Interview de M. Éric Lombard, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à TF1 le 31 janvier 2025, sur le budget pour 2025.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Adrien GINDRE.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Bruce.

BRUCE TOUSSAINT
L'événement ce matin, vous recevez le ministre de l'Economie et des Finances, Éric LOMBARD.

ADRIEN GINDRE
Bonjour Éric LOMBARD.

ÉRIC LOMBARD
Bonjour Adrien GINDRE, bonjour Bruce TOUSSAINT.

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Un compromis sur la partie recette du budget a été trouvé hier soir entre députés et sénateurs. Ils vont discuter ce matin de la partie dépenses. Est-ce qu'il y aura à votre avis un accord complet dans la journée ? Est-ce que vous êtes confiant ?

ÉRIC LOMBARD
D'abord je l'espère parce que les agriculteurs viennent de le dire, nous avons besoin d'un budget. Les Françaises et les Français ont besoin d'un budget. Alors les échos que j'ai, le Gouvernement ne participe pas à des réunions entre les députés et les sénateurs.

ADRIEN GINDRE
Ce sont des députés et des sénateurs.

ÉRIC LOMBARD
C'est que la discussion se passe dans un esprit constructif. Ils avancent à un bon rythme. C'est le budget de la nation donc c'est un énorme travail. Ils reprennent les travaux ce matin. J'espère qu'ils arriveront à un accord.

ADRIEN GINDRE
S'il y a bien un accord, s'il y a bien un texte de compromis, est-ce que vous le garderez 100% tel quel ou est-ce que vous vous réservez le droit de faire encore quelques modifications si nécessaire ?

ÉRIC LOMBARD
Nous considérons que s'il y a un accord, l'engagement des députés et des sénateurs nous engage. Et donc nous respecterons le texte qui sortira de cette commission mixte paritaire, c'est le nom technique, cette réunion des députés et des sénateurs, qui sera présentée à l'Assemblée nationale lundi s'il y a un accord.

ADRIEN GINDRE
Je vous pose la question notamment parce qu'il y a encore des sujets de friction. Ce matin, il sera notamment question dans les discussions de l'aide médicale d'État pour les personnes en situation irrégulière. La droite propose de la baisser de 200 millions d'euros. Le PS refuse. Est-ce que vous souhaitez que ce refus du PS soit entendu dans les discussions ?

ÉRIC LOMBARD
Je souhaite qu'il y ait un compromis. La commission est souveraine. Je souhaite qu'il y ait un compromis. L'aide médicale d'État, c'est important en termes de santé publique. Ça permet de soigner les personnes effectivement en situation irrégulière. Mais si ces personnes deviennent malades, il y a un risque de santé publique pour toutes les Françaises et tous les Français. Donc c'est important qu'il y ait un accord.

ADRIEN GINDRE
Est-ce que vous demandez aux parlementaires qui vous soutiennent d'entendre cette demande du PS ?

ÉRIC LOMBARD
Je leur demande de trouver un accord. Et donc c'est dans la discussion qui aura lieu en commission mixte paritaire entre le PS et le socle commun qui nous soutient.

BRUCE TOUSSAINT
Pardonnez-moi, je repose la question d'Adrien GINDRE. C'est important. C'est l'avenir du budget et du pays. Êtes-vous confiant ? Est-ce que c'est sur la bonne voie ?

ÉRIC LOMBARD
Je fais confiance aux parlementaires. Ils ont un sentiment de gravité. Et donc je pense que nous sommes sur la bonne voie. Mais il y a encore quelques heures avant d'en être tout à fait certain.

ADRIEN GINDRE
Mais vous avez conscience que si jamais la droite maintient sa position sur l'aide médicale d'État, les conditions d'un accord, pour le coup, ne seront pas réunies avec le PS ?

