Texte intégral
M. le président
L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : " L'échec global de la reconquête de la qualité de l'eau potable. "
Ce débat a été demandé par le groupe Écologiste et social. À la demande de ce dernier, il se tient en salle Lamartine afin que des personnalités extérieures puissent être interrogées.
La conférence des présidents a décidé d'organiser le débat en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence de personnalités invitées, d'une durée d'une heure, qui donnera lieu à une séquence de questions-réponses, puis, après une intervention liminaire du gouvernement, nous procéderons à une nouvelle séquence de questions-réponses, d'une durée d'une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
Pour la première phase du débat, je souhaite la bienvenue à Mme Adèle Veerabadren, inspectrice de l'environnement et du développement durable, co-autrice du rapport " Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine ", à M. Dan Lert, président d'Eau de Paris, adjoint à la maire de Paris chargé de la transition écologique, du plan climat, de l'eau et de l'énergie, et à Mme Pauline Cervan, chargée de mission réglementaire et scientifique à Générations futures, docteure en pharmacie et toxicologue.
(…)
M. le président
La séance est reprise.
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Merci pour l'organisation de ce débat, qui me fournit l'occasion de présenter les priorités de mon ministère en matière de qualité de l'eau.
C'est un fait, la qualité de notre eau potable s'est dégradée au cours des quarante dernières années. Il s'agit d'une menace insidieuse, associée à des risques d'impacts multiples et de long terme.
Ces impacts concernent la santé publique, évidemment, mais également notre environnement, avec des atteintes à la viabilité des écosystèmes, dans un contexte d'effondrement de la biodiversité. Ils peuvent aussi affecter l'économie, avec des répercussions indirectes sur de nombreuses filières – l'agriculture, la pêche, la conchyliculture ou le tourisme. Par exemple, la dégradation de la qualité de l'eau affecte directement la ressource halieutique et peut provoquer l'interdiction de mise sur le marché de certains produits, comme les coquillages, ce qui déstabilise brusquement des entreprises de notre territoire. En outre, cette dégradation pèse sur les rendements agricoles et nuit régulièrement à l'attractivité touristique.
Enfin, cette dégradation a logiquement des conséquences sur la production d'eau potable et sur l'accès à cette ressource. Un tiers des 15 000 captages d'eau fermés depuis 1980 en France l'ont été en raison de la dégradation de la qualité de l'eau. C'est d'ailleurs la première cause d'abandon des captages.
Pourquoi la qualité de l'eau de ces captages s'est-elle dégradée ? Dans 40% des cas, des teneurs excessives en nitrates ou en pesticides étaient en cause. De plus, les effets du dérèglement climatique peuvent accentuer les pollutions en les concentrant.
Or vous le savez : d'une part les abandons de captages réduisent l'accès aux ressources en eau potable, au point que certaines agglomérations de plusieurs centaines de milliers d'habitants ne comptent plus qu'un seul captage, et d'autre part, l'exercice de préservation des captages d'eau potable est difficile. Difficile, car le nombre de captages à protéger est très important, difficile car les moyens humains nécessaires sont colossaux, et difficile car les blocages territoriaux rendent les dialogues parfois complexes.
Il est crucial d'accélérer le déploiement de mesures efficaces pour protéger cette ressource vitale. C'est ce que nous faisons, en agissant sur plusieurs leviers.
Le premier levier consiste à limiter les pollutions diffuses d'origine agricole ou industrielle et celles liées à l'assainissement.
S'agissant des pollutions agricoles diffuses, cela passe par l'adaptation des pratiques et à la transition agroécologique des systèmes agricoles, dans une perspective de réduction de l'usage d'intrants. À cette fin, nous pouvons nous appuyer sur les mesures du plan " eau " qui soutiennent les pratiques agricoles à bas niveaux d'intrants sur les aires d'alimentation des captages. Nous nous appuyons également sur l'évaluation des PFAS rejetés dans l'eau par les industriels, sur l'amélioration des connaissances sur les captages d'eau potable contaminés aux PFAS et sur l'interdiction des produits contenant des PFAS dont les risques pour notre santé et notre environnement sont prouvés. Nous avons d'ailleurs débattu de ce sujet il y a quelques jours avant que vous adoptiez une proposition de loi qui concrétisait tout un travail mené au niveau ministériel et interministériel, dans la continuité du plan " PFAS ".
Concernant plus spécifiquement la qualité de l'eau, qui préoccupe de nombreux Français, j'ai demandé à l'Anses de lancer une campagne exploratoire afin de mesurer la concentration de PFAS dans l'eau que nous buvons : trente-quatre PFAS seront recherchés dans plusieurs centaines d'échantillons et nous attendons beaucoup de cette étude.
Je tiens ici à saluer l'adoption, le 20 février, avec le soutien du gouvernement, de la proposition de loi déposé par M. Arnaud Thierry.
Enfin, nous nous appuyons plus largement sur le plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC), dont l'un des principaux axes, que je présenterai dans quelques jours dans sa version finalisée, est justement la qualité de la ressource en eau.
