Texte intégral
SALHIA BRAKHLIA
Bonjour Élisabeth Borne.
ÉLISABETH BORNE, MINISTRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
Bonjour.
JÉRÔME CHAPUIS
Bonjour.
SALHIA BRAKHLIA
Il l'a dit hier sur l'antenne de Franceinfo Télé, à la question faut-il revenir à un âge de départ à la retraite à 62 ans, François BAYROU a répondu clairement non vu le contexte international. Du coup il sert à quoi maintenant le conclave ?
ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'il a également rappelé qu'il faisait confiance aux partenaires sociaux, avec évidemment un impératif qui est d'assurer l'équilibre de notre système de retraite par répartition, parce que c'est sa pérennité qui est en jeu.
SALHIA BRAKHLIA
Donc il ne faut pas toucher à l'âge, il faut l'équilibre en 2030. Ils ont quelle marge de manœuvre en fait les partenaires sociaux ? Si on les écoute là ce matin, ils parlent de trahison, de mépris, de scandale, parce qu'au départ, au tout début, les concertations ont été rouvertes sur l'idée qu'il n'y avait pas de totem ni de tabou.
ÉLISABETH BORNE
Je crois que le Premier ministre a confirmé ce cadre, simplement il faut assurer l'équilibre de ce système de retraite. Et vous voyez, j'entendais sur votre antenne le négociateur de la CGT qui disait : "Il faut abroger la réforme des retraites", est-ce qu'il veut aussi supprimer les 7 milliards d'euros de mesures favorables aux Français, par exemple la revalorisation des plus petites pensions, est-ce qu'on l'abroge également ? Est-ce qu'on abroge toutes les avancées qui ont été faites sur le dispositif carrière-long pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, tous les droits nouveaux qui ont été ouverts pour les femmes ? Donc je pense que le cadre il est clair, il est d'assurer l'équilibre du système de retraite. C'est nécessaire aujourd'hui plus qu'hier encore compte tenu du contexte que vous avez rappelé, et je pense que le Premier ministre l'a redit. Ensuite, ils ont toute l'attitude pour réfléchir à des améliorations.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais on a du mal à comprendre quelle est la ligne du Gouvernement. François BAYROU dit : "Non à un retour à 62 ans", son ministre de l'Économie dit : "Il parle en son nom personnel, François BAYROU, ce sont les partenaires sociaux qui ont le dernier mot", comment est-ce qu'on…
ÉLISABETH BORNE
Non mais François BAYROU a redit qu'ils sont libres de faire les propositions qu'ils souhaitent, à condition d'assurer l'équilibre du système de retraite.
SALHIA BRAKHLIA
Édouard PHILIPPE, lui, il dit que le conclave est hors sol, il n'a plus lieu d'être vu le contexte.
ÉLISABETH BORNE
Je pense qu'on a toujours raison de faire confiance aux partenaires sociaux. Moi, j'ai entendu un certain nombre de syndicats, je pense en particulier à la CFDT qui est très attachée à des améliorations. Par exemple sur les métiers difficiles, la pénibilité, il y a place pour une discussion sur ces sujets.
SALHIA BRAKHLIA
C'est intéressant quand même ce que vous dites : "Il faut toujours faire confiance aux partenaires sociaux". François BAYROU a aussi dit hier, vous l'avez dit, "Je crois à la démocratie sociale", mais il a aussi regretté hier que votre réforme ait été décidée, je cite, sans les organisations syndicales. Vous le prenez comment ce petit tacle là en passant ?
ÉLISABETH BORNE
Alors je pourrais lui redétailler toutes les négociations qu'on avait eues à l'époque avec les partenaires sociaux, qui ont notamment permis de faire toutes les avancées que je mentionnais, carrière longue, revalorisation des minimums de pension, prise en compte d'un certain nombre de trimestres qui ne comptaient pas jusque-là. Donc on a eu effectivement de longues discussions avec les partenaires sociaux.
JÉRÔME CHAPUIS
Il y a un autre bout de la phrase de François BAYROU hier qui n'a pas été commenté. Il a parlé des 62 ans, mais il a aussi dit : "Il faudrait que les partenaires sociaux parlent de la fonction publique, des retraites de la fonction publique". Ça n'est pas au programme des discussions. Des fonctionnaires, il y en a beaucoup au ministère de l'Éducation nationale. Est-ce que, oui ou non, il faut remettre sur la table le dossier de la retraite des fonctionnaires ?
