Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargé du budget et des comptes publics, à BFM TV le 31 janvier 2025, sur le budget pour 2025 et la politique économique du gouvernement.

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Média : BFM TV

Texte intégral

APOLLINE DE MALHERBE
8 h 32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous êtes ministre du budget et au fond, c'est entre vos mains que se joue peut-être même… Le ministre, Premier ministre, François BAYROU qui pourrait tomber d'ici mercredi. Je rappelle juste le calendrier. Hier, depuis hier, les députés et les sénateurs ont commencé à discuter un budget, c'est la fameuse commission mixte paritaire, s'ils se mettent d'accord d'ici ce soir, le budget pourrait être débattu à l'Assemblée nationale en début de semaine prochaine, avec ou sans 49.3, avec ou sans censure. Sauf que vous vous retrouvez presque dans un dilemme : soit, vous perdez les socialistes, soit, vous perdez les patrons. Vous choisissez quoi ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je choisis la France. En fait, on est dans un moment d'urgence absolue. Ceux qui nous mettent la pression aujourd'hui, c'est d'abord les Français : c'est les agriculteurs, les patrons de PME, les artisans, les ménages, qui disent, qu'est-ce qui va se passer ? Comment cette année va se dérouler ? Et donc, moi, depuis que François BAYROU m'a proposé d'avoir ce rôle, de ministre des Comptes publics, avec Éric LOMBARD, avec tout le Gouvernement, on a un objectif : que notre pays ait le plus vite possible un budget, parce que la censure et l'absence de budget nous coûtent cher et surtout créent de l'immobilisme.

APOLLINE DE MALHERBE
Alors, on va voir comment vous faites pour trouver l'équilibre et que vous n'ayez pas de censure face à vous, mais j'aimerai d'abord que vous répondiez au patron. Le patron, c'est quand même le nerf de la guerre, sur la question de l'emploi.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je suis totalement d'accord.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous avez entendu les propos de Bernard ARNAULT, le patron d'LVMH, qui s'insurge contre la hausse des taxes en France et qui dit qu'il revient des Etats-Unis, où c'est exactement l'inverse, et même, « pour pousser à la délocalisation », c'est idéal. A cela, vous aviez rajouté les propos du patron d'EDF, qui dit que, " c'est un enfer d'investir en France ". Les patrons de Michelin, les patrons de SEB, et le patron du MEDEF, Patrick MARTIN, qui hier, dit : " Les patrons qui peuvent partir partent et ils ont raison ".

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, quand on écoute tous ces hommes, beaucoup d'hommes et aussi beaucoup de femmes, d'entrepreneurs, d'entrepreneuses, Bernard ARNAULT, c'est la voix d'un artisanat français qui a conquis le monde, donc il faut entendre. Ce que j'ai à leur dire ce matin, c'est que nous sommes dans un moment exceptionnel et que ce qui est sur la table n'aurait jamais été proposé si ce n'était pas exceptionnel. Ce que j'ai à leur dire, c'est que nous prenons conscience, collectivement, au Gouvernement, de l'effort que nous leur demandons dans un moment collectif d'effort. Mais ce que j'ai surtout à leur répondre, c'est que ce moment n'est pas inutile. Qu'en contrepartie, le Gouvernement prend aussi l'engagement exceptionnel de voir comment nous pouvons leur assurer les conditions de leur innovation, de leur présence, de la création d'emplois et de ce qui fait de notre prospérité collective. Ce que j'ai à leur dire, c'est qu'en 2025, nous allons, et c'est la ministre des PME par exemple, qui va relancer le très grand chantier de la simplification des normes, des procédures pour les entreprises.

APOLLINE DE MALHERBE
Combien de fois on nous a fait le coup de la simplification ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais regardez, là, Éric LOMBARD, au niveau européen, qu'est-ce qu'il voit ? Il voit Ursula von der LEYEN, grâce à la France et son engagement…

APOLLINE DE MALHERBE
La présidente de la Commission.

