Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
SONIA MABROUK
Et bienvenue à la grande interview sur CNews-Europe 1. Vous êtes le garde des Sceaux, ministre de la Justice. Beaucoup de questions à vous poser ce matin sur des sujets d'importance, sur vos dossiers évidemment. Mais tout d'abord, monsieur le ministre, l'actualité, ce sont des discussions constructives. Hier, en Arabie Saoudite, Kiev soutient la proposition américaine d'un cessez-le-feu pour 30 jours. La perspective de la paix à l'initiative des Américains progresse. Est-ce que vous vous en félicitez ce matin alors que depuis quelques jours, il est vrai, on entend beaucoup parler de menaces existentielles et de guerres ?
GERALD DARMANIN
C'est une très bonne chose que les Américains reprennent un rôle qui consiste à aider à la paix, à soutenir l'Ukraine et à parler de manière classique et normale à un chef d'État en guerre, monsieur ZELENSKY. Puisque j'ai compris que monsieur TRUMP avait, dans la nuit, aussi proposé qu'il revienne à Washington. Ce serait une très bonne chose.
SONIA MABROUK
Que répondez-vous, Gérald DARMANIN, à ceux comme François FILLON, l'ancien Premier ministre, ou l'ancien ministre Hervé MORIN ou encore Henri GUAINO ? Ils affirment qu'il y a une forme d'instrumentalisation de la menace russe par le Président français qui jouerait, selon eux, sur les peurs aujourd'hui des Français, des angoisses réelles, mais qu'il en jouerait.
GERALD DARMANIN
Je pense que le Président de la République essaie de faire quelque chose de très important. D'abord, de redire que l'Europe doit vivre indépendamment des États-Unis d'Amérique. Et ça fait plusieurs années qu'il le dit. Et quand la Pologne, quand d'autres pays achètent de l'armement américain, on s'aperçoit qu'ils auraient dû acheter français et qu'il y a une autonomie stratégique européenne à porter. Deuxièmement, le Président de la République a raison de dire que les Américains sont nos alliés et que ces alliés, on ne peut pas dire oui à tout ce qu'ils font. C'est vrai depuis De GAULLE. Et ça, je suis un peu gêné que des gaullistes ne le remarquent pas. Et troisièmement, oui, il a raison de dire qu'il y a des menaces. Il y a une menace russe incontestable.
SONIA MABROUK
Personne ne le nie sur la menace russe. La question, c'est, est-elle la plus importante sur notre sol aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Je reviendrai sur la question du terrorisme notamment. Mais cette menace russe ne veut pas dire qu'il ne faut pas parler d'ailleurs avec la Russie. La diplomatie consiste à parler avec des gens avec lesquels on n'est pas d'accord. Et un grand pays comme la France doit parler avec les États-Unis, avec la Russie, avec la Chine, bien évidemment. Et je pense que nos dirigeants politiques - c'est très difficile d'être dirigeant - ils doivent préparer les esprits au réarmement de notre pays, culturel et militaire, sans pouvoir montrer qu'ils ont envie de la guerre. Et donc, il faut éviter de montrer effectivement qu'on cherche la guerre. Parce que ce n'est pas du tout ce que cherche le Président de la République. Le Président de la République, il a eu raison de dire aussi que nous avons des débats en France un peu loin du monde.
SONIA MABROUK
C'est-à-dire ?
GERALD DARMANIN
La fin de vie, les retraites, la dépendance, ce sont des sujets très importants. Mais ce sont des sujets, pour le coup, de fin de vie.
SONIA MABROUK
Oui, mais ça préoccupe aussi les Français.
GERALD DARMANIN
Bien sûr, et ils ont raison. Mais ce n'est pas notre avenir. Notre avenir, c'est de préparer l'intelligence artificielle, la recherche scientifique, notre place dans le monde et de pouvoir avoir une voix libre. Et je pense qu'on ne peut pas faire 100% du débat public à l'Assemblée nationale, dans les médias sur les retraites, le point de retraite en plus ou en moins quand on voit ce qui se passe dans le monde. En tout cas, il faut regarder l'horizon, il faut regarder l'avenir, il faut arrêter de regarder son nombril. Et ça, je pense que c'est ce qu'a fait le Président de la République lorsqu'il est intervenu à la télévision.
SONIA MABROUK
Mais le nombril, parfois, c'est la France. Certains lui reprochent aujourd'hui, Gérald DARMANIN, d'être un peu le Président de l'Europe et pas assez le Président de la France. Parce qu'à côté de la fin de vie des retraites, il y a les sujets dont nous allons parler : la sécurité, la délinquance et tout cela.
GERALD DARMANIN
D'abord la France, pour être un pays libre, c'est un pays qui, depuis le général De GAULLE, a une autonomie stratégique, une voie originale dans le monde. La France, c'est ça. La France est un petit pays qui a une voix incroyable dans le monde. Et nous le savons depuis la Révolution française au moins, mais c'est le cas de nos rois auparavant.
SONIA MABROUK
Et c'est encore le cas en Afrique, notamment, souvent du fait des Russes qui nous ont remplacés ; c'est un grand débat.
GERALD DARMANIN
Bien sûr, la France, c'est à peu près 70 millions d'habitants, c'est donc un petit pays. Nous sommes une des seules puissances nucléaires. Nous sommes la seule puissance en Europe, puisque l'Angleterre est partie, à avoir une armée et la seule puissance en Europe à avoir une industrie de défense. On construit des sous-marins nucléaires, on construit des avions de chasse, on est capable d'être avec l'un des pays qui lancent l'intelligence artificielle dans le monde. Bien sûr, on a des défaites et des difficultés, mais la France reste la France lorsqu'elle a une voix singulière dans le monde et qu'elle ne dépend pas des Américains ou des Russes pour décider.