Le second levier est la protection, à titre préventif, des captages d'eau potable contre les pollutions. Voici quelques chiffres, afin de vous aider à vous le représenter : la protection des captages représente un coût estimé entre 500 euros et 5 000 euros de l'hectare, selon les mesures prises. Toutefois, ce coût peut être réduit de 30% si la protection est précisément ciblée et clairement définie dans le temps.
Soyons clairs : le coût de l'inaction serait beaucoup plus important que le coût de la prévention. Les actions curatives représentent déjà un coût certain et récurrent, pour une durée indéterminée, de 1 milliard d'euros par an. La dépollution liée à l'atrazine a par exemple coûté plus de 300 millions d'euros sur plusieurs décennies.
Autre impact économique à prendre en compte et qui démontre la nécessité d'agir : le coût de la fermeture et du déplacement de captages peut dépasser 10 millions d'euros.
Je suis pleinement convaincue de l'importance d'investir dans la protection des captages, pour réduire durablement leur pollution, pour éviter des coûts de traitement récurrents très élevés et pour garantir notre souveraineté et notre indépendance en matière d'eau potable. Souveraineté et indépendance : deux mots d'actualité, alors que nous traversons des moments géopolitiques complexes.
Les chiffres que je viens de citer prouvent qu'une approche préventive paraît économiquement plus viable qu'une approche curative. La prévention est déjà engagée depuis quinze ans, grâce à des actions de protection soutenues par le financement des agences de l'eau, qui portent particulièrement sur les 1 100 captages dits prioritaires.
Toutefois, alors que les molécules recherchées sont de plus en plus nombreuses, la politique appliquée depuis quinze ans devra évoluer. Elle devra se transformer pour être plus efficace.
Il faut être pragmatique : à ce jour, nous n'avons sécurisé grâce aux aires d'alimentation de captages que 1 500 des 33 000 captages que compte notre pays. Notre ambition est claire, mais il convient d'engager les moyens nécessaires à une action plus systématique.
Afin de gagner en efficacité, nous privilégions une approche ciblée sur les captages dont la situation est la plus sensible. Aujourd'hui, nous sommes capables de déterminer les parcelles les plus contributrices à la pollution des captages. C'est d'ailleurs l'objet du travail du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui peut identifier, dans toute une aire de captage, les points de vulnérabilité, par lesquels une pollution particulièrement rapide de l'eau est possible.
De nombreux acteurs de terrain travaillent à cette prévention. Ils mesurent les risques encourus du fait d'une dégradation de la qualité de notre eau, notamment le risque qui pèse sur notre capacité à assurer une alimentation en eau potable à un coût raisonnable.
Le gouvernement a fixé, dans le plan " eau ", l'objectif nouveau de protéger ou récupérer les captages à forts enjeux et dont la qualité est menacée. C'est dans ce cadre que s'inscrit la feuille de route de la protection des captages, sur laquelle je travaille depuis mon passage au ministère de l'agriculture et que je devrais publier dans les prochaines semaines.
Cette feuille de route permettra la publication d'un arrêté de définition des captages sensibles, d'un guide à destination des préfets comportant des règles de gestion adaptées à différents cas, et d'outils financiers d'accompagnement des changements de pratiques.
J'ajoute que la qualité de l'eau sera l'un des principaux thèmes de la Conférence nationale sur l'eau annoncée par le premier ministre François Bayrou dans sa déclaration de politique générale. Pour simplifier, cette conférence traitera à la fois des enjeux liés à la qualité et à la quantité des eaux.
Je conclus en vous disant que l'eau est le meilleur indicateur de notre santé climatique. Vous pouvez donc compter sur ma mobilisation pleine et entière pour une action environnementale et sanitaire d'ampleur, afin d'améliorer la qualité de notre ressource en eau.
Je vous remercie d'avoir organisé ce débat utile. Il permettra de rappeler l'état de la science, les enjeux liés au sujet, les actions déjà engagées et celles qui restent à mener. Je salue également les parlementaires qui sont engagés sur le sujet, notamment le député Jean-Claude Raux, qui a déposé une proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l'eau potable – elle n'a pas pu être examinée en séance mais comme vous le savez, nous l'avons regardée avec bienveillance.
M. le président
Nous en venons aux questions. Leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato (LFI-NFP)
En 2020, la Cour des comptes soulignait l'échec des plans Écophyto et appelait l'État à exercer ses compétences normatives et régulatrices pour influer sur les modes de production et sur les filières.
En juin 2024, un rapport d'inspection interministériel, commandé par les ministères de la santé, de l'agriculture et de la transition écologique, soulignait l'échec global de la préservation de la qualité de l'eau destinée à la consommation. Il préconisait l'interdiction en urgence de l'usage des pesticides dans les aires de captage d'eau souterraine les plus polluées. Ce rapport acte donc l'échec des politiques d'accompagnement non contraignantes.
