Texte intégral
ANTOINE COMTE
Bonjour Charlotte PARMENTIER-LECOCQ.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ, MINISTRE DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE L'AUTONOMIE ET DU HANDICAP
Bonjour.
ANTOINE COMTE
Nous célébrons aujourd'hui, jour pour jour, le 20e anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances. Une loi dite handicap qui a refondé en profondeur la politique du handicap en France, on peut le dire. Mais le bilan aujourd'hui, 20 ans après, n'est pas toujours très satisfaisant. Et l'ancienne secrétaire d'Etat au Handicap, Sophie CLUZEL, lors du premier quinquennat d'Emmanuel MACRON, vous charge directement ce matin. Elle dit dans Le Figaro, le handicap, je cite, n'est manifestement plus une priorité du deuxième quinquennat d'Emmanuel MACRON. Elle dit qu'il y a eu quatre ministres du Handicap en deux ans et que votre portefeuille est rattaché désormais au ministère de la Santé, que vous n'avez plus vraiment les mains libres. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
C'est vrai. Alors je la connais très bien, Sophie CLUZEL. On travaille encore bien ensemble. C'est vrai qu'elle, elle a eu un mandat de cinq ans, ce qui est assez extraordinaire et qui n'arrive plus vraiment aujourd'hui. Je crois qu'aujourd'hui, la préoccupation du handicap pour le Gouvernement, elle a été très clairement bien réaffirmée par le Premier ministre. Il l'a dit dans son discours de politique générale. Il veut embarquer l'ensemble du Gouvernement. Il a dit : "Je veux un comité interministériel du handicap dans lequel il y aura une feuille de route pour chaque ministre et dans lequel chaque ministre sera engagé sur le handicap". Et ce comité interministériel, il se tiendra le 6 mars. Je le coprésiderai avec lui. Donc vous voyez que le Gouvernement va être vraiment tout à fait mobilisé.
ANTOINE COMTE
Donc ces critiques sont un peu infondées, ce que vous dites, de la part de madame CLUZEL, votre prédécesseure.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Je dis qu'elle a raison de soulever que ça doit rester au-dessus de la pile. Je dis que c'est le cas. Et d'ailleurs, dans cette logique un peu de continuité qu'elle soulève, le Premier ministre a souhaité me reconduire. J'avais été nommée sous le Gouvernement BARNIER et il a souhaité, le Premier ministre, me reconduire pour justement qu'il puisse y avoir une continuité, notamment sur le travail pour les fauteuils roulants. Vous savez que c'est une réforme que le président de la République vient d'annoncer.
ANTOINE COMTE
Oui. Qui sont remboursés. Pas tous, mais la plupart à partir du 1er décembre 2025.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Voilà. Qui a été un travail de longue haleine. Voilà. C'est ça.
ANTOINE COMTE
On va y revenir après.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Qui était un travail de très longue haleine. Et ça nécessitait de pouvoir reprendre des travaux qui avaient déjà été engagés. C'est ce que j'ai fait en ayant pu être nommée.
ANTOINE COMTE
Alors parlons de ce bilan concrètement de cette loi qui a donc 20 ans. Je vais vous donner un seul chiffre. Selon la SNCF, seuls 65 % des gares, on a 736 gares en France aujourd'hui, sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Là, on est très loin du compte.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Oui, il y a encore beaucoup à faire. Clairement, si on regarde un peu le bilan de cette loi, on est un peu au milieu du gué. C'est-à-dire qu'on a beaucoup avancé. Si je regarde les chiffres de l'école inclusive, on a multiplié par quatre le nombre d'enfants à l'école, par exemple. On a ces deux tiers de gares accessibles à différents endroits, les deux tiers des gares nationales, les deux tiers... Bon, ce sont des chiffres approximatifs, mais ce sont ces proportions-là. On est encore en train de les rendre accessibles. Le ministre des Transports, d'ailleurs, le redira. Mais d'ici à la fin de l'année, on va monter à 70-80 %. Donc, on continue. Mais clairement, on est au milieu du gué. Il faut qu'on accélère maintenant. Il faut qu'on aille vraiment sur la fin de toutes les mesures d'accessibilité qui étaient attendues dans cette loi.