SONIA MABROUK
La France qui est aussi attaquée, menacée, ciblée et nous l'avons été énormément par des chocs islamistes, par des attaques islamistes. Emmanuel MACRON estime que la France doit lutter en même temps contre la menace géopolitique, donc la menace russe et la menace terroriste. Il a dit, hier, à Strasbourg, lors de la journée d'hommage aux victimes du terrorisme, vous y étiez. Marine LE PEN a affirmé que la menace la plus prégnante, selon elle, c'est la menace terroriste. Est-ce que c'est faux ?
GERALD DARMANIN
C'est parfois la même chose la menace russe et la menace terroriste.
SONIA MABROUK
Islamiste ?
GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr. Ceux qui assassinent Samuel PATY, c'est qui ? Ce sont des citoyens russes, Tchétchène. Quand j'étais mis à l'intérieur, la Russie, ce sont des centaines de citoyens russes qu'elle ne veut pas reprendre. Je constate d'ailleurs que madame Le PEN et monsieur BARDELLA n'attaquent jamais la Russie pour dire qu'ils ne reprennent pas leurs citoyens russes, Tchétchènes, Ingouches. Ingouche, c'est celui qui a assassiné Dominique BERNARD. Ils sont fichés S, ils sont radicalisés, ils sont islamistes, ils sont russes, il n'y a aucun doute là-dessus. Et la Russie ne les reprend pas, depuis de nombreuses années, ou extrêmement peu avant la guerre, puisque j'étais le premier à rouvrir ce canal, et le Président de la République m'avait envoyé en Russie pour discuter justement avec les autorités russes. Pourquoi la Russie ne reprend pas ses citoyens ?
SONIA MABROUK
Et pourquoi Marine LE PEN n'en parle pas, selon vous ?
GERALD DARMANIN
Parce que je pense qu'elle est un petit peu obsessionnelle sur le Maghreb. Évidemment, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, tous les pays du monde doivent reprendre leurs citoyens. Et ce que fait l'Algérie est inacceptable. Et je l'ai dit, et je soutiens, évidemment, notre discours ferme et fort contre…
SONIA MABROUK
Ferme et fort ?
GERALD DARMANIN
Oui, contre cette difficulté qu'a l'Algérie à accepter ses citoyens, bien sûr. Mais c'est le cas aussi de la Russie. Donc j'aimerais qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures. La menace terroriste, c'est aussi la menace de quelques citoyens russes, nombreux, puisque vous savez ce qu'on appelle l'Etat islamique au Khorasan, c'est-à-dire les ex-républiques de l'Union soviétique. Ceux qui passent à l'acte, en France, ce sont aujourd'hui des Tchétchènes, des citoyens russes. C'est eux que nous surveillons en premier, d'ailleurs, d'après les services de la DGSI. C'est eux qui sont capables de faire des attentats d'ampleur. On en a déjoué en 2022 à Strasbourg. Et c'est eux qui ont assassiné Samuel PATY et Dominique BERNARD.
SONIA MABROUK
Gérald DARMANIN, en parlant de terrorisme, de lutte contre le terrorisme et de lutte contre la criminalité organisée. Vous étiez il y a quelques jours au Maroc. Et vous avez déclaré, je cite, cette phrase, " Sans le Maroc, la France serait moins sûre ". Est-ce que ça vaut pour l'Algérie ? Est-ce que vous auriez pu reprendre cette déclaration pour l'Algérie, alors qu'hier encore on a appris que deux ressortissants sous OQTF nous ont été renvoyés ?
GERALD DARMANIN
Alors, je parlais avec le Maroc des questions très importantes de lutte contre le narcobanditisme, puisque nos amis marocains ont à la fois permis d'interpeller et d'extrader monsieur Félix BINGUI, qui est un des plus grands narcotrafiquants français, responsable, je mets des guillemets, l'enquête le dira, à la fin des homicides qui ont pu se passer à Marseille. Et puis le deuxième sujet, c'est évidemment les deux personnes les plus recherchées dans l'affaire AMRA, qui étaient à Marrakech et qui ont été immédiatement interpellées, et j'espère extradées, dans les prochaines semaines. Donc oui, dans le narcobanditisme, le Maroc nous aide énormément.
SONIA MABROUK
Et dans la lutte contre le terrorisme également. Ça vaut pour les pays du Maghreb.
GERALD DARMANIN
Je ne suis plus ministre de l'Intérieur, donc je laisserai le ministre de l'Intérieur le dire. Mais effectivement, le Maroc donne un certain nombre d'informations. Le Maroc est à notre écoute, et notamment, on a eu une discussion lorsqu'il a fallu expulser l'imam IQUIOUSSEN. Le Maroc ne l'a pas repris immédiatement, donc il y a aussi des discussions avec un pays comme le Maroc, mais ils ont fini par le reprendre par l'intermédiaire de la Belgique. Moi, je remercie sincèrement le Royaume du Maroc pour son travail, pour nous aider à la sécurité, et inversement, nous aidons à la sécurité du Maroc. L'Algérie, comme la Tunisie, contribuent aussi à notre sécurité, en matière de lutte contre le terrorisme, et en matière de lutte contre le narcobanditisme. Aujourd'hui, nous constatons que nous avons, avec d'autres pays que le Maroc, des difficultés. Voilà, et je pense qu'il faut en parler très franchement, c'est ce que fait le ministre de l'Intérieur, c'est ce que fait le Premier ministre. Et je pense que nous sommes dans une phase de tensions extrêmement fortes.
