Texte intégral
Q - Bonsoir Jean-Noël Barrot.
R - Bonsoir.
Q - Merci beaucoup d'être avec nous ce soir et d'avoir choisi BFM TV, "Tout le monde veut savoir", pour votre première interview en rentrant de Washington. Puisque hier soir, à peu près à la même heure, je crois même à la même heure, vous étiez dans le Bureau ovale avec Donald Trump, Emmanuel Macron. Quel bilan tirer de cette visite ? On parlera aussi dans un instant du sujet qui était traité il y a quelques secondes sur les relations entre la France et l'Algérie. Faut-il aller au bras de fer et parlez-vous différemment que votre collègue, le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau ? Mais juste avant, vous êtes donc rentré de Washington ce matin. Le Président, hier soir, a parlé je cite d' "un tournant et d'un chemin commun". La poignée de main était assez chaleureuse, il faut le dire. Mais sur le fond, le président américain n'a pris aucun engagement. Est-ce que c'était une visite pour pas grand-chose, un dialogue de sourd ?
R - Non, c'était un tournant, c'est exactement ça. Il fallait que le Président de la République, au nom des Européens, puisqu'il s'était entretenu avec eux auparavant, toute la semaine dernière, vienne à la Maison-Blanche, dans le Bureau ovale, exprimer un certain nombre d'attentes qui sont celles des Européens, grands partenaires, partenaires historiques des Américains. Nous repartons hier soir, effectivement, à peu près à la même heure, avec plusieurs résultats qui sont extrêmement satisfaisants. D'abord, la confirmation d'une rencontre à venir entre le président Trump et le président Volodymyr Zelensky, ce qui n'était pas gagné d'avance...
Q - Ça, c'est la France qui l'a obtenu ?
R - En tout cas, c'est la France qui a obtenu la confirmation. La deuxième chose, c'est cette idée qu'il y a une différence fondamentale entre un cessez-le-feu et une paix durable et que le président américain a, répondant aux interrogations du Président de la République, a bien marqué la différence entre une trêve, qui pourrait intervenir très prochainement et qui permettrait la négociation d'un accord de paix en bonne et due forme. Et le troisième point, c'est que pour que cette paix soit durable, il faudra l'entourer de de garanties. Ces garanties, ce sont d'abord les Européens qui les apporteront, y compris avec des capacités militaires en Ukraine. Et les Américains seront, si l'on peut dire, solidaires de ces garanties et ça aussi, ce n'était pas gagné d'avance...
Q - Pardon Jean-Noël Barrot, mais c'est très intéressant. On va s'arrêter un instant sur ce point, ces garanties de sécurité. C'est-à-dire notamment les contingents qui pourraient être envoyés en Ukraine après un cessez-le-feu pour maintenir et pour faire en sorte que ce cessez-le-feu soit appliqué. Tout le sujet est de savoir si les États-Unis seront ce qu'on appelle en bon français, en backstop, c'est-à-dire pourront protéger notamment l'espace aérien, assurer de donner du renseignement aux troupes qui seront là-bas. Vous, vous dites, il y a des assurances du côté de Donald Trump, mais quand on écoute, il n'y en a pas. Moi, je n'ai pas entendu chez Donald Trump l'assurance que les Etats-Unis soutiendraient de façon opérationnelle sur le terrain, ces troupes, qu'elles soient françaises, britanniques qui seraient éventuellement envoyées en Ukraine.
R - Rien n'est fixé, mais il fallait...
Q - Mais rien n'est obtenu même.
R - Si ! Il fallait avoir cette première conversation. Et de toute évidence, cette option-là nous paraît, à l'issue de cette rencontre, comme la plus vraisemblable, c'est-à-dire qu'elle n'a pas été écartée par les Américains, bien au contraire. Et cette réaffirmation par Donald Trump que ce qu'il cherche n'est pas un cessez-le-feu qui serait violé par la Russie, comme ça a été le cas des accords de Minsk il y a dix ans, est un point majeur de la discussion qui va s'ouvrir dans les prochaines semaines et les prochains mois.
Q - Mais pour être très précis, ça veut dire que, vous nous dites - parce qu'il y a les propos qui sont tenus en conférence de presse et puis, il y a les propos tenus une fois les portes fermées -, vous avez obtenu des garanties sur le fait que les Etats-Unis seraient en soutien des troupes européennes si elles étaient envoyées en Ukraine une fois un cessez-le-feu signé.
