Déclaration M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger, sur l'accord d'association entre l'Union européenne et les pays du Mercosur, à l'Assemblée nationale le 30 janvier 2025.

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  • Laurent Saint-Martin - Ministre délégué, chargé du commerce extérieur et des Français de l'étranger

Circonstance : Discussion d'une proposition de résolution européenne, à l'Assemblée nationale

Texte intégral

L'Assemblée a choisi d'inscrire une nouvelle fois à son ordre du jour un sujet essentiel de nos discussions commerciales : l'accord d'association entre l'Union européenne et les pays du Mercosur. Nous ne voulons pas de cet accord en l'état. Le Président de la République l'a déclaré dans des termes qui ne souffrent ni équivoque ni interprétation.

Le précédent gouvernement a pris l'initiative, sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, d'une déclaration visant à présenter la position de la France, à l'Assemblée le 26 novembre, au Sénat le jour suivant. Celle-ci étant suivie d'un débat et d'un vote, l'Assemblée a pu exprimer son rejet massif de l'accord tel qu'envisagé alors par la Commission. Je ne m'attarderai pas sur ce que vous savez déjà : l'opposition française à l'accord tient à des motifs à la fois environnementaux et agricoles.

D'un point de vue environnemental, tout accord doit respecter les objectifs européens.

Du point de vue agricole, la version actuelle du texte menace l'avenir de nos filières. Notre combat en faveur de celles-ci dépasse toutefois largement ce cadre : les mesures miroirs constituent un enjeu majeur, comme l'a rappelé le Président de la République. En Europe, dans tous les secteurs, nous imposons aux producteurs, aux industriels, aux citoyens, au nom de la protection de l'environnement, des normes de plus en plus exigeantes - je vous renvoie au débat que nous venons d'avoir. Nous ne pouvons faire entrer sur notre marché des produits moins-disants en la matière : c'est là une question de cohérence, de compétitivité, d'acceptabilité pour nos concitoyens des décisions prises à l'échelle européenne.

Ces considérations, vous les connaissez. Qu'est-ce qui a donc changé depuis le 6 décembre, date de l'annonce par la présidente de la Commission de la conclusion des négociations entre l'Union et le Mercosur ? Le texte issu de ces négociations, et qui devrait être présenté au Conseil de l'Union européenne, ne nous convient toujours pas. Le Président de la République l'a rappelé : la messe n'est pas dite. Nous avons encore devant nous un délai pour négocier, dans un premier temps au sein du Conseil.

Permettez-moi une parenthèse concernant la forme de l'accord. Le Gouvernement est particulièrement attentif au respect du mandat de 1999, donné à la Commission par le Conseil en vue d'un accord d'association mixte. Un changement de forme serait contraire aux termes de ce mandat, et nous nous réservons toute possibilité d'action juridique sur ce point.

Se préparant à toutes les éventualités, le Gouvernement s'emploie à réaffirmer notre position, à communiquer nos arguments à nos homologues européens, à convaincre.

À l'heure actuelle, la majorité des Etats membres soutiennent apparemment l'accord, mais plusieurs s'inquiètent fort, comme nous, de ses conséquences environnementales et agricoles. Nous sommes régulièrement en contact avec eux, de même qu'avec la Commission : j'ai ainsi souhaité, pour mon premier déplacement en tant que ministre en charge du commerce extérieur, me rendre à Bruxelles, afin d'y rappeler notre position au nouveau commissaire européen au commerce. Notre combat en faveur d'une politique commerciale ambitieuse dans l'intérêt de nos entreprises, de nos relations bilatérales, équilibrée dans l'intérêt de nos filières, notamment des plus sensibles, durable dans l'intérêt de tous, n'est pas achevé.

Ne nous y trompons pas - peut-être est-ce là que réside notre divergence majeure : lorsqu'ils répondent à ces critères, les accords de commerce sont favorables à notre économie. Ils contribuent à ouvrir de nouveaux marchés à nos entreprises, quelles qu'elles soient, à diversifier nos approvisionnements, à sécuriser nos chaînes de valeur. Par ailleurs, l'accès au marché intérieur européen, très attractif, représente un puissant levier d'influence. La France est une grande puissance exportatrice ; ses agriculteurs le savent mieux que quiconque.

La politique commerciale constitue également un atout géopolitique : tant pour maintenir une certaine stabilité géostratégique que pour assurer la résilience de nos chaînes d'approvisionnement, nous avons besoin de partenariats étroits avec un certain nombre d'Etats. Par conséquent, nous ne pouvons soutenir la proposition de résolution, qui placerait la France dans une position d'opposition systématique en matière commerciale. Au sujet de l'accord avec le Mercosur, je partage votre point de vue, et vous pouvez compter sur ma détermination pour continuer la lutte ; mais le repli sur soi n'est pas la solution.

Cette politique protectionniste créerait de l'inflation et ferait perdre du pouvoir d'achat ; elle irait à rebours de nos ambitions de souveraineté, de réindustrialisation ; elle mettrait en péril des filières et des territoires, y compris agricoles, qui profitent largement de l'export, voire en vivent. Elle nuirait à nos produits, à nos savoir-faire, à nos territoires, à nos emplois. Nous n'en voulons pas.

Le Gouvernement partage la position que l'Assemblée a exprimée le 26 novembre dernier au sujet de l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur. De toute évidence, elle ne souhaitait pas alors promouvoir un protectionnisme qui risquerait de compromettre les avantages d'une politique commerciale ambitieuse, durable et équilibrée.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 février 2025