Le bilan est alarmant : 43% des prélèvements d'eau du robinet seraient contaminés par des PFAS et Nestlé, avec la complicité de l'État, a triché en traitant l'eau dite minérale pour qu'elle soit potable et conforme aux normes avant de la mettre en bouteille, ce qui est interdit. Encore un scandale sanitaire qui révèle que le fric est prioritaire sur la santé des gens et la préservation des écosystèmes.
Le coût du traitement des pollutions est payé par les ménages et non par les responsables. Depuis des années, le gouvernement est attendu sur une réforme du principe pollueur-payeur qui prévoirait l'augmentation de la taxe pour pollution diffuse. Quand agirez-vous ?
En octobre 2024, la ministre de la transition écologique avait annoncé une nouvelle feuille de route sur la protection des captages. Nous sommes en mars 2025 et n'avons toujours rien. Quand allez-vous tenir parole ? Dans quelques semaines, dites-vous.
L'être humain est constitué à 65% d'eau. En attendant que cette dernière redevienne un bien commun sur tout le territoire, l'État doit protéger les captages par la contrainte. Il y va de la santé de la population française, dont tous les corps contiennent, entre autres substances, du glyphosate et des PFAS, avec des conséquences délétères pour la santé. Les non-décisions deviennent criminelles.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Notre objectif est en effet de réaliser un point d'étape dans les prochaines semaines, à l'occasion de la Conférence nationale sur l'eau, voulue par le premier ministre, concernant la mise en œuvre du plan " eau ", qui incluait les redevances pour pollutions diffuses. Nous préciserons alors quelles mesures ont été prises, lesquelles restent à prendre, et avec quels moyens financiers. En complément est prévue une feuille de route sur les aires de captage et la qualité des eaux, qui a d'ailleurs vocation à se décliner territorialement, ces sujets devant être abordés au plus près du terrain. Là encore, c'est l'affaire de quelques semaines – pour être précis, ce sera d'ici à la fin du mois plutôt que d'ici à l'été.
M. le président
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux (EcoS)
Se servir un verre d'eau du robinet est aujourd'hui un geste du quotidien que l'on fait en toute insouciance ; cela pourrait ne plus aller de soi à l'avenir.
Pourra-t-on encore boire de l'eau non polluée en France ? C'est la seule question qui vaille. L'échec global à préserver la qualité de l'eau est la conclusion majeure du rapport conduit par trois inspections générales. Ce constat nous a conduits à déposer une proposition de loi pour préserver durablement la qualité de l'eau potable, et à tenir le présent débat.
Vous le savez comme nous, la reconquête de la qualité de l'eau s'apparente au mythe de Sisyphe poussant son rocher. Depuis des décennies, de lois – en 1964, 1992, 2006 – en Grenelle, d'assises en Varenne agricoles, jusqu'aux plans " eau " et à la future conférence que vous évoquez, nous réaffirmons nos ambitions, nous prenons des engagements, nous planifions. En vain. Les ambitions ne se concrétisent jamais, les engagements ne sont pas respectés et la planification est toujours reportée. Nous capitulons et nous laissons faire par manque de courage politique.
Chaque substance découverte complexifie et renchérit les traitements, sans parler des impasses techniques auxquels nous confrontent les PFAS. Demain, les collectivités se retrouveront devant un mur d'investissements, les usagers devront faire face à une flambée du prix de l'eau, et les territoires à un creusement des inégalités.
Si l'action publique n'est pas à la hauteur, c'est qu'elle repose sur le bon vouloir. La détection puis l'interdiction des produits prennent toujours beaucoup trop de temps. Qui assumera les conséquences environnementales, sanitaires, financières ? Qui expliquera que l'eau du robinet est impropre à la consommation ? Qui prétendra qu'il ou qu'elle ne savait pas ? Il est temps d'agir en sanctuarisant les zones de captage déjà vulnérables. Serez-vous la ministre qui saura enfin protéger notre prétendu bien commun ? Quelles recommandations du rapport des inspections suivrez-vous au plus tôt ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Le rapport en question comporte treize recommandations, qui peuvent être classées en trois grands paquets. Le premier relève plutôt du ministère de la santé : il concerne les connaissances scientifiques dont nous disposons pour mesurer la qualité de l'eau, l'enjeu consistant à définir des valeurs toxicologiques de référence (VTR). Ce travail est en cours, notamment au sein de l'Anses.
Le deuxième paquet a trait aux traitements curatifs, qui font l'objet d'aides de la part des agences de l'eau. Ces aides favorisent la dépollution, à une condition : que l'aire de captage traitée fasse aussi l'objet d'un travail de prévention afin d'éviter toute repollution future.