AMELIE DE MONTCHALIN
Lancé un très grand plan de simplification et de soutien à l'Industrie. Moi, je peux vous parler en tant que ministre des Comptes publics. 2025, c'est l'année où nous avançons l'équivalent de ce qui va être presque le prélèvement à la source pour les entreprises. Ça s'appelle la facturation électronique. Ça va préremplir les déclarations de TVA que tous les patrons de France connaissent comme étant très coûteuse, très pénible et d'ailleurs source de fraude pour l'État. Donc, ce que j'ai à leur dire : oui, c'est exceptionnel, mais nous serons à la hauteur de ce moment exceptionnel pour ne pas vous cibler. Les entreprises ne sont pas des cibles. Les entreprises sont nos alliés, sont nos ancres, on a besoin de nos entreprises.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, c'est des mots, Amélie de MONTCHALIN.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ce n'est pas des mots.

APOLLINE DE MALHERBE
Quand Bernard ARNAULT, il va plus loin, il dit même : " Au fond, on sait que quand il y a des taxes, dans un sens, on nous dit que c'est exceptionnel ", mais en fait, il ne vous croit pas que vous la relèverez, que ça ne durera qu'un an et si dans un an, la situation n'est pas meilleure, vous continuerez.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et je le dis à vous, je le dis à tous les patrons Français. Je suis arrivée le 23 décembre. Nous sommes arrivées avec ce Gouvernement, avec Éric LOMBARD, avec François BAYROU, le 23 décembre. Nous avions un objectif : faire en sorte que le pays reparte, qu'il ait un budget, un budget qui soit un budget de compromis, et nous devons, et je m'engage à faire beaucoup mieux, beaucoup mieux en 2026. Ce que j'ai aussi à dire aux patrons, c'est que oui, nous leur demandons un effort, mais en contrepartie, l'État fait le plus gros effort d'économie qu'il n'a jamais fait depuis 25 ans.

APOLLINE DE MALHERBE
On va y revenir, ça, parce que franchement, ce n'est pas très convaincant, sur les baisses de dépense.

AMELIE DE MONTCHALIN
Nous allons baisser la dépense de l'État dans des proportions qui sont inédites depuis plus de quinze ans. Nous allons baisser sa dépense en valeur, ce qui est inédit depuis plus de dix ans. La Cour des comptes, le haut-Conseil aux finances publiques voient que nous faisons un effort sur notre fonctionnement, sur notre fonctionnement de l'État qui est inédit.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous savez ce qu'a dit aussi, puisque vous le citiez, le haut-Conseil aux finances publiques ? Il dit aussi que l'effort que vous portez, il tient à 9 sur 10, 9 pour la hausse des impôts, 1 seulement, proportionnellement, 1 seulement sur la baisse des finances.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais vous donner les chiffres. Les impôts, c'est vingt milliards, les baisses de dépenses, c'est trente milliards. Sur les trente milliards de baisses de dépenses, il y en a 24 milliards pour l'État. C'est un effort inédit.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais ça veut dire que le haut-Conseil des finances publiques a mal lu ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais vous parlez d'ajustement structurel. Moi, je vous parle de ce qu'il y a dans le budget, que les députés et les sénateurs sont en train de regarder aujourd'hui.

APOLLINE DE MALHERBE
On est bien d'accord qu'ils disent, et il est bien écrit, sur l'ajustement structurel, que l'effort est fait 9, c'est les impôts, 1, en termes de proportion, c'est les baisses des dépenses.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je pourrais, et ça va être un débat super technique, ce que dit la Cour des comptes, c'est que, un, nous avons l'impératif de faire 5,4% déficit, c'est ce que les députés et les sénateurs regardent aujourd'hui. La Cour des comptes, elle dit une deuxième chose, ce n'est pas que 2025 qui compte, c'est comment on désendette notre pays et qu'on a 3% de déficit d'ici 2029. Et donc, je prends l'engagement et je le redis, l'effort jusqu'en 2029, et d'ailleurs, vous le voyez dans le budget, il ne passe pas par des hausses d'impôts à tous azimuts, dans tous les sens, aucun impôt pour les classes moyennes, et c'est un choix. Mais moi, je vous dis, en 2026, l'engagement que je prends devant vous, c'est que nous allons faire beaucoup mieux, nous allons faire différemment, et nous allons faire en sorte surtout que 2025 soit une année utile, utile pour l'économie de notre pays.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais pour que ça tienne, Amélie de MONTCHALIN, vous parlez de 2026, on ne sait même pas si vous serez là la semaine prochaine, pardon de le dire comme ça, mais c'est vrai que c'est ça ce qui se joue ce matin, et je voudrais vous interroger aussi sur les propos des socialistes et du RN. Mais Patrick MARTIN, il dit cette phrase précisément, il dit : " Les patrons qui peuvent partir, partent, et ils ont raison ". Bernard ARNAULT, il dit : " Pour pousser à la délocalisation, c'est idéal ". Est-ce que c'est une menace de délocalisation ? Est-ce que c'est une forme de chantage ? Dans ce cas, vous n'avez pas joué au chantage avec eux, puisque vous nous redites ce matin qu'il n'est pas question de revenir sur cette taxation exceptionnelle.

