Texte intégral
OLIVIER BOY
Bonjour madame la ministre,
ÉLISABETH BORNE
Bonjour,
OLIVIER BOY
Numéro deux du Gouvernement de François BAYROU. On précise, quand même, que vous êtes la cinquième ministre de l'Éducation nationale en un an, ça dit beaucoup aussi de la situation politique. On va y revenir, mais d'abord, l'actualité est marquée par ces agressions dans ces établissements scolaires. Cet adolescent de 15 ans à Bobigny, lynché véritablement à quelques mètres de son école, RTL révélait, hier soir, que c'est un surveillant qui est en garde à vue dans cette affaire. Qu'est-ce que vous dites aux parents qui, ce matin, entendent un peu effarés que c'est un pion censé protéger les élèves qui, ce matin, est soupçonné d'avoir été à l'origine de cette agression ?
ÉLISABETH BORNE
Alors d'abord, moi je voudrais exprimer tout mon soutien à l'élève et à sa famille. Vous savez qu'il y a une enquête judiciaire qui est en cours et la rectrice a également lancé une enquête administrative. Évidemment, l'école, ça doit être un lieu où on est protégé et moi, je suis déterminé à assurer que c'est bien un cadre où on est protégé, où on est en sécurité.
OLIVIER BOY
Qu'est-ce que vous savez de cette enquête administrative ?
ÉLISABETH BORNE
On vient de lancer l'enquête administrative.
OLIVIER BOY
Mais dès lors que ce délit, on entend que ce surveillant était connu pour ses brimades, parfois un peu de violence, en tout cas ce sont des élèves qui le disent. D'autres surveillants également sont suspendus. Qu'est-ce qui se passait dans cet établissement de Bobigny ?
ÉLISABETH BORNE
Écoutez, je ne vais pas vous donner les conclusions de l'enquête qui vient de démarrer. En tout cas, je vous assure que moi, je suis déterminé à ce qu'on assure un climat scolaire. C'est le préalable pour que les élèves puissent apprendre en toute sérénité et donc l'enquête administrative le dira.
OLIVIER BOY
Il y a aussi cette affaire de Bagneux, cette semaine également. Là, c'est un élève qui a été poignardé dans la cour de l'établissement scolaire. Ça pose le problème de ses couteaux. On parle beaucoup de ces couteaux dans les agressions, dans les bagarres entre bandes. Il y a des couteaux dans les écoles. Qu'est-ce que vous pouvez faire contre ça en tant que ministre de l'Éducation nationale ?
ÉLISABETH BORNE
D'abord, vous l'avez souligné, c'est un problème qui est plus large que l'école. Et tous les policiers et les gendarmes vous disent qu'on observe, qu'on a de plus en plus d'armes blanches qui circulent parmi les jeunes. Ce sont des sujets dont moi j'ai déjà parlé avec Gérald DARMANIN et Bruno RETAILLEAU. Il faut qu'on s'empare pleinement de ce sujet.
OLIVIER BOY
Comment ?
ÉLISABETH BORNE
Au sein de l'école, on a commencé à échanger. C'est le problème de la violence chez les jeunes sur lequel on est déterminés.
OLIVIER BOY
Mais c'est le problème de ces couteaux qui rentrent dans l'ensemble de l'établissement scolaire.
ÉLISABETH BORNE
Les couteaux n'ont, naturellement, rien à faire dans l'ensemble de l'école ou d'un établissement scolaire. Je vais modifier le code de l'éducation pour que dès lors qu'un élève introduit une arme blanche dans un établissement, il soit systématiquement traduit en conseil de discipline et qu'il y ait systématiquement un signalement au procureur.
OLIVIER BOY
Pardon, mais ça n'était pas le cas jusqu'à maintenant. Qu'est-ce qui se passait quand on attrapait un élève avec un couteau avant dans une école ?
ÉLISABETH BORNE
C'était à l'appréciation de l'établissement. Ça sera désormais systématique.
OLIVIER BOY
Et pour revenir à Bobigny, les responsables de l'établissement, est-ce que vous estimez qu'il y a eu une défaillance dans le traitement ?
ÉLISABETH BORNE
Je ne vais pas me prononcer.
OLIVIER BOY
Les surveillants traitaient les élèves, visiblement, selon les témoignages.
