Déclaration de Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, au Sénat le 20 février 2025.

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  • Annie Genevard - Ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Circonstance : Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Texte intégral

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture

(…)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, " on marche sur la tête ", voilà le message que nous faisait parvenir le monde paysan il y a maintenant plus d'un an, lorsqu'à l'occasion d'un mouvement de protestation d'ampleur, historique par sa résonance en Europe, les panneaux des villages de tout le pays étaient retournés. Nos agriculteurs nous criaient par ce biais leur ras-le-bol d'une politique jugée trop hors-sol, définie trop loin d'eux, trop en décalage avec la réalité de leurs besoins quotidiens.

Pour y répondre, mon prédécesseur Marc Fesneau, dont je tiens à saluer ici le travail, formulait un lot de promesses que nous sommes parvenus, malgré les obstacles et les crises, à faire progressivement aboutir. Le sort de la dernière d'entre elles, mesdames, messieurs les sénateurs, est aujourd'hui entre vos mains. Aussi, je vous engage tous très vivement à voter ce projet de loi d'orientation agricole, qui doit enrayer pour de bon la tendance au vieillissement de notre population agricole, favoriser le renouvellement de nos générations d'agriculteurs et assurer notre souveraineté alimentaire.

Je vous y engage d'autant plus que ce texte est une œuvre collective, qui témoigne, dans la situation de fragmentation politique que nous connaissons, de la capacité de notre nation à s'unir autour de son agriculture.

Je tiens à remercier l'ensemble des rapporteurs. Par leur travail acharné et leur pugnacité, ils ont su donner à ce texte une dimension démultipliée. Je pense, bien sûr, aux députés Nicole Le Peih, Pascal Lavergne, Éric Girardin et Pascal Lecamp, et aux sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville, que je salue plus particulièrement puisque je suis dans les murs du Sénat.

Je remercie également les présidents de commission, Mmes Aurélie Trouvé et Dominique Estrosi Sassone, ainsi que tous les négociateurs de la commission mixte paritaire, les administrateurs des deux chambres et les équipes de mon ministère, dont la volonté et l'engagement ont permis d'aboutir à une position de compromis ambitieuse et responsable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à seulement deux jours de l'ouverture du salon de l'agriculture, notre agriculture, notre pêche et notre forêt se verront consacrer dans la loi le caractère d'intérêt général majeur de la Nation. L'objectif est clair : accroître substantiellement le potentiel agricole de notre pays afin de nous débarrasser des dépendances inutiles.

La méthode, elle aussi, est claire : il s'agit de faire confiance aux filières, qui définiront, dans le cadre des conférences de la souveraineté alimentaire, des objectifs de reconquête à dix ans.

Ces objectifs seront atteints avec le concours des agriculteurs de demain, qui bénéficieront d'un enseignement agricole régénéré formant 30% d'apprenants supplémentaires d'ici à 2030. Pour ce faire, une sixième mission viendra compléter l'actuel cadre de notre enseignement agricole, afin de former notre relève aux grands défis des transitions climatiques et environnementales et du renouvellement des générations.

Un effort accru de sensibilisation des plus jeunes aux métiers du vivant, avec le programme national de découverte des métiers et la création du bachelor agro, viendra renforcer cette ambition.

Ce ferme appui de l'État au renouvellement des générations se traduit également par une action massive en faveur de l'installation et de la transmission.

Un accompagnement structuré sera mis en place, d'une part, par la création du réseau France Services agriculture, qui permettra demain d'accueillir toute personne souhaitant s'engager dans une activité agricole ou transmettre, que son ambition soit d'être salarié ou chef d'exploitation, que son projet soit abouti ou non, et, d'autre part, par la mise en place du diagnostic modulaire. Ce dernier constituera une source d'information précieuse et attendue par la profession, pour que les meilleures décisions soient prises en matière de viabilité économique, sociale et environnementale des exploitations.

Les personnes qui veulent préparer leur projet d'exercice en commun de l'activité agricole auront également l'occasion de découvrir l'essai d'association.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté de renouveler les générations nous a aussi imposé de renforcer l'attractivité du métier d'agriculteur.

Pour ce faire, ce projet de loi permet une dépénalisation des atteintes non intentionnelles – et strictement celles-ci – à l'environnement et abaisse les délais de traitement des recours contentieux menés à l'encontre des ouvrages agricoles et hydrauliques. Il s'agit là d'un gage de sérénité pour le monde paysan qui, je le répète, se traduit non par une modification des règles de fond, mais par une accélération de la procédure.

Par ailleurs, nous abaissons substantiellement les contraintes pesant sur nos exploitants au travers de la création d'un régime unique de la haie, qui permettra de sécuriser les travaux et d'inciter à la plantation.

Enfin, nos éleveurs verront leurs troupeaux mieux protégés de la prédation lupine par la facilitation des tirs de défense et par la sécurisation juridique de l'utilisation des chiens de berger patous.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs – et j'insiste tout particulièrement sur ce sujet qui me tient à cœur –, la place des femmes en agriculture sera renforcée et revalorisée grâce à ce projet de loi.

L'amélioration de leur statut figurera désormais explicitement dans les objectifs de notre politique agricole afin que notre nation reconnaisse le rôle essentiel qu'elles jouent, et ont encore à jouer, dans le renouvellement des générations. L'accès au statut de chef d'exploitation sera facilité au travers d'une stratégie visant à lever les freins à l'installation ; le réseau France Service Agriculture veillera à ce que les agricultrices puissent bénéficier de toutes les commodités à cet effet.

Pour résumer, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce texte, nous réancrons les deux pieds de la France dans le socle le plus solide et le plus fidèle de toutes les civilisations humaines, l'agriculture.

Le cadre est désormais posé pour la reconquête de notre souveraineté alimentaire et la parole de l'État est tenue. Mon seul mot d'ordre est désormais : merci de voter ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)


source https://www.senat.fr, le 25 février 2025