AMELIE DE MONTCHALIN
Là, vous savez, les députés et les sénateurs, depuis hier, ils travaillent. Ils travaillent sur le budget. Le budget, on est en train de le construire. Le but, c'est qu'il soit adopté et qu'il soit le fruit d'un compromis le plus vite possible. Donc, non, il n'y a pas de retour en arrière. En revanche.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'y a pas de retour en arrière.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais en revanche, il y aura un retour en arrière en 2026. Ce que les députés et les sénateurs sont en train d'examiner, c'est que c'est pour un an et vous avez la parole d'un Gouvernement qui dit que 2025 doit à la fois être une année utile, digne, digne de l'effort exceptionnel que les entreprises et en particulier les plus grandes vont faire en 2025, mais une année utile pour que l'année prochaine, le budget soit construit différemment. Mais moi, j'ai un message à adresser à ceux qui veulent, ou pensent partir.

APOLLINE DE MALHERBE
Cette fronde des patrons, c'est quand même une fronde des patrons.

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vais vraiment le dire avec la femme politique engagée que je suis depuis sept ans. Depuis sept ans, si on regarde, la France a redonné de la compétitivité à l'emploi en France. La France, par ses choix, a largement financé l'apprentissage, c'est-à-dire l'accès aux compétences pour les PME et les entreprises.

APOLLINE DE MALHERBE
Ça, vous ne me parlez que de points sur lesquels vous allez justement revenir en arrière.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, sur l'apprentissage, on revient sur les dispositifs de la crise. On ne revient pas sur la réforme de 2018. Pas du tout.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous revenez en arrière par rapport à ce qui a été fait jusqu'à l'année dernière.

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce qu'on était en crise. Parce que ça s'appelait le Covid. En France, depuis sept ans, on a soutenu les entreprises comme nulle part au monde pendant le Covid, avec le prêt garanti, avec le fonds d'urgence. Le plan de relance, en France, a été un plan qui a soutenu notre transition énergétique, qui a soutenu les entreprises, qui a soutenu l'innovation. En France, il y a deux ans, on a soutenu les PME et les entreprises face au choc de l'énergie. Donc ce que je dis au patron, c'est : « Oui, nous sommes dans des situations difficiles. Mais si on est honnête, je crois qu'il y a très peu de pays au monde qui, quand on est en crise, fait autant pour protéger les entreprises et les salariés ». Donc les entrepreneurs sont des personnes que je crois engagées, que je crois sincères, que je crois patriotes. Nous sommes dans un moment difficile. Le monde entier vit une situation difficile.

APOLLINE DE MALHERBE
Cette taxe exceptionnelle, juste pour qu'on comprenne bien le contour, c'est sur ceux qui produisent en France. Est-ce que ça veut dire que, par exemple, quand Bernard ARNAULT s'insurge : " Oui, LVMH va payer cette taxe, alors que, par exemple, TOTAL, qui ne produit pas en France, ne payera pas cette taxe ? "

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça dépend de l'activité et des bénéfices faits sur l'activité française. C'est le principe de l'impôt.

