Interview de M. Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, à TF1 le 11 février 2025, sur les chiffres du chômage, la situation de l'industrie, les relations économiques avec les États-Unis, les tarifs de l'électricité et la nomination éventuelle de Richard Ferrand à la tête du Conseil constitutionnel.

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Média : TF1

Texte intégral

ADRIEN GINDRE
Bonjour Marc FERRACCI.

MARC FERRACCI
Bonjour.

ADRIEN GINDRE
Les chiffres du chômage viennent de tomber pour le dernier trimestre 2024, moins 0,1%. C'est une toute petite baisse à 7,3% de la population active avec tout de même un petit bémol, le nombre de la population en CDI lui recule. Est-ce que vous voyez tout de même ce matin une bonne nouvelle dans ces chiffres ?

MARC FERRACCI
Oui, c'est quand même une bonne nouvelle. Ça montre que les fondamentaux du marché du travail sont solides. Ça montre que le chômage baisse un petit peu, que l'emploi résiste, même si dans un certain nombre de filières, notamment des filières industrielles, il y a des difficultés. Il ne faut pas se le cacher. Mais il y a aussi beaucoup d'emplois à pourvoir, beaucoup de tensions de recrutement, beaucoup d'entreprises qui cherchent à recruter. Et ça, ça montre que toutes les réformes qui ont été faites ces dernières années ont produit des effets. Maintenant, il faut continuer. Il faut continuer à transformer, à réformer.

ADRIEN GINDRE
Dans l'industrie, Marc FERRACCI, qui est votre maître sur 2024, il y a aussi eu des mauvaises nouvelles ; une production industrielle qui a reculé, notamment au dernier trimestre 2024, des sites industriels qui ont fermé. Est-ce que dans les mois à venir, vous nous dites qu'il faut se préparer à de nouvelles fermetures de sites et de nouvelles destructions d'emplois dans l'industrie ?

MARC FERRACCI
La situation de l'industrie, je vous le disais, est contrastée. Il y a des filières qui vont très bien. Il y a des entreprises qui ouvrent, il y a des sites qui ouvrent. Il y a des emplois qui se créent, des investissements qui permettent d'impulser une dynamique. Et puis vous avez aussi des filières qui sont en difficulté, c'est l'automobile et notamment les équipementiers, c'est la sidérurgie, c'est la chimie. Ce sont souvent des filières qui ont les mêmes caractéristiques. Elles sont confrontées à une compétition internationale.

ADRIEN GINDRE
Donc il y aura des pertes d'emplois

MARC FERRACCI
Il y aura des créations d'emplois et des destructions d'emplois. C'est comme ça que ça se passe. Et le sujet, c'est : est-ce que les créations restent plus nombreuses que les destructions ?

ADRIEN GINDRE
Dans la compétition internationale, il se trouve que cette nuit, Donald TRUMP a donné une date, le 12 mars, pour l'entrée en vigueur des droits de douane sur l'acier et l'aluminium ; 25% annonçait-il ce week-end. La France n'est pas le premier exportateur, loin de là, sur ces matières. Est-ce que, tout de même, il faut se préparer à un effet TRUMP sur notre industrie ?

MARC FERRACCI
Oui, ça peut avoir des effets indirects parce que certains pays qui exportent beaucoup aux États-Unis, comme la Chine, peuvent trouver demain dans l'Europe et dans la France des débouchés pour leurs produits et notamment pour l'acier. Or, nous le savons, eh bien aujourd'hui, notre sidérurgie est en difficulté.

ADRIEN GINDRE
Donc on peut se récupérer avec des produits moins chers qui arriveraient soudainement sur le marché ?

MARC FERRACCI
C'est déjà le cas. Il y a aujourd'hui beaucoup d'acier chinois qui rentrent en Europe. Et nous nous battons au niveau européen pour imposer ce qu'on appelle une clause de sauvegarde, c'est-à-dire limiter les importations d'acier chinois en Europe, pour imposer aussi une taxation carbone aux frontières parce que vous savez que l'acier chinois est produit avec des méthodes qui utilisent beaucoup d'émissions de CO. Et nous souhaitons qu'on privilégie d'une part l'acier européen et qu'on privilégie des techniques qui sont axées vers la décarbonation. Donc il faut s'attendre à ce qu'il y ait des effets, des tarifs de Donald TRUMP. Il faut que l'Europe réponde de manière unie parce que la stratégie de Donald TRUMP, on la connaît, c'est de diviser les Européens. Il va commencer à discuter avec chaque pays pour essayer de trouver des deals, de trouver des transactions. Il a déjà commencé d'ailleurs. Donc il faut rester unis. Et puis il faut répondre de manière ferme. L'Europe est capable de le faire, elle l'a fait par le passé et j'espère que ça va se passer très, très vite.