ÉLISABETH BORNE
Je ne vais pas me prononcer avant d'avoir les résultats de l'enquête administrative, en tout cas, on va être évidemment attentifs aux conclusions et vigilants pour que ça ne se reproduise pas.
OLIVIER BOY
Il y a une question plus générale sur la violence des mineurs. Est-ce qu'il faut sanctionner les parents, en l'occurrence ? Quelles sont vos marges de manœuvre là-dessus ? Est-ce que les parents ont une responsabilité quand leur enfant part le matin à l'école avec un couteau dans la poche ?
ÉLISABETH BORNE
Alors vous savez qu'ils ont une responsabilité, mais que moi, suite aux émeutes urbaines, on avait un certain nombre de propositions, dont certaines sont reprises dans une proposition de loi qui sera prochainement examinée au Parlement, pour que la responsabilité, notamment des deux parents, soit recherchée quand l'enfant commet un délit. Souvent, le père peut être loin, la mère se retrouve à gérer un adolescent et ça peut ne pas être facile.
OLIVIER BOY
Les pères d'étudiants, on entend beaucoup cela, il y a quelque chose à faire là-dessus ?
ÉLISABETH BORNE
Oui, moi je pense que, vous voyez, que le père habite ou pas avec l'enfant, je pense qu'il faut que sa responsabilité puisse être engagée, tout comme celle de la maman qui peut être débordée.
OLIVIER BOY
La question de la violence, c'est aussi la question des réseaux sociaux, des téléphones dans les écoles, parce qu'on voit, par exemple, ces bagarres qui sont filmées, ces réseaux sociaux qui alimentent les petits conflits entre les élèves. Aujourd'hui, il y a 50 000 élèves, depuis septembre, qui déposent leur téléphone portable à l'entrée de l'école. Est-ce que ça marche ? Est-ce que ça doit être étendu ? Est-ce que vous allez le décider ?
ÉLISABETH BORNE
Alors, on a effectivement une expérimentation qui a été lancée. On n'a pas encore tous les retours, mais ça semble effectivement apaiser le climat scolaire. Ça nécessite d'être évalué, évidemment, sous réserve de cette évaluation qui, à ce stade, semble effectivement plutôt convaincante.
OLIVIER BOY
Vous y êtes favorable, vous ?
ÉLISABETH BORNE
Oui, moi je suis favorable à ce qu'on puisse avoir des moments de pause numérique au sein des établissements scolaires.
OLIVIER BOY
En déposant le téléphone à l'entrée ?
ÉLISABETH BORNE
Voilà, en déposant le téléphone, je ne vais pas rentrer dans les détails pratiques, mais par quelque moyen que ce soit, qu'on puisse ranger son téléphone quand on est dans un établissement scolaire.
OLIVIER BOY
Ces téléphones, ces réseaux sociaux, les élèves s'en servent aussi à l'école. C'est évidemment la question de l'intelligence artificielle. Vous annoncez, ce matin, dans Ouest France qu'il va y avoir des cours pour enseigner l'intelligence artificielle aux élèves de 4e et Seconde. Dès la rentrée prochaine, qu'est-ce qu'il y aura dans ces cours ?
ÉLISABETH BORNE
Alors, je pense que c'est effectivement indispensable que l'école s'en saisisse, puisque c'est une révolution qui n'est pas à venir, mais qui est maintenant. Et donc, il faut qu'on puisse former des élèves, former des professeurs également. On va mettre en place, dès la rentrée prochaine, pour les élèves du secondaire, de façon facultative mais obligatoire, en 4e et en seconde, une première formation à l'intelligence artificielle. Alors, c'est d'abord une évaluation de son niveau, de sa compréhension de l'intelligence artificielle. Et puis, c'est une formation au prompting. Vous savez comment on questionne une intelligence artificielle, c'est aussi expliquer aux élèves les différents types d'intelligence artificielle, expliquer les enjeux, à la fois tout l'intérêt de l'intelligence artificielle, mais aussi ses risques, ses biais, le problème de la gestion des données. Donc, c'est l'ensemble de ces éléments, ce sont des petits modules d'auto-formation pour les jeunes.
OLIVIER BOY
Question plus politique maintenant, on ouvrait le journal de 7h sur l'ambiance, hier, à l'Assemblée, sur ce qui s'est passé à Mayotte, donc la restriction du droit du sol. Vous y étiez opposé, vous l'aviez dit.
