Texte intégral
CHRISTOPHE BEAUGRAND
C'est l'heure de votre interview " En Toute Franchise ", Adrien GINDRE, bonjour.
ADRIEN GINDRE
Bonjour Christophe.
CHRISTOPHE BEAUGRAND
Soyez le bienvenu Annie GENEVARD est notre invité ce matin, bienvenue, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire. Bonjour Annie GENEVARD.
ANNIE GENEVARD
Bonjour Adrien GINDRE.
ADRIEN GINDRE
Vous serez, dans quelques minutes, au Salon de l'agriculture, aux côtés du Premier ministre pour sa visite. Il viendra avec du concret. Nouvelles annonces pour les agriculteurs.
ANNIE GENEVARD
Il lui appartient de le dire. Je ne vais pas dévoiler.
ADRIEN GINDRE
Il y a de l'attente, toujours.
ANNIE GENEVARD
Je pense que la présence du Premier ministre est attendue par les agriculteurs, c'est un signe de considération et qui montre que le Premier ministre comme les Français, aiment leurs agriculteurs.
ADRIEN GINDRE
Samedi, en l'occurrence, l'inauguration avec le chef de l'État s'est déroulée dans le calme. Ça tranchait avec les images de l'an dernier. Je voudrais vous soumettre cette analyse de Jordan BARDELLA, pour le Rassemblement national : " Le calme de la visite du président vient du fait qu'il n'a pas le pouvoir aujourd'hui. La colère, elle est toujours très forte ".
ANNIE GENEVARD
Je ne commenterai pas l'approche de Monsieur BARDELLA qui est toujours dictée par une vision politicienne.
ADRIEN GINDRE
Vous refusez l'idée qu'il y a toujours une colère.
ANNIE GENEVARD
Je pense qu'il faut parler des agriculteurs au moment du salon de l'agriculture.
ADRIEN GINDRE
Et de leur colère.
ANNIE GENEVARD
Et des motivations de leur inquiétude, parce qu'elles sont réelles, leur métier est difficile, ils attendent qu'on les considère, c'est ce que fait la loi d'orientation agricole, puisqu'elles placent l'agriculture à un bon niveau d'intérêt général majeur.
ADRIEN GINDRE
Qui a été adopté au Parlement la semaine dernière.
ANNIE GENEVARD
Et ce salon est au fond le salon, un salon un peu charnière qui vient après une année très difficile après leurs élections professionnelles et c'est un salon que je veux placer sous le signe du rebond, de la conquête.
ADRIEN GINDRE
De la réconciliation ?
ANNIE GENEVARD
Je crois qu'il n'y a jamais eu de rupture entre les Français, les agriculteurs. En revanche, les agriculteurs ont besoin qu'on leur dise qu'ils sont essentiels, que leur métier est important et qu'on reconnaisse qu'ils produisent pour nous nourrir.
ADRIEN GINDRE
Il y a quand même, Annie GENEVARD, pardon, des inquiétudes qui sont encore là aujourd'hui. Prenons l'exemple du Mercosur. Alors, vous ne voulez pas répondre à Jordan BARDELLA, peut-être, mais ils faisaient une proposition, hier, au président de la République, il le mettait au défi depuis les allées du salon, puisqu'il s'y est rendu, et il y sera à nouveau aujourd'hui. Il dit : " Cela devrait entraîner - cette inquiétude autour de ce traité - de libre-échange, toujours la menace de ne plus verser la contribution française au budget de l'Union européenne pour forcer la main de l'Union européenne et dire : Non, nous n'irons pas sur le Mercosur ". Est-ce qu'on pourra aller, nous, jusque-là ?