ANTOINE COMTE
L'objectif sur l'accessibilité des gares, c'est d'atteindre les 100 % pour quand ? Est-ce que, déjà, on peut atteindre les 100 % ? Et vous vous êtes fixé quel objectif pour ça ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Ça, le ministre des Transports va le rappeler. Mais d'ici à la fin de l'année, on sera sur 70-80 % des gares. C'est-à-dire qu'on a des montants qui sont très conséquents. Il y a plus de 400 millions d'euros qui sont prévus sur plusieurs années pour pouvoir rendre accessibles l'espace public et particulièrement les gares. On a aussi un enjeu autour du métro, vous savez, qui n'est pas du tout accessible aujourd'hui. Et donc là, il y aura aussi des projets à déployer, mais qui sont beaucoup plus difficiles et beaucoup plus coûteux. Et de façon plus globale, la mobilité, c'est une vraie difficulté pour les personnes en situation de handicap. Moi, je croise des gens qui me disent qu'ils mettent une heure, deux heures, trois heures, trois heures parfois pour aller à leur lieu de travail, trois heures pour revenir. Donc ça, ce sont vraiment des situations qui sont invivables, qui usent tout le monde. Il faut qu'on arrive à mieux se coordonner parce qu'en réalité, aujourd'hui, il y a beaucoup de solutions, beaucoup d'initiatives qui existent. Il y a de l'investissement, mais il faut mettre tout ça bien en musique. Et surtout, il faut rattraper de l'investissement qui n'a pas été fait sur 20 ans.
ANTOINE COMTE
Donc on a parlé des transports, des gares. Il y a aussi les logements et notamment les logements neufs. Cette loi de 2005 prévoyait une accessibilité aux personnes en situation de handicap à 100 %. La loi ELAN est entrée en vigueur en 2018. Elle a fait rétrograder ce chiffre. Ce n'est pas du tout le cas aujourd'hui. Est-ce que vous voulez peut-être revoir cette loi ELAN ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Alors, avec Valérie LETARD, la ministre du Logement, on a demandé une mission d'évaluation de cette loi. En fait, l'esprit de la loi, c'était de dire qu'il faut qu'il y ait 20 % de logements accessibles et 80% de logements adaptables pour pouvoir évoluer au fil du temps en fonction des besoins des personnes. C'est aussi une question de capacité de marge de manœuvre à construire du logement. Vous savez que c'est difficile aujourd'hui d'avoir des marges de manœuvre pour construire du logement. C'est un équilibre qui était cherché dans cette loi. Là, on va l'évaluer. Et d'ici à la fin du mois de mars, on aura l'évaluation et on verra de quelle manière est-ce qu'on peut aller plus loin pour rendre accessibles les logements. Mais c'est un vrai enjeu aussi. C'est-à-dire le logement et la mobilité, ce sont vraiment deux enjeux majeurs pour les personnes en situation de handicap pour pouvoir aller à l'école, pour pouvoir aller travailler, pour pouvoir vivre sa vie de citoyen.
ANTOINE COMTE
On a parlé d'accessibilité. Un mot aussi sur l'inclusion, parce que cette loi handicap portait aussi cette thématique-là, notamment dans les écoles à l'égard des enfants en situation de handicap. Leur nombre, un chiffre rapide, est passé de 155 000 à 470 000 enfants qui sont accueillis. Mais les accompagnants, les aidants ne seraient pas assez formés, pas assez payés, pas assez intégrés dans le système scolaire, selon pas mal d'associations. D'ailleurs, certaines se sont mobilisées hier du côté de la Place de la République à Paris. Qu'est-ce que vous leur répondez ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Alors ce problème-là, il est bien identifié. Je dirai que depuis 2017, le nombre d'accompagnants a explosé. C'est-à-dire qu'on a augmenté de 70% depuis 2017 ce nombre d'AESH. Ça devient le deuxième métier au sein de l'éducation nationale. Ce n'est pas rien. Aujourd'hui, ils sont plus de 150 000. Il y a eu aussi des évolutions en termes de formation, de statut de travail, mais il y a encore des travaux à faire. Elisabeth BORNE, on pourra aussi en parler à l'occasion de ce comité interministériel du handicap, et aujourd'hui, elle participe avec moi dans le cadre de l'anniversaire de la loi à un atelier sur l'école inclusive pour réaffirmer l'ambition. Il y a ça, puis il y a aussi le fait qu'il faut faire plus rentrer le médico-social au sein des écoles. On a expérimenté ce qu'on appelle les pôles d'appui à la scolarité. C'est-à-dire que ce sont des professionnels du médico-social qui, avec des professionnels de l'éducation nationale, sont complètement dédiés à venir appuyer les enseignants, à former, à soutenir les AESH et à accompagner les enfants.