ADRIEN GINDRE
Vous avez donc le périmètre de l'industrie mais également de l'intelligence artificielle. Emmanuel MACRON en a parlé, hier, au sommet sur l'intelligence artificielle en appelant d'ailleurs les investisseurs à venir s'installer sur notre pays, en se moquant gentiment de Donald TRUMP, en disant qu'en France, il n'y avait pas besoin de forêt, contrairement à ce que dit Donald TRUMP, mais simplement se brancher. " Plug baby, plug ! " c'était sa formule. On doit rappeler, Marc FERRACCI, que les hivers, on a quand même demandé aux Français de limiter leur consommation, de faire de la sobriété énergétique pour que nos centrales tiennent le coup. Ça a de quoi déconcerter.

MARC FERRACCI
Oui mais vous savez que nous avions une situation assez particulière avec la guerre en Ukraine, avec des problèmes également sur le parc nucléaire d'EDF. Aujourd'hui, ces problèmes ont disparu.

ADRIEN GINDRE
Donc là, on est 100% prêts pour accueillir des mégacentres qui consomment la matière.

MARC FERRACCI
Non seulement nous sommes prêts, mais nous sommes surcapacitaires. Nous exportons de l'électricité. Ça veut dire que nous avons des capacités de production qui peuvent aller vers les sites industriels, qui peuvent aller vers les data centers. Et ça, c'est une grande force. La France, pour accueillir l'intelligence artificielle, a plusieurs atouts ; elle a du foncier disponible, elle a des terrains, elle a de la connectivité parce que nous sommes le pays qui avons développé la fibre mieux que partout en Europe. Et ça, c'est très important parce que les data centers sont connectés au reste de l'économie et au reste du monde. Et puis, elle a une électricité pas chère, décarbonée, dont nous pouvons faire bénéficier nos sites industriels. Et également, dont nous pouvons faire bénéficier les infrastructures de l'intelligence artificielle, qui est une formidable opportunité.

ADRIEN GINDRE
Je m'arrête sur ce que vous venez de dire : une électricité pas chère. C'est ce que disait également, il faut le reconnaître, l'un des patrons d'une société d'IA, MISTRAL AI, société française. Où est cette électricité pas chère ? Ça fait deux ans que nos concitoyens voient les factures d'électricité augmenter massivement.

MARC FERRACCI
Non, c'est faux. Au 1er février, la facture moyenne des Français qui se sont soumis aux tarifs réglementés a baissé de 15%.

ADRIEN GINDRE
Après combien de pourcents de hausse en deux ans ?

MARC FERRACCI
Je reprends votre mot. Ça baisse parce qu'on a eu effectivement des épisodes où les prix de marché de l'électricité ont été très élevés pour un certain nombre de raisons. Pour des raisons qui tiennent à la conjoncture internationale, à la crise en Ukraine.

MARC FERRACCI
Donc aujourd'hui tout va bien ?

MARC FERRACCI
Aujourd'hui, les prix baissent. C'est factuel et chacun pourra le constater sur sa facture d'électricité.

ADRIEN GINDRE
Mais vous reconnaissez que, par rapport à il y a deux ans, on a de l'électricité qui reste beaucoup plus chère ?

MARC FERRACCI
Non, il faut aller plus loin. Ce que je reconnais, c'est que nous devons faire des efforts. Nous devons faire des efforts pour que nos citoyens, nos concitoyens et nos entreprises, en particulier les entreprises industrielles, aient accès à une électricité à meilleur prix, à meilleur marché. C'est particulièrement important pour les industriels parce que, vous savez, quand vous investissez dans des grands projets, notamment des projets pour décarboner votre production, avec des fours électriques, par exemple dans la sidérurgie, vous avez besoin d'une visibilité à long terme et d'avoir des tarifs faibles. C'est ce qui est en train d'être négocié entre EDF et les industriels. En tant que ministre de l'Industrie et de l'Énergie, j'accompagne cette négociation afin de donner de la compétitivité à nos entreprises industrielles.