ANNIE GENEVARD
Non, je pense que ce n'est pas réaliste. Brandir de telles menaces, ça veut dire concrètement qu'on prive les agriculteurs français, possiblement de dix milliards d'euros, ce n'est pas possible. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent. Alors évidemment, il cède à la provocation. Mais je crois que ce qu'il est important de dire sur le Mercosur, c'est qu'il y a un alignement des positions françaises. Tout le monde, toute la classe politique est unanime pour dire : " Le projet d'accord - ce n'est pas un accord - le projet d'accord avec les pays du Mercosur est un mauvais projet d'accord parce qu'il déséquilibre nos propres filières de production. Or, on a besoin pour la reconquête de la souveraineté alimentaire de nouveaux filières ".
ADRIEN GINDRE
Il y a un alignement, en France, Annie GENEVARD, mais toujours pas de minorité de blocage effective.
ANNIE GENEVARD
Il y a un alignement, en France, mais la France a été une des premières à se dresser contre ce projet d'accord, elle a été rejointe. La Pologne s'est prononcée contre ce projet d'accord, l'Autriche également. Des pays vont s'abstenir. Donc, on continue cette intense action diplomatique pour convaincre les pays de nous rejoindre pour une minorité de blocage ou empêcher une majorité de l'adoption. Ce projet n'est pas un bon accord parce qu'il est déséquilibré et qu'il fait de l'agriculture une variable d'ajustement. Ce n'est pas acceptable.
ADRIEN GINDRE
Annie GENEVARD, il y a également des inquiétudes des agriculteurs sur les droits de douane. Donald TRUMP ne cesse d'en annoncer régulièrement sur toute une série de produits. D'ailleurs, Emmanuel MACRON sera à Washington aujourd'hui, pour parler notamment ukrainien. Est-ce que vous avez la certitude que notre agriculture, que nos produits agricoles sont épargnés par ces droits de douane américains ?
ANNIE GENEVARD
Écoutez, non, il y a beaucoup de préoccupations. S'agissant des déclarations de Donald TRUMP et, de l'autre côté, celle de la Chine, parce qu'elle concerne, elle concerne les mêmes filières : les vins, les spiritueux, le cognac, l'armagnac, mais aussi possiblement, en Chine, le lait ou le porc. Donc, il y a en effet de très grosses inquiétudes qui planent et qui montrent bien que finalement, l'alimentation, c'est une arme géostratégique et qu'il nous faut réarmer notre puissance alimentaire. C'est très important.
ADRIEN GINDRE
Une arme, une arme comme vous dites, une arme comment est-ce qu'on riposte face à une arme comme celle-là ?
ANNIE GENEVARD
C'est un des objets de la visite du président de la République à Washington, aujourd'hui, où seront abordés naturellement les questions relatives à l'Ukraine. Les déclarations de Donald TRUMP ont jeté la consternation en Europe, mais au-delà, je ne doute pas qu'il sera question aussi des droits de douane, dont Donald. TRUMP menace, non seulement la France, mais d'autres pays. Vous voyez, lorsque certains défendent la position de Donald TRUMP comme Jordan BARDELLA, qui dit : " Après tout, il défend ses productions. En disant cela, il valide la stratégie de TRUMP contre nos propres agriculteurs. C'est un vrai scandale.
ADRIEN GINDRE
Il y a aussi, Annie GENEVARD, des inquiétudes sur l'écologie. Il y a quelques semaines, Laurent WAUQUIEZ, que vous connaissez bien, il est président du groupe de la droite républicaine à l'Assemblée, publiait une vidéo dans laquelle il disait : " Je propose de supprimer l'OFB, l'Office français de la biodiversité, qui harcèle nos agriculteurs ". Votre collègue de la Transition écologique, Agnès PANNIER-RUNACHER, lui a répondu : " Laurent WAUQUIEZ joue les shérifs anti-OFB. Il va bientôt accuser les arbres de wokisme ". Un commentaire ?
ANNIE GENEVARD
C'est absurde d'opposer environnement et agriculture.
ADRIEN GINDRE
Si vous le dites pour Laurent WAUQUIEZ.