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, il y a quand même un problème, vous le comprenez bien, que TOTAL ne paye pas cette taxe exceptionnelle et que LVMH le paye.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que c'est exceptionnel, ça touche les entreprises qui font plus qu'un milliard de chiffres d'affaires et je tiens à dire aussi, vous le savez, c'est qu'on a eu une dynamique de l'impôt sur les sociétés très faible en 2023-2024. Et donc, c'est bien aussi pour ça que c'est exceptionnel. Mais vous savez, en France, je ne peux pas taxer ce qu'il se passe à l'extérieur de nos frontières. Je ne peux pas…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous nous confirmez bien qu'effectivement, dans le modèle extérieur qu'il est aujourd'hui, ça veut dire que LVMH payera, TOTAL ne payera pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Non mais TOTAL paye des impôts. Les entreprises payent des impôts. Simplement, moi, je suis ministre des Comptes publics français. Je ne peux pas, de là où je suis, faire l'impôt des activités qui se passent hors de France. Et je pense que tout le monde comprend bien ce matin la différence.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous dites donc, ce matin, Amélie De MONTCHALIN, aux patrons, en gros : " Tenez bon, merci de l'effort que vous faites ", mais dans un an…

AMELIE DE MONTCHALIN
On tient avec vous. On s'engage avec vous. On va faire des choses que vous demandez depuis très longtemps de simplification. On va faire et on porte au niveau européen des choses que vous demandez depuis très longtemps sur l'industrialisation. On va faire et on porte des choses que vous demandez depuis très longtemps sur l'innovation. C'est quelque chose que les PME de notre pays…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui mais par exemple, quand vous me parlez de la facturation électrique. Je veux bien le croire, mais c'était déjà promis par Bruno Le MAIRE. C'était déjà Bruno Le MAIRE qui le promettait, ce n'est pas vous qui sortez ça en échange de l'effort qu'ils font.

AMELIE DE MONTCHALIN
D'accord. Vous savez, ces réformes, vous vous souvenez des prélèvements à la source, quand Gérald DARMANIN a porté un chantier que tout le monde pensait perdu d'avance, très difficile et potentiellement, un échec.

APOLLINE DE MALHERBE
À l'époque où il était ministre du Budget.

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je suis dans la même position que lui. Dans un an, nous devons mettre en place ce qui sera l'équivalent du prélèvement à la source pour les entreprises françaises. C'est à la fois moins de fraudes, comme le prélèvement à la source, d'ailleurs qui a réduit beaucoup de fraudes sur le revenu, et c'est pour les PME et tout le tissu industriel de notre pays, aussi un choc de modernité. La facturation électronique, c'est un choc de modernité. La France se met au niveau et elle gagne en compétitivité.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous espérez que cela aura convaincu les patrons. Reste à convaincre maintenant les socialistes et le RN. Les socialistes, d'abord, deux demandes en particulier, l'une sur l'AME, l'Aide médicale d'État, elle devait être rabotée de 200 millions d'euros, c'est ce qu'a décidé le Sénat. Est-ce que vous vous engagez ce matin à ce qu'il n'y ait pas de réduction de l'Aide médicale d'État ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce matin, ce n'est pas à moi qu'il faut, aujourd'hui, s'adresser sur ce sujet. C'est un compromis que les parlementaires doivent et vont et j'espère vraiment activement…

APOLLINE DE MALHERBE
Oui, mais les parlementaires, la majorité dans cette Commission mixte paritaire, ils sont quand même de leur sensibilité…

AMELIE DE MONTCHALIN
Ils ne prennent pas leurs ordres au Gouvernement. Nous sommes dans un moment démocratique inédit. Les députés, les sénateurs, en conscience, en responsabilité, et je veux saluer leur responsabilité, sont actuellement en train de bâtir ce compromis. Je leur fais confiance. Mais sur l'AME, si on veut juste expliquer aux gens de quoi on parle, il y a d'une part un sujet budgétaire. C'est le sujet de ce matin. Quel est le montant de la ligne qui est dédiée à ce sujet ? Mais il y a un sujet, ensuite, de politique de santé, une politique migratoire. Vous avez un homme de gauche et un homme de droite, Claude ÉVIN et Patrick STEFANINI, qui ont proposé au fond de gagner en efficacité, de réduire certains abus, et qui ont fait des propositions. Ce que je dis, c'est que ces propositions méritent un débat en soi. Ce n'est pas ce matin, entre le budget de l'écologie et le budget du sport, que les députés de la Commission des finances et les sénateurs de la Commission des finances vont le régler.

APOLLINE DE MALHERBE
Sauf que les socialistes disent que s'il y a une baisse de 200 millions d'euros, ça fait partie de nos lignes rouges.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et donc, c'est pour ça qu'il y a du travail ce matin.

