Déclaration de M. François Bayrou, Premier ministre, en réponse à une question sur l'Ukraine et les affaires européennes, au Sénat le 5 mars 2025.

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Circonstance : Questions d'actualité au Gouvernement, en séance publique, au Sénat

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Madame la présidente Maryse Carrère, au cours de votre intervention dans le cadre du débat portant sur la situation en Ukraine et la sécurité en Europe qui s'est tenu hier, vous avez à très juste titre souligné que le cap que nous devons arrêter est celui de l'autonomie stratégique.

Cette expression, qui peut sembler abstraite à certains, nous devons en faire une réalité. "Autonomie stratégique", cela signifie que nous pouvons nous défendre par nos propres forces sur notre propre décision ; c'est bien cela, l'autonomie.

Les Français comme les autres Européens découvrent en cet instant, dans les jours que nous vivons, à quel point la situation est profondément déstabilisée. Deux événements sont survenus.

D'une part, lors des récentes réunions de l'Organisation des Nations unies, qu'a évoquées hier le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour refuser que les résolutions des Nations unies fassent allusion à l'agression contre l'Ukraine. Je rappelle que la Fédération de Russie et les États-Unis d'Amérique sont deux des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. C'est dire à quel point la situation est fragile.

D'autre part, l'autonomie stratégique n'est pas acquise. En effet, une disposition du droit américain prévoit que les équipements militaires ou les armes acquis auprès des États-Unis ne peuvent pas être déclenchés s'il y a un veto des États-Unis. Je rappelle que les deux tiers des armements au sein de l'Union européenne sont acquis auprès des États-Unis.

Avec le recul, on mesure bien la justesse des positions de la France, laquelle, depuis le général de Gaulle jusque dans les huit dernières années, a défendu sans cesse l'idée que l'armement des Européens devait être un armement européen, ce à quoi beaucoup de nos partenaires européens ont renoncé.

Que peut-on faire, me direz-vous ?

Le plus important, c'est de convertir l'ensemble des décideurs européens à l'idée de relancer notre base industrielle et technologique de défense et de faire en sorte que chacun y participe.

Quelle est la clé du renversement de la position des décideurs européens ? C'est que l'opinion publique européenne prenne enfin pleinement conscience que notre destin se joue en Ukraine et que notre destin est entre nos mains. L'importance des programmes de réarmement, de remise à niveau et de retour de l'indépendance dont nous avons besoin sera enfin comprise. Merci de l'avoir rappelé au Sénat.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mars 2025