Texte intégral
ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre chargé des Transports, merci beaucoup d'être là au lendemain de l'accident mortel de car scolaire, près de Châteaudun. Vous vous êtes rendu immédiatement sur place. D'ailleurs, vous avez rencontré des parents et des élèves qui se trouvaient dans le car.
PHILIPPE TABAROT
Oui, des élèves qui sont des héros. Ça n'a peut-être pas été suffisamment dit, parce qu'ils ont réussi à s'extirper eux-mêmes du car en sauvant probablement la vie de certains de leurs amis, notamment les plus grands qui ont réussi à sortir les plus petits de ce car où ils étaient enfermés puisque le car s'était renversé. Il y a eu un élan de solidarité assez exceptionnel entre eux. Les secours sont arrivés ensuite assez rapidement, mais ce sont les élèves qui, pendant quelques minutes, ont réussi les uns et les autres à se porter assistance et à permettre probablement qu'il n'y ait pas eu plus de victimes malgré le drame terrible de cette pauvre Johanna qui, il y a des années, a perdu la vie dans cet accident hier matin à Châteaudun à 7 h 40.
ROMAIN DESARBRES
Leurs camarades devaient être effondrés, ses camarades, les camarades de la petite fille…
PHILIPPE TABAROT
Ils étaient effondrés de n'avoir rien pu faire pour elles. Ils étaient effondrés par le traumatisme parce que pour la plupart, ils somnolaient à cette heure-là et ils se sont retrouvés en quelques secondes pris au piège de ce car et puis enfermés ou pour quelques-uns déjà sur le terre-plein. Donc il y a un grand traumatisme. Il y a des cellules psychologiques qui sont là. Les parents sont venus rapidement les récupérer et je pense qu'ils devront essayer de se reconstruire, mais c'est un événement qui les marquera bien sûr durablement.
ROMAIN DESARBRES
Le chauffard, il a 26 ans, alors positif au test anti-stupéfiant. Qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez appris ça ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, j'ai voulu garder une certaine prudence parce que j'ai parlé avec le procureur de la République. Il m'a confirmé que le test salivaire était positif, mais ça ne veut pas dire qu'il le sera au niveau du test sanguin. Quelquefois, il peut y avoir des erreurs. Donc, je préfère attendre probablement cet après-midi pour avoir la confirmation de cette information. Si l'information est confirmée…
ROMAIN DESARBRES
Ça veut dire qu'on peut être positif avec les médicaments, c'est ça ?
PHILIPPE TABAROT
Exactement. Et si le test, par contre, sanguin est confirmé et positif cet après-midi. Là, on sera dans quelque chose qui est encore plus aggravant, je dirais, par rapport à cette situation. Je rappelle que c'est à l'image des accidents habituels sur la route. On a, aujourd'hui, un accident sur cinq, mortel, sur la route qui est dû à la prise de produits stupéfiants. Donc c'est un phénomène grave, qui est un phénomène de société. On en parle, vous en parlez régulièrement. Il y a une loi, en ce moment, que défend le ministre de l'Intérieur sur le narcotrafic. C'est la réalité de nos transports.
ROMAIN DESARBRES
Un accident sur cinq dû à la drogue. Il faut l'avoir en tête. Aujourd'hui, un employeur ne peut pas imposer un test antidrogue à un chauffeur de car ? Ce n'est pas possible ?
PHILIPPE TABAROT
Alors, il n'y a pas le même système qui avait été mis en place dans les années 2010 et généralisé en 2015, rendu obligatoire avec un éthylotest où on ne peut pas faire démarrer son camion si on ne souffle pas le ballon, si on n'est pas négatif au niveau de l'alcoolémie, ça ne peut pas se faire techniquement encore au niveau des stupéfiants, même si les choses s'améliorent et ce sera probablement possible dans quelques mois, mais par rapport aux différents types de drogue, c'est beaucoup plus complexe. Après, les entreprises font un certain nombre de tests et j'ai demandé au ministre de l'Intérieur, avec qui j'ai échangé sur cette question, hier après-midi, qu'il multiplie les contrôles sur l'ensemble de nos routes, sur l'ensemble des entreprises et je voudrais rappeler qu'il y a environ 34 000 chauffeurs de bus dans notre pays, qui opèrent du transport scolaire. Et fort heureusement, ces cars restent tout de même isolés, mais ils ont la responsabilité de nos enfants, c'est pour ça que ça choque aussi.
ROMAIN DESARBRES
Votre message, c'est un message également rassurant aux parents, un message de prévention également. On attache sa ceinture quand on est dans le car ?
