Interview de M. Laurent Marcangeli, ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, à France Info le 26 février 2025, sur les tensions avec l'Algérie, la réforme des retraites et les fonctionnaires.

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Média : France Info

Texte intégral

JOURNALISTE
La matinale qui se poursuit avec l'invité politique d'Alix BOUILHAGUET. Vous recevez, ce matin, Laurent MARCANGELI. Bonjour.

LAURENT MARCANGELI
Bonjour.

JOURNALISTE
Merci d'être avec nous. Vous êtes ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification. Soyez le bienvenu ce matin.

LAURENT MARCANGELI
Merci.

ALIX BOUILHAGUET
Bonjour Laurent MARCANGELI.

LAURENT MARCANGELI
Bonjour Alix BOUILHAGUET.

ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU réunit, cet après-midi, le comité interministériel de contrôle de l'immigration. Est-ce qu'il faut réduire la délivrance de visas des pays qui refusent de reprendre un grand nombre de ses ressortissants sous le coup d'une obligation de quitter le territoire ? Je pense naturellement à l'Algérie.

LAURENT MARCANGELI
Alors, d'abord, ce comité interministériel, il était prévu de longue date. Ce n'est pas ce qui s'est passé, notamment ce week-end à Mulhouse, qui a justifié le lancement de cette réunion. Il y a plusieurs sujets qui vont être traités. Le premier, c'est l'état de notre droit en matière de contrôle de nos flux migratoires. Il y a eu la situation de Mayotte, Mer du Nord, les frontières intérieures de l'Europe. Il y a également, évidemment, la politique d'éloignement de la France. Et il y a aussi le pacte européen Asile et Immigration. Évidemment qu'il va être question aussi…

ALIX BOUILHAGUET
Mais on sait qu'au coeur des discussions, c'est la question des visas. Est-ce qu'il faut tarir la source ?

LAURENT MARCANGELI
Évidemment qu'il va être question, notamment, de notre rapport avec l'Algérie. Je vous dirai ce que j'ai toujours dit, c'est-à-dire qu'il y a peu de temps, j'étais encore parlementaire, président d'un groupe, groupe Horizon, proche d'Édouard PHILIPPE. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut revoir le traité franco-algérien de 1968.

ALIX BOUILHAGUET
Alors, j'explique pour nos téléspectateurs, hein. L'accord de 1968, c'est un accord qui donne aux Algériens des droits et des facilités, notamment, en termes de titre de séjour et de regroupement familial. Donc, vous, vous dites qu'il faut le revoir complètement ? Ou il a déjà été revu trois fois, hein.

LAURENT MARCANGELI
Il a été revu trois fois. La dernière fois, c'était en 2001. C'est quelque chose qui appartient au Président de la République. Mais même si aujourd'hui, je suis membre du Gouvernement, la cohérence des propos que j'ai tenus lorsque j'étais parlementaire membre de la majorité, c'est de vous dire la même chose que ce que j'ai dit et ce que j'ai voté. Puisque je vous le rappelle, une résolution avait été votée à l'Assemblée Nationale, le groupe que je présidais l'avait voté, en vue de renégocier ce traité.

ALIX BOUILHAGUET
Mais Bruno RETAILLEAU, il dit une chose, une chose qui est simple. Il dit : " Zéro visa tant que les Algériens n'auront pas repris les 100 ressortissants sous le coup d'une OQTF les plus dangereux. "

LAURENT MARCANGELI
Écoutez. Il y a un comité interministériel qui va se dérouler. Je pense que le sujet va être traité. Puis le Premier ministre prendra la parole une fois le comité interministériel terminé.

ALIX BOUILHAGUET
Je vous sens prudent sur cette question. Le Gouvernement a d'ores et déjà pris des mesures. Il y a des restrictions qui sont prises contre des dignitaires Algériens. Ça, c'est dans le cadre d'un autre accord : celui de 2007, qui permet aux détenteurs de passeport diplomatique Algériens de venir en France sans visa. Donc, là, on sent qu'il y a déjà des dignitaires qui sont ciblés. Vous dites : " C'est une bonne chose " ?

LAURENT MARCANGELI
D'abord, les dignitaires algériens se caractérisent souvent par des prises de vis particulièrement dures à l'égard de la France. Ces positions, elles peuvent également entraîner des réactions, notamment de la France. Je ne peux pas, aujourd'hui, vous dire ce qui va être décidé. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'à la fin de ce comité interministériel, le Premier ministre fera un certain nombre d'annonces qui concerneront très certainement l'Algérie.

ALIX BOUILHAGUET
Mais vous dites : " Viser la nomenclature algérienne, viser ces dignitaires algériens " C'est une bonne option ? Ça peut permettre de faire réagir Alger plus vite ?

