Texte intégral
- Seul le prononcé fait foi -
Mesdames, Messieurs les acteurs de la santé animale,
Comme je vous l'avais proposé par mon courrier du 11 décembre dernier, nous voici tous réunis pour le lancement des assises du sanitaire animal.
Je suis très heureuse de votre présence, en nombre, dans cette salle ainsi que pour certains d'entre vous à distance.
Je suis particulièrement heureuse de voir l'ensemble des filières ainsi réunies :
- celles actuellement les plus frappées par les épizooties majeures ou les menaces d'épizooties ruminants, porcins, volailles ;
mais aussi l'apiculture, l'aquaculture et la filière équine qui sont tout aussi exposées, avec leurs spécificités.
1/Constat
Avant d'entamer notre après-midi de travail, je pense important de rappeler ce qui a motivé ma décision d'organiser les assises que nous lançons aujourd'hui.
A ma nomination le 21 septembre dernier comme Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, j'ai été marquée par l'ampleur des difficultés auxquelles étaient confrontées les filières d'élevages ruminants : en raison des différentes maladies vectorielles qui sévissaient et s'étendaient dans le pays, notamment la Fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE).
En dépit de l'engagement plein et entier de tous les acteurs pour gérer ces crises, nous devions gérer des stratégies de lutte complexes et évolutives. Nous ne disposions :
- pas de tous les moyens, qui nous auraient été nécessaires pour en limiter les impacts ;
- ni du temps pour agir de façon aussi anticipée que nous l'aurions tous souhaité.
Par exemple :
• La production de doses de vaccins était limitée au niveau européen pour protéger les troupeaux envers la FCO de sérotype 8, ce qui a produit des situations de pénuries ;
• Le temps était imparti pour la mise au point, l'homologation et la production d'un vaccin contre la FCO de sérotype exotique 3 ;
• et il était opérationnellement, par manque de vaccins, et scientifiquement complexe de déployer une vaccination dans un cordon sanitaire pour protéger le nord et l'est de la France de l'extension de la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Nous ne pouvons pas continuer ainsi dans les années futures. D'autant que j'entends parler de nouveaux sérotypes de FCO pouvant nous arriver depuis le nord ou le sud de l'Europe dans les temps prochains. En un mot « Plus jamais ça ».
2/ Objectif
Tout cela m'a convaincue que nous devions réinterroger nos organisations, nos stratégies et les moyens à mobiliser dans la prévention, la surveillance et la lutte contre les maladies animales.
Car je suis persuadée qu'il n'y a pas de souveraineté alimentaire sans souveraineté sanitaire.
3/ Menaces
Cette question est centrale. Car notre souveraineté sanitaire est gravement menacée, dès cette année, par la convergence de plusieurs menaces :
- Les maladies vectorielles, dont je viens de parler, qui touchent les filières d'élevages ruminants L'influenza hautement pathogène en filière volaille
- Le risque d'introduction de la fièvre porcine africaine qui sévit en Italie, en Allemagne et en Europe centrale.
C'est sans compter, que nous avons appris, ces derniers jours, l'émergence de la Fièvre aphteuse en Allemagne.
Jamais nous n'avons été aussi menacés ces dernières années, à l'heure même où la décapitalisation de notre cheptel est en jeu et où se pose la difficulté du renouvellement des générations dans le secteur de l'élevage.
Nous interroger aujourd'hui sur notre modèle sanitaire et son adaptation à la multiplication des attaques virales, c'est tout simplement préparer l'avenir. C'est prendre nos responsabilités pour que perdurent la tradition de nos productions animales et l'équilibre de notre agriculture et de nos territoires dont elles sont la clé.
Car dans ces temps de dérèglement climatique et d'amplification des échanges mondiaux, nous ne savons pas ce que l'avenir peut nous réserver. Le foyer de fièvre aphteuse en Allemagne est venu nous rappeler que, même les maladies que nous pensions appartenir au passé, peuvent se révéler brutalement d'actualité.
Au-delà de la multiplication des menaces auxquelles nous faisons face, il y a, bien sûr, le risque zoonotique qui nous préoccupe. Nous ne pouvons plus fonctionner de façon cloisonnée. L'exemple du COVID 19 nous l'a bien souligné.
C'est dans une démarche globale et systémique de la santé que nous serons à même de répondre au mieux aux enjeux zoonotiques. Et la résilience sanitaire de nos élevages fait partie intégrante de cet objectif majeur de santé publique.