Le troisième paquet de recommandations concerne l'accompagnement des collectivités locales, afin de sécuriser les aires de captage. Ce sera l'objet de la feuille de route que j'évoquais. Nous estimons nécessaire d'adopter l'approche la plus efficace possible, à la hauteur de nos moyens, ce qui suppose de s'appuyer sur les études du Cerema qui sait déterminer, pour chaque aire de captage, les endroits à traiter prioritairement. Parfois, pas de chance, l'ensemble de l'aire de captage est vulnérable ; d'autres fois seulement certaines parties sont dans ce cas, sur lesquelles nous devons concentrer les efforts. Nous procédons territoire par territoire pour déterminer les sources de pollution, avant que des mesures soient prises, pilotées par le préfet…
M. le président
Merci de conclure !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Désolé, monsieur le président, je n'avais pas vu que j'avais dépassé mon temps de parole. Je m'arrête là.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem)
L'eau potable peut contenir des PFAS ou des pesticides, mais comptez-vous approfondir les contrôles ? L'eau contient également des antibiotiques, des hormones et d'autres substances : comment surveillez-vous tout cela, sachant qu'il faut tenir compte d'un " effet cocktail " et qu'il ne s'agit donc pas de déterminer la seule présence de telle ou telle molécule. Tout étant toxique passé un certain seuil, il s'agit de connaître la valeur toxicologique de référence de chacune des molécules.
L'Anses, on le sait, travaille notamment sur les PFAS, dont le seuil de contamination est actuellement fixé à 100 nanogrammes par litre. Pensez-vous que la VTR de chaque PFAS est vouée à diminuer ? Si ce devait être le cas, quels traitements prévoyez-vous ?
Enfin, si les grandes collectivités peuvent assumer le coût de la dépollution, c'est moins le cas des petites, quand bien même les industriels mettraient la main à la poche. Nous avons évoqué ce point lors de l'examen de la proposition de loi relative aux PFAS, il y a dix jours : comment le gouvernement compte-t-il aider les petites collectivités à dépolluer l'eau destinée à la consommation humaine ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous posez tellement de questions qu'en deux minutes ma réponse ne sera sans doute pas satisfaisante. S'agissant du contrôle de l'eau, nous allons plus loin sur le terrain que ce que prévoit la directive « eau potable », car les ARS se sont naturellement adaptées en élargissant la liste des substances à rechercher un peu au-delà des vingt molécules prévues – il conviendra d'ailleurs d'adapter la directive pour rechercher davantage de molécules dans les points de captage à l'avenir, tout en laissant aux ARS la latitude nécessaire pour aller encore plus loin.
Nous procédons désormais à une évaluation systématique des rejets de PFAS et nous avons soumis à un certain nombre de prescriptions les 200 sites qui en rejettent de manière avérée dans les milieux. Nous fournirons d'ici à l'été une base de données contenant l'ensemble des résultats d'analyses, y compris celles de l'eau potable. La population sera ainsi parfaitement informée – en fait, l'information est déjà disponible mais seuls les spécialistes peuvent y accéder facilement.
Il est également prévu de mesurer la présence des perturbateurs endocriniens susceptible d'interférer avec le système hormonal. Il est vrai que nous avons moins de données en la matière. Nous le reconnaissons avec humilité : nous devons renforcer nos moyens d'analyse scientifique lorsqu'il est établi que les risques existent qui appellent une action rapide – d'autres sujets peuvent peut-être être traités de façon décalée.
Il nous faut aussi des moyens humains, c'est-à-dire des personnes avec des compétences, au sein de l'Anses comme ailleurs sur le territoire, ainsi que des moyens financiers. En France, un seul laboratoire était capable d'effectuer des mesures concernant PFAS, et nous ne disposions pas de méthode au niveau européen, pour mesurer leur présence dans l'atmosphère. On voit bien qu'il y a encore du travail à faire.
M. le président
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin (LIOT)
Je vous remercie pour ce beau débat sur cette question cruciale. Les pertes d'eau potable liées aux fuites sont estimées à 20% dans les réseaux de distribution de l'Hexagone. Ce taux peut atteindre 50% dans certaines petites villes aux réseaux vétustes et mal entretenus. En Guadeloupe, seulement 32% de l'eau arrive au robinet, selon une étude réalisée en 2022. Ce triste record s'accompagne de « tours d'eau » dans les quartiers, lesquels sont tour à tour alimentés en eau. Certains jours, voire plusieurs jours de suite, il n'y a pas d'eau au robinet.
Cela dure depuis des dizaines d'années. Sans compter qu'à chaque événement climatique majeur – on l'a aussi vu à Mayotte –, il n'y a plus d'eau du tout. Il semble que l'on redécouvre à chaque fois la situation. Rien n'est anticipé : les stocks de bouteilles d'eau ne sont pas directement accessibles et il faut plusieurs jours pour les obtenir et les distribuer à la population.