ÉRIC LOMBARD
Nous verrons selon la nature du compromis. C'est vrai que le Parti socialiste d'abord a confirmé qu'ils étaient dans l'opposition. Et nous savons que selon toute probabilité, ils voteront contre ce budget. Mais la question qui se pose est un petit peu plus complexe que ça. Et comme le Premier ministre l'a dit, en fait, il y a trois blocs à l'Assemblée nationale. Il y a ceux qui nous soutiennent, les quatre partis qui nous soutiennent, le socle commun. Ensuite, il y a le Parti socialiste qui peut ne pas voter la censure. Ils l'ont fait la dernière fois. Mais je précise que nous sommes aussi en dialogue avec le Parti communiste, avec les Verts, qui ont accepté de se rendre au dialogue de Bercy. Et puis, il y a les partis qui votent la censure de façon à peu près certaine ou de façon régulière.

ADRIEN GINDRE
Une petite précision ; vous avez utilisé le terme de vote. Lundi, à l'Assemblée, un choix se présente au Gouvernement : passer par le 49.3 pour faire adopter le texte sans vote ou soumettre le texte au vote. Quel sera le choix du Gouvernement ?

ÉRIC LOMBARD
Le choix du Gouvernement dépendra de la façon dont la réunion des députés et des sénateurs se passe et selon ce qui sera proposé. On peut espérer - en tout cas, il ne faut pas l'exclure - qu'un vote positif soit possible. Et ça, ce sera la décision du Premier ministre de l'estimer.

BRUCE TOUSSAINT
Mais ça dépend de quoi ?

ÉRIC LOMBARD
De la qualité de l'accord qui sera trouvé entre eux. Je suis naturellement optimiste.

BRUCE TOUSSAINT
Il y a des points précis qui font pencher la balance, ou pas, vers un vote ou vers un 49.3 ?

ÉRIC LOMBARD
Nous avons, dans la discussion avec le Parti socialiste, fait beaucoup de bougés. La réforme des retraites, qui était un grand sujet de ces deux dernières années, nous avons accepté d'ouvrir un dialogue avec les partenaires sociaux et le résultat de ce dialogue sera présenté au Parlement.

ADRIEN GINDRE
Mais est-ce que vous considérez que vous êtes arrivé au bout des bougés ou que vous pouvez encore en faire ? Il y a la question du pouvoir d'achat également, Éric LOMBARD, sur laquelle les socialistes vous attendent. Je pense notamment à l'augmentation du SMIC. Ils souhaiteraient une revalorisation anticipée, pourquoi pas 1% au 1er juillet ? On lit dans Les Echos que Matignon a dit non. C'est fermé ?

ÉRIC LOMBARD
Je démens cette information. Le Premier ministre, avec qui j'en parlais encore hier, n'a pas dit non. Simplement, vous avez vu que ce Gouvernement souhaite le dialogue, notamment avec les partenaires sociaux. Le Premier ministre, avec Catherine VAUTRIN, va réunir une concertation sur les rémunérations, sur les revenus. Et ce sera dans le cadre de cette concertation que tout sera sur la table et nous verrons en fonction de ce qui est en…

ADRIEN GINDRE
Vous souhaitez cette revalorisation anticipée du SMIC de 1% au 1er juillet ?

ÉRIC LOMBARD
J'attends ce que nous diront les partenaires sociaux.

ADRIEN GINDRE
Vous n'avez pas d'avis, pas de recommandation ?

ÉRIC LOMBARD
Non, parce que si on fait confiance aux partenaires sociaux, il ne faut pas fermer le débat en disant qu'il faut aller dans cette direction ou dans telle autre.

ADRIEN GINDRE
Quand on dit faire des bougées, faire des gestes, trouver les conditions d'un accord, bon, généralement, ça coûte de l'argent. Éric LOMBARD, vous avez fait une prévision de déficit à 5,4% en 2025. Est-ce que ce 5,4% - c'est un peu technique - il est impératif ? Ou est-ce qu'on peut encore imaginer aller glisser peut-être à 5,5, histoire de se dire, on fait tout pour trouver le compromis pour avoir un budget ?