4/ Progrès de la vaccination
Si les défis sont multiples et préoccupants, nous pouvons néanmoins souligner des progrès sanitaires, car la France expérimente et rencontre également de réels succès. Après la première campagne nationale de vaccination lancée en octobre 2023, la seconde campagne de vaccination des canards contre l'IAHP a été lancée en octobre 2024.
Ces campagnes sont la démonstration d'un succès issu de la mobilisation de tous les acteurs du sanitaire. En partant de la recherche et du développement des vaccins, jusqu'aux vétérinaires et éleveurs. Cette mobilisation a permis d'installer une immunité collective dans les filières canards, protectrice pour l'ensemble de nos filières d'élevage avicole.
Lors de la crise de 2021-2022, plus de 1000 élevages avicoles ont été déclarés foyers, 22 millions d'animaux avaient été abattus et le coût total de la crise se chiffre à plus d'un milliard.
En 2023-2024, avec le déploiement de la vaccination, le constat est éloquent : seule une dizaine foyers ont été comptabilisés, et le coût de la prévention et de la gestion de cette maladie a été ramené à 10 fois moins.
Les représentants de la filière foie gras ont fait connaître que l'exercice 2024 a permis de bons résultats économiques, permettant de voir l'avenir avec plus de confiance.
En outre, la levée récente de certaines restrictions à l'export de la part des Etats-Unis et du Canada montre :
- d'une part, la confiance que nourrissent nos partenaires pour nos stratégies vaccinales
- et, d'autre part, l'efficacité de notre diplomatie agricole et alimentaire.
Je continue néanmoins mon dialogue avec mes homologues, en particulier le Ministre Britannique, pour lever l'embargo qui empêche nos exportations de canards en Grande-Bretagne. Les services travaillent en étroite collaborations avec les autorités japonaises, sud-coréennes, thaïlandaises et chiliennes pour parvenir, là-aussi, à lever les différentes restrictions au plus vite.
5/ Les travaux à mener
Depuis ces constats, j'ai rencontré certains d'entre vous. Vous m'avez exprimé, chacun en ce qui vous concerne, la nature de vos préoccupations sur notre modèle d'organisation sanitaire, son financement et les solutions qu'il espère voir émerger.
Je vous ai écoutés avec attention, et je sais que nous avons des défis à relever ensemble, chacun en prenant sa part.
L'exercice que nous allons engager ensemble aujourd'hui doit être bien compris quant à son périmètre et son calendrier.
1/ Tout d'abord, nous avons une organisation sanitaire en place, issue des Etats Généraux du Sanitaire conduits voici 15 ans, qui a été complétée ensuite de différents dispositifs visant à l'améliorer.
Je ne souhaite pas que les assises du sanitaire animal ignorent les acquis. Il n'est pas question de faire table rase, mais d'améliorer tout ce qui ne fonctionne pas ou plus. J'attends donc de nos travaux qu'ils permettent d'identifier ce qui doit être rénové ou simplement optimiser.
De plus, nous ne pourrons, ignorer que nous agissons dans un cadre réglementaire communautaire, celui régi par la Loi de Santé Animale.
2/ En second lieu, non, nous n'allons pas résoudre ici l'urgence des sujets de l'année 2025. Mes services vous ont indiqué que les dossiers en cours doivent se poursuivre sans attendre les résultats des assises.
Le chantier des assises doit préparer l'avenir, en ciblant un complet déploiement, au plus tard en 2026.
Des travaux préparatoires ont été conduits ces dernières semaines, pour lesquels je sais que vous vous êtes mobilisés avec énergie et de manière constructive, ce dont je tiens à vous remercier.
Plus de 40 contributions écrites ont été versées pour les groupes de travail préparatoires des assises réunis mi-janvier. D'autres le seront encore, c'est très révélateur de l'intérêt que vous portez à cette réflexion de fond et au besoin que vous éprouvez tous de faire mouvement pour bâtir de nouvelles solutions.
Toutes ne pourront bien sûr pas être évoquées en détail cet après-midi. Mais elles constituent la matière qui viendra enrichir nos réflexions en transparence pour tous.
Le moment est venu de poser et partager les données à notre disposition pour conduire ces travaux.
Je serai avec vous une partie de l'après midi.
A l'issue des échanges, je tiens à fixer le cap que je nous invite à tenir ensemble.
Monsieur Libeskind [le modérateur], je vous confie l'animation de cet après midi. Et je compte sur vous tous pour une réunion dynamique, ouverte aux échanges et, je l'espère, constructive.
Source : Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le 12 février 2025