SONIA MABROUK
Intéressant, vous n'avez pas cité le Président de la République.
GERALD DARMANIN
Parce que le Président de la République…
SONIA MABROUK
Il n'a pas la même voix sur ce sujet ?
GERALD DARMANIN
Le Président de la République, son travail, me semble-t-il, c'est de mettre le point final à une discussion de tensions. Si, à la fin, il faut mettre en cause le traité franco-algérien de 68, moi, j'y suis favorable, mais après des étapes, me semble-t-il, importantes. Il faut que le ministère de l'Intérieur passe la fameuse liste des OQTF qu'on demande à nos amis algériens de reprendre. Il faut peut-être que nous rappelions notre ambassadeur, si jamais les choses ne se passent pas bien. Je rappelle qu'il n'y a plus d'ambassadeur d'Algérie en France depuis plusieurs mois, donc peut-être qu'il faut faire la réciproque. Il y a les passeports diplomatiques, vous savez, des milliers de passeports diplomatiques qui permettent à des Algériens qui, d'ailleurs, ne sont pas diplomates, de venir en France sans visa. Bon, aujourd'hui, on n'a pas mis fin à cet accord intergouvernemental.
SONIA MABROUK
Mais pourquoi ?
GERALD DARMANIN
Moi, je ne suis pas ministre des Affaires étrangères ou ministre de l'Intérieur. Je dis juste, madame MABROUK, avant la fin du traité franco-algérien, je veux bien imaginer la fin, il y a des étapes intermédiaires. Parce qu'à la fin, ce sont les Français d'origine algérienne…
SONIA MABROUK
Vous voulez dire, avant " l'arme " importante, il y a quand même des outils de pression qu'il faudrait d'abord déployer.
GERALD DARMANIN
Oui, je pense, bien sûr. Et puis, nous avons un certain nombre de sujets économiques, aussi, en Algérie, des sujets culturels. L'Algérie, c'est le plus grand pays d'Afrique.
SONIA MABROUK
Et nous avons un prisonnier politique, Boualem SANSAL.
GERALD DARMANIN
Monsieur SANSAL qui doit être libéré immédiatement, bien sûr. Et vous savez, l'Algérie, c'est le plus grand pays d'Afrique. Et l'Algérie a des frontières avec beaucoup de pays qui posent des difficultés pour la sécurité nationale. Le Sahel, la Libye. Il faut que nous fassions attention. Nous devons aussi parler à l'Algérie. La diplomatie consiste à parler avec les gens avec lesquels on n'est pas d'accord. Il faut être ferme, mais il faut discuter. Je sais que c'est ce que fait le Gouvernement, en ce moment.
SONIA MABROUK
Dans quelques instants… D'abord, on poursuit, évidemment, notre entretien sur CNews et Europe 1, Gérald DARMANIN. Dans quelques instants, nous parlerons de votre projet important pour isoler les 100 plus gros narcotrafiquants. Et ça a commencé, d'ailleurs, par Mohamed AMRA, dans la prison de Condé-sur-Sarthe, mais tout d'abord sur les terroristes islamistes. Sur le terroriste Salah ABDESLAM, à l'isolement, dans la prison de Vendin-le-Vieil, hier, l'avocat des parties civiles, au procès du 13 novembre, a suggéré qu'il allait devenir père. Une telle information, donnée ainsi, a suscité, on peut le comprendre, un émoi, une émotion, près des Français ; qu'il se serait même marié religieusement, en prison. Où est la vérité ?
GERALD DARMANIN
Alors, monsieur ABDESLAM est aujourd'hui, en effet, à l'isolement, dans la prison de Vendin-le-Vieil, qui est l'une des deux prisons que j'ai choisies pour être une prison de haute sécurité, ce qui montre déjà son niveau carcéral important. Il s'est marié religieusement, au téléphone. Il n'a pas pu se marier dans une cérémonie.
SONIA MABROUK
Pas de contact.
GERALD DARMANIN
Donc, ce n'est pas un mariage reconnu par la République, que les Français qui nous écoutent l'entendent. Il est allé en Belgique, monsieur ABDESLAM, parce qu'il y a eu des procès qu'il fallait organiser en Belgique. Et en Belgique, nos amis belges ont autorisé la vie privée et familiale de monsieur ABDESLAM. C'est-à-dire qu'il y a eu des unités de vie familiale où il a pu rencontrer des personnes, et notamment sa compagne. Et donc, il a pu avoir des contacts à ce moment-là, mais ce n'était pas en France. Puis ensuite, il est revenu en France. Mon prédécesseur, Éric DUPOND-MORETTI, n'a pas autorisé l'unité de vie privée et familiale, mais il a autorisé des parloirs. Et dans ces parloirs qui sont surveillés, même si en quelques instants, beaucoup de choses peuvent se passer, à notre connaissance, et monsieur ABDESLAM lui-même, par l'intermédiaire de ses avocats, a évoqué le fait que sa femme n'était pas enceinte. Il n'y a pas eu de possibilité pour que monsieur ABDESLAM soit père. Je dis " à notre connaissance ", parce qu'évidemment, ces parloirs existent. J'ai demandé à l'administration pénitentiaire de surveiller, évidemment, puisque je suis là depuis quelques semaines, intégralement ces parloirs, et de ne pas autoriser les unités de vie privée et familiale, comme l'ont fait mes prédécesseurs pour monsieur ABDESLAM.