APOLLINE DE MALHERBE
Ils peuvent obtenir gain de cause là-dessus ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est pour ça que je vous dis que… Mais c'est un compromis. Je ne suis pas dans la pièce. Je souhaite, pour mon pays, que nous trouvions un compromis sur ce sujet. Et je dis que, par ailleurs, il y a des sujets qui sont aussi dans le débat, qui n'ont pas été traités et qui, à mes yeux, ne doivent pas être traités ce matin, je vous dis, entre le budget de l'écologie et du sport, qui sont des sujets de nuance et d'efficacité.

APOLLINE DE MALHERBE
Et il y a une question sur…

AMELIE DE MONTCHALIN
Nuance sur, on doit soigner, évidemment, mais aussi nuance sur le fait que, évidemment, on doit combattre les abus. Et ça, c'est un débat en soi. Je n'ai pas peur de ces bas, mais ce n'est pas le débat de ce matin.

APOLLINE DE MALHERBE
Vous auriez dit " submersion ", d'ailleurs, vous ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je vois qu'on a un Premier ministre qui a des valeurs. Il n'a pas dit submersion.

APOLLINE DE MALHERBE
Submersion migratoire, risque de submersion migratoire.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Il n'a pas dit ça. Il a dit qu'il y avait un sentiment dans le pays qui devait nous faire ouvrir les yeux et je suis, moi, vous savez, très heureuse et à l'aise, je suis très à l'aise, même heureuse, de participer à un Gouvernement où, sous l'autorité de François BAYROU, vous avez des gens qui ont des sensibilités, qui ont des convictions différentes, mais qui sont d'accord sur l'essentiel. Et l'essentiel, c'est quoi ? C'est que, dans ce Gouvernement, nous n'avons aucune, aucune difficulté à nous dire que notre priorité, c'est de lutter contre l'immigration illégale et les trafiquants humains. Et nous n'avons aucune difficulté à nous dire aussi que, dans notre pays, quand on travaille, quand on s'intègre, on doit aussi lutter contre les discriminations et que chacun a sa place. Et moi, vous voyez, cette ligne-là, elle me convient parfaitement.

APOLLINE DE MALHERBE
Est-ce qu'il y aura, oui ou non, une augmentation du SMIC ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais, là aussi, reprenons les choses correctement. Le Premier ministre, il y a exactement dix jours, monte à la tribune de l'Assemblée nationale et dit : " Je vous annonce que ce Gouvernement veut ouvrir une conférence avec les partenaires sociaux sur le travail, sur les salaires et sur les carrières. " Dans ce cadre-là…

APOLLINE DE MALHERBE
Mais mes confrères des Echos croient savoir, et ils le disent ce matin, que François BAYROU a fermé la porte à une augmentation de 1% du SMIC.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, il n'a pas fermé la porte.

APOLLINE DE MALHERBE
Il n'a pas fermé la porte, vous nous le dites ce matin ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que si vous dites qu'il y a une conférence sur le travail et les salaires, si la ministre du Travail pilote cette conférence, et si, déjà, vous dites : " On a déjà décidé tout ce qui était autorisé, tout ce qui était interdit, tout ce qui se passerait ", pourquoi on fait des compromis ? Moi, je crois à la démocratie sociale. On y croit sur les retraites. On y croit sur le travail. On y croit sur le SMIC. Je crois aussi à la démocratie représentative. C'est pour ça que ce moment démocratique, c'est un moment où, vous voyez, je vous parle très clairement. Je vous dis ce qu'on voudrait. Je vous dis ce qu'on a poussé dans le compromis. Et je vous dis aussi ce qu'on ne veut pas. Et ce compromis, moi, je suis très fière d'une chose, c'est que le budget qu'aujourd'hui les sénateurs et les députés…

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais j'ai compris, mais Amélie de MONTCHALIN, est-ce que vous vous engagez là-dessus ? Est-ce que, oui ou non, vous souhaitez, par exemple, et est-ce qu'on en a les moyens, augmenter de 1% le SMIC ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est un meilleur budget. C'est un meilleur. Mais je m'engage. Mais si les partenaires sociaux se réunissent, si le patronat et les syndicats, en regardant le sujet des salaires, la fameuse désmicardisation, disent : " La manière d'y arriver, c'est qu'on fasse telle réforme, telle mesure ", ce n'est pas à moi ce matin, le 31 janvier, alors qu'on est en train de chercher un budget, de décider ça.

