Interview de M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, à TF1 le 14 février 2025, sur la violence en France, l'état des finances publiques, la réforme de l'action publique et l'éventualité d'une primaire pour la future présidentielle.

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Média : TF1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
7 h 36, bonjour Selha BOUGRIOU.

SELHA BOUGRIOU
Bonjour Bruce. Bonjour Monsieur le Ministre.

LAURENT MARCANGELI
Bonjour.

BRUCE TOUSSAINT
Votre invité ce matin, Laurent MARCANGELI, le ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification.

SELHA BOUGRIOU
Bonjour Laurent MARCANGELI.

LAURENT MARCANGELI
Bonjour.

SELHA BOUGRIOU
Votre collègue Bruno RETAILLEAU est attendu ce matin à Grenoble après l'attaque dans un bar à la Grenade. On en parlait dans nos journaux. Un niveau de violence qui ne cesse de monter, de l'aveux même du maire de la ville. Est-ce qu'on a définitivement perdu cette bataille ?

LAURENT MARCANGELI
Je ne veux pas dire qu'on a perdu la bataille. Ce que je constate en revanche, comme beaucoup d'observateurs et d'acteurs politiques aujourd'hui, c'est que notre société se barbarise. Et ça m'inquiète, ça m'inquiète pour nos enfants, ça m'inquiète pour notre vie en société.

SELHA BOUGRIOU
Est-ce que le maire a une responsabilité ? Vous savez qu'il est souvent accusé de laxisme sur les questions sécuritaires. Alors hasard du calendrier, hier, il donnait une interview à Libération dans laquelle on l'interrogeait sur les critiques à l'égard de sa politique sécuritaire. Il répondait : " Je m'en fous un peu ".

LAURENT MARCANGELI
Si j'étais Grenoblois, je serais dans l'opposition, ça ne fait pas de mystère, notamment par rapport à la gestion d'insécurité par ce maire.

SELHA BOUGRIOU
La violence dans le reste de la société aussi, vous le savez. Les agents de la fonction publique sont en première ligne. Alors, on va prendre un exemple très concret pour que les gens comprennent bien. Très simple, Pôle emploi, par exemple, en trois ans, les violences ont augmenté de 20%. Alors là, ça vous concerne directement. Comment vous endiguez ce phénomène concrètement ?

LAURENT MARCANGELI
Quand je vous parle de barbarisation de la société, c'est la montée en puissance des violences et les agents publics, quels que soient, d'ailleurs, les métiers qu'ils exercent, sont en première ligne. Que ce soit à Pôle emploi, France Travail, aujourd'hui, que ce soit dans les écoles, que ce soit dans des métiers comme sapeur-pompier, vous voyez très bien qu'il y a de la violence dans ce pays. Alors, ce que nous allons proposer aujourd'hui, c'est de soutenir une initiative parlementaire portée par Violette SPILLEBOUT qui est députée du Nord. Je vais à Lille tout à l'heure pour dire que nous allons soutenir sa proposition de loi qui vise à protéger fonctionnellement les agents publics, les 5,7 millions d'agents publics, à savoir l'employeur, l'Etat, les collectivités territoriales ou l'hôpital, portera plainte et soutiendra l'agent public. Un agent public attaqué, que ce soit verbal, que ce soit physique, il ne doit jamais être seul.

SELHA BOUGRIOU
Qu'est-ce que ça change concrètement que l'employeur puisse lui-même porter plainte à la place de l'agent ?

LAURENT MARCANGELI
D'abord, ça renforce la cohésion entre l'employeur et l'agent. Et puis surtout, il y a une deuxième disposition dans cette loi, c'est qu'il y a des ayants-droits aussi. Des membres de la famille, des concubins qui peuvent aussi être accompagnés par l'employeur dans le cadre des plaintes.

SELHA BOUGRIOU
Et ça, ce sera dans un délai raisonnable ?

