement, j'étais avec nos partenaires européens au début de semaine à Bruxelles, de ramener ce déficit à 3% à l'horizon de 2029, donc sur un horizon de cinq ans.
JULIEN ARNAUD
Mais, donc, sur le travail gratuit.
ÉRIC LOMBARD
Et donc, pour cela, nous aurons besoin de baisser les dépenses. Nous aurons besoin d'être beaucoup plus rigoureux. Et puis s'il y a d'autres sujets qui émergent dans le débat public, nous verrons bien.
JULIEN ARNAUD
Donc, pourquoi pas ?
ÉRIC LOMBARD
Les partenaires sociaux sont saisis de cette question.
JULIEN ARNAUD
Ah ben, ils sont contre. Pour travailler gratuitement, les partenaires sociaux, je vous l'annonce, ils disent non.
ÉRIC LOMBARD
S'ils sont contre le Premier ministre arbitrera, mais je pense que nous ne le ferons pas.
JULIEN ARNAUD
D'accord. Et vous, votre souhait à vous ? Vous ne vous prononcez pas là-dessus.
ÉRIC LOMBARD
Mon souhait, c'est que, vous savez, ce Gouvernement n'a pas de majorité.
JULIEN ARNAUD
Oui.
ÉRIC LOMBARD
Ou une majorité relative. Et je remercie d'ailleurs les parties du socle commun qui nous soutiennent. Et donc, nous devons passer des compromis. Nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé avec le Parti Socialiste, qui a obtenu des bougées, comme on dit, et qui n'a pas voté la censure lors du dernier vote de censure.
JULIEN ARNAUD
Quel a été le prix de ces bougées, d'ailleurs ? Parce qu'il y a beaucoup de critiques, notamment de la droite. Ça coûte combien ? On entend deux-trois milliards. Vous confirmez ça ou pas ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, il y a d'abord des sujets qui sont des changements d'attitude. Le fait que la réforme des retraites soit soumise aux partenaires sociaux, ça, c'est une modification importante. Ça veut dire que cette réforme des retraites, elle doit être révisée.
JULIEN ARNAUD
Mais ça aussi, ça peut coûter beaucoup d'argent.
ÉRIC LOMBARD
Non, parce que, alors, pour le coup, dans ma responsabilité de ministre des Finances, j'ai demandé qu'on le fasse à l'intérieur du budget qui est fixé, et qu'on n'augmente pas les déficits. Vous avez compris qu'on a un problème de déficit. Et donc, nous sommes dans le dialogue. Et donc, il y a des sujets comme cela, il y a l'évolution de la taxe sur les hauts revenus que nous allons améliorer pour faire, effectivement, une lutte contre l'évasion fiscale, contre la suroptimisation fiscale, pour être plus précis.
JULIEN ARNAUD
Donc, trois milliards, c'est un chiffre que vous confirmez sur les concessions ?
ÉRIC LOMBARD
Non, je ne confirme pas ce chiffre parce que, vous voyez, nous avons dialogué avec le Parti socialiste. Nous avons surtout dialogué avec les partis du socle commun. Chacune et chacun a obtenu des avancées et moi, je ne vais pas arbitrer les élégances sur cette question.
JULIEN ARNAUD
Mais les socialistes, ils en veulent encore plus avancer. Vous avez entendu Patrick KANNER, le chef des socialistes au Sénat, qui dit : " Le compte n'y est pas ", il vous demande encore plus de concessions. Est-ce que vous êtes prêt à aller plus loin sur d'autres sujets ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, j'étais au Sénat hier. J'ai effectivement entendu le président du groupe, Patrick KANNER. Nous visons cette année un déficit qui serait de 5,4%, pardon, le je, technique, mais donc une forte réduction. Donc, nous n'avons plus beaucoup de marge de manoeuvre.
JULIEN ARNAUD
C'était 5 % pour Michel BARNIER. Vous, c'est 5,4.