SONIA MABROUK
Je note quand même que peut-être qu'il y a eu un contact. À l'heure actuelle, il n'y a pas eu de contact en France, mais probablement, c'est-à-dire que l'information sur laquelle il n'est pas père ne peut pas être démentie…
GERALD DARMANIN
Monsieur ABDESLAM l'a démentie, par l'intermédiaire de ses avocats, mais moi, je n'ai pas la vérité de toute chose, et je ne sais pas ce qui s'est passé, notamment en Belgique.
SONIA MABROUK
On parle d'isolement, Gérald DARMANIN, de conditions strictes, et on va évoquer les narcotrafiquants. Mais dans le même temps, face à la polémique - d'ailleurs, vous avez très rapidement réagi sur l'usage des tournées en prison des tablettes numériques. Vous avez dû suspendre l'utilisation de ces tablettes. Le coût total, quand même, c'est 125 millions d'euros. 60 millions ont déjà été utilisées, donc sont parties en fumée. C'est l'argent public. Est-ce que vous vous dites que ce sont 40 ans de philosophie carcérale qu'on paie ici ?
GERALD DARMANIN
Je pense qu'on manque un peu de bon sens au ministère de la Justice, dans l'administration en général, et peut-être dans le domaine carcéral en particulier. Et nonobstant, le travail formidable que font les agents pénitentiaires, c'est un métier extrêmement difficile. Et moi, ils me le disent, ils m'envoient des messages sur les réseaux sociaux, par mail, indépendamment de leur hiérarchie, pour me dire « Regardez, il se passe ci, il se passe ça. Venez nous aider, vous avez l'air de nous entendre, écoutez-nous. » Les agents pénitentiaires font un travail très difficile et pas très bien payé, alors qu'ils ont beaucoup de difficultés. Personne n'envie leur métier, et c'est un métier absolument formidable. Parce que c'est la première sécurité pour nos concitoyens. Le bon sens, c'est quoi ? C'est qu'effectivement, dans les prisons françaises, pourquoi ces tablettes ont été imaginées par mes prédécesseurs ? C'est parce qu'il y a une difficulté.
SONIA MABROUK
Par qui précisément d'ailleurs ? Qui est l'instigateur d'une proposition ?
GERALD DARMANIN
Alors, c'est une proposition qui avait été faite par l'administration et que madame BELLOUBET avait autorisée. Mais elle peut se comprendre cette autorisation, je ne l'aurais pas faite.
SONIA MABROUK
Des tablettes numériques en prison ?
GERALD DARMANIN
Oui, je vais vous expliquer pourquoi. Parce que quand on est un détenu, on doit pouvoir commander des choses, demander une sortie, demander de pouvoir accéder aux douches, demander qu'on appelle coltiner, avec son propre argent, acheter un paquet de cigarettes, par exemple. Et quand il y a beaucoup de gens très violents dans les prisons, il est mieux de passer des éléments sans que le garde-surveillant rentre dans la cellule de détention que…
SONIA MABROUK
Ça, on le comprend… Qui n'a pas imaginé qu'elle aurait pu être détournée ?
GERALD DARMANIN
Attendez, attendez. Je suis totalement d'accord, je n'aurais pas pris cette décision, et j'ai arrêté cette décision. Je suis d'accord avec vous, j'essaie d'expliquer, parce que sinon on fait de la démagogie tout le temps et ça n'a pas de sens. J'essaie d'expliquer pourquoi les gens qui ont imaginé ça l'ont fait. Ces tablettes numériques, évidemment, n'étaient pas la bonne solution. 126 millions d'euros au moment où il manque tant d'argent, y compris pour construire des places de prison, y compris pour aider nos agents pénitentiaires à bien fonctionner, y compris d'ailleurs pour retirer la surpopulation carcérale, parce que je n'oublie pas non plus qu'il y a 4 000 personnes qui dorment sur des matelas par terre
SONIA MABROUK
Vous parlez de démagogie, mais vous comprenez que ça nourrit la compréhension. Vous allez faire un audit.
GERALD DARMANIN
Non, non, je découvre le ministère de la Justice. J'ai suspendu cet équipement de tablettes. Effectivement, vous avez dit, 60 millions ont déjà été équipées, on va arrêter cela. Et cet argent sera bien utilisé ailleurs à la fois pour qu'il n'y ait pas de surpopulation carcérale, et en même temps pour aider nos agents pénitentiaires à avoir, me semble-t-il, une meilleure activité dans nos prisons.
SONIA MABROUK
Venons-en, Gérald DARMANIN, aux narcotrafiquants, et à votre proposition de loi, qui est donc déjà passée en commission des lois, avant l'arrivée, ce sera lundi en séance. Alors au programme régime de détention stricte des prisons haute sécurité, avec la prison de Vendin-le-Vieil dans le Pas-de-Calais, Condé-sur-Sarthe dans l'Orne, qui doivent accueillir les narcotrafiquants les plus dangereux. Avant de parler, monsieur le ministre, des dispositions qui font polémique, quand vous dites haute sécurité, on vient de parler des tablettes. Nul besoin de rappeler les téléphones portables qui circulent et autres. Qu'est-ce que vous voulez dire par hermétique, véritablement, pour ces prisons ?