ÉRIC LOMBARD
Alors, si je peux rappeler la discussion telle qu'elle s'est produite, on a... D'abord, ce budget n'est pas le nôtre. Ce budget, il vient de Gabriel ATTAL, de Michel BARNIER

ADRIEN GINDRE
Vous avez repris le budget de monsieur BARNIER,

ÉRIC LOMBARD
Et donc, on essaie de trouver un compromis qu'on a fait d'abord avec les partis qui nous soutiennent. Mais c'est vrai que nous avons négocié avec le Parti socialiste. Et par exemple, sur l'écologie, nous avons bougé. Sur le logement, nous avons bougé. Mais nous avons compensé par d'autres réductions.

ADRIEN GINDRE
Donc, je vous repose la question ; est-ce que le 5,4, il est impératif ou est-ce qu'on peut encore…

ÉRIC LOMBARD
Et donc, tout ça se fait à l'intérieur du 5,4, qui est impératif. C'est un engagement que j'ai pris personnellement à la demande du Président et du Premier ministre devant nos partenaires européens.

ADRIEN GINDRE
Et ça ne bougera pas.

ÉRIC LOMBARD
Ça ne bougera pas. Mais c'est surtout... C'est pour les Françaises et les Français que nous faisons ça. Nous avons 3 300 milliards d'euros de dettes.

ADRIEN GINDRE
Il va falloir s'y atteler.

ÉRIC LOMBARD
Le coût de cette dette est le deuxième budget de l'État. Donc il faut réduire les déficits. C'est nécessaire. Et donc, cette année, 2025, est la première étape de la réduction des déficits.

ADRIEN GINDRE
Autre sujet, parce qu'il n'y a pas que le Parti socialiste qui menace de censurer, il y a le RN, plutôt discret ces derniers jours. Mais il se trouve qu'hier, dans le cadre des discussions, un représentant du RN a dit qu'il était mécontent d'un article qui est numéroté 4 qui porte sur les prix de l'électricité. On ne va pas rentrer dans la technique de cet article. La question, c'est de savoir si vous entendez ce message du RN. Est-ce que vous considérez qu'il faut bouger et modifier le texte pour satisfaire cette demande du RN ?

ÉRIC LOMBARD
Alors on est dans une situation intéressante. Ce sont les députés et les sénateurs qui vont se prononcer. Et le Gouvernement n'a pas son mot à dire dans cette discussion.

ADRIEN GINDRE
Et il a des représentants qui le soutiennent dans cette commission mixte paritaire. Vous discutez – rassurez-moi - avec les députés et les sénateurs de cette commission ?

ÉRIC LOMBARD
Moi, je ne discute pas.

ADRIEN GINDRE
Il n'y a aucun contact ?

ÉRIC LOMBARD
Non, non. Le Gouvernement n'a pas à se mêler de ce sujet.

ADRIEN GINDRE
Et il n'a pas d'avis sur cet article et sur les prix de l'électricité et la demande du RN ?

ÉRIC LOMBARD
L'avis a été donné avant, puisque cet article a été voté sur proposition du Gouvernement. Il vise d'ailleurs à veiller à ce que les bénéfices ou la baisse du coût de l'électricité bénéficient aux consommateurs.

ADRIEN GINDRE
Donc vous ne craignez pas une censure du RN impromptue, inattendue, dernière ligne droite ?

ÉRIC LOMBARD
Elle est tout à fait possible.

ADRIEN GINDRE
Elle est possible ?

ÉRIC LOMBARD
Bien sûr qu'elle est possible. Effectivement, Jean-Philippe TANGUY a dit hier que son mouvement pourrait censurer le Gouvernement.

ADRIEN GINDRE
Donc elle est possible. Et vous nous dites : " Mais on ne fera rien pour l'empêcher " ?

ÉRIC LOMBARD
Mais les députés et les sénateurs sont souverains. Le ministre ne peut pas appeler la commission mixte paritaire en disant " J'ai une idée, vous devriez faire ça ". C'est absolument exclusif.