ÉLISABETH BORNE
Alors je ne pense pas qu'il ait dit qu'il fallait que les partenaires sociaux, précisément ceux-là, parce qu'il y a des organisations syndicales qui représentent les fonctionnaires, et donc c'est sans doute à elles de s'emparer de ces sujets. Il est évident que si on change un certain nombre de règles pour les salariés du privé, on voit mal comment on ne les changerait pas aussi pour les fonctionnaires.
SALHIA BRAKHLIA
Donc ce sera le volet 2, en fait ?
ÉLISABETH BORNE
Il y a à trouver le cadre pour discuter, et c'est ce que souhaitaient les organisations patronales et syndicales de ce qui concerne les salariés. C'est leur champ de responsabilité. Et il y a aussi la question de la retraite des fonctionnaires. Imaginons qu'il y ait des avancées pour les salariés, on comprendrait mal qu'elles ne valent pas pour les fonctionnaires.
JÉRÔME CHAPUIS
ÉLISABETH BORNE, vous avez annoncé hier un grand plan de contrôle dans l'enseignement privé, et c'est aujourd'hui que commence d'ailleurs l'inspection de l'établissement Bétharram, dans le Béarn, là où les enfants de François BAYROU avaient été scolarisés. D'abord, un mot sur cette inspection. Comment va-t-elle se dérouler ?
ÉLISABETH BORNE
Il y a huit personnels de l'Éducation nationale, des inspecteurs, mais aussi des personnels sociaux qui vont participer pendant quatre jours à cette inspection. L'idée, c'est vraiment d'avoir une vision globale du fonctionnement de l'établissement, à la fois sur les sujets financiers, le respect des programmes, et puis aussi, je pense que c'est important qu'on puisse mesurer le climat au sein de l'établissement et qu'on puisse s'assurer que les faits dramatiques qui ont été rapportés par des anciens élèves ne peuvent plus se produire aujourd'hui.
JÉRÔME CHAPUIS
C'est distinct de l'enquête judiciaire ?
ÉLISABETH BORNE
C'est distinct de l'enquête judiciaire. L'enquête judiciaire, vous savez, elle porte sur des faits qui se sont déroulés des années 50 aux années 2010-2011, et ce qui est regardé par l'inspection de mon ministère, c'est naturellement ce qui se passe aujourd'hui.
SALHIA BRAKHLIA
Sur Bétharram, vous dites que l'État n'a pas été au rendez-vous. Vous parlez de contrôle insuffisant. N'est-ce pas une manière de minimiser l'aveuglement collectif, celui de l'Éducation nationale ?
ÉLISABETH BORNE
Je fais un constat simple, c'est que jusqu'à présent, il n'y avait quasiment aucun contrôle dans les établissements privés sous contrat. Donc, évidemment, si on ne regarde pas, si on ne va pas sur place pour apprécier le climat, les risques de violences qui peuvent exister, on n'est pas informé, et je note que pendant des années, ces établissements n'étaient pas inspectés. Donc, il faut naturellement que ça change. Moi, j'ai été bouleversé, je pense qu'on l'a tous été, par les témoignages de ces anciens élèves dont la vie a pu être brisée par les violences qu'ils ont subies quand ils étaient élèves. Donc, il faut absolument tout faire, c'est mon objectif, pour que de telles violences ne puissent plus se produire.
JÉRÔME CHAPUIS
Sur la manière dont se passent ces contrôles, c'est important de réentendre ce qui s'est dit sur France Info il y a trois semaines. On avait entendu le témoignage de l'inspecteur qui est aujourd'hui retraité, qui a été appelé à Bétharram en 1996. À l'époque, c'était pour une histoire de coups violents portés sur un élève. Il n'était pas encore question de violences sexuelles. Il est resté une journée sur place.
INSPECTEUR RETRAITÉ QUI A ÉTÉ APPELÉ À BÉTHARRAM EN 1996
Les gens que j'ai rencontrés, ils m'ont dit ce qui s'était passé pour cette histoire de gifle, mais ils ne m'ont pas dit autre chose que ça. Et donc, je n'ai pas cherché à savoir ce qui se passait dans les dortoirs ou dans les lieux de rencontre des élèves. Donc, pour moi, je suis reparti de l'établissement en ignorant totalement ce qui actuellement est reproché.
JÉRÔME CHAPUIS
Moins de 24 heures sur place, est-ce qu'il y a eu à l'époque une volonté de ne pas savoir ?
ÉLISABETH BORNE
Non, je pense qu'on n'avait sans doute pas conscience à l'époque de... enfin personne n'imaginait ce qui se passait au sein de cet établissement.