ADRIEN GINDRE
Dans le message au patron, Emmanuel MACRON disait aussi ce week-end, " soyez patriotes. " Être patriote quand on est chef d'entreprise, c'est quoi ? C'est accepter de payer ses impôts sans brancher ?

MARC FERRACCI
D'abord, évidemment, c'est accepter de payer ses impôts. Mais vous savez, moi, je croise des chefs d'entreprise toute la journée, dans mon bureau, sur le terrain, qui sont patriotes. Et je crois beaucoup d'ailleurs au patriotisme économique et industriel. Ce sont des gens qui créent des emplois dans les territoires. Ce sont des gens qui traitent bien leurs fournisseurs. Et notamment dans certaines filières où la relation entre donneurs d'ordres et les fournisseurs, entre les grosses entreprises et les petites, est parfois un peu compliquée. Vous avez des entreprises qui jouent le jeu. Donc des patriotes, moi, j'en croise tous les jours. Mais ce qui est vrai, c'est que quand vous êtes Français…

BRUCE TOUSSAINT
Et des moins patriotes, vous en croisez aussi ? Ou un peu moins angélique ?

MARC FERRACCI
Quand vous êtes Français… tout le monde n'est pas pareil.

BRUCE TOUSSAINT
C'était ça le but de la question d'Adrien.

MARC FERRACCI
Quand vous êtes Français, vous avez beaucoup reçu. Vous avez beaucoup reçu à travers le système éducatif, à travers les infrastructures, les services publics, il faut savoir donner. Et moi je pense qu'il y a un message qui a été porté par le Président de la République, qui a du sens, et dans lequel beaucoup, beaucoup d'entrepreneurs se retrouvent.

ADRIEN GINDRE
En clin d'oeil, rapidement, Marc FERRACCI, vous avez peut-être vu ce sondage de l'Harris Interactive, 7 sur 10 accueillent favorablement l'idée qu'un entrepreneur soit candidat à la présidentielle. Ce sont les noms de Michel-Édouard LECLERC et de Bernard ARNAULT qui arrivent en tête. Ils feraient de bons Présidents de la République ?

MARC FERRACCI
Alors je ne vais pas commenter les noms. En revanche, je vais commenter le sondage. Et le sondage, je le trouve très revigorant. Parce que ça montre que l'esprit d'entreprise et la figure de l'entrepreneur, eh bien, les Français y sont très attachés. Et ça, je trouve que c'est un bon signe pour l'avenir.

ADRIEN GINDRE
Vous avez peut-être entendu Richard FERRAND proposer pour succéder à Laurent FABIUS à la tête du Conseil constitutionnel par Emmanuel MACRON. Le Conseil constitutionnel, ce n'est pas l'endroit où on recasse ses amis, dit Manuel BOMPARD, de La France insoumise. Il n'y avait pas d'autre nom moins polémique à proposer et compétent ?

MARC FERRACCI
Moins polémique ? Vous savez, un ancien président de l'Assemblée nationale, c'est quelqu'un qui a l'expérience des institutions, l'expérience de la fabrique de la loi. Et c'est ce qu'on demande au Conseil constitutionnel, c'est de juger la loi, la constitutionnalité des lois. Et donc je pense que ce n'est absolument pas un nom polémique, c'est quelqu'un qui a de l'expérience.

BRUCE TOUSSAINT
C'est un bon choix ?

MARC FERRACCI
Bon écoutez, je ne vais pas commenter les choix du Président de la République, mais ce que je veux dire, c'est que c'est un choix légitime.

ADRIEN GINDRE
Il n'y a ni recasage ni copinage ?

MARC FERRACCI
Vous savez, on n'a pas critiqué la nomination de Laurent FABIUS, et moi je ne la critiquerai jamais. Il a fait un très, très bon président du Conseil constitutionnel quand François HOLLANDE l'a nommé, alors qu'il avait une carrière en politique.

BRUCE TOUSSAINT
Vous considérez que la carrière de Laurent FABIUS est comparable à celle de Richard FERRAND ?

MARC FERRACCI
Non, je ne compare pas, mais je dis simplement qu'ils ont tous les deux une expérience politique et qu'ils ont tous les deux été les compagnons de route du Président qui les nomme.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Marc FERRACCI.

MARC FERRACCI
Merci à vous.

BRUCE TOUSSAINT
Merci à Adrien.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2025