ADRIEN GINDRE
Éric LOMBARD, on va également parler des patrons. Je précise que d'ailleurs, hier, il y a eu des discussions sur le cas des patrons. La contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises a été ramenée à 1 an, comme le souhaitaient les patrons, contrairement à ce que souhaitait le PS. Ça n'empêche pas une fronde assez vive depuis plusieurs jours. On a parlé ici même du PDG de LVMH Bernard ARNAULT. Ce matin, encore Éric TRAPPIER de DASSAULT AVIATION dans Les Echos. Mais je voudrais surtout vous parler de Patrick MARTIN, le président du MEDEF, qui, hier, chez nos confrères d'RTL, disait – je le cite – " L'incompréhension tourne à la colère. Conséquence, ceux qui peuvent partir partent, et ils ont raison. " Sous-entendu, partent à l'étranger. Est-ce qu'ils ont raison, tous ces patrons ?

ÉRIC LOMBARD
Je suis surpris de cela. D'abord, nous avons repris le texte de Michel BARNIER. Pourquoi est-ce que cette fronde ne s'est pas exprimée au moment où le texte a été présenté ?

ADRIEN GINDRE
Pourquoi ? Quelle réponse vous y apportez ?

ÉRIC LOMBARD
Je ne sais pas.

ADRIEN GINDRE
Et nous allégeons les effets de ce texte, puisque le texte prévoyait que cet impôt exceptionnel des grandes entreprises soit perçu pendant 2 ans. Et nous avons ramené à 1 an. Moi, je veux appeler tout le monde, mais les Françaises et les Français aussi, à la responsabilité. Nous sommes dans une situation de déficit, de dette qui sont des sujets sérieux et graves. Et nous devons collectivement affronter cela. Et donc c'est vrai que cette année, nous avons demandé un effort exceptionnel aux grandes entreprises pour 1 an seulement. Et nous allons, dans les années qui viennent, proposer une évolution de nos trajectoires économiques et budgétaires pour nous remettre dans une rationalité économique et de ne pas être surendettés. Ceux qui nous écoutent ne sont pas surendettés pour la plupart d'entre eux. Et ceux qui sont, je crois bien que c'est en difficulté.

ADRIEN GINDRE
Il y a une forme d'ingratitude, de manque de patriotisme des patrons ?

ÉRIC LOMBARD
Quand on est ministre, on ne s'attend pas à la gratitude de ses contemporains. Je dis juste... C'est un effort collectif. Et chacun doit y participer. Et ma porte est ouverte pour en parler. Mais je rappelle que depuis que ce Gouvernement est là, nous n'avons pas augmenté les impôts ni des entreprises par rapport à ce qui a été prévu, et encore moins des Françaises et des Français.

ADRIEN GINDRE
Votre porte est ouverte. Vous parlez avec eux ? Ils vous appellent ?

ÉRIC LOMBARD
Bien sûr.

ADRIEN GINDRE
De façon permanente.

BRUCE TOUSSAINT
Vous avez eu un contact avec Bernard ARNAULT depuis 2 jours ?

ÉRIC LOMBARD
Pas depuis 2 jours.

BRUCE TOUSSAINT
Le Premier ministre l'a rencontré ? C'est vrai ou pas ?

ÉRIC LOMBARD
C'est un patron que je respecte. Il a monté une magnifique entreprise. On dit effectivement qu'ils se sont rencontrés. Mais il y a eu un événement de place hier pour désigner le stratège de l'année. Il y avait beaucoup de patrons qui étaient là.

BRUCE TOUSSAINT
Vous lui dites quoi à monsieur ARNAULT ? Un petit message pour monsieur Bernard ARNAULT ce matin, s'il vous regarde ? Je ne traite pas de message personnel. Je suis ravi d'être avec vous.

ADRIEN GINDRE
Pas même au patron du MEDEF qui dit " ce n'est plus loin de la réalité. " ?

ÉRIC LOMBARD
J'ai lu ça avec intérêt.

ADRIEN GINDRE
Avec intérêt…

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Éric LOMBARD, de votre présence ce matin.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 février 2025