R - Nous avons compris que pour atteindre son objectif, Donald Trump, qui veut établir une paix durable en Ukraine, a saisi que d'une manière ou d'une autre, il devrait apporter de la réassurance aux Européens qui seraient évidemment en tête de pont pour apporter ces garanties.
Q - Mais ce ne sont pas des garanties du président américain...
R - C'est une discussion qui va se poursuivre, mais il fallait l'initier, il fallait l'amorcer sur des bonnes bases. C'est ce que le Président de la République a fait. Et puis, comme vous le savez, le Premier ministre britannique sera, cette semaine, à son tour à la Maison-Blanche et va pouvoir poursuivre en quelque sorte cette discussion qu'il fallait initier avec le président Trump.
Q - Autre exemple sur cette impression parfois, Jean-Noël Barrot, de double discours du président américain. Au moment même où il y avait ces scènes parfois effectivement chaleureuses, aux Nations unies, les États-Unis soumettaient au vote une résolution sur la fin du conflit qui ne faisait pas référence à l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Les États-Unis, qui ont également voté avec la Corée du Nord, avec la Russie, avec la Hongrie pour s'opposer à une autre résolution qui elle, avait été notamment écrite par l'Ukraine et d'autres pays européens qui étaient favorables à l'Ukraine. Quand on voit ça, quand on voit cette consigne qui est donnée à la diplomatie américaine, peut-on vraiment croire les propos tenus par Donald Trump, quelle que soit la chaleur des échanges et des poignées de main ?
R - Alors première chose, je ne suis pas sûr que les consignes venaient directement de Donald Trump. Deuxième élément...
Q - Ah bon ? Vous pensez que ça peut se faire sans lui ?
R - Deuxième élément, ça s'est bien terminé. Pourquoi ? Eh bien parce que la France s'est mobilisée, et partant de ce texte américain, a proposé des amendements, des modifications au texte américains qui réintroduisaient les éléments auxquels nous tenons, c'est-à-dire le droit international, la Charte des Nations unies. Ces amendements ont été adoptés par l'Assemblée générale des Nations unies, si bien que le texte ainsi modifié était tout à fait acceptable pour le plus grand nombre, et il a été adopté.
Q - Mais Jean-Noël Barrot, c'est intéressant la réponse que vous fournissez sur la résolution, mais vous, vous n'avez pas le sentiment... Le matin même de la rencontre d'hier, Donald Trump publiait sur ses réseaux sociaux, sur le réseau social Truth, un message vantant les accords économiques qu'il allait passer avec la Russie. Vous n'avez pas le sentiment au fond, que Donald Trump, il se comporte un peu en fonction du dernier échange qu'il a eu avec le dernier interlocuteur et que si, dans les jours qui suivent, il échange avec Vladimir Poutine, au fond, tout ce qu'il a dit, là, ne l'engagera plus ?
R - Je crois qu'il est déterminé à obtenir une cessation durable des hostilités en Ukraine, c'est-à-dire la paix. Il l'a dit à plusieurs reprises, dans différents formats. Le message que nous sommes venus porter, que le Président de la République a porté, qui a été reçu cinq sur cinq, c'est que nous avons déjà essayé d'avoir la paix il y a dix ans en Ukraine et qu'en nous contentant, si je puis dire, d'un cessez-le-feu, nous n'y sommes pas parvenus parce que la Russie l'a violé par 20 fois avant de lancer son invasion de l'Ukraine il y a trois ans, jour pour jour.
Q - Donc on peut faire confiance à Donald Trump, c'est un interlocuteur fiable ?
R - En tout cas, c'est un interlocuteur important, parce que les États-Unis sont évidemment une grande puissance. Et donc, en créant une forme d'incertitude vis-à-vis de Vladimir Poutine, Donald Trump peut effectivement l'amener à faire des concessions. Et d'ailleurs, je remarque qu'hier, quelque chose de très important s'est produit. Suite à la discussion avec le Président de la République, Donald Trump a été interrogé sur un point qui est celui qui a fait échouer les accords de paix par le passé : pensez-vous ou acceptez-vous, soutenez-vous l'idée, Monsieur le président Trump, que des capacités militaires européennes puissent, une fois la paix trouvée, être installées en Ukraine ? Donald Trump a répondu que oui et qu'il parviendrait à forcer, si je puis dire, Poutine à accepter ce principe...
Q - Pas exactement ce qu'il dit. Il dit, j'en ai déjà parlé à Vladimir Poutine qui est d'accord, ce qui est en totale contradiction avec tout ce qui a pu être dit par les autorités russes...