ÉRIC LOMBARD
On assouplit pourquoi ? Parce que notre priorité, c'est de soutenir l'économie, soutenir la croissance. Et pour ça, on veut rassurer les entreprises, leur dire que le niveau de taxation sera réduit à ce qu'il est aujourd'hui. Et donc, pour cela, nous ne souhaitons ni augmenter les impôts, ni réduire trop brutalement non plus les sujets publics, dont les marges de manoeuvre sont effectivement limitées.
JULIEN ARNAUD
Donc, il n'y a plus de marge de manoeuvre pour lâcher encore un peu plus de lest aux socialistes, c'est ce que vous nous dites ce matin.
ÉRIC LOMBARD
En tout état de cause, nous allons dialoguer, mais encore une fois, dans un espace de négociation extrêmement réduit.
JULIEN ARNAUD
D'accord. Par exemple, quand ils vous demandent de revenir au remboursement à 100 % des arrêts-maladies sur les fonctionnaires, ça, c'est non ?
ÉRIC LOMBARD
Non, ça, le Premier ministre a été très clair là-dessus. C'est un alignement, d'ailleurs, avec ce qui se fait dans le privé. Donc, là, on aligne le privé sur le public, ce qui me semble de bonnes méthodes.
JULIEN ARNAUD
Quel est le calendrier pour le vote du budget ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, le Sénat doit voter très officiellement cet après-midi. Je serai évidemment présent. Puis ensuite, il y aura une commission entre les députés et les sénateurs.
JULIEN ARNAUD
Une commission mixte paritaire.
ÉRIC LOMBARD
Ça sera à la fin du mois. Et puis ensuite, le texte continuera en deuxième lecture au Sénat et à l'Assemblée nationale. Nous espérons un vote qui aura lieu au mois de février, vraiment le plus rapidement possible.
JULIEN ARNAUD
Début février ? La première quinzaine ?
ÉRIC LOMBARD
Ça sera probablement la première quinzaine. Ensuite, il y a les délais éventuellement, si le Conseil constitutionnel est saisi. Il faut que la loi soit publiée avant la fin du mois de février.
JULIEN ARNAUD
Vous avez eu des garanties sur le fait que les Socialistes ne votent pas aux côtés des Insoumis une éventuelle censure à l'occasion d'un éventuel 49.3 ?
ÉRIC LOMBARD
Alors, nous n'avons pas de garantie. Le Parti Socialiste reste dans l'opposition et donc, se déterminera et nous verrons bien. Les Françaises et les Français pourront regarder les positions prises par les uns et par les autres.
JULIEN ARNAUD
Alors, il y a une position qui a été prise récemment par quelqu'un qui compte, évidemment, dans le débat public sur l'un de vos sujets. C'est le budget des sports. Il n'y a pas de personne qui a pris position, c'est le président de la République lui-même. Parce que vous avez pris une fronde du mouvement sportif contre la baisse du budget des sports. Et le président de la République est sorti du bois pour dire : « Ils ont raison », donc, il joue un peu contre votre camp, en tout cas. Est-ce que vous allez renoncer à cette coupe budgétaire ou pas ?
ÉRIC LOMBARD
Le président de la République, il ne joue jamais contre son camp. On a entendu l'expression des sportifs et des sportives. Vous avez compris qu'on est dans un moment où on a beaucoup de contraintes pour faire atterrir ce budget. Nous avons des priorités. Nous avons les Outre-mer. Nous avons les questions de sécurité. C'est en fait aux parlementaires, dans la commission mixte paritaire, de décider de leurs priorités. Je suis certain que la voix des sportifs sera entendue, mais encore une fois, c'est bien les représentants des élus qui vont décider.
JULIEN ARNAUD
Vous souhaitez qu'elles s'entendent. Parce que les sénateurs, eux, ils sont revenus sur cette coupe.
ÉRIC LOMBARD
Oui, on a eu une très belle année olympique en 2024. Ces JO de Paris, c'est un grand succès.
JULIEN ARNAUD
Donc, il ne faut pas baisser le budget du ministère du Sport ?
ÉRIC LOMBARD
Il faut être attentif au niveau de la baisse.
JULIEN ARNAUD
En gros, d'accord. On était parti de 900 millions. C'est descendu jusqu'à 600 millions. Ce sera entre les deux, quoi.
