Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture
(…)
La parole est à Mme la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire
Un peu moins d'un an après le dépôt du texte sur le bureau de l'Assemblée nationale, après de multiples rebondissements politiques ayant empêché son examen dans les délais initialement prévus, nous touchons au but : le gouvernement vous demande solennellement d'adopter le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, dans sa forme issue d'un compromis transpartisan trouvé par la commission mixte paritaire réunie hier.
Je salue le travail de tous les parlementaires : vous avez été nombreux en mai 2024 à défendre des positions très souvent constructives pour enrichir un texte très attendu par le monde agricole. Je remercie M. Fesneau, qui, lorsqu'il était ministre de l'agriculture, fut à l'origine du projet de loi et qui a travaillé d'arrache-pied à en faire une réponse forte aux demandes des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.) Je remercie également les présidentes des commissions, Aurélie Trouvé et Dominique Estrosi Sassone, qui ont autorisé son inscription parmi les priorités législatives.
Je voudrais également remercier les rapporteurs de l'Assemblée nationale, M. Éric Girardin et M. Pascal Lavergne (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Éric Martineau applaudit également), qui ont œuvré au printemps dernier aux côtés de ceux qui négociaient encore ligne à ligne jusque tard dans la nuit : M. Pascal Lecamp et Mme Nicole Le Peih, dont je salue le travail acharné ces dernières semaines sur ce texte (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.) J'adresse, au même titre, mes remerciements aux rapporteurs du Sénat.
Je remercie également les membres de la commission mixte paritaire, les administrateurs du Sénat et de l'Assemblée ainsi que les équipes de mon ministère, dont la volonté et l'engagement ont permis d'aboutir, dans un temps contraint, à une position de compromis ambitieuse et responsable.
Passés ces remerciements, abordons la question de fond : quelle est la nature du texte soumis à votre approbation ce soir ?
Il est d'abord très attendu par le monde agricole dans son ensemble.
M. Ian Boucard
Eh oui !
Mme Annie Genevard, ministre
Un an après un premier mouvement de protestation d'ampleur et à quelques jours seulement de l'inauguration du soixante et unième Salon de l'agriculture, l'adoption du projet de loi d'orientation agricole résonnera puissamment dans chaque ferme.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
Mme Annie Genevard, ministre
Elle signera la mise en œuvre de l'ensemble des engagements pris par l'État en janvier 2024 et dégagera la voie au grand mouvement de renouvellement des générations en agriculture que nous appelons de nos vœux.
Grâce à votre vote, notre agriculture, notre pêche et notre forêt reprendront le rang qui est le leur, celui d'intérêt général majeur de la nation. (Mme la rapporteure applaudit.) Des conférences sur la souveraineté alimentaire, dirigées par les filières avec le soutien de l'État, définiront des objectifs à dix ans pour améliorer substantiellement le potentiel agricole de notre nation, afin d'éliminer définitivement les dépendances superflues.
Grâce à votre vote, ces ambitions seront portées et nourries par un enseignement agricole régénéré, qui formera 30 % d'apprenants supplémentaires en 2030. Les jeunes seront davantage sensibilisés aux métiers du vivant, nos formations seront enrichies d'un " bachelor agro " et, grâce à la sixième mission assignée à l'enseignement agricole, les établissements formeront de nouvelles générations d'agriculteurs pleinement préparées aux grands défis du XXIe siècle : le renouvellement des générations et les transitions climatique et environnementale.
Grâce à votre vote, l'installation des agriculteurs et la transmission des exploitations seront massivement soutenues pour qu'en 2035, notre pays compte 400 000 exploitations et 500 000 exploitants agricoles. Le réseau France Services agriculture permettra d'accueillir demain toute personne souhaitant s'engager dans une activité agricole ou transmettre son activité, même si son projet n'est qu'émergent, même si elle souhaite devenir salariée.
Un diagnostic modulaire apportera aux agriculteurs toutes les informations nécessaires pour prendre les meilleures décisions s'agissant de la viabilité économique, sociale et environnementale de leur exploitation. Les personnes qui veulent préparer un projet d'exercice en commun de l'activité agricole auront également l'occasion de découvrir " l'essai d'association ".
Grâce à vous, nous renforcerons l'attractivité des professions agricoles. Les délais de traitement des recours contentieux à l'encontre des projets d'élevage et des ouvrages agricoles et hydrauliques seront accélérés. Je l'ai dit et répété au cours de nos débats : nous ne touchons pas aux règles de fond. Il ne s'agit que d'une accélération.