PHILIPPE TABAROT
Oui, bien sûr. Il y a un certain nombre de règles à respecter et cet accident compte encore et il y a, ce matin, pratiquement deux millions d'enfants du primaire, des collégiens, des lycéens qui sont parti dans leurs cars scolaires, qui devaient avoir une boule au ventre et probablement, et j'ai une très forte pensée pour eux, mais qu'ils sachent que ces accidents restent quand même très rares. Mais un accident est un accident de trop.
ROMAIN DESARBRES
Philippe TABAROT, ministre des Transports, vous avez vu, il y a un instant, notre reportage à Vallauris avec le père de la petite Camilia. Camilia qui a été fauchée, il y a six mois, sur cette départementale située en pleine ville. Le père lance un appel ce matin sur CNEWS. Il a le sentiment que rien n'avance, que rien n'a changé, que ça n'évolue pas. Il dit que tant que les élus ne sont pas personnellement touchés par un drame, c'est son sentiment, ça ne bouge pas. Qu'est-ce que vous lui dites ce matin ?
PHILIPPE TABAROT
Je pense que la réaction est peut-être excessive. Mais quand on a perdu un enfant, rien n'est excessif. Je comprends son sentiment de ne pas avoir de réponse pénale rapidement. La procédure prend du temps. Et véritablement, je sais qu'il est en attente sur la personne qui a été identifiée, qui a écrasé sa fille et il y a également une réponse des pouvoirs publics, en l'occurrence entre le département et la mairie, de pouvoir mettre en place des aménagements qui peuvent éviter une vitesse trop importante. Je sais que le maire de Vallauris a limité la vitesse autorisée sur cette route. C'est un élu responsable, il est Conseiller départemental également. Je ne doute pas un instant qu'il trouvera les solutions en termes d'aménagements pour sécuriser beaucoup plus cette voie qu'elle ne l'est aujourd'hui.
ROMAIN DESARBRES
Il y a également ces chiffres du service statistique ministériel de sécurité intérieure sur lesquels je voulais vous entendre, sur les violences dans les transports. On va les voir à l'écran. Ça baisse pour les vols, les violences et les escroqueries. Ça augmente pour les violences sexuelles et les atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique, en clair les policiers, les gendarmes. On les voit s'afficher. Déjà un commentaire général, qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez vu ces chiffres ?
PHILIPPE TABAROT
Ces chiffres correspondent à ce qu'on ressent quand on vous écoute, quand on lit, quand on se balade dans les transports en commun également. On s'aperçoit de ce sentiment de l'insécurité, mais qui n'est pas qu'un sentiment, qui se révèle à travers les chiffres aussi. Et puis moi, je me réjouis de porter une proposition de loi probablement le 10 juin, non, le 10 février, parce que je l'attends depuis tellement longtemps, sur les transports en commun pour sécuriser les transports en commun qui permettront de prendre un certain nombre de dispositions pour protéger à la fois les personnes qui travaillent dans les transports en commun, les usagers, et qui permettront de protéger les femmes. Parce que je vois dans les différentes enquêtes qui sont menées, que 80 % des femmes ont déjà vécu des violences sexuelles ou sexistes dans les transports en commun, et qu'on ne peut pas accepter d'assigner à résidence certaines femmes.
ROMAIN DESARBRES
Comment ça s'explique, l'augmentation des violences sexuelles ? Pourquoi il n'y a plus de violences sexuelles ? Il y a un profil d'agresseur qui se dégage ? Qu'est-ce qui s'est passé ces dernières années pour qu'il y ait plus de violences sexuelles ?
PHILIPPE TABAROT
Il y a le profil de ce qu'on appelle les frotteurs, qui sont dans une impunité totale, et à travers la loi…
ROMAIN DESARBRES
Mais pourquoi il y en a plus, en réalité ?
PHILIPPE TABAROT
Écoutez, il y a une sorte d'impunité, parce que quand ils sont appréhendés, il n'y a pas de texte et je souhaite un texte pour pouvoir avoir une réponse pénale, une sanction pénale pour qu'ils soient à la hauteur de ce qu'ils font. Et puis il y a une parole qui se libère aussi vis-à-vis de la femme, qui est totalement inacceptable. Donc comme je vous l'ai dit, il faut que les femmes puissent de nouveau prendre des transports en commun en toute sécurité, quel que soit leur lieu de résidence, et de ne pas les assigner justement à résidence.
ROMAIN DESARBRES
Merci beaucoup, Monsieur le Ministre. Philippe TABARROT, ministre des Transports, merci d'être venu ce matin sur le plateau de la matinale de CNEWS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 février 2025