ÉRIC LOMBARD
Je ne veux pas négocier le budget avec vous. Cette matinée commençait bien.
JULIEN ARNAUD
Mais non, vous négociez avec le président de la République. C'est un interlocuteur coriace, aussi.
ÉRIC LOMBARD
Encore une fois, c'est les parlementaires qui vont décider.
JULIEN ARNAUD
Bon, ça ne vous a pas posé problème, cette prise de parole ? Ça ne vous a pas agacé ?
ÉRIC LOMBARD
Non, bien sûr que non.
JULIEN ARNAUD
Il y a dans cet objectif donc vous nous avez parlé sur le vote du budget, il y a aussi un contexte économique intérieur dont vous nous avez parlé, qui est difficile, qui est tendu, avec ces déficits et il y a un contexte économique extérieur. Donald TRUMP est arrivé à la Maison Blanche. Et on voit qu'évidemment, il menace de toutes parts, avec notamment les droits de douane. Est-ce que sa politique, de votre point de vue, elle risque fort de faire mal à l'économie française ou pas ?
ÉRIC LOMBARD
Je crois qu'il faut se rendre compte qu'on est dans un monde qui est devenu beaucoup plus difficile et beaucoup plus dangereux. Et ça ne date pas de l'époque de Donald TRUMP. Il y a une concurrence très agressive de la Chine. Et effectivement, il peut y avoir des mesures prises par les États-Unis sur lesquelles il faut qu'on reste très calme, parce que l'Union européenne dispose des mêmes armes. Et puis fondamentalement, Donald TRUMP est quelqu'un qui aime négocier. Alors, il négocie durement, mais il négocie pour avoir un accord. Donc, on attend de voir, et on en parlait aussi avec nos partenaires européens, ce que le Président américain va faire. Nous répondrons avec le même niveau, avec les mêmes armes, avec tranquillité.
JULIEN ARNAUD
C'est-à-dire que s'il dit – je dis n'importe quoi - mais 10% de droits de douane ou 20% de droits de douane, vous dites : « Les Américains aussi, à ce moment-là, 10%, 20% de droits de douane » ?
ÉRIC LOMBARD
On va réfléchir. Il y a d'autres armes qui sont possibles et puis on va aussi discuter.
JULIEN ARNAUD
Comme quoi ?
ÉRIC LOMBARD
Il y a les sujets fiscaux sur lesquels nous avons des désaccords. Et puis encore une fois, moi, je pense qu'il faut qu'on dialogue. Alors, est-ce qu'on dialogue après avoir pris des décisions sur les droits de douane ? Est-ce qu'on dialogue avant ? Tout ça, c'est des questions qui sont aussi un peu tactiques.
JULIEN ARNAUD
Il ne faut pas trop montrer son jeu pour l'instant, c'est ce que vous nous dites.
ÉRIC LOMBARD
C'est ce que vous comprenez et on a passé toute une soirée avec mes homologues européens et la Commission.
JULIEN ARNAUD
Et vous étiez d'accord avec le ministre allemand ? Parce que souvent, la France et l'Allemagne ne sont pas d'accord là-dessus.
ÉRIC LOMBARD
C'est extrêmement important que nous soyons d'accord. Et donc, nous construisons, c'est aussi comme l'édition avec le Parlement, nous construisons chaque jour un accord. En tout cas, j'ai eu déjà un lien avec mon homologue allemand. Il n'y a pas d'ailleurs que nous qui avons parfois des événements politiques. Vous savez que les Allemands auront des élections dans les jours qui viennent. Mais il y a une continuité de la position allemande, il y a surtout une continuité de l'exigence d'avoir un accord avec nos ennemis allemands pour que l'Europe avance mieux.
JULIEN ARNAUD
Pas d'augmentation d'impôts pour les particuliers et pas de baisse non plus de la retraite pour les retraités ce matin qui se posaient beaucoup de questions de plusieurs jours. C'est ce que vous nous avez annoncé ce matin, Éric LOMBARD. Merci beaucoup d'être venu dans les 4V.
ÉRIC LOMBARD
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 janvier 2025