LAURENT MARCANGELI
Cela fait partie des possibilités qui s'ouvrent. Vous n'avez pas qu'une seule solution. Vous voyez bien que vous avez un traité qui lie notre pays à l'Algérie depuis 1968, qui a déjà été revu. Ça fait plus de 24 ans qu'il n'a pas été revu. Vous avez la question des dignitaires, vous avez la question des Visas. C'est-à-dire que Gérald DARMANIN avait eu une action en la matière lorsqu'il était ministre de l'Intérieur. Bref, vous avez toute une panoplie de mesures.

ALIX BOUILHAGUET
Il y a les droits de douane éventuels, des mesures économiques ?

LAURENT MARCANGELI
Il y a toute une panoplie de mesures. Mais encore une fois, je vous dis encore, ce n'est pas que l'Algérie. Nous avons, aujourd'hui, une politique migratoire à mettre sur la table avec ce Gouvernement. Et c'est le sens de ce comité interministériel.

ALIX BOUILHAGUET
Demain, il y aura une autre réunion importante, la première réunion de négociation sur la réforme des retraites entre les partenaires sociaux. Est-ce que tout est sur la table, ou est-ce qu'il y a un tabou, notamment, sur la mesure d'âge ? Le ministre Laurent SAINT-MARTIN, lui, dit que revenir sur les 64 ans serait une très grave erreur. Quelle est votre position ?

LAURENT MARCANGELI
Alors, d'abord, ma position, c'est qu'on part avec un document cadre qui est incontestable. C'est le rapport remis par la Cour des comptes. J'ai reçu cette semaine Pierre MOSCOVICI. C'est un bon document.

ALIX BOUILHAGUET
15 milliards de déficits.

LAURENT MARCANGELI
C'est un document qui est prospectif. C'est un document qui permet d'établir des scénarios, puisque la Cour des comptes s'est, elle-même, permis d'établir un certain nombre de scénarios. Et c'est un document qu'il ne faut pas contester, qui, aujourd'hui, est sur la table. Ensuite, la méthode décidée par le Gouvernement, c'est de laisser les partenaires sociaux discuter.

ALIX BOUILHAGUET
Mais discuter de tout, y compris de la mesure d'âge ?

LAURENT MARCANGELI
Ce qu'a dit le Premier ministre dans le cadre de la déclaration politique générale, lorsqu'il a fixé le cadre de ces discussions, c'est qu'il ne devait pas y avoir le tabou. Donc, les partenaires sociaux discuteront. De toute façon, le Gouvernement ne sera pas présent. Je vous rappelle que lors de ces discussions, c'est Jean-Jacques MARETTE qui va animer les discussions entre les différents partenaires sociaux. Ensuite, le politique, le Gouvernement, se saisira des accords ou non qui sortiront de ces réunions.

ALIX BOUILHAGUET
Mais imaginons qu'il y ait un recul de la mesure d'âge, c'est-à-dire que ça passe à 63 ans. Ça veut dire que ce texte-là sera celui qui sera soumis au Parlement ? Parce que c'est ce à quoi François BAYROU s'est engagé.

LAURENT MARCANGELI
Je vais vous donner une position qui est personnelle. Moi, ce que je pense, c'est que le document publié par la Cour des comptes nous démontre, une bonne fois pour toutes, que notre système ne va pas être soutenable s'il y a des réformes, ne sont apportées, par rapport au régime par répartition, pour des raisons démographiques, pour des raisons financières et budgétaires. Remettre en cause un certain nombre d'équilibres définis, notamment par la loi Borne de 2023, ne me semble pas être une bonne politique.

ALIX BOUILHAGUET
Donc, vous êtes aligné sur un ensemble de ministres dont le ministre de l'économie, Éric LOMBARD, qui dit qu'il faut même travailler plus. On va arriver au sujet de la fonction publique. En 2017, on se souvient de ce que disait Emmanuel MACRON. Il disait : " Il faut réduire de 120 000 le nombre de fonctionnaires. »" 7 ans plus tard, on voit qu'au contraire, la fonction publique a grossi de 178 000 postes. A l'heure où l'Etat doit faire des économies, est-ce que vous allez supprimer des postes de fonctionnaires ?