SALHIA BRAKHLIA
Il y avait des remontées de terrain quand même, dans la presse notamment.
ÉLISABETH BORNE
Aujourd'hui, on a tous ces témoignages sur une période qui est certes ancienne, mais je vous dis, c'est le sens du plan que j'ai annoncé, on se donne les moyens que ça ne puisse plus se produire aujourd'hui.
SALHIA BRAKHLIA
Alors justement, allons-y. Ce plan qui s'appelle "Brisons le silence, agissons ensemble" avec un renforcement des inspections dans les établissements privés sous contrat. Qu'est-ce qui va changer concrètement ?
ÉLISABETH BORNE
Ce qui va changer concrètement, c'est d'abord qu'on demande à tous les établissements privés comme publics de remonter systématiquement les faits de violence. Vous savez qu'il y a une application qui existe dans le public qui s'appelle "Faits d'établissement" qui permet de signaler les incidents graves au niveau des rectorats et remonte les faits les plus graves au niveau national. Moi, je demande aux établissements privés sous contrat de déployer ces remontées d'informations systématiques et un décret va rendre obligatoire ces remontées d'informations.
SALHIA BRAKHLIA
Pour les établissements privés. Ensuite, vous dites : "Il faut qu'on puisse intensifier les contrôles" parce qu'en fait, il n'y en avait pas énormément, moins d'une dizaine par an.
ÉLISABETH BORNE
Il y en avait très peu, une vingtaine sur les années passées par an.
SALHIA BRAKHLIA
Sachant qu'il y a 7500 établissements privés.
ÉLISABETH BORNE
Voilà. Absolument. Du coup, Nicole BELLOUBET avait d'ores et déjà décidé d'affecter 60 inspecteurs supplémentaires sur ces contrôles. On va en remettre 60 de plus dans les deux prochaines années. Et puis, par ailleurs, moi, j'ai décidé de mettre en place une mission d'appui au sein de l'inspection générale de mon ministère avec une dizaine d'inspecteurs généraux qui pourront superviser ces contrôles et intervenir sur les situations les plus sensibles avec aussi des équipes, je le dis, pluridisciplinaires pour avoir différents regards sur ce qui s'est passé.
SALHIA BRAKHLIA
Ça change quoi d'avoir une équipe pluridisciplinaire ? Parce que jusqu'à présent, les contrôles se faisaient sur le volet administratif, le volet financier des établissements.
ÉLISABETH BORNE
Oui, les établissements privés sous contrat considéraient que la partie vie scolaire ne relevait pas du contrôle de l'État. Ce que moi, j'ai pu dire à leurs représentants, c'est qu'il y a évidemment un caractère propre dans ces établissements, mais s'assurer qu'il n'y a pas de violence au sein de ces établissements, ça fait partie des contrôles, ça fera désormais partie des contrôles. Et puis, l'inspecteur le mentionne, il y a des moments où les élèves sont particulièrement vulnérables. C'est le cas quand on a des internats et c'est aussi le cas quand on a des voyages scolaires avec des nuitées à l'extérieur. Donc, pour ces situations, on aura un questionnaire, les élèves auront accès à un questionnaire tous les trimestres quand ils sont en internat, anonymes, et à la moindre alerte, il y aura une cellule d'écoute par des psychologues, des personnels de santé qui pourront recueillir la parole de ces élèves.
JÉRÔME CHAPUIS
Et ce sera le cas aussi au retour des voyages scolaires quand il y a des nuitées ?
ÉLISABETH BORNE
Oui. Absolument.
JÉRÔME CHAPUIS
Systématiquement. C'est-à-dire qu'un enfant qui revient…
ÉLISABETH BORNE
Absolument, parce qu'on a eu connaissance d'incidents qui ont pu se passer dans des voyages scolaires et donc je pense que ce sont des moments effectivement de plus grande vulnérabilité pour les élèves. Il faut qu'on se donne tous les moyens de recueillir la parole des élèves. C'est aussi pour ça qu'on veut mobiliser le 119, vous savez, le numéro d'appel pour l'enfance en danger, en mettant en place un basculement systématique sur les équipes académiques, donc les rectorats. Quand quelqu'un signale des violences au sein d'un établissement, qu'il soit public ou privé, cette information sera transmise à ces équipes académiques qui pourront déclencher des contrôles.
