Texte intégral
Madame la Secrétaire générale,
Mesdames les ambassadrices,
Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
En s'adressant à toutes les femmes avec l'âme combattante qu'on lui connaît, Gisèle Halimi disait : "Vous êtes importantes, devenez prioritaires". À la veille de la Journée internationale des droits des femmes, je me joins à ces mots pour dire avec solennité qu'agir pour les droits des femmes est, pour mon ministère, pour la diplomatie française, une priorité. Une priorité le 7 mars, une priorité le 8 mars, une priorité de tous les jours. C'est le sens de la diplomatie féministe, c'est-à-dire une diplomatie d'action au service des droits des femmes.
La menace de régression qui plane sur les droits des femmes est aujourd'hui très élevée, brandie par une alliance rétrograde et réactionnaire. Brandie contre la santé et les droits sexuels et reproductifs, brandie contre la liberté des femmes. Face à ces risques, nous ne devons rien laisser passer et rester clairs et fermes sur nos principes. C'est ce que je fais aujourd'hui, en rejoignant la coalition des champions de l'initiative "She Decides", qui agit pour que les femmes puissent librement disposer de leur corps et décider de leur vie et de leur avenir. Je porterai aussi avec résolution notre diplomatie féministe. Je l'ai fait dès ma prise de fonction, aux Nations unies, avec les autres pays qui ont adopté une diplomatie féministe ou une politique étrangère féministe. Et nous accueillerons à Paris la prochaine conférence des diplomaties féministes, après celle qui s'est tenue au Mexique l'année dernière.
Notre action est et restera concrète, continue, et elle s'appuiera sur une stratégie, la Stratégie internationale pour une diplomatie féministe, que j'ai l'honneur de lancer aujourd'hui et pour les cinq prochaines années. Construite avec la société civile, avec vous, cette stratégie fixe un cap clair dans la lignée de notre engagement pour l'éducation des filles, la lutte contre les violences fondées sur le genre, la participation des femmes à la vie politique, citoyenne, économique, et à tous les processus de décision. En voici les axes prioritaires.
D'abord, notre diplomatie féministe est au service de nos concitoyennes, des Françaises. Notre réseau consulaire est en effet pleinement mobilisé. Il a accompagné nos compatriotes dans plus de 100 cas de violences conjugales, plus de 50 cas de violences sexuelles et 16 cas de mariages forcés. Notre ministère soutient, accompagne les victimes dans leurs démarches, dans des contextes parfois très difficiles, parfois encore davantage compliqués par l'éloignement géographique. Je salue l'engagement de nos services, ici, à la DFAE (direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire) et à l'étranger, pour y assurer la protection des Françaises. Je salue également l'engagement des parlementaires, députés et sénateurs, sénatrices des Françaises et Français établis à l'étranger.
Nous devons continuer nos efforts, et c'est pour cela que je vous annonce que nous signerons une nouvelle convention avec la plateforme "SaveYou", qui permettra de renforcer encore ce soutien aux femmes qui sont victimes de violences. La convention sera signée le 14 mars, lors de la session de printemps de l'Assemblée des Français de l'étranger. Nous mettrons aussi à disposition des conseillers des Français de l'étranger un guide sur l'accueil des victimes et leur prise en charge par les services consulaires.
Deuxièmement, notre diplomatie féministe est une diplomatie qui prend pleinement en compte les droits des femmes partout où ils sont bafoués.
Je pense aux femmes ukrainiennes. Et nous entendrons tout à l'heure le témoignage d'Oleksandra Matviïtchouk, prix Nobel de la paix. La France restera aux côtés de l'Ukraine, elle restera aux côtés des femmes ukrainiennes pour que justice soit faite, pour que leur mémoire soit honorée, pour que personne n'oublie : que personne n'oublie leur nom, que personne n'oublie ces exactions, ces viols utilisés comme une arme de guerre par l'armée russe.
Je pense aux femmes afghanes, qui sont effacées de la société par les talibans, une ségrégation indigne que la communauté internationale ne doit pas tolérer. Je me félicite que le programme "Avec Elles", lancé en 2023 et mené avec le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés, ait permis de sauver la vie de plusieurs d'entre elles. Nous continuerons pour elles et avec elles.
Je pense aux femmes yézidis. Et nous aurons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Nadia Murad. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Dix ans après le génocide subi par les yézidis, nous n'oublions pas, nous n'oublierons pas la barbarie de Daech. Je me félicite que nous puissions poursuivre le travail de soutien à celles et à ceux qui ont survécu à travers le fonds de soutien aux survivants et survivantes, lancé lors du sommet du G7 à Biarritz. La France fut la première à y contribuer.
Je pense aux femmes et aux filles congolaises, qui sont prises pour cible, violées et exploitées. Je pense à ces enfants qui ont dû être soignés en urgence dans l'hôpital de Virunga à Goma. Et je le redis, les hostilités doivent enfin cesser et le M23 doit se retirer.
Je pense à celles qui ont été victimes des actes terroristes barbares du 7 octobre.
Je pense aux femmes syriennes, qui doivent enfin pouvoir vivre en paix, en liberté et en sécurité. Et je salue la présence parmi nous de Mme Ahlam Almilaji, directrice de l'Association syrienne de Zenobia, qui joue un rôle actif pour les femmes qui souffrent des conflits armés. Je suis d'ailleurs heureux d'annoncer que la France contribuera au Fonds humanitaire et de paix pour les femmes, le fonds le plus important des Nations unies pour soutenir les femmes dans les contextes de crise.