LAURENT MARCANGELI
Nous allons essayer de procéder de la manière la plus rapide possible. C'est une proposition de loi qui émane d'une députée et le Gouvernement soutiendra cette démarche. Il pourra donc très certainement l'inscrire dans un temps du Gouvernement.

SELHA BOUGRIOU
Venons-en à un rapport de la Cour des comptes qui a été publié hier avec des mots très forts sur l'état des finances publiques. Elle pointe, je les cite : " Une dérive inédite. Un pays au pied du mur, des dépenses en roue libre ". Vous partagez ce constat ?

LAURENT MARCANGELI
Les rapports de la Cour des comptes sont toujours très durs, même quand ça va mieux.

SELHA BOUGRIOU
Ce n'est pas réaliste ?

LAURENT MARCANGELI
Ceci étant dit, bien sûr que c'est réaliste. Vous savez, j'ai été député président d'un groupe qui s'appelait Horizon. C'est un parti politique que préside Édouard PHILIPPE. Vous savez ce que nous pensons des déficits publics. Édouard PHILIPPE s'exprime régulièrement sur la question. Je fais bien ses propos.

SELHA BOUGRIOU
Un séminaire de travail sur la réforme de l'action publique se tient à Matignon depuis quelques minutes. Chaque ministre devra rendre une feuille de route sous un mois concernant notamment la réorganisation de ses services. Comment vous faites ? Vous pouvez encore réduire le budget des administrations ? On parlait justement des gens qui sont en première ligne, aujourd'hui, et qui parfois voient aussi la colère des Français parce qu'il y a un manque d'efficacité des services publics.

LAURENT MARCANGELI
Nous faisons des efforts. Nous savons très bien que le budget de 2025 porte la marque de ces efforts, pas seulement pour la fonction publique, mais pour l'ensemble des Françaises et des Français. Aujourd'hui, le séminaire gouvernemental prévoit effectivement que les ministres s'organisent. Je ferai, comme l'ensemble de mes collègues, part de mes propositions au Premier ministre très rapidement.

SELHA BOUGRIOU
Sur les agences publiques, par exemple, la suppression de certaines d'entre elles ?

LAURENT MARCANGELI
Vous avez une commission parlementaire au Sénat qui va se pencher sur la question. On va travailler également en bonne intelligence avec les parlementaires. C'est l'objectif de ce Gouvernement de travailler avec l'Assemblée nationale et le Sénat sur ces sujets de fond.

SELHA BOUGRIOU
Vous avez entendu Jordan BARDELLA qui propose un ministère de l'efficacité gouvernementale, à l'image de ce que l'on voit avec Elon MUSK aux Etats-Unis ?

LAURENT MARCANGELI
Il pourrait aussi proposer d'avoir des gens plus efficaces quand il les présente aux élections, puisque quand il présente des gens sous curatelle, ça fait annuler les élections.

BRUCE TOUSSAINT
Mais sérieusement ?

LAURENT MARCANGELI
Écoutez, cette inspiration outre-Atlantique ne me semble pas très française. Voilà ce que je réponds à Monsieur BARDELLA.

BRUCE TOUSSAINT
Vous trouvez que les Gouvernements sont toujours efficaces ? Vous ne trouvez pas que… Mettons à côté Elon MUSK. L'efficacité gouvernementale vous paraît toujours optimale ?

LAURENT MARCANGELI
Mais bien sûr que non. Nous avons des efforts à réaliser et il faut s'améliorer, et moi, je dis, encore une fois, l'inspiration outre-Atlantique, je trouve que c'est bizarre qu'un président de parti nationaliste français s'inspire de ce qui se passe aux Etats-Unis.

SELHA BOUGRIOU
Bon, mais sur le fond, vous ne répondrez pas. Un mot sur la politique. Cela ne vous a pas échappé. Les ambitions commencent à se révéler au grand jour pour 2027. Est-ce qu'il faut une primaire pour le bloc central ?

LAURENT MARCANGELI
Je défends la candidature d'un homme qui s'appelle Édouard PHILIPPE et qui est candidat à l'élection présidentielle.