LAURENT MARCANGELI
Là, c'est vraiment le système que je n'apprécie pas. C'est celui de lancer à la cantonale des chiffres en disant : " On va réduire de tant ou de tant ". La vérité, c'est que dans certains secteurs, on a besoin davantage de présence de services publics. Je vous prends l'exemple dramatique de ce qui s'est passé à Mulhouse ce week-end. S'il n'y avait pas eu les policiers municipaux qui ont fait preuve d'un très grand professionnalisme, qui n'ont même pas utilisé leur arme létale pour contrôler, pour mettre en échec l'assaillant, le terroriste, eh bien, il serait passé peut-être des choses beaucoup plus graves. On a besoin aussi de présence de fonctions publiques, de qualité, notamment pour protéger nos concitoyens sur le terrain. Dans les années 2010, il y a eu des réductions de fonctionnaires, notamment dans les services de protection : police, gendarmerie, policiers municipaux. Ben, on a vu que ce n'étaient pas forcément les meilleures décisions qui étaient prises.

ALIX BOUILHAGUET
Mais on voit bien ce qui se passe aux États-Unis. Je ne dis pas que c'est un modèle, mais Elon MUSK, il coupe à la tronçonneuse, effectivement, la dépense des administrations, des effectifs des fonctionnaires. Encore une fois, au-delà de la méthode, est-ce qu'il n'y a pas des efforts, aussi, à faire en France ?

LAURENT MARCANGELI
Concernant l'exemple que vous citez, je m'aperçois que ça a quelques retards, aussi, à l'allumage, avec des démissions en cascade.

ALIX BOUILHAGUET
Elon MUSK, il dit qu'il voulait les virer de toute façon.

LAURENT MARCANGELI
Oui, évidemment. Ecoutez. On jugera, je pense, sur les résultats. Monsieur MUSK a pris ses fonctions il y a un mois. Chacun jugera une fois que ses politiques publiques seront mises en oeuvre. Moi, je suis assez soucieux de garder mon identité française dans le cadre des réformes que nous menons, et pas forcément toujours nous inspirer de ce qui se passe en Atlantique.

ALIX BOUILHAGUET
Donc, vous dites : " Pas touche au nombre de fonctionnaires " ?

LAURENT MARCANGELI
Il y a des réformes qui sont nécessaires, il y a des réformes qui vont être réalisées, mais balancer comme ça des chiffres, en disant qu'on va en supprimer 100 000 d'ici 5 ans, je ne pense pas que ce soit la meilleure des manières de faire.

ALIX BOUILHAGUET
François BAYROU, il pointait un enchevêtrement de comités, d'agences, de commissions, à autant de structures, finalement, qui doublonnent entre elles. Est-ce que vous les avez recensées ? Est-ce que vous savez celles qui devraient disparaître ?

LAURENT MARCANGELI
Vous avez plusieurs missions qui sont menées. Une au Sénat, sous l'autorité du président DARNAUD, qui est président du groupe LR au Sénat. Il y a eu une demande pour examiner les opérateurs de l'État, pour voir un petit peu les doublons, voir ce qu'ils pouvaient faire l'objet de fusion, ou voire même de suppression.

ALIX BOUILHAGUET
Et vous avez la liste, déjà, de ce que vous allez faire disparaître ?

LAURENT MARCANGELI
Non, puisque la Commission sénatoriale est en train de travailler.

ALIX BOUILHAGUET
D'accord.

LAURENT MARCANGELI
Et en ce qui concerne le Gouvernement, vous le savez, la semaine dernière, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons demandé à toutes les directions de l'État de travailler en commun pour lancer les réflexions autour de la transformation de l'État, de la transformation de l'action publique et de la réforme de l'État. C'est un sujet que le Gouvernement a envie de prendre à bras-le-corps et j'entends bien y participer. Ça passe aussi, notamment, par des enjeux tels que les suppressions ou les fusions d'opérateurs, parfois.

ALIX BOUILHAGUET
Un dernier mot rapide. Vous présentez bientôt votre projet de loi sur la simplification devant les Députés. Alors ça, c'est quand même un véritable serpent de mer. Citez-moi, vraiment, trois mesures hyper concrètes que tout le monde peut comprendre, ce matin.

LAURENT MARCANGELI
D'abord, on va essayer de fusionner ou supprimer un certain nombre d'autorisations qui, parfois, emmerdent, excusez-moi de vous donner l'expression, nos entrepreneurs, les empêchent de réussir à aller de l'avant. On va également simplifier l'installation de ce qu'on appelle des Datacenters. Vous savez, ces centres de données qui sont essentiels aujourd'hui, c'est très difficile en France, au regard d'un certain nombre de textes, de les installer. Il y a un article dans le texte qui permet de simplifier l'installation de ces Datacenters, c'est un enjeu très important, notamment en vue du développement de l'intelligence artificielle sur le territoire Français.

ALIX BOUILHAGUET
Eh bien, merci beaucoup, Laurent MARCANGELI. Bonne journée à vous.

LAURENT MARCANGELI
Merci à vous.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 février 2025