ANTOINE COMTE
Alors un mot rapide sur cette proposition de loi transpartisane portée par un député socialiste et un député LR. Eux, ils visent à lutter contre les injustices faites aux personnes en situation de handicap. Ils parlent notamment des bénéficiaires de l'allocation adultes handicapées. Est-ce que le Gouvernement est prêt à soutenir ce texte ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Alors ce qu'ils ont évoqué, c'est en partie cette proposition-là. Mais ils ont aussi surtout dit : "On souhaite travailler de façon plus large avec tous les groupes politiques". Parce qu'aujourd'hui, les initiatives parlementaires sur le champ de handicap sont très nombreuses et elles sont un peu éparses. Et les parlementaires n'ont vraiment que des petites fenêtres de tir, ce qu'on appelle les niches, vous savez, pour pouvoir proposer des textes.
ANTOINE COMTE
Niches parlementaires.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Et donc ce qu'ils ont demandé au Gouvernement, c'est qu'on puisse avoir un travail collectif Gouvernement et groupe parlementaire de façon transpartisane, pour avoir un texte plus enrichi. Et vous savez, aujourd'hui, on va avoir de nombreux travaux de bilan qui sont faits par le CNCPH, par le CESE, par l'Assemblée nationale et le Sénat, qui vont nous dire ce qu'ils pensent de la loi et des évolutions législatives qui sont nécessaires. Moi, je trouve très intéressante leur proposition et je prête à prendre un temps de travail avec eux de co-construction d'un texte de loi qui pourrait répondre de façon fiable et efficace aux points qui vont être relevés dans ces bilans.
ANTOINE COMTE
Un mot sans transition sur le droit du sol et sur ce débat sur l'immigration que souhaite élargir François BAYROU. La vice-présidente de l'Assemblée nationale, Naïma MOUTCHOU, qui est de votre parti, parti Horizons, elle dit que la révision du droit du sol et ce débat serait un mauvais débat. Elle l'a dit d'ailleurs chez nous sur France Info. C'était samedi. Quelle est votre position, vous, personnelle, en tant que membre du Gouvernement ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Oui, je suis assez d'accord avec elle et aussi avec ce que disent les députés Horizons. La question, c'est qu'est-ce qu'on fait surtout pour l'immigration illégale ? Parce que c'est ça, en fait, le gros problème. Comment est-ce qu'on fait pour gérer l'immigration et particulièrement l'immigration illégale ? Et comment on fait pour mieux gérer les OQTF ? Les députés Horizons ont produit une tribune pour proposer de remettre en cause l'accord franco-algérien. Donc je crois que s'il y a une priorité, c'est sans doute plutôt celle-là.
ANTOINE COMTE
Donc vous n'êtes pas d'accord avec François BAYROU sur l'élargissement de ce débat ? Vous ne le souhaitez pas ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Je pense que ce débat, il peut être assez porteur de division et de tension et, me semble-t-il, n'est pas en tout cas… Moi, je ne ressens pas qu'il est demandé, en tout cas dans ma circonscription du Nord qui porte vraiment les valeurs républicaines. Je ne le ressens pas comme une demande. Je sens qu'il y a une demande sur la sécurité de l'ordre et de la demande sur comment est-ce qu'on fait pour que l'immigration soit mieux régulée, mieux gérée et surtout qu'on lutte contre l'immigration illégale, qui est un véritable fléau à plein niveau pour tout ce qu'elle apporte aussi en termes de délinquance, de trafic de personnes. Voilà, c'est ça.
ANTOINE COMTE
Dernier petit mot très rapide sur cette motion de censure des Socialistes qui sera sans doute déposée en début de semaine prochaine au nom des valeurs. Ils reprochent à François BAYROU ce terme de submersion migratoire. Elle l'inquiète au plus haut point, Matignon. Vous, ça vous inquiète aussi ?
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Je pense qu'elle ne va pas être comprise du tout par les Français, puisque avec le Parti socialiste, il y a eu vraiment un dialogue pour pouvoir porter l'idée qu'il faut de la stabilité et qu'il faut apporter un budget. On est en train avec eux d'y arriver collectivement. Et je crois que ça, c'était une bonne chose. Là, ça vient remettre un petit peu de difficultés. Ça fait un peu tanguer, le bateau. Juste quelques jours après l'adoption possible du budget, je crois que c'est un jeu un peu dangereux.
ANTOINE COMTE
Merci, Charlotte PARMENTIER-LECOCQ.
CHARLOTTE PARMENTIER-LECOCQ
Merci à vous.
ANTOINE COMTE
Merci d'avoir été avec nous. Ministre déléguée chargée de l'Autonomie et du Handicap. Merci d'avoir été notre invitée ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 février 2025