ANNIE GENEVARD
Non, je ne dis pas pour Laurent WAUQUIEZ, je dis, le principe général, c'est que, et aujourd'hui, les agriculteurs sont bien conscients du fait qu'il faut, dans un contexte de changement climatique, concilier les impératifs environnementaux avec l'agriculture. Concernant l'OFB, et singulièrement l'Office français de la biodiversité, il y a un niveau d'exaspération des agriculteurs par rapport à la multiplicité des contrôles dont ils ne comprennent pas toujours le sens.
ADRIEN GINDRE
Un harcèlement, dit Laurent WAUQUIEZ.
ANNIE GENEVARD
Et quelquefois, ils ont le sentiment, effectivement, d'être harcelés, donc, avec Agnès PANNIER-RUNACHER, lorsque je suis arrivé au ministère, j'ai proposé à Agnès PANNIER-RUNACHER, d'adresser aux agents de l'OFB une circulaire. Il y a plusieurs choses, d'abord pour leur demander de renouer un contact avec les agriculteurs. Ce n'est pas possible qu'on reste à ce niveau de tension entre l'OFB et les agriculteurs. Deuxièmement, j'ai instauré le contrôle administratif unique, pas plus d'un contrôle par an et par exploitation. Et enfin, il y a un point de fixation, c'est l'arme, c'est une police, donc, elle est armée…
ADRIEN GINDRE
L'arme qui était portée de manière apparente.
ANNIE GENEVARD
Il n'est pas nécessaire, quand on fait un contrôle administratif ou même un contrôle judiciaire, d'avoir l'arme à la ceinture bien visible.
ADRIEN GINDRE
Donc, pour vous, le sujet est bien réglé.
ANNIE GENEVARD
Non, le sujet n'est pas réglé. Le sujet doit être réglé de la façon dont je viens de vous en parler.
CHRISTOPHE BEAUGRAND
Il a un peu raison Laurent WAUQUIEZ.
ANNIE GENEVARD
Laurent WAUQUIEZ et il entend comme je l'entends les agriculteurs, mais ce sont des agents du ministère de l'Agriculture, les agents de l'OFB, que nous avons en partage avec le ministère de l'Environnement. Donc tout cela, je l'espère, va s'apaiser, mais vous voyez, quand on traite les agriculteurs de délinquants, de dealers, il y a eu des mots malheureux, quand même de part et d'autre, donc on abaisse le point de tension.
ADRIEN GINDRE
Annie GENEVARD, il y aura, mercredi, un comité interministériel sur l'immigration organisé autour du premier. Il sera notamment question de la lutte contre l'immigration illégale. Pour ce qui est de l'immigration légale, est-ce que vous considérez que l'agriculture a besoin de main d'oeuvre immigrée, par exemple sur le ramassage des récoltes, les vendanges ?
ANNIE GENEVARD
Vous savez que Les Républicains ont toujours été très réservé sur les régularisations de sans-papiers, sur les métiers en tension. Notre pays d'abord, le chômage remonte, on a plusieurs millions de personnes, en France, qui sont demandeurs d'emploi ou inscrits au chômage.
ADRIEN GINDRE
Donc, vous considérez qu'on peut faire sans main d'oeuvre immigrée ?
ANNIE GENEVARD
Moi, je pense qu'il faut déjà explorer toutes les possibilités pour offrir du travail à ceux qui vivent dans notre pays ou français ou étrangers, en situation régulière, mais avant de faire venir ou de régulariser une main d'oeuvre irrégulière, l'agriculture utilise des bras étrangers. Je pense à la mandarine corse.
ADRIEN GINDRE
Et ne pas faire venir de nouveaux travailleurs.
ANNIE GENEVARD
Mais c'est une population qui vient le temps de la cueillette et qui repart. Ça, c'est quelque chose qui peut, effectivement, enfin, qui existe déjà. Mais de là, à régulariser massivement, je n'y suis pas favorable.
CHRISTOPHE BEAUGRAND
Merci beaucoup, Madame la Ministre, et bonne journée. Donc au Salon de l'agriculture, aux côtés du Premier ministre. Merci, Adrien GINDRE et à demain pour, " En toute franchise ", dans un instant, le décryptage de l'actualité avec Karim BENNANI
source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2025