Ces problèmes ont des conséquences délétères sur la vie quotidienne de nos concitoyens, mais aussi sur les entreprises, le tourisme, les écoles, lesquelles sont obligées de fermer un mois supplémentaire par an, si l'on cumule tous les jours de fermeture liés aux coupures d'eau. Le gouvernement, qui incitait en 2021 à la création du syndicat unique de l'eau en Guadeloupe, et qui a choisi de nommer un sous-préfet chargé de coordonner et de piloter les dossiers relatifs à l'eau et à l'assainissement, peut-il nous dire quand nous aurons de l'eau au robinet, tous les jours, sans coupure ? Il arrive que nous nous battions contre la chlordécone et les pollutions, mais, en l'occurrence, nous en sommes seulement à demander de l'eau.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous avez raison de souligner la situation dans les territoires d'outre-mer, dont certains connaissent des pertes d'eau pouvant atteindre 60%, en moyenne, sur un territoire. C'est gigantesque ! L'assainissement n'est parfois pas du tout satisfaisant ; il n'est pas au niveau de l'Hexagone. Certains phénomènes propres à ces territoires, comme les cyclones, accroissent la vulnérabilité des réseaux. Citons aussi l'absence de moyens d'intervention évoquée par le ministre d'État Manuel Valls à propos de La Réunion, où les groupes électrogènes n'étaient pas disponibles pour redémarrer les stations d'eau après le passage du cyclone Garance. Il a d'ailleurs annoncé qu'il allait prendre ce problème à bras-le-corps. En Guyane, les marées entraînent aussi un phénomène de salinisation qui complexifie encore la situation.
Vous avez raison, une politique ad hoc et des investissements massifs sont nécessaires pour assurer la potabilisation, la sécurisation des réseaux d'eau et de l'assainissement, et pour renforcer les moyens d'intervention en période de crise.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC)
La question de la ressource en eau, de sa qualité comme de sa quantité, de sa protection et de son partage est devenue très prégnante. Je poserai deux questions précises.
La première concerne l'action des commissions locales de l'eau (CLE), chargées d'élaborer et de suivre le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage). Dans les bassins versants, les exigences ont été renforcées par le plan " eau " présenté par le président de la République à Serre-Ponçon, le 30 mars 2023. Les CLE contribuent à l'élaboration des politiques de l'eau dans les territoires, mais se trouvent limitées par des moyens financiers beaucoup trop faibles pour assurer des missions toujours plus larges. Les CLE œuvrent en faveur de la protection des captages, du partage de la ressource, de la gestion du multi-usages et de la mesure de la capacité des sources, souvent très peu connue dans les territoires. Le financement des CLE est uniquement assuré par les collectivités ainsi que par les agences de l'eau qui rémunèrent les chargés de mission. Or les collectivités rencontrent de plus en plus de difficultés à financer ces CLE, ce qui est très dommageable pour la surveillance de la ressource et de la qualité de l'eau.
Seriez-vous favorable à ce que la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) puisse financer le fonctionnement des CLE ? Je travaille sur cette proposition.
Ma seconde question, en écho à une autre déjà posée sur le sujet, concerne l'application du principe pollueur-payeur pour financer la dépollution des sites. Ma circonscription fournit un exemple avec le site de Vencorex : l'entreprise quitte la plateforme chimique sans avoir provisionné un seul euro, ni pour le démantèlement, ni pour la dépollution, laissant ainsi le site pollué à la charge des collectivités.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Comme vous le savez, certains financements des CLE sont assurés par les agences de l'eau, dont le budget doit augmenter en 2026 : l'augmentation de leurs taxes est en cours, certaines agences devant encore valider cette augmentation en conseil d'administration. Elle est nécessaire si l'on veut financer l'ensemble des actions du plan " eau ".
S'agissant de la taxe Gemapi, je reste vigilante car beaucoup de demandes d'augmentation me parviennent de la part des collectivités locales, qui souhaitent financer de très nombreuses actions liées à l'eau.
Dans mon département, très touché par les inondations, on se demande si une augmentation de cette taxe ne permettrait pas de financer les ouvrages permettant de se protéger des crues. Pas plus tard qu'hier, le Comité national du trait de côte (CNTC) proposait également d'augmenter cette taxe pour financer la lutte contre l'érosion côtière. Vous faites également une proposition valide que la taxe Gemapi pourrait effectivement financer.
Tout cela montre surtout que la multitude des enjeux liés à l'eau – à sa qualité et au financement du petit et du grand cycle de l'eau – requiert des investissements considérables, qu'il s'agit de rendre visibles afin d'identifier ensuite les sources possibles de financement.
Dans ce cadre, la question de la solidarité et celle du principe pollueur-payeur se posent. Cependant, comme on a pu l'observer récemment avec l'augmentation de la redevance pesant sur les industriels qui consomment de l'eau potable, des laiteries ont vu leurs factures multipliées par quatre ou cinq et se trouvent dans l'incapacité de les régler du fait de leur modèle économique. Le principe utilisateur-payeur ou pollueur-payeur ne peut donc malheureusement pas être appliqué de façon systématique.
Les sujets que vous abordez seront au cœur de la Conférence nationale sur l'eau. Je reste prudente et je ne peux pas affirmer que nous obtiendrons en 2025 toutes les réponses attendues. Cependant, je souhaite que cette année, nous terminions de déployer le plan " eau ", en établissant des financements solides et une maquette crédible pour le projet de loi de finances pour 2026, avec une visibilité correcte à trois ou quatre ans. Je souhaite également que nous déroulions la feuille de route relative à la qualité de l'eau, en posant les fondements du financement du petit et du grand cycle de l'eau, compte tenu de l'effet du dérèglement climatique. À mon avis, vous n'êtes pas près de cesser de travailler sur ce sujet dans les cinq ans qui viennent.