R - Et dans la foulée, le Kremlin de Vladimir Poutine a publié un communiqué disant : "pourquoi pas ?" Ça, c'est une rupture absolue par rapport à tout ce que nous avons entendu de la part de Vladimir Poutine, qui a toujours dit, "quoi qu'il arrive, je ne veux voir aucune forme de réassurance militaire pour les Ukrainiens". Et donc vous voyez... Je ne dis pas qu'il va tout résoudre, je ne dis pas que si les Européens ne s'engagent pas, nous aboutirons à une paix durable, mais je dis qu'il y a un tournant avec cette première visite qui permet d'amorcer la discussion sur des bonnes bases...
Q - Vous n'avez pas un sentiment d'un fossé qui continue de se creuser entre les pays européens et les États-Unis ? Vous avez l'impression que, en rentrant de ce déplacement, le fossé se... Comment dire, que les deux positions se rapprochent ?
R - Non, mais il ne faut pas se le cacher, les États-Unis ont exprimé à plusieurs reprises et ça ne date pas de Donald Trump, ça date même d'avant et d'Obama, l'idée de se désengager de l'Atlantique pour se concentrer sur le Pacifique. Nous avons, nous aussi, reçu le message cinq sur cinq, puisque depuis 2017, le Président de la République le dit, il nous faut reprendre en main notre sécurité au niveau français. C'est pour ça qu'on a doublé nos budgets militaires. Mais il faut le faire au niveau européen, parce qu'il va falloir reprendre la place que les États-Unis veulent nous laisser. Pourquoi il faut reprendre cette place ? Parce que dans le monde dans lequel nous entrons, où on voit le réveil des empires qui ne connaissent pas les frontières, qui ne les reconnaissent pas, si nous ne sommes pas forts, si nous ne sommes pas capables d'assurer notre propre sécurité, alors nous devenons une proie. Et ça, nous devons l'éviter, c'est notre responsabilité.
Q - Vous parlez de sécurité. Le Premier ministre britannique qui se rendra jeudi à la Maison-Blanche, a annoncé sa volonté de s'engager à augmenter ses dépenses de défense. Pour financer cette hausse. Il dit vouloir réduire l'aide au développement. Est-ce que ça, c'est une piste ? Vous avez l'autorité sur les dépenses d'aide au développement... L'idée de dire, si on veut dépenser davantage pour notre défense, eh bien il va falloir baisser un petit peu l'argent qu'on envoie, qu'on prête aux pays étrangers, ce qu'on appelle l'aide au développement.
R - L'aide au développement qui a été l'objet d'un débat le week-end dernier, puisqu'un journal qui paraît le dimanche en a fait sa Une.
Q - Le Journal du dimanche, oui.
R - Je veux commencer par dire que l'aide au développement a été très largement réduite puisque vous vous souvenez qu'on a dû faire des économies substantielles et que mon ministère, dans ce cadre-là, en a pris une part très importante. Et donc, je dirais que nous avons, de ce point de vue-là, déjà fait les efforts et que...
Q - Et donc, ça veut dire il ne faut pas en faire plus ?
R - Non, ce que ça veut dire, c'est que vous avez un débat qui s'ouvre au Royaume-Uni, les dépenses militaires et l'aide au développement. Vous avez un débat qui s'ouvre au Danemark, les dépenses militaires et travailler plus longtemps, peut-être jusqu'à 70 ans. Cela est annonciateur des débats que nous allons devoir avoir en France sur les priorités qui sont les nôtres et sur les efforts, douloureux parfois, auxquels nous allons devoir nous résoudre si nous voulons assurer notre propre sécurité, si nous voulons éviter le décrochage technologique et si nous voulons faire face à tous les défis, et en particulier l'adaptation au dérèglement climatique. Il n'y a aucun chemin devant nous qui...
Q - Et donc, vous ne dites pas la même chose que le Premier ministre britannique. C'est-à-dire une sorte d'élément de bascule, augmenter les dépenses militaires, baisser les dépenses d'aide au développement ?
R - Non, je dis que ces efforts que nous allons devoir faire, qui vont représenter plusieurs points de PIB, plusieurs points de notre richesse nationale supplémentaires à dépenser, nous ne pourrons pas les financer par de la dette. Il va nous falloir faire des économies, il va nous falloir travailler plus. C'est un débat national qui doit permettre aux Français de s'approprier pleinement ces questions et de choisir les sacrifices qu'ils sont prêts à faire.
