Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Madame la présidente du conseil régional d'Occitanie.
Monsieur le maire de Toulouse, [et président de Toulouse métropole,] cher Jean-Luc,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Avant toute chose merci cher Guillaume Faury, et vous tous ici de me recevoir ainsi chez vous.
Je ne vous cache pas mon plaisir de venir sur cette terre, et de lui avoir réservé mon premier véritable déplacement de ministre, déjà pour le rugby que j'ai beaucoup pratiqué, pour la gastronomie du sud-ouest que j'ai aussi pratiquée, mais surtout pour l'éclatant exemple industriel d'Airbus.
Venir ici marque aussi la fin de 7 semaines de discussions budgétaires intenses. Elles ont été conduites dans la négociation avec tous les partis politiques qui l'ont souhaité, et c'est une méthode à laquelle je tiens.
Forts de ce budget exigeant, pour lequel je rends aussi hommage à mes prédécesseurs, nous avons désormais un horizon. Un horizon de redressement des finances publiques [3% de déficit à 2029], mais surtout un horizon stabilisé de réformes, pour rendre notre économie plus résiliente, plus efficace, plus performante.
1. Une industrie exemplaire, parce que résiliente grâce à l'innovation
Le groupe Airbus s'est peu à peu imposé comme la fierté du continent européen, et plus encore ces derniers temps en asseyant son leadership mondial. Et en effet, on aurait tort de se priver de faire les louanges de la figure de proue d'une filière qui génère plus de 200.000 emplois, mais aussi qui exporte 31Mds€ en 2023, soit le 1er poste excédentaire de notre balance commerciale. Et, surtout, qui maintient à un haut-niveau sa recherche et son développement, avec pour le seul groupe Airbus un budget innovation qui dépasse les 3Mds€ annuels !
Car c'est plutôt là que réside le caractère exemplaire de notre fleuron industriel, dans sa constance à se projeter malgré un contexte qui ne l'épargne pas. C'est bien sa capacité d'innovation qui a permis son agilité, cette innovation pour rebondir après l'épisode covid, pour affronter une compétition internationale féroce, pour surmonter le défi structurel de la décarbonation.
De sorte que si Airbus est aussi souvent citée en exemple, ce n'est pas parce qu'elle est la preuve que tout va bien, mais parce qu'elle est la preuve que tout est possible.
Et cette ligne d'assemblage (FAL) sur laquelle nous sommes cet après-midi, qui a porté l'A380, prouve la résilience dont une industrie innovante sait faire preuve. Preuve en sont aujourd'hui ces A321XLR, comme celui situé derrière moi, dans le plus grand site industriel de France, sur une ligne hypermoderne, aux décisions dématérialisées et logistiques automatisées.
2. Un modèle à répliquer à d'autres échelles et dans d'autres filières industrielles.
Mais le succès d'une filière industrielle ne dépend pas seulement de la tête bien visible, mais de tout le corps qui la compose.
C'est pour cela qu'avant de vous rejoindre j'étais aux Ateliers de la Haute Garonne. Cette PME familiale qui existe depuis plus d'un siècle et qui fournit Airbus depuis plus d'un demi-siècle. Elle emploie un millier de salariés de par le monde et détient des dizaines de brevets, ce qui fait d'elle le leader mondial des fixations aéronautiques.
Et tout l'écosystème autour de ces leaders de l'industrie fait vivre des territoires. C'est pour cela, et pour soutenir cette ambition à chaque étape de la chaîne, que nous sommes à ses côtés.
Notre ambition pour la filière aéronautique française est grande. Elle est à la hauteur du double défi de la compétitivité et de la décarbonation.
Nous allons tout faire pour maintenir notre avance technologique et pour remporter la bataille de l'avion durable. Parce qu'au-delà des critiques faciles et déconnectées, nous savons qu'un avion frugal, un avion bas-carbone, demeure possible : ultraléger, en matériau composite, et issu d'une supply-chain repensée.
Je suis donc convaincu que la décarbonation sera l'opportunité d'innover, pour monter en gamme et améliorer la durabilité de notre économie. Un avion frugal sera plus compétitif. Et le carnet de commandes de l'A321 XLR illustre admirablement que la compétitivité par l'innovation et la transition environnementale peuvent s'alimenter l'une l'autre, pour une croissance durable. L'A321 XLR consomme 30% de moins que les autres mono-couloirs et devient donc le seul de sa catégorie à atteindre le rayon d'action long courrier, comme son nom l'indique.
Déjà certains avions se ravitaillent en carburant durable, le fameux SAF [Sustainable Aviation Fuel]. Cette innovation a d'ailleurs été portée spécifiquement par un consortium d'acteurs publics et privés de la région Occitanie, [l'initiative ICEO], que je salue. Je suis heureux de vous confirmer qu'un crédit d'impôt spécifique en faveur de l'utilisation des carburants durables a été introduit avec le soutien du Gouvernement dans le budget 2025 qui sera, je l'espère, promulgué dans les prochains jours.
Cette prise d'initiative et donc de risque est précieuse, et l'Etat est fier de l'accompagner. En dépit d'un contexte budgétaire difficile, nous maintenons un engagement significatif au sein du CORAC.
S'y ajoutent les moyens portés par le plan France 2030. Dans ce plan de soutien aux grands projets industriels, je m'engage à ce que l'aéronautique et sa décarbonation soient une priorité du second temps qui s'ouvre pour être à l'avant-poste de cette révolution. Et je sais que nombre de projets prometteurs ont été portés par Airbus et les acteurs de la filière. Nous continuerons à promouvoir une dynamique d'innovation propice aux jeunes pousses et aux PME et ETI, via le crédit impôt recherche et le programme jeunes entreprises innovantes.