M. le président
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho (EcoS)
Les solutions de gestion de l'eau à la parcelle, proposées notamment par le Cerema, ne varient guère de celles avancées depuis le Grenelle de l'environnement, en 2007 : elles ont échoué. Le rapport d'inspection souligne la nécessité d'actionner d'autres leviers, d'ordre régalien : d'une part l'interdiction de certaines substances, d'autre part la protection réelle des aires de captage, notamment en faisant en sorte que les exploitations qui s'y trouvent passent à l'agriculture biologique.
Je poserai deux questions brèves. Premièrement, alors que nous sommes plusieurs ici à suivre depuis longtemps les questions liées à la politique de l'eau, nous ne disposons d'aucune information concernant la Conférence nationale de l'eau que vous évoquez, et qui est potentiellement intéressante. Je suis l'élue d'un territoire qui se trouve pris dans un conflit majeur quant à l'usage de l'eau. Qu'est-ce que cette Conférence nationale ? Quand se tiendra-t-elle et avec qui ? J'imagine que l'idée n'est pas de faire de l'entre-soi et de réunir uniquement des gens qui pensent tous la même chose.
Deuxièmement, comment pouvons-nous aider le ministère de l'écologie à gagner des arbitrages dans le contexte actuel ? Faut-il rappeler à quel point la ressource en eau potable constitue un enjeu critique pour les temps qui viennent ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous avez raison : les solutions de gestion de l'eau à la parcelle ne sont pas nouvelles. Seulement, ont-elles vraiment été déployées de façon systématique ? Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu la volonté de la part des ministres d'agir en ce sens, mais les travaux du Cerema mettent en évidence que l'action politique, sur le terrain, a connu des hauts et des bas en la matière.
Concernant la Conférence nationale sur l'eau, la vision qu'en avait le premier ministre Michel Barnier différait sans doute de celle du premier ministre François Bayrou. Mon premier objectif est d'aller jusqu'au bout du plan " eau ". Il convient de ne pas passer sans cesse d'un dispositif à un autre et de s'assurer, au contraire, que l'on mènera bien à son terme ce plan lancé par mon prédécesseur Christophe Béchu. Il comportait de nombreuses mesures importantes qui ont été déclinées dans chaque comité de bassin, dans le cadre d'une gouvernance qui fonctionne avec les collectivités locales et les préfets coordonnateurs de bassin. Mon second objectif est d'établir une feuille de route pour la qualité de l'eau. Nous sommes en train de parachever notre réflexion mais la Conférence devrait se tenir à la fin du mois, qui marquera le deuxième anniversaire du plan " eau ".
Pour aider le ministère de l'écologie, je crois que la prise de conscience des collectivités locales est décisive. Lorsque je discute avec Intercommunalités de France, certains présidents d'agglomération s'inquiètent de ne plus disposer que d'un seul point de captage. Chacun comprend bien qu'une population de 250 000 habitants qui dépend d'un seul point de captage se trouve dans une situation de grande vulnérabilité, si un accident survenait ou si une pollution plus sournoise venait à progresser. C'est pour moi le levier principal, qui met en mouvement les collectivités locales, donc le Sénat, avec une écoute attentive de la part de l'Assemblée nationale.
Je suggère donc de partir de là, en s'appuyant sur la Conférence nationale de l'eau qui rassemblera des acteurs très engagés et qui auront sans nul doute des choses à dire.
M. le président
La parole est à M. Gabriel Amard.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP)
Nous étions plusieurs députés à réclamer, à l'époque, un débat parlementaire sur la transposition par ordonnance de la directive du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Force est de constater que nous étions fondés à souhaiter davantage de transparence dans cette transposition, puisque les collectivités locales, dès lors qu'elles sont autorités organisatrices des services d'eau potable, se sont trouvées, du fait de l'engagement de la France vis-à-vis de Bruxelles, dans l'obligation de réaliser des diagnostics avant le 1er janvier 2025.
Corapporteur, dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de la mission flash sur les conséquences pour les collectivités territoriales de la transposition de la directive susmentionnée, j'ai pu constater que dans la majeure partie de notre pays, les diagnostics relatifs à la précarité dans l'accès à l'eau, définie comme l'impossibilité de garantir entre 50 et 100 litres d'eau par jour et par personne, ne sont pas réalisés – que cette précarité soit due à des raisons sociales, à un non-raccordement, à l'absence d'eau à certaines périodes de l'année, ou à une mauvaise qualité de l'eau.
Ma première question est donc la suivante : qu'envisagez-vous pour faire en sorte que ces diagnostics soient réalisés, conformément à l'engagement européen de la France ?
Deuxième question : alors que les industriels français envoient en Belgique leurs charbons actifs chargés en PFAS, qu'en est-il des charbons actifs qui doivent être régénérés ou détruits après qu'ils se sont chargés en PFAS lors des opérations de potabilisation de l'eau ? Il n'existe pas de filière française de régénération et de destruction des charbons actifs chargés en PFAS. Que prévoyez-vous en la matière ?
Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que, alors que les PFAS sont présents dans de nombreux secteurs, c'est l'usage domestique de l'eau qui finance la majeure partie des recettes des agences qui doivent réaliser les travaux de dépollution. La redevance reste à 0% pour les agriculteurs, alors que…
M. le président
Merci de conclure !
M. Gabriel Amard
…des PFAS sont présents dans l'agriculture chimique. Pour les industriels, elle est toujours plafonnée à un niveau qui ne permet pas de lever des recettes suffisantes. Pourtant, comme cela a été dit, les collectivités locales seront confrontées à un mur d'investissements pour engager la destruction des PFAS.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous posez plusieurs questions. Les diagnostics sont progressivement réalisés, dans le cadre des plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE). Ils ne le sont peut-être pas au rythme que l'on espérerait, mais l'objectif de la feuille de route sur la qualité de l'eau est précisément d'accélérer ce travail.
Par ailleurs, vous avez souligné à juste titre l'absence de filière française de traitement des charbons actifs. C'est un sérieux problème, que j'ai bien identifié, mais auquel je n'ai pas de solution immédiate à apporter. C'est sans doute un enjeu à traiter au niveau européen. J'évoquais le fait, à propos des PFAS, qu'un seul laboratoire en France soit capable de conduire les analyses adaptées – ce qui explique le délai qui a été nécessaire pour les mener. De même, aucune méthodologie européenne n'était établie pour mesurer les PFAS dans les voies aériennes. Peu de pays européens disposent des laboratoires requis ; les États-Unis sont, sur ce point, bien plus en avance que nous.
Vous savez que nous sommes quelques États à défendre une vision ambitieuse en matière de PFAS. Mes collègues de plusieurs pays du Nord ont signé un papier au Conseil environnement d'octobre 2024. Je venais alors d'être nommée ministre avec mon portefeuille actuel. Nous les avons rejoints en pensée – le papier était déjà publié mais nous soutenons cette initiative. Je rencontrerai demain la commissaire européenne à l'environnement, Jessika Roswall. Même si je l'avais déjà alertée sur ce sujet mezza-voce, je le ferai de nouveau.
S'agissant des redevances, j'ai apporté un éclairage notamment sur les évolutions de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) en lien avec la feuille de route relative à la qualité de l'eau. Dans le cas d'acteurs économiques qui ne génèrent pas toujours une marge extraordinaire – cela dépend – et qui souffrent d'une concurrence importante, en particulier en ce moment, nous devons comme toujours chercher un équilibre.
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)
Dans la continuité de la précédente intervention et de votre réponse, j'évoquerai la redevance pour pollutions diffuses. À l'automne 2023, le gouvernement prévoyait dans le projet de loi de finances pour 2024 d'augmenter cette redevance d'environ 20%. Cette taxe, qui est l'application du principe pollueur-payeur, répond à l'inquiétude grandissante des collectivités locales.
Nous avons le sentiment que le gouvernement a enterré quelque peu cette redevance, comme c'est malheureusement le cas bien souvent pour les outils en matière d'écologie. Pourtant, cette redevance permet aux agences de l'eau d'agir directement à la source des pollutions, en accompagnant notamment les agriculteurs et agricultrices dans la transition agroécologique de leurs pratiques.
La demande d'accompagnement est réelle. L'agence de l'eau Loire-Bretagne a dû par exemple refuser toute nouvelle demande dès juillet 2024 – elle rattrape en 2025 les projets qui n'ont pas pu être financés l'année dernière.
M. Gabriel Amard
Tout à fait !
Mme Cyrielle Chatelain
C'est mon collègue Jean-Claude Raux qui a appelé mon attention sur ce point très problématique.
J'ai deux questions. Croyez-vous à une augmentation de la redevance comme le demandent les collectivités ? Vous avez commencé à répondre sur ce sujet, mais nous souhaiterions une réponse plus précise. Si ce n'est pas le cas, quelles nouvelles sources de financement le gouvernement compte-t-il mobiliser face au mur d'investissements nécessaires pour protéger la ressource en eau, distribuer une eau de qualité et accompagner les collectivités face à ce défi ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
J'ai effectivement commencé à répondre à cette question. Vous le savez, la redevance sur la consommation d'eau potable a bien augmenté. Pour certains acteurs, l'augmentation a été bien supérieure à 20%, ce qui aujourd'hui pose problème et nous conduira à nous pencher de nouveau sur la question.
Nous avions une proposition d'amendement dans l'optique de la commission mixte paritaire, qui a malheureusement été écartée, ce qui fait que certains acteurs paient cinq ou six fois la facture alors qu'ils n'ont pas les reins suffisamment solides – ce sont souvent des petits industriels de l'agroalimentaire. Il faut aussi avoir en tête l'impact de la redevance, qui est important.