SELHA BOUGRIOU
Donc, vous êtes proches, mais est-ce qu'il faut un seul candidat pour le centre et la droite ?

LAURENT MARCANGELI
Bien sûr, je pense qu'il faudra un seul candidat. Et je pense que le meilleur, c'est celui dont je viens de vous parler.

BRUCE TOUSSAINT
Il est bien placé. Il y a un sondage publié ce matin dans le Figaro. Il est plutôt en tête dans ces personnalités dont on aimerait qu'elle participe à une primaire. Les Français aiment bien les primaires.

LAURENT MARCANGELI
Dans le sondage, je ne sais pas forcément ce qui ressort en premier. Je crois que les Français ont envie que les choses soient claires. Ils ont envie d'avoir des candidats qui vont défendre des projets, qui vont défendre des réformes. Je pense qu'Édouard Philippe fait partie de celles et de ceux qui peuvent défendre de bons projets et surtout de belles réformes.

SELHA BOUGRIOU
On a entendu et on a surtout lu Gérald DARMANIN qui, rappelez-vous, fin 2003, considérait qu'Édouard PHILIPPE, justement, était le mieux placé et se disait prêt à le soutenir. Qu'est-ce qui a changé depuis pour qu'aujourd'hui, il appelle à une primaire ?

LAURENT MARCANGELI
Vous lui poserez la question. Moi, en tout cas, Laurent MARCANGELI, je pense qu'Édouard PHILIPPE est le meilleur placé et le meilleur candidat.

SELHA BOUGRIOU
Donc non à une primaire. Tout autre sujet, Laurent MARCANGELI, vous le savez, ça provoque l'émoi dans la classe politique. François BAYROU est accusé d'avoir été mis au courant de violences et de violences sexuelles dans un établissement à Pau, un établissement sous contrat avec l'État, Notre-Dame de Bétharram. D'après Mediapart, François BAYROU avait connaissance de ces agissements dès la fin des années 90, que ce soit en tant que ministre de l'Éducation nationale ou en tant que président du conseil départemental notamment. Vous, qu'est-ce que ça vous évoque tous ces témoignages qui contredisent aujourd'hui la version du Premier ministre ? Et qu'est-ce que vous répondez à ceux qui estiment qu'il faudrait une commission d'enquête parlementaire ?

LAURENT MARCANGELI
Deux choses. François BAYROU, il fait de la politique depuis quarante ans. Il a toujours protégé sa famille, notamment de la surexposition médiatique. Donc je vais vous poser une question : vous croyez vraiment qu'il aurait laissé ses enfants dans cette école alors qu'il sait ? Il ne peut pas savoir. Ce n'est pas possible. Il ne peut pas laisser ses enfants dans une école où il se passe des choses comme ça.

SELHA BOUGRIOU
Mais vous avez lu comme nous la presse, il y a tout de même des éléments qui sèment le trouble. Ce courrier, par exemple, adressé par une victime à François BAYROU en personne en mars 2024, sa réception est attestée, mais elle reste sans réponse. Elle y détaille les abus dont elle a été victime entre 1957 et 1961.

LAURENT MARCANGELI
Vous savez, la maire, puisque c'est peut-être à la mairie de Pau que ce courrier a été envoyé, il arrive parfois qu'ils ne reçoivent pas tous les courriers en direct.

SELHA BOUGRIOU
D'autres ont fait des alertes, des professeurs.

LAURENT MARCANGELI
En tout cas, je crois ce que dit François BAYROU.

BRUCE TOUSSAINT
Et la commission d'enquête ?

LAURENT MARCANGELI
Si une commission d'enquête, le Parlement est libre d'ouvrir une commission d'enquête. Moi, ce que je vois, c'est une envie de manipulation. Les propos de LFI sont scandaleux à l'Assemblée nationale sur ce sujet.

SELHA BOUGRIOU
Merci à vous.

BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup, Laurent MARCANGELI.

LAURENT MARCANGELI
Merci.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 février 2025