GERALD DARMANIN
Le problème du monde carcéral, des prisons en France, c'est que nous mettons dans nos prisons des personnes selon le statut qu'ils ont dans la justice et pas selon leur dangerosité. Je m'explique. Vous mettez dans les maisons d'arrêt des gens qui sont en détention provisoire, qui attendent donc d'être condamnés définitivement quel que soit ce qu'ils aient fait : un délit routier ou du narcobanditisme. Et vous mettez dans des prisons pour peine, donc des prisons très carcérales, des gens qui ont été condamnés définitivement à plus de deux ans de prison. Moi, je casse ça, ce modèle. Je ne dis pas qu'il faut mettre les gens selon leur condamnation dans les prisons, maisons d'arrêt, prison pour peine ; je dis qu'il faut mettre selon leur dangerosité vis-à-vis de l'extérieur. Donc le narcobandit qui est dangereux, même s'il n'est pas condamné définitivement, on doit le mettre dans des prisons de haute sécurité. Et celui qui a fait un délit routier, auteur de violences physiques qui ne sont pas en bande organisée, la délinquance financière ne mérite pas d'aller dans des prisons pour peine. Et notamment, notre organisation de lutte contre les téléphones portables, les drones, la menace, la corruption des agents pénitentiaires, ça doit être comme en Italie, réservé aux gens qui relèvent de la mafia, de l'organisation criminelle, les terroristes et les narcobandits.
SONIA MABROUK
Qui sont parfois les mêmes.
GERALD DARMANIN
Il peut y avoir des liens, notamment autour de l'armement. En tout cas, ils sont tous dangereux pour l'extérieur. Pas simplement parce qu'ils doivent purger leur peine de prison, mais évidemment qu'ils doivent purger leur peine de prison, comme tout le monde, comme l'auteur du délit routier, mais ils doivent le faire dans des prisons qui garantissent la sécurité de l'extérieur. Parce qu'aujourd'hui, nous avons des prisonniers qui sont capables de menacer l'agent pénitentiaire, le directeur de prison, le magistrat, le journaliste, l'avocat, en lui disant…
SONIA MABROUK
Le magistrat, c'est-à-dire qu'on franchit un cap dans un délit inédit.
GERALD DARMANIN
Bien sûr, il y a des magistrats en France qui sont menacés, leurs enfants…
SONIA MABROUK
Le procureur de Douai, monsieur le ministre ?
GERALD DARMANIN
Il y a beaucoup de magistrats en France.
SONIA MABROUK
Beaucoup ?
GERALD DARMANIN
Il y a beaucoup de magistrats en France.
SONIA MABROUK
Mais c'est une information importante.
GERALD DARMANIN
Il y a 150 magistrats en France qui, d'une manière ou d'une autre, sont menacés directement, notamment par des narco-bandits. Et il y en a une quinzaine qui sont sous protection policière au moment où je parle. Donc il y a des magistrats très courageux qui prennent des responsabilités très fortes pour eux, pour leur famille. Et je ne peux pas accepter, en tant que ministre de la Justice, d'avoir des personnes qui sont en prison, et qui disent à un magistrat : " Je sais à quelle heure sortent vos enfants de l'école, je sais que fait votre mari ou votre femme, et je vais les assassiner si vous ne me permettez pas d'être libéré prochainement ". Et on l'a vu dans l'affaire AMRA que ce n'étaient pas des paroles pour rire. Monsieur AMRA a réussi à sortir de sa maison d'arrêt, et à faire assassiner, je mets là encore des guillemets parce qu'il sera jugé, deux agents pénitentiaires à bout portant par des kalachnikovs en pleine journée sur un péage.
SONIA MABROUK
Avec une faille incroyable sur son statut et sa dangerosité.
GERALD DARMANIN
Bien sûr. Avec une faille générale, me semble-t-il, de l'administration.
SONIA MABROUK
Mais avec ce que vous dites, monsieur le ministre…
GERALD DARMANIN
Et donc nous allons tout changer. C'est très important. D'abord on va créer un parquet national.
SONIA MABROUK
C'est la vraie révolution, ce n'est pas la révolution pour au final avoir que de la communication.
GERALD DARMANIN
Bien sûr. Et vous savez, quand on a été ministre de l'Intérieur et maintenant ministre de la Justice, on sait l'importance des décisions qu'on prend, et on sait que ce qu'on prend comme décision, c'est demain des veuves et des orphelins. Moi, quand j'étais ministre de l'Intérieur, j'enterrais à peu près trois à quatre personnes par mois, des pompiers, des policiers, des gendarmes, et j'allais voir les orphelins, les mamans, les papas qui perdaient leur enfant. Et j'ai appris, si hier je faisais de la communication, j'en fais toujours, mais aujourd'hui c'est pour la bonne cause et pour l'intérêt général.
SONIA MABROUK
Alors pourquoi…
GERALD DARMANIN
Donc les décisions que je prends sont pour l'intérêt général. Et même si je reste six mois ministre de la Justice, j'aurais au moins laissé ça derrière moi.
SONIA MABROUK
Et je sais que cette loi, vous y tenez particulièrement, d'abord pour protéger les Français. Alors pourquoi ce discours-là, je veux dire, n'infuse pas partout ? Par exemple, vous assumez ce régime carcéral, qui est, on va le dire, maximaliste.
GERALD DARMANIN
Oui, qui permet de ne pas sortir de prison, du tout.
SONIA MABROUK
Alors l'Observatoire international des prisons ; les juges totalement attentatoires aux droits fondamentaux, les avocats pénalistes s'en émeuvent aussi. Vous, vous assumez, vous dites : " C'est pour notre sécurité, je n'y dérogerai pas ".
GERALD DARMANIN
Bien sûr que je n'y dérogerai pas. Je suis allé moi-même hier au Conseil d'État. Je pense que ça faisait très longtemps qu'un ministre n'est pas venu au Conseil d'État lui-même défendre ses mesures. Et je remercie le Conseil d'État de m'avoir reçu et on a échangé. Je sais que ce sont des sujets extrêmement durs qui permettent de limiter les libertés.