Nous le savons, la paix ne peut durer que lorsque l'égalité entre les femmes et les hommes est respectée. Une paix juste et durable ne peut se faire en laissant de côté la moitié de l'humanité.
Nous pérenniserons aussi le Fonds de soutien aux organisations féministes, qui permet de soutenir celles qui sont en première ligne, souvent au péril de leur vie, pour défendre les droits. Depuis 2020, c'est plus de 1.400 organisations, dans 73 pays, qui ont été soutenues, et la France a été le premier pays contributeur à ce fonds. Et je vous remercie, Madame Safina Virani, d'être parmi nous aujourd'hui, vous qui êtes à la fois lauréate de notre fonds de soutien et de notre Initiative Marianne, qui permet chaque année à plusieurs défenseurs des droits de l'homme et des droits des femmes de venir en France pour défendre ces valeurs universelles.
J'ai abordé la situation des femmes dont les droits sont bafoués dans les guerres, mais il est un autre terrain critique auquel j'accorde une attention toute particulière : l'environnement numérique. Être en ligne, ce n'est pas être au Far West ou dans une zone de non-droit. S'attaquer aux femmes en ligne, les agresser, jeter leur intimité en pâture, c'est tout simplement inacceptable. Et notre pays montre l'exemple sur ce sujet. Avec d'abord la loi SREN pour sécuriser et réguler l'espace numérique que j'ai porté l'année dernière, la France est pionnière pour davantage de régulation et une modération des contenus haineux et des violences en ligne. Cette loi nous aidera à protéger nos concitoyens, et en particulier les femmes et les filles. En marge du Sommet sur l'action pour l'intelligence artificielle, j'ai également salué les cinq projets lauréats du Laboratoire sur les droits des femmes en ligne, en soutien aux victimes de violences, sur quatre continents différents. Ce combat n'a pas de frontières. Notre pays a aussi été le premier à porter et à faire adopter une résolution à l'Assemblée générale des Nations unies sur les violences faites aux femmes et aux filles en ligne, conjointement avec les Pays-Bas, à la fin de l'année dernière. C'est un succès de la diplomatie française dont je salue les équipes qui en sont responsables, que je remercie pour leur engagement. Et puis à l'occasion du Sommet sur l'intelligence artificielle, nous avons adopté la toute première déclaration demandant que l'égalité de genre soit intégrée dans le développement de l'intelligence artificielle, déclaration qui a déjà réuni douze pays signataires. Je continuerai d'agir pour que l'espace numérique soit un espace sûr et libre pour les femmes, mais je salue là encore le travail des diplomates français qui ont ainsi conduit à la rédaction et à la signature de cette déclaration, la première à être signée par un si grand nombre de pays.
Je pense aussi à notre présidence du G7, l'année prochaine. Je me rendrai au Canada la semaine prochaine, et j'aborderai le sujet avec l'actuelle présidence. Lors du Sommet de Biarritz, le Président de la République avait lancé le Fonds mondial pour les survivantes et survivants de violences sexuelles liées au conflit, mais aussi l'initiative AFAWA, en faveur de l'entrepreneuriat féminin en Afrique. Cette initiative sera d'ailleurs à l'honneur, cet après-midi, à l'Elysée, sous l'égide du Président de la République, dont vous connaissez l'engagement en la matière. L'an prochain, je m'y engage, l'égalité de genre sera à nouveau au coeur de notre présidence du G7, qui sera organisé en France.
Enfin et troisièmement, notre diplomatie féministe est crédible parce qu'elle s'appuie sur un ministère que je veux exemplaire en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. L'an dernier, nous adoptions notre second plan en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le label égalité AFNOR a été confirmé pour notre ministère, qui a également reçu le label diversité. Il récompense des résultats. Je pense aux progrès notables réalisés pour les nominations des ambassadrices primo-partantes. Nous atteindrons cette année presque 50%, et nous devons aller plus loin. Je citerai aussi la formation obligatoire de nos agentes et de nos agents, qui est déjà mise en oeuvre.
Notre ministère a aussi agi efficacement pour la santé de nos agentes depuis les mesures prises le 8 mars dernier. Nous poursuivons nos efforts, nous les renforçons, sur l'équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle pour les femmes comme pour les hommes, avec le livret "J'attends un enfant", qui informe les agentes et les agents de leurs droits liés à la parentalité, qui sera publié ce mois.
De nouvelles mesures aussi pour accueillir les témoignages de nos agentes et agents victimes de violences intrafamiliales, avec la diffusion dès la semaine prochaine au réseau des référentes et référents égalité d'une fiche de procédure spécifique. Les victimes doivent pouvoir s'informer et connaître les mesures d'accompagnement, les mesures préventives, lorsque c'est envisageable.
Cet après-midi, la secrétaire générale du ministère, que je remercie beaucoup pour son engagement inlassable sur ce sujet, animera la réunion de la troisième promotion de l'initiative "Tremplin", un cadre d'excellence en faveur de l'accès des femmes au poste à responsabilité.
Merci à toutes celles et ceux qui, au sein de ce ministère, contribuent activement à rehausser les droits des femmes et l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mesdames et Messieurs, vous pouvez donc compter sur la France pour inscrire dans la durée cet engagement en faveur de la diplomatie féministe face aux vents contraires. Je le répète, le droit doit primer sur la force. Ce droit, il ne vaut que s'il s'applique à l'humanité tout entière. Il ne vaut que si nous agissons sans tarder pour que les droits des femmes soient partout respectés.
Merci beaucoup pour votre présence au Quai d'Orsay ce matin.
Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mars 2025