ÉLISABETH BORNE
Non, j'étais opposé à la suppression du droit du sol à Mayotte. Et là, on est dans la continuité de ce qui avait été…
OLIVIER BOY
Vous êtes pour le passage de 3 mois à 1 an de présence des deux parents pour que l'enfant soit déclaré français, vous êtes pour cette mesure-là ?
ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'on a besoin de mesures fortes pour limiter l'immigration illégale à Mayotte. C'est, d'abord, bien protéger l'île de l'arrivée d'une immigration irrégulière, mais ça peut être aussi une des mesures de restreindre les conditions d'accès au droit du sol.
OLIVIER BOY
Et la proposition de Gérald DARMANIN, le ministre de la Justice, d'étendre cette disposition à tout le territoire métropolitain et à toute la France, est-ce que vous y êtes favorable ?
ÉLISABETH BORNE
Non, je n'y suis pas favorable, et vous voyez, je pense que ce que les Français attendent de nous, ce sont des actes, et pas de renvoyer à une future modification constitutionnelle. Moi, je me réjouis que Bruno RETAILLEAU s'attaque au démantèlement des réseaux de passeurs, et on a des tas de dispositions, notamment des décrets qui restent à prendre sur la loi immigration qui avait été adoptée fin 2023. Je pense qu'on a besoin d'agir pour protéger plus efficacement notre pays contre l'immigration illégale, pour éloigner plus rapidement ceux qui n'ont pas à être sur notre sol, et pour mieux intégrer ceux qu'on accueille.
OLIVIER BOY
Une question très concrète, le ministre de l'Intérieur, Bruno RETAILLEAU, a redit, hier, qu'il était contre le voile, y compris pour les sorties scolaires. Quelle est votre position, vous ?
ÉLISABETH BORNE
Non, je pense qu'il y a une position qui est la position du Gouvernement, qui est que la situation n'est pas la même pour les sorties scolaires ou à l'université, et donc on ne changera pas la loi sur ce point.
OLIVIER BOY
Ça n'est pas la position de Bruno RETAILLEAU, en tout cas ?
ÉLISABETH BORNE
Oui, mais je pense qu'il est au courant que la position du Gouvernement, ce n'est pas la sienne, mais chacun a le droit d'avoir sa position.
OLIVIER BOY
Une dernière question sur les vacances scolaires, début des vacances scolaires pour la zone B ce soir, Emmanuel MACRON était à Colmar le week-end dernier, il a dit que, pour lui, les petits Français avaient trop de vacances. Là encore, c'est directement sous votre responsabilité, on parle de cette concertation, très concrètement, on en est où ? Et est-ce que c'est la réalité pour vous ?
ÉLISABETH BORNE
En fait, moi j'entends beaucoup de collégiens, de lycéens, qui trouvent que les journées sont trop chargées. Bon, c'est sûr que si on veut avoir des journées moins chargées, il faut aussi sans doute avoir des vacances plus courtes, et puis on observe que pour un certain nombre d'élèves, les vacances d'été constituent une coupure qui les fait perdre un certain nombre d'apprentissages. Je suis parfaitement consciente que c'est un débat qui concerne beaucoup de parties prenantes, alors ça concerne les parents, les professeurs, les élèves, les acteurs du tourisme, donc, il faut qu'on réfléchisse à l'organisation d'une vaste concertation citoyenne sur ce sujet, en prenant le temps.
OLIVIER BOY
Et vous, vous voulez quoi ?
ÉLISABETH BORNE
Non, honnêtement, je ne vais pas vous donner le résultat de la concertation avant de l'avoir lancée.
OLIVIER BOY
C'est un enjeu pour le niveau scolaire, en tout cas. La question peut être posée.
ÉLISABETH BORNE
Je pense que d'avoir des journées moins chargées et de pouvoir s'assurer que les élèves ne perdent pas les compétences qu'ils ont acquises pendant des vacances trop longues, c'est un vrai sujet.
OLIVIER BOY
Donc, réduire les vacances. Merci beaucoup, Élisabeth BORNE, d'avoir été avec nous sur RTL, ce matin. Je rappelle que vous êtes la ministre de l'Éducation nationale, numéro deux du Gouvernement. Bonne journée à vous.
ÉLISABETH BORNE
Bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 10 février 2025