SONIA MABROUK
Le dossier-coffre, parlons-en.
GERALD DARMANIN
Mais juste un point, je sais que le régime que je propose est très difficile.
SONIA MABROUK
Attendez, vous savez qu'il limite les libertés.
GERALD DARMANIN
Bien sûr.
SONIA MABROUK
Vous venez de le dire. Les libertés individuelles.
GERALD DARMANIN
Les libertés des détenus. Dans ce régime-là, ça veut dire quoi ?
SONIA MABROUK
Donc notre intérêt général prime pour vous sur le droit et les libertés fondamentales de ces individus prisonniers.
GERALD DARMANIN
Alors ces personnes continueront à avoir des repas dans leurs cellules individualisées, il n'y a pas d'acte de torture. Voilà ce que j'allais vous dire. Mais ce sont des gens très dangereux, capables de passer à l'acte et d'assassiner des fonctionnaires de l'État et de continuer leur point de deal. Est-ce que c'est normal, quand on est dans une prison à Marseille, de pouvoir continuer à commander des assassinats de gamins de 14 ans ? Ou de toucher des sommes ? Ce que je vois encore aujourd'hui. Il y a quelqu'un qui a 30 appartements à Dubaï, aujourd'hui, il est en prison, condamné définitivement, et qui touche cet argent.
SONIA MABROUK
Vous parlez de 40 ans de philosophie carcérale. Vous ne le découvrez pas. Et je pense que vos prédécesseurs et votre prédécesseur immédiat ne l'a pas découvert. Pourquoi ça arrive aujourd'hui ?
GERALD DARMANIN
Mon travail, c'est de changer radicalement les choses. Je pense que l'affaire AMRA a beaucoup bousculé les consciences aussi. Notre travail, malgré la difficulté de l'Assemblée nationale et du manque de majorité, c'est de bousculer les choses. Mais je voudrais vous dire que ce régime de détention, pour que les Français le comprennent bien, ça concerne entre 600 et 800 personnes, sur 82 000 détenus. Ces personnes, en effet, ne pourront pas sortir de prison, ne pourront pas téléphoner, ne pourront pas avoir de vie privée familiale, ne pourront pas toucher la personne qui est en face d'eux au parloir parce qu'il y aura un hygiaphone, il y aura des fouilles systématiques, il y aura 4 heures de communication autorisées par semaine, point. Alors qu'aujourd'hui, c'est 24 heures sur 24 sur un téléphone fixe. Je sais que ce régime est très difficile. Mais je peux comprendre un certain nombre d'interrogations.
SONIA MABROUK
Dans votre camp.
GERALD DARMANIN
Oui, y compris dans mon camp, mais ce n'est pas grave. J'ai parfois été minoritaire dans mon camp, mais moi, je suis là pour protéger les Français. Mon travail, c'est de faire comme en Italie, quand ils ont lutté contre la mafia.
SONIA MABROUK
C'est votre modèle. Enfin, c'est votre pays modèle, en tous les cas, la méthode.
GERALD DARMANIN
L'Italie a inventé la mafia. Et l'Italie a inventé aussi l'anti-mafia. Et ça marche en Italie. Et ce qui marche en Italie peut marcher en France. Simplement, il faut du courage politique.
SONIA MABROUK
À qui le dites-vous, du courage politique ? Je parlais notamment du dossier-coffre, parce que c'est emblématique, quand même. Beaucoup d'avocats, d'ailleurs, en sachant que vous allez y venir ce matin, m'ont interpellé en disant : " On ne peut pas ne pas avoir accès à certaines informations très importantes sur nos clients ". Là encore, vous assumez. Les débats, monsieur le ministre, vous le savez mieux que moi, à l'Assemblée, vont être très tendus. Est-ce que vous dites que supprimer l'une de ces mesures aujourd'hui, c'est quand même une question importante, c'est aller contre la lutte sur le narcotrafic ?
GERALD DARMANIN
Oui, bien sûr.
SONIA MABROUK
Ah oui, bien sûr, c'est une sacrée responsabilité pour les Parlementaires, ce que vous dites.
GERALD DARMANIN
On a un débat, le Parlementaire est libre. J'étais libre de ma prise de parole, mais il faut aussi dire la responsabilité devant les Français. Le dossier-coffre qui est porté par mon collègue Bruno RETAILLEAU, c'est une mesure du ministère de l'Intérieur. C'est quoi, pour que les Français comprennent ? C'est adapter nos écoutes téléphoniques au monde d'aujourd'hui. Les messages cryptés, la géolocalisation, le passage par Internet, parfois par satellite. Voilà, c'est ça que ça veut dire. Les écoutes à la papa téléphonique, ça ne marche plus, parce que personne n'appelle sur une ligne fixe. Les gens passent par un téléphone portable, par signal, par télégramme. Et donc, ce qu'essaie de faire le ministère de l'Intérieur, c'est d'adapter ses services d'écoute administratifs à ça. Et évidemment, c'est très simplifié. Mais pour que les Français comprennent, ça pose des questions d'écoute téléphonique, de liberté individuelle. Et les avocats, c'est normal, c'est leur rôle. Ils essaient de limiter l'action que peut avoir un procureur de la République ou un magistrat instructeur. Mais le travail du ministre, c'est un travail pour l'intérêt général. C'est un travail pour l'État. Et le travail du ministre de l'Intérieur et du ministre de la Justice, c'est dire à tout le monde, l'État, la protection de l'État, a besoin de ces moyens supplémentaires pour lutter contre le narco-banditisme.