Q - Un mot encore, avant de parler de l'Algérie, sur ce qui va advenir dans les jours qui viennent. Vous nous expliquez donc qu'il y aura ce calendrier-là. Jeudi, le Premier ministre britannique qui sera à la Maison-Blanche, ce week-end un sommet entre alliés. Est-ce que le Président de la République, vous-même, allez vous rendre à Kiev, en Ukraine, pour voir Volodymyr Zelensky dans les jours qui viennent ?
R - Le Président de la République s'entretient très régulièrement avec Volodymyr Zelensky. Et pour ma part, avec mon homologue ukrainien, c'est presque tous les jours que je m'entretiens, pour le tenir informé de toutes les démarches que nous entreprenons. Je n'exclus pas un déplacement, pour ma part, à Kiev dans les semaines et les mois qui viennent lorsque ce sera utile. Et la même chose s'applique au Président, mais c'est à lui qu'il faudra le demander.
Q - Jean-Noël Barrot, dans ces quelques dernières minutes, j'aimerais qu'on aborde donc le cas de l'Algérie. Demain se tiendra un conseil interministériel sur l'immigration, notamment pour parler des relations diplomatiques avec des pays qui rechignent à accueillir leurs ressortissants. C'est le cas de l'Algérie. Et c'est vrai qu'il y a cette impression de dissonances au sein du Gouvernement. Bruno Retailleau qui, lui, veut un rapport de force. Et vous disiez, dimanche, chez nos confrères d'Europe 1 : "Ce qui nous intéresse, c'est la sécurité des Français, pas le rapport de force pour le rapport de force. Quand on agit de façon unilatérale en disant "J'arrête les visas", ça ne fonctionne pas." Donc, vous plaidez pour le silence et la faiblesse face à Alger ?
R - Non. Et le Premier ministre a tout à fait raison lorsqu'il dit que le refus par l'Algérie de reprendre ses ressortissants est inacceptable, surtout quand ça conduit à des tragédies comme celles que nous avons vécues avec l'attaque terroriste à Mulhouse le week-end dernier. Mais je vais même aller plus loin. La détention de notre compatriote Boualem Sansal est injustifiable. Les déclarations hostiles à l'encontre des autorités françaises sont indignes. Mais quoi qu'on pense du régime algérien, on doit garder les yeux rivés sur les intérêts et la sécurité des Français. Quels sont les objectifs ? Quels sont mes objectifs ? La libération de Boualem Sansal, l'expulsion des Algériens qui sont aujourd'hui en France en situation irrégulière, la préservation de la coopération en matière de renseignement et de lutte contre le terrorisme. Et comment est-ce qu'on s'y prend ? Eh bien, dans la palette diplomatique, il y a un certain nombre de démarches qui sont possibles, qui vont de la négociation jusqu'aux sanctions. Lundi dernier, nous avons pris, au niveau européen et sous impulsion française, des dizaines de mesures de sanctions à l'encontre d'acteurs russes, biélorusses mais aussi soudanais. La seule chose c'est que ces sanctions ou ces mesures, ces démarches, nous les calibrons à bon escient et nous les prenons au moment opportun. Et nous ne les prenons pas sous la pression, et d'ailleurs nous n'en faisons pas toujours la publicité.
Q - Mais vous, vous parlez de sanctions dans la boîte à outils, si j'ose dire, que vous avez à votre disposition. Il y a par exemple, et c'est d'ailleurs un ministre du Gouvernement qui l'évoque ce matin sur RMC, la possibilité de bloquer les visas des Algériens si Alger continue à ne pas vouloir délivrer de laissez-passer consulaires. Est-ce que ça, ce sont des mesures que vous pourriez prendre ? Quelles mesures vous allez prendre, vous, ministre des affaires étrangères, sous l'autorité de François Bayrou, dans le cadre de ce bras de fer, puisque l'Algérie refuse de délivrer des laissez-passer consulaires ? Je rappelle : dix relances dans le cadre de l'assaillant de Mulhouse sans que le moindre laissez-passer consulaire ne soit délivré...
R - Des mesures, nous en avons déjà prises. Nous avons pris des mesures de restriction de circulation et d'accès au territoire national pour certains dignitaires algériens. Nous l'avons fait avec à l'esprit, justement, de faire avancer ou de défendre les intérêts des Français, je les ai évoqués : la libération de Boualem Sansal, la reconduite à la frontière, la réadmission des Algériens en situation irrégulière. Ce sont des mesures qui sont réversibles et qui s'éteindront dès lors que la coopération à laquelle nous appelons reprendra. Maintenant, je suis prêt à en prendre davantage si cette coopération que j'appelle de mes voeux n'est pas reprise.