JÉRÔME CHAPUIS
ÉLISABETH BORNE, depuis la médiatisation de cette affaire Bétharram, au moins quatre collectifs ont été constitués par d'anciens élèves, Notre-Dame de Garaison dans les Hautes-Pyrénées, Notre-Dame du Sacré-Cœur dans les Landes, Saint-François-Xavier dans les Pyrénées Atlantiques, Saint-Pierre dans le Finistère, toutes des institutions catholiques sous contrat avec l'État. Est-ce qu'il y a un problème avec l'enseignement catholique en général
ÉLISABETH BORNE
Vous savez, je pense qu'on a eu la commission qui avait été présidée par Jean-Marc SAUVE, qui a écouté la parole d'enfants qui avaient fait l'objet de violences sexuelles à l'époque par les institutions catholiques. Je pense que c'est un peu la même chose qu'on est en train d'observer au sein des établissements scolaires. Donc voilà, l'objectif, c'est évidemment que cette parole se libère, que la justice puisse passer, que les victimes puissent être accompagnées. Ça, c'est ce qui relève de la justice. Et pour ce qui me concerne, c'est de m'assurer que ça n'est plus possible.
SALHIA BRAKHLIA
Mais justement, quelles conséquences envisagez-vous pour Bétharram, par exemple, et pour tous les établissements qu'on vient de citer ? Est-ce que ça peut aller jusqu'à la rupture de contrat d'association avec l'État ?
ÉLISABETH BORNE
Écoutez, des inspecteurs commencent leur travail aujourd'hui. Évidemment, on en tirera toutes les conséquences. J'espère qu'aujourd'hui, toutes les précautions sont prises pour qu'il n'y ait plus ce type de violence.
JÉRÔME CHAPUIS
Vous parlez avec les responsables de l'enseignement catholique. On rappelle que 17 % des élèves sont scolarisés dans le privé. Il y a à peu près une famille sur deux qui, à un moment ou à un autre, a recours à l'enseignement privé en France. Est-ce que toutes ces affaires entament la confiance entre l'État et l'enseignement catholique ?
ÉLISABETH BORNE
Ce que j'ai pu dire aux représentants de l'enseignement catholique, c'est que notre responsabilité et leur intérêt, c'est précisément qu'on ait plus de contrôle, qu'on ait ces remontées systématiques de tous les faits de violence. Parce qu'en effet, j'imagine que les parents qui entendent ce qui s'est passé, alors rappelons que c'est il y a quelques décennies, peuvent être inquiets. Donc mettons en place tous ces dispositifs de remontée d'informations, de recueil de la parole, de contrôle, et ça permettra, je l'espère, de rassurer tout le monde.
SALHIA BRAKHLIA
Une dernière question sur le sujet. Qu'est-ce que vous dites à ceux qui pensent qu'il y a une inégalité de traitement entre établissements catholiques et musulmans ? Je pense à la France Insoumise, à Jean-Luc MÉLENCHON particulièrement. Pour les premiers, ils donc dénoncent de la complaisance malgré de lourdes accusations, et pour les autres, des contrôles très réguliers et des résiliations de contrats pour des considérations administratives.
ÉLISABETH BORNE
Ce ne sont pas des considérations administratives. Quand on a rompu des contrats, c'est parce qu'il y avait des faits, alors à la fois dans les enseignements qui étaient délivrés, dans les propos tenus par un certain nombre de responsables de ces établissements.
SALHIA BRAKHLIA
Ils disent que quand on peut fermer des établissements musulmans, on peut aussi fermer des établissements catholiques.
ÉLISABETH BORNE
Je peux vous assurer qu'on a fait des contrôles. Alors là, on rentre dans un autre champ, les établissements hors contrat d'établissements catholiques sur lesquels il y a des faits préoccupants. Et on va là aussi tirer toutes les conséquences.
JÉRÔME CHAPUIS
ÉLISABETH BORNE, vous êtes avec nous jusqu'à 9h sur France Info. On laisse passer le Fil Info de 8h46. Maureen SUIGNARD.
(…)
JÉRÔME CHAPUIS
Et toujours l'ancienne Première ministre, ÉLISABETH BORNE, aujourd'hui ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. L'Enseignement supérieur, on en parle. Parcoursup est une question. Vouloir sélectionner précocement sans qu'aient muri l'esprit et les attentes, je pense que c'est une erreur. Ça c'est ce que disait François BAYROU il y a deux mois lors de son discours de politique générale. Deux mois après, est-ce que vous savez ce qu'il a voulu dire ? Est-ce que la plateforme Parcoursup d'orientation vers le Supérieur est menacée ?