SONIA MABROUK
Ça va beaucoup faire réagir les avocats, d'ailleurs une partie évidemment aussi de syndicats, je pense aux syndicats de la magistrature, et les politiques comme la France Insoumise. À ce sujet, je voudrais avoir, monsieur le ministre, votre réaction sur autre chose. Il y a un colloque à l'initiative de Raphaël ARNAULT, à l'Assemblée, intitulé " Comprendre l'islamophobie pour la combattre ", et parmi les organisations qui sont conviées, il y a le CCIE et l'EMF. Alors, le CCIE, je le dis à nos auditeurs et téléspectateurs, c'est un peu la nouvelle version du CCIF que vous aviez dissout en 2021, car il véhiculait, je le rappelle, l'idéologie frériste. Alors désormais, cette nouvelle version est installée en Belgique. Ce député qui a été fiché S, vous le savez sans doute mieux que moi, invite de telles organisations. La présidente de l'Assemblée dit que ce n'est pas normal, mais l'autorise, elle ne peut pas faire autrement. Comment vous réagissez ?
GERALD DARMANIN
D'abord, ça montre le lien évident entre l'ultra gauche et l'islamisme. On l'a beaucoup dénoncé, ce qu'on appelait l'islamo-gauchisme. On a parfois été très critiqués, mais ce lien est évident. On voit bien que ce qu'essaient de faire l'ultra gauche, LFI, c'est de flatter les instincts communautaristes et pires, islamistes, et notamment ceux des Frères musulmans, qui est un danger absolu pour la Nation, comme je l'ai déjà eu l'occasion de dénoncer. Deuxièmement, le CCIF a été dissout, il n'est plus en France, je m'en félicite. Il a été reconstitué notamment en Belgique.
SONIA MABROUK
Mais il agit en France à travers un colloque à l'Assemblée.
GERALD DARMANIN
Oui. Mais ça, normalement, nous aurions dû, me semble-t-il, empêcher ces personnes de l'organiser. Je ne m'occupe pas de la police de l'Assemblée nationale. Le ministre de l'Intérieur peut tout à fait demander à nos amis belges d'entreprendre une dissolution du CCIE en Belgique. Il faut combattre les Frères musulmans partout, sur tout le territoire européen. C'est un danger absolu pour notre Nation. Les gens le connaissent assez peu. Ça n'a rien à voir avec l'immense majorité de nos concitoyens musulmans qui d'ailleurs subissent les thématiques d'islamophobie, les thématiques des Frères musulmans de façon beaucoup plus insidieuse que le font les salafistes. Le salafiste, c'est assez clair qu'il est contre la Nation. Tout le montre, y compris le fait qu'il n'a pas le droit de voter, puisque ça a rigueur l'interdit. En revanche, le frère musulman s'insinue en étant élu dans nos conseils municipaux, en montant dans la vie associative et en essayant d'influencer la politique. LFI est un allié objectif, on le voit avec monsieur ARNAULT, de cette question d'islamisme, et on doit le combattre politiquement et juridiquement.
SONIA MABROUK
La France Insoumise, qui appelle sur X, a manifesté le 22 mars contre des personnalités publiques, médiatiques, des journalistes, des animateurs. N'y voyez pas du tout une question corporatiste, de ma part, véritablement une inquiétude. Par exemple, des animateurs, des journalistes comme Pascal PRAUD, Cyril HANOUNA, avec des affiches, vous allez les voir à l'écran, je les décris pour nos auditeurs d'Europe 1. Une affiche de Cyril HANOUNA qui a été retirée et remplacée par une autre photo alors que certains s'étaient émus de messages relayés ou de relents antisémites. Comment vous réagissez, l'homme politique que vous êtes, pas seulement le garde des Sceaux, à ce qui est en train de se jouer aujourd'hui autour de la liberté d'expression, qu'on aime ou qu'on aime pas, des chaînes, qu'on aime ou qu'on aime pas, des animateurs, des journalistes ?
GERALD DARMANIN
Mais indépendamment de la liberté d'expression qui manifestement est très attaquée, c'est mettre des cibles dans le dos de ces journalistes, de ces hommes politiques ou de ces personnalités. Samuel PATY n'est pas mort autrement. Il y a eu une fatwa numérique. Quelqu'un a dit que ce professeur aurait fait quelque chose contraire à ce qui était acceptable, notamment chez les musulmans rigoristes, et quelqu'un est passé à l'acte. On a armé culturellement le passage à l'acte du terroriste. C'est exactement ce qui peut se passer quand on met ce genre de cibles sur la tête, le dos de personnalités publiques. Et donc c'est extrêmement dangereux, et j'espère que ces manifestations, je ne parle pas en tant que garde des Sceaux, je ne donne pas d'ordre aux magistrats, mais j'espère que ces manifestations pourront être interdites par les préfets.
SONIA MABROUK
Gérald DARMANIN, en parlant de cibles, a-t-on mis une cible sur le dos des policiers avec cette décision du parquet de Nanterre qui a demandé un procès pour meurtre contre le policier qui a ouvert le feu sur Nahel en 2023 après un refus d'obtempérer ? Vous avez apporté votre soutien aux forces de l'ordre tout en rappelant, soyons objectifs, que personne n'est en dehors de la déontologie. Mais vous avez clairement exprimé votre soutien, monsieur le ministre, à monsieur le garde des Sceaux.