Un statut unique de la haie réduira les contraintes pesant sur les exploitants, sécurisera les travaux et incitera à la plantation. Je mets au défi quiconque dans cette assemblée d'identifier une quelconque régression environnementale en matière de haies. (Plusieurs députés du groupe EcoS lèvent la main.)
M. André Chassaigne
Ah si !
Mme Annie Genevard, ministre
Vous n'avez pas lu le texte. Les agriculteurs disposeront de 20 millions d'euros supplémentaires pour planter des haies.
M. Nicolas Forissier
Très bien !
Mme Annie Genevard, ministre
D'autre part, les éleveurs verront leurs troupeaux mieux protégés de la prédation lupine par la facilitation des tirs de défense, dans le respect de la réglementation européenne, et par la sécurisation juridique de l'utilisation des chiens patous.
S'agissant de l'attractivité, je m'attarderai un instant sur l'article 13, relatif à la dépénalisation des atteintes non intentionnelles à l'environnement. En effet, je vois fleurir et prospérer sur les réseaux sociaux, les antennes de radio et les chaînes de télévision des contrevérités parfaitement inacceptables, qui foulent aux pieds l'idée que je me fais d'un débat démocratique sain et éclairant pour nos concitoyens.
Le combat légitime entre opposants ne donne pas le droit aux responsables politiques de faire passer des vessies pour des lanternes. En aucune manière le texte n'accorde à nos agriculteurs je ne sais quel permis de détruire des espèces ou des espaces protégés. Le régime de protection reste plein et entier, identique en tout point à celui qui prévalait jusqu'alors.
Mme Manon Meunier
Il faut relire la loi !
Mme Annie Genevard, ministre
Seul le régime des peines est modifié, et pour les seules atteintes non intentionnelles à l'environnement – je le dis encore, encore et encore. Pour que le caractère non intentionnel soit retenu, il ne suffit pas, comme vous le prétendez, de dire : " Pardon, je n'ai pas fait exprès ". Le projet de loi encadre le périmètre de la non-intentionnalité : sans entrer à nouveau dans les détails, sont présumées – et seulement présumées – non intentionnelles les atteintes qui découlent d'une obligation imposée par l'État, comme les obligations légales de débroussaillement, de l'application des prescriptions d'une autorisation administrative ou d'un plan de gestion validé par l'autorité compétente.
La police de l'environnement peut à tout moment, à l'issue d'une enquête, renverser cette présomption, tout comme le juge dans le cadre de l'enquête, toujours menée à charge et à décharge, en s'appuyant sur son intime conviction. C'est la stricte application de nos principes et procédures de droit pénal. " Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. " Ainsi, dans le cas où une atteinte non intentionnelle serait constatée, la peine de prison encourue disparaîtrait au profit d'une obligation de remise en l'état assortie d'une amende ou, à défaut, d'un stage de formation.
Nous remplaçons la répression par la pédagogie tout en maintenant l'ambition de réparation. On ne peut, d'un côté, passer son temps à se parer de toutes les vertus en défendant l'État de droit et en prônant la tolérance à tout va et, de l'autre côté, se montrer sans pitié et exiger la correctionnalisation de toutes les infractions potentielles lorsqu'une faute non intentionnelle est commise par un agriculteur. C'est une question de cohérence.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Elle est à géométrie variable, chez vous !
Mme Annie Genevard, ministre
Cette clarification faite, et avant de conclure, je rappellerai que, grâce votre vote, la place des femmes en agriculture sera revalorisée – j'insiste sur ce point qui me tient particulièrement à cœur. L'amélioration de leur statut figurera désormais explicitement dans les objectifs de la politique agricole, afin que la nation reconnaisse le rôle essentiel qu'elles jouent et ont encore à jouer dans le renouvellement des générations. (Mme Géraldine Bannier applaudit.)
L'accès au statut de cheffe d'exploitation sera facilité grâce à une stratégie visant à lever les freins à l'installation, et le réseau France Services agriculture veillera à ce que les agricultrices puissent bénéficier de toutes les commodités à cet effet.
En résumé, grâce à votre vote, nous sèmerons les premières graines de la reconquête de notre souveraineté alimentaire. Les Français peuvent en être sûrs : elles germeront. En adoptant ce projet de loi, nous tournerons, je l'espère, la page des années noires de notre agriculture, pour qu'un vent d'espoir et d'ambition souffle à nouveau dans les cours de la ferme France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
source https://www.assemblee-nationale.fr le 21 février 2025