Q - Mais est-ce que par exemple, bloquer les visas d'Algériens en l'absence de laissez-passer consulaires est une piste que vous regardez ?
R - Comme je viens de vous le dire, nous avons déjà pris des mesures de restriction de circulation et d'accès au territoire national pour certains dignitaires algériens. Je n'aurai pas de problème à en prendre d'autres, dans la mesure où ça me permet de faire avancer et de défendre les intérêts des Français. Mais je le ferai toujours à bon escient, sans nécessairement en faire la publicité et je ne le ferais pas sous la pression des médias en particulier, ou sous la pression des déclarations des uns et des autres.
Q - Sous la pression de Bruno Retailleau parce que l'argument de Bruno Retailleau est de dire "ça fait des années qu'on est gentil", dit-il, "eh bien, là, il est temps d'aller au rapport de force et d'y aller plus fort parce que c'est plus efficace"...
R - Comme je vous l'ai dit, en matière de diplomatie, nous avons toute une palette d'outils, certains plus durs que d'autres. Et ce n'est pas toujours avec les outils les plus durs qu'on obtient des résultats. D'ailleurs, on a pu le mesurer par le passé puisque lorsqu'on a durci le ton avec l'Algérie, on a fait baisser le nombre d'expulsions. Moi, mon objectif, c'est d'expulser plus d'Algériens en situation irrégulière, pas d'en expulser moins.
Q - Mais je retiens ce message, en tout cas ce soir, Jean-Noël Barrot : si d'aventure il n'y a pas de collaboration et si donc Alger n'accepte pas de délivrer davantage de laissez-passer consulaires, vous ouvrez la porte au fait de mettre en place davantage de mesures...
R - Puisque nous en avons déjà prises...
Q - J'ai deux petites questions pour terminer. La première : pourquoi ne pas aller à Alger ? Vous êtes ministre des affaires étrangères, vous avez coutume parfois d'aller plus ou moins discrètement dans les endroits où il y a des sujets à régler. Pourquoi ne pas y aller ?
R - J'ai échangé récemment avec mon homologue algérien. Et je lui ai indiqué ce qu'étaient nos attentes et ce que nous attendions, avant qu'effectivement la discussion puisse reprendre, en lui faisant part de ma volonté, de ce que les sujets puissent avancer, et en lui disant que j'étais prêt à me rendre à Alger si ça permettait de débloquer un certain nombre de situations.
Q - Et une dernière question, cette fois. À votre place, dimanche soir, Dominique de Villepin, l'ancien Premier ministre qui...
R - Je l'ai vu.
Q - Vous avez vu, tant mieux, vous regardez les bonnes chaînes, à qui j'ai posé la question suivante : est-ce que l'Algérie est une dictature ? Et il n'a pas voulu répondre. Donc, je vous repose cette question : est-ce que, selon vous, vous évoquiez la détention de Boualem Sansal... Est-ce que l'Algérie est une dictature ?
R - Je vous ai déjà répondu, mais vous voyez, je l'ai fait d'une manière qui me permet d'assurer les intérêts des Français. Je vous ai dit : quoi qu'on pense du régime algérien, on doit garder les yeux rivés sur la sécurité et les intérêts des Français. Si je me lance dans une escalade verbale contre l'Algérie, eh bien je mets en suspens le sort de Boualem Sansal, j'entrave notre capacité à expulser les Algériens en situation irrégulière. Donc, ne comptez pas sur moi pour rejouer ce petit jeu-là.
Q - Comme Dominique de Villepin...
R - Dominique de Villepin était un grand ministre des affaires étrangères.
Q - Un tout dernier mot sur les conditions et la santé de Boualem Sansal. Ça fait plus de trois mois qu'il est incarcéré, il a 80 ans, il est malade. Est-ce que vous avez des nouvelles de son état de santé ?
R - Des nouvelles très régulières puisque notre ambassade sur place en prend régulièrement auprès de sa famille et de son avocat. Je suis préoccupé par les conditions de sa détention et préoccupé par sa santé, évidemment.
Q - Merci beaucoup Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, d'être venu nous voir dans "Tout le monde veut savoir".
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 février 2025