GERALD DARMANIN
Oui, moi j'ai toujours soutenu les policiers et les gendarmes. Ça ne veut pas dire qu'individuellement, il n'y a pas des policiers et des gendarmes, comme dans toute profession, qui ne respectent pas la déontologie. Et la déontologie, c'est très important parce que c'est l'honneur du policier et du gendarme. Donc quand ils ne le respectent pas, il faut évidemment des sanctions. Et j'ai moi-même, alors que je soutenais énormément les forces de l'ordre, fait sortir de l'uniforme un certain nombre de personnes qui tutoient les personnes, qui les insultent, qui ont des propos racistes, homophobes. Évidemment, la police et la gendarmerie ne peuvent pas accepter ça. Mais dans l'action de policiers et de gendarmes, c'est très difficile d'être policier ou d'être gendarme. C'est très difficile d'avoir la violence légitime. On risque sa vie tous les jours. Je pense qu'il faut soutenir nos forces de l'ordre. Alors, en tant que garde des Sceaux, je ne peux pas commenter des affaires individuelles. On peut se dire qu'un procès peut permettre aussi de laver l'honneur de l'ensemble des protagonistes. C'est aussi une façon plus positive de le voir. Mais ce qui est certain, c'est que nous devons tous, collectivement, soutenir nos policiers et nos gendarmes. Parce que si nous leur retirons le courage d'intervenir, quand personne n'intervient sauf eux, à une heure du matin, dans des quartiers difficiles, alors nous ne serons plus protégés du tout. Et c'est le rôle, me semble-t-il, du ministère de la Justice aussi de le dire. Puisque les policiers et les gendarmes, ils agissent sous l'autorité des procureurs de la République lorsqu'ils interviennent. Et donc, c'est normal que de l'évoquer.
SONIA MABROUK
On va conclure, monsieur le garde des Sceaux. Demain, à votre place, ce sera…
GERALD DARMANIN
Peut-être, je veux dire aussi qu'il faut soutenir les magistrats. Parce que dans les mêmes affaires à Nanterre, certains magistrats ont aussi été menacés personnellement. Et je voudrais dire que ceux qui menacent, qui critiquent les magistrats, qui prennent en toute indépendance leurs décisions, même si on a le droit d'en discuter sur les plateaux de télévision, bien sûr, doivent être également condamnés. Donc, je voudrais également soutenir parfaitement les magistrats. Vous savez, police et justice travaillent ensemble pour le bien de la République.
SONIA MABROUK
Peut-être davantage aujourd'hui alors que vous formez, certains disent, un duo avec Bruno RETAILLEAU.
GERALD DARMANIN
Exactement, nous formons un duo, de choc peut-être, je ne sais pas, avec Bruno RETAILLEAU. Pas une feuille de papier à cigarette ne nous sépare, mais dans la vie de tous les jours, le procureur de la République travaille avec ses policiers et ses gendarmes. Donc, c'est sûr qu'à Paris, parfois, dans les débats médiatiques, les différences entre la justice et la police, je les ai toujours refusées, mais sur le terrain, à Châlons, à Lille, à Mont-de-Marsan, le procureur de la République ou la procureure de la République travaillent tous les jours avec ses policiers.
SONIA MABROUK
On va conclure Gérald DARMANIN. Demain, à votre place ici même, ce sera Marine LE PEN, invitée de la grande interview. Je sais que le garde des Sceaux ne peut pas parler d'un procès, malgré tout, c'est une personnalité politique première opposante qui sera fixée sur son sort dans quelques jours, ce sera le 31 mars. Un jugement dans l'affaire des assistants d'eurodéputés RN peut changer la donne en France. J'interroge l'homme politique parce que l'homme politique il y a quelques semaines a déclaré ceci sur X : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et ainsi ne puisse se présenter devant le suffrage des Français. Combattre madame LE PEN se fait dans les urnes. Si le tribunal juge qu'elle doit être condamnée, elle ne peut l'être électoralement sans l'expression du peuple. N'ayons pas peur de la démocratie et évitons de creuser encore plus la différence entre les élites et l'immense majorité de nos concitoyens ». J'imagine que vous n'avez pas changé d'avis avec vous-mêmes.
GERALD DARMANIN
Moi, j'étais parlementaire donc libre de mes propres.
SONIA MABROUK
Et le garde des Sceaux est cohérent avec…
GERALD DARMANIN
Y compris vis-à-vis de l'autorité judiciaire. Et donc voilà. Si j'étais parlementaire…
SONIA MABROUK
Celui que vous étiez il y a quelques semaines.
GERALD DARMANIN
Oui. Mais j'étais parlementaire donc c'était ma fonction d'être libre. Et d'ailleurs, peu de personnes n'avaient…
SONIA MABROUK
Vous n'êtes plus ?
GERALD DARMANIN
Quand on est ministre…
SONIA MABROUK
Vous êtes libre de penser qu'un responsable politique peut être battu…
GERALD DARMANIN
Alors, pour les personnes qui sont sous la commande de la justice, je garde mes sentiments in pectore. Mais en revanche, en tant que parlementaire, j'ai pris ma prise de position libre et pas grand monde ne l'avait fait à l'époque. En tant que garde des Sceaux, je respecte le rôle institutionnel que la Constitution me confie. Vous savez, le garde des Sceaux, c'est le seul ministre cité par le général DE GAULLE dans la Constitution. Ça montre bien qu'il a un rôle particulier et j'essaie de remplir mon rôle pour les Français.
SONIA MABROUK
Merci Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Merci à vous.
SONIA MABROUK
C'était votre grande interview. Bonne journée. À bientôt. Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 mars 2025