APOLLINE DE MALHERBE
En tout cas, vous nous dites ce matin que la porte n'est pas fermée là-dessus. Je voudrais vous interroger aussi sur les demandes de l'autre côté, c'est-à-dire du côté du RN. On l'a bien compris, sur les deux points qui crispent encore les socialistes, qui sont la question de l'augmentation du SMIC ou la question de l'AME. Tout est ouvert.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais je peux dire une chose sur les socialistes ? Depuis un mois, il y a eu beaucoup de gens qui vous dire : " Là, c'est une négociation, porte fermée, dans le secret ", pas du tout. D'abord, je veux saluer l'engagement de tous les groupes politiques, qui, en responsabilité face au péril que vit notre pays, sont venus tous travailler, à bâtir un compromis. Et ce que je peux vous dire, c'est que le texte sur lequel ils travaillent tous ce matin, et qu'ils ont travaillé hier, c'est un meilleur budget pour les Français. Parce que les propositions exigeantes des uns et des autres, des socialistes, des différents groupes, des oppositions, qui ont été mises sur la table et que nous avons, avec Éric LOMBARD, intégrés dans ce qui nous semble être une proposition de compromis, nous amènent à être dans un meilleur budget pour les Français. Un meilleur budget pour le futur, parce qu'on a remis des moyens pour la recherche, pour la transition écologique. Un meilleur budget pour nos enfants, parce qu'on a remis de l'argent, et plus qu'on imaginait dans l'éducation avec les… enseignantes, notamment pour un certain nombre de territoires ruraux. Un meilleur budget pour notre pays et c'est ça qui, moi, aujourd'hui, m'a guidée.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous pensez, au moment où on se parle, Amélie de MONTCHALIN, que les socialistes ne censureront pas ?

AMELIE DE MONTCHALIN
En tout cas, c'est tout le sujet. C'est, est-ce que, dans notre pays, on peut avoir des groupes d'opposition et les socialistes vont rester dans l'opposition ? On ne leur a jamais proposé un contrat de majorité. On ne leur dit pas « vous votez le budget ». Voter le budget, en général, ça veut dire rejoindre la majorité.

APOLLINE DE MALHERBE
Mais vous espérez qu'ils ne voteront pas la censure ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais on peut, dans notre pays, et je crois que pendant des années, on a eu des oppositions qui ne bloquaient pas. On a eu des oppositions qui ne censuraient pas. Et ce qu'on a voulu chercher, c'est retrouver ce point-là, ce point d'équilibre, ce point de compromis, où on peut, dans notre pays, tout à fait être dans l'opposition et c'est un droit légitime, sans aller jusqu'à la censure et au blocage que les extrêmes ont beaucoup attisée.

APOLLINE DE MALHERBE
Amélie de MONTCHALIN, le RN bloque notamment sur un article du budget sur les tarifs de l'électricité. Et ça, franchement, moi, j'hallucine, parce que ça fait des années maintenant, depuis le début de la guerre en Ukraine et de la conséquence notamment sur l'inflation, sur les prix de l'électricité. J'ai eu devant moi nombre de vos prédécesseurs et notamment Bruno Le MAIRE, qui affirmait qu'il n'était pas question que la France fasse payer aux Français plus chère l'électricité qu'on ne la produit. Et que c'était un mécanisme de facturation européen auquel il allait mettre fin. On est trois ans plus tard, et il y a toujours cet article 4 dans le budget qui montre qu'en fait, on va toujours faire payer l'électricité plus chère aux Français, plus chère qu'on ne la produit.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non. Là aussi, la CMP se tient, mais la conviction du Gouvernement, c'est quatre choses très simples sur lesquelles je crois que nous avons un consensus national. Vous savez, le compromis, ce n'est pas le consensus…

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais pendant ce temps-là, l'Espagne et le Portugal sont sortis de ce système, et aujourd'hui, ils ont un système budgétaire et un équilibre de leurs comptes qui est bien meilleur que le nôtre.

AMELIE DE MONTCHALIN
Pas qu'à cause de l'électricité.

APOLLINE DE MALHERBE
Non mais en partie.