En contrepartie, nous comptons aussi sur les entreprises leaders pour préserver les acteurs de leur chaîne d'approvisionnement, dans les négociations commerciales comme dans la trésorerie. Car nous avons besoin de tous les acteurs de la chaîne pour préserver notre souveraineté industrielle.
Pour perpétuer et répliquer dans d'autres domaines de l'industrie de telles filières intégrées et ainsi cesser de fragmenter nos efforts, la France bénéficie d'avantages considérables, que nos concurrents comme nos partenaires jalousent. Un savoir-faire composé des meilleurs ingénieurs du monde, et qui se développe sur « les métiers d'avenir » grâce à France 2030 et au bien-nommé projet EOLE.
Mais également des infrastructures de grande qualité, ainsi qu'une énergie abondante, pilotable, bon marché et décarbonée. Sur ce plan, avec l'aide d'EDF, nous proposons des contrats d'approvisionnement en énergie de long-terme à des conditions compétitives pour apporter une visibilité aux industries électro-intensives.
C'est aussi en ce sens que nous travaillons à boucler le financement du programme pour un nouveau nucléaire français, qui portera la construction de 6 nouvelles centrales pour assurer, dans la durée, le maintien de cet avantage compétitif décisif pour notre industrie. Le forum de l'IA qui se tenait à Paris en début de semaine n'a fait que confirmer l'importance de cet atout, qui fait de la France un des leaders du numérique.
3. Une conception européenne de la souveraineté industrielle
Au-delà de ses succès techniques, de son dynamisme commercial, et même de la qualité de son innovation, si Airbus et sa filière forment un exemple pour nos industries, c'est parce qu'elles sont européennes. Or, plus que jamais dans la fragmentation géopolitique que connaît le monde et dans la rivalité sino-américaine qui voit poindre une guerre commerciale, plus que jamais avons-nous besoin de cette Europe industrielle.
Cette troisième voie, la voie européenne, est celle qui aura su conjuguer la compétitivité à la responsabilité sociale et à la responsabilité environnementale.
Mais cette communauté industrielle européenne permettra surtout de renforcer notre souveraineté, qui s'est trouvée fragilisée pendant les récentes crises internationales. Elle permettra aussi de renforcer notre compétitivité. Le rapport que Mario Draghi a dressé sur l'urgence européenne dessine des perspectives fortes en cette matière. Je souhaite qu'elles soient poursuivies sans délai.
Le premier impératif est sans doute celui de la simplification. A commencer par le fonctionnement de l'Etat, que nous allons devoir rendre plus efficace. [Je vous annonce aujourd'hui qu'en lien avec Laurent MARCANGELI et Marc FERRACCI, nous proposerons des enrichissements à ce projet de loi pour renforcer les simplifications dans les procédures industrielles.]
Mais simplification également dans les normes, pour inciter à l'innovation, encourager à la prise de risque.
Cela se fera aussi par l'établissement d'un environnement permettant l'accélération des innovations. Un environnement normatif mais également financier à même d'inciter ces innovations de rupture, leur amorçage, leur financement et la juste rémunération de leur valeur ajoutée.
Les investissements publics de l'Etat stratège devront garantir notre souveraineté économique, mais également soutenir nos filières en difficulté, dans l'automobile, dans l'acier, dans la chimie. L'achèvement de l'Union des Marchés des Capitaux et la mise en place d'un label d'épargne européen devront nous permettre de mobiliser l'épargne dormante des Français et des Européens pour alimenter notre industrie.
Au niveau national, je souhaite que nous poursuivions notre réflexion pour promouvoir l'épargne de long terme dans notre tissu d'entreprises françaises. C'est un enjeu majeur pour porter la croissance de demain.
Enfin, il nous faudra mener une politique commerciale assertive. J'assume de dire ici que nous devons déployer une préférence européenne. La concurrence intra-européenne ne doit pas nuire aux rapprochements qui permettront l'émergence d'autres champions européens. L'Union européenne a les moyens de réagir : elle l'a prouvé par le passé et le prouvera chaque fois que nécessaire.
Si nous subissons des mesures commerciales unilatérales ou agressives de la part de certains partenaires au niveau international, nous réagirons rapidement et fortement pour protéger nos intérêts économiques. Nous poursuivrons nos efforts pour rétablir des conditions de concurrence équitable et conforter la présence des chaînes de production à haute valeur ajoutée sur le sol européen.
C'est la meilleure façon de nourrir une croissance durable et d'ainsi répondre au triple défi du plein emploi, de la souveraineté économique et de préservation du climat.
Conclusion
L'industrie nourrit un idéal concret, et vous avez la chance ici d'oeuvrer au rêve le plus mythique, et même mythologique de l'homme, celui de voler. Je ne crois pas que nous devions renoncer à cet idéal, et les chiffres de la demande mondiale pour vos avions le confirment. Même si cet idéal devra sans doute évoluer, comme il l'a toujours fait, et s'adapter à l'impératif d'une meilleure conciliation avec l'objectif d'une croissance durable et décarbonée. Je sais que vous êtes aux avant-postes de ce combat.
Notre ambition commune pour la filière aéronautique est l'incarnation de ce que nous portons pour l'industrie française et l'économie européenne. Les fragmentations géopolitiques, les compétitions déloyales, les transitions structurelles : vous connaissez mieux que quiconque les défis industriels actuels. Vous êtes la preuve qu'on peut les assumer avec beaucoup d'élan.
Portons haut nos couleurs, notre audace et nos savoir-faire. Et soyons-en fiers, car c'est ainsi que nous écrivons l'avenir.
Vive l'Industrie, la République, vive la France !
Source https://www.economie.gouv.fr, le 14 février 2025