S'agissant des agriculteurs, la discussion a été repoussée. Je souhaite la reprendre avec ma collègue Annie Genevard, dans un contexte où l'enjeu est aussi qu'ils aient la capacité à payer. La concertation devra prendre en compte les rendez-vous qui ont peut-être été manqués d'un point de vue financier. Je pense par exemple aux paiements pour services environnementaux (PSE) qui n'ont pas forcément été au niveau attendu compte tenu des investissements réalisés par les agriculteurs, ou encore aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) – de nombreux agriculteurs qui s'étaient engagés se sont retrouvés en déséquilibre économique, eu égard aux efforts réalisés. De manière plus générale, je pense à la situation de la filière bio, au sein de laquelle on observe un déconventionnement non négligeable d'agriculteurs engagés.
À un moment, il est nécessaire de dire « voilà le chemin qu'on vous propose » et de s'y tenir. Tant qu'on n'a pas construit un dispositif dans lequel les engagements financiers vis-à-vis des agriculteurs seront respectés – alors qu'ils prennent le risque de voir leur rendement diminuer ou celui de ne pas trouver de marchés –, on ne sera pas crédible. C'est cette conversation-là qu'on doit avoir aussi, ce qui soulève plus largement la question de la PAC.
M. le président
La parole est à M. Jean-Victor Castor.
M. Jean-Victor Castor (GDR)
Je parlerai de la Guyane. Vous avez évoqué tout à l'heure la salinisation, mais le vrai problème en Guyane, c'est l'accès à l'eau potable et l'orpaillage illégal. Après le scandale du chlordécone aux Antilles, la Guyane vit celui de l'intoxication au mercure. Nous en avons déjà parlé en commission du développement durable. J'espère que vous ne me renverrez pas à M. Valls comme vient de le faire le ministre Rebsamen.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Un petit peu ! (Sourires.)
M. Jean-Victor Castor
Au moment où je vous parle, les garimpeiros opèrent dans un affluent qui aboutit directement dans l'aire de captage de la plus grande station de production d'eau potable de Guyane, qui alimente l'ensemble de l'agglomération de l'île de Cayenne. Aucune mesure n'a été prise – aucune.
Ensuite, en Guyane, depuis très longtemps, d'après l'agence régionale de santé, 48% de la population desservie était alimentée par une eau présentant des concentrations en aluminium supérieures à la limite réglementaire – il s'agit d'eau potable ayant fait l'objet d'un traitement par la société guyanaise des eaux.
Il y a donc deux problèmes en matière d'eau potable, outre le fait que de nombreux habitants n'y ont tout simplement pas accès. Quels changements radicaux de politique publique opérerez-vous sachant que le ministère des outre-mer n'a pas du tout les moyens financiers de tels changements ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Oui, je vous renverrai vers mon collègue Manuel Valls, mais je répondrai aussi directement à votre question. Je vous renvoie vers Manuel Valls parce qu'au fond, pour les outre-mer, son ministère est la tour de contrôle qui s'appuie sur chacun des ministères techniques et les moyens de ces derniers pour conduire les politiques publiques.
M. Jean-Victor Castor
C'est une tour qui ne contrôle pas grand-chose !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Dans certains domaines, ce ne sera pas le ministère des outre-mer qui apportera un appui financier. Pour citer un exemple très concret, nous recherchons des contributions importantes pour financer le plan Eau à Mayotte. Ces ressources viennent bien du budget de mon ministère – elles sont prélevées sur l'ensemble des agences de bassin de l'Hexagone en vertu du principe de solidarité.
L'accès à l'eau potable relève d'une politique d'infrastructures. S'agissant de la qualité de l'eau, vous évoquez, au-delà des produits phytosanitaires, l'orpaillage illégal et certaines activités de nature plus industrielle, si j'ose dire. Ma position n'a pas changé. Lorsque j'étais ministre de la transition énergétique, j'ai lancé avec le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) un inventaire du sous-sol de la Guyane pour permettre au territoire de connaître ses ressources et de poser les premiers jalons d'une reconquête de ces dernières au moyen d'une mine responsable, c'est-à-dire fondée sur des processus exempts de traitements et de rejets néfastes sur le plan environnemental. On sait faire de la mine responsable dans le monde : Eramet sait le faire, les acteurs européens savent le faire.
Je ne parle pas de la dimension sociale, qui doit évidemment aussi être contrôlée. En Guyane, des personnes entrées clandestinement sur le territoire pratiquent l'orpaillage illégal dans des conditions dramatiques.
Je soutiens totalement mon collègue sur tout projet qui concernerait la mine responsable, qui s'appuierait sur des capitaux permettant aux Guyanais de bénéficier des retombées économiques de ce développement et sur des préconisations environnementales visant à protéger la ressource en eau et la qualité des écosystèmes guyanais.
C'est le chemin que nous devons emprunter. Le BRGM a posé les prémices. Le code minier a été réformé afin de faciliter l'intervention en matière de mines. J'ai défendu au niveau européen le Critical Raw Materials Act, qui soutient aussi des politiques de cette nature. Nous n'allons pas agir dans la minute qui suit, mais des fondements sont en train d'être posés. Je serai évidemment aux côtés de mon collègue. Enfin, nous examinerons plus précisément les pollutions que vous évoquez pour nous assurer que les mesures correctes sont prises.
M. le président
Le débat est clos.
Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 12 mars 2025