AMELIE DE MONTCHALIN
Si on regarde ce qu'il y a dans cet article, le premier point, c'est que nous voulons continuer à avoir des prix régulés. Régulés, c'est-à-dire des prix qui ne soient pas, comme ce qu'on voit dans les pays nordiques, notamment, où tous les matins, vous savez, les gens se lèvent, ils regardent le prix de l'électricité. Parfois, ça change même dans la journée. Parfois, on fait sa machine à laver en fonction du prix de l'électricité. Ce n'est pas ce que nous voulons. On ne le veut pas parce qu'on ne veut pas que ça bouge tous les jours et on veut aussi que nos entreprises aient de la prévisibilité, on en a parlé des entreprises, une partie aussi de notre compétitivité vient de cette capacité à avoir des prix d'énergie prévisibles et faibles grâce au nucléaire. Donc un, on croit à la régulation. Deux, on a tiré les conséquences de la crise de 2022 et le mécanisme que nous proposons, il est très protecteur si nous avions à revivre des crises violentes de hausse d'énergie. Et puis troisième élément, il y a un consensus, aujourd'hui, qui se dégage sur l'importance du nucléaire parce que c'est une énergie fiable et c'est une énergie souveraine. Et cet accord, cet article, il permet aussi à EDF de continuer à entretenir et à investir le nucléaire.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous défendez donc cet article.

AMELIE DE MONTCHALIN
Mais donc, ce que j'ai à vous dire, c'est que si on n'a pas cet article, vous savez ce qui se passe ? C'est que nous n'avons aucune idée de ce qui se passera en 2026. Je pense que les Français, les entreprises, les petites entreprises, les grandes entreprises, tout le monde a besoin de savoir ce qui se passe en 2026. C'est la proposition.

APOLLINE DE MALHERBE
J'ai encore deux questions très précises à vous poser, Amélie de MONTCHALIN, sur la question de la croissance et sur la question du déficit. Sur la question de la croissance, hier, la croissance de la France est passée dans le rouge, le PIB est en repli de 0,1%.

AMELIE DE MONTCHALIN
Au quatrième trimestre.

APOLLINE DE MALHERBE
Au quatrième trimestre. Est-ce que vous maintenez malgré tout votre prévision de croissance, vous la fixez à 0,9% pour 2025, là où la plupart des économistes tablent sur 0,7% au mieux ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Alors, la Cour des comptes, à qui on a envoyé notre prévision de croissance la semaine dernière, pas hier, mais la semaine dernière, nous dit : " Votre prévision, elle est un peu optimiste, mais elle est atteignable ". Et donc, je n'ai pas de raison aujourd'hui de changer la prévision de croissance. Ce que je peux vous dire aussi, c'est qu'une partie de la baisse de croissance qu'on observe, et c'est dans les chiffres d'hier, ça se voit, c'est que la censure, l'incertitude, l'absence du budget pèsent énormément. Et donc, oui, nous avons, avec le retour d'un budget clair, d'un budget qui, je l'espère, sera l'objet d'un compromis, permettre aux Français, à l'économie, de repartir.

APOLLINE DE MALHERBE
Dernière question, est-ce que vous promettez toujours d'atteindre 5,4% de déficit, ou est-ce qu'il ne serait pas plus réaliste de dire que ce sera 5,5% ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce n'est pas une promesse. Là aussi, la Cour des comptes nous le dit, c'est un impératif. Pourquoi on est fixé sur ce chiffre ? Parce que si on n'a pas un cap clair, c'est l'endettement, c'est le surendettement. Et le surendettement, vous savez, il y a un homme de gauche, Pierre Mendès FRANCE, qui disait : " Vous savez, ceux qui croient au système public, au service public, à la redistribution, devrait, plus que les autres, s'intéresser aux comptes publiques ". Et moi, je crois que, parce que nous voulons conserver un système public français qui fonctionne, nous devons avoir une stratégie de désendettement. Elle commence par 5,4% en 2025, 3% de déficit en 2029, et vous avez ma parole, c'est l'engagement que nous prenons, c'est le compromis qui est en train de se bâtir, et oui, le coût du compromis, il a été intégré dans l'impératif que nous avons, de réduire le déficit.

APOLLINE DE MALHERBE
Et vous maintenez donc les 5,4%. Merci beaucoup, Amélie de MONTCHALIN, d'être venue ce matin, ministre du Budget, il est 8 h 53 sur RMC et BFM TV.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 février 2025