ÉLISABETH BORNE
On a de toute façon besoin d'une plateforme pour rapprocher des centaines de milliers, même des millions de demandes, de millions d'offres de parcours dans l'enseignement supérieur. Moi, je suis consciente que quand on fait ses choix sur Parcoursup, c'est un moment stressant pour beaucoup de jeunes et pour leur famille. Et c'est pour ça qu'il faut réfléchir en amont à son orientation. C'est le sens de la découverte des métiers qui se met maintenant en place à partir de la cinquième. Et je suis persuadée qu'on peut faire mieux, qu'on doit faire mieux. Parce que vous savez qu'on est dans un pays, l'un des pays qui reproduit le plus les inégalités sociales.
JÉRÔME CHAPUIS
Le sujet, ce n'est pas Parcoursup, ce n'est pas la plateforme en elle-même, c'est ça que vous nous dites ?
ÉLISABETH BORNE
C'est toute l'orientation à laquelle il faut qu'on réfléchisse. Moi, mon objectif, c'est de permettre à des jeunes de découvrir un maximum de métiers, d'ouvrir leurs horizons. Et puis, quand il y a un métier qui leur plaît, de les accompagner pour qu'ils puissent aller vers ces métiers. C'est ça, notre responsabilité. Vous savez qu'il y a une concertation qui est en cours sur l'orientation. Je suis persuadée qu'on doit faire mieux précisément pour sortir d'un système qui reproduit les inégalités et qui est le nôtre aujourd'hui
JÉRÔME CHAPUIS
Elle débouche quand, cette concertation ?
ÉLISABETH BORNE
Cette concertation, elle va déboucher dans les prochaines semaines. Il y a des tas de contributions qui ont été remontées. Celle du MEDEF qui sera présentée tout à l'heure.
JÉRÔME CHAPUIS
Le MEDEF qui disait, d'ailleurs, on le lisait ce matin dans Le Figaro, qu'il y a un gros problème en France, c'est qu'il y a beaucoup de talents, de jeunes qui échouent dans leur orientation et on se prive de beaucoup de talents. Ça coûte à peu près 4 milliards d'euros par an à l'économie française, disent-ils.
ÉLISABETH BORNE
Alors, c'est un sujet pour l'économie française. C'est un sujet pour tous ces jeunes auxquels on ne permet pas précisément de révéler leurs talents. Donc, c'est quelque chose qui, moi, me tient à cœur. Donc, on doit vraiment avoir cette approche globale pour assurer une égalité des chances au travers de l'orientation. Et puis, évidemment, sans attendre, on réfléchit et on met en place chaque année des améliorations de Parcoursup. Vous savez qu'il y a un numéro vert qui a été mis en place cette année.
SALHIA BRAKHLIA
C'est surtout l'aspect technique de Parcoursup qui pose problème aux élèves et aux parents.
ÉLISABETH BORNE
Oui, mais vous savez, je pense que le sujet, il est beaucoup plus global. Ce n'est pas au moment où on remplit ses vœux dans Parcoursup qu'il faut réfléchir à ses choix d'orientation. Il faut qu'on accompagne les élèves.
SALHIA BRAKHLIA
Oui. Et puis il y a ceux qui font des demandes et qui n'arrivent pas à obtenir ce qu'ils veulent. C'est aussi la difficulté.
ÉLISABETH BORNE
Alors, forcément, vous savez, quand vous avez des formations où il y a 1 000 places et il y a 30 000 candidats, ça ne peut pas satisfaire tout le monde.
SALHIA BRAKHLIA
C'est bouché effectivement.
ÉLISABETH BORNE
Mais je vous dis, je pense que c'est vraiment important que chacun puisse ouvrir le champ des possibles et qu'on puisse accompagner chaque jeune qui choisisse vraiment un métier qui lui plaît.
JÉRÔME CHAPUIS
ÉLISABETH BORNE, vous avez demandé une inspection du groupe GALILEO, qui est un groupe privé, leader de l'enseignement supérieur privé, qui est accusé dans un livre enquête, "Le Cube", aux éditions Flammarion, accusé de dérive. Qu'est-ce qui vous paraît problématique dans ce cas précis ?
ÉLISABETH BORNE
Au-delà du groupe GALILEO, avec Philippe BAPTISTE, depuis qu'on est arrivé, on a annoncé qu'on souhaitait mieux réguler l'enseignement supérieur privé à but lucratif. Vous savez que notamment avec la mise en place de toutes les aides à l'apprentissage, il y a beaucoup de formations supérieures qui se sont développées. Il y a des formations qui sont de très grande qualité, il y en a d'autres qui ne le sont pas.
SALHIA BRAKHLIA
Et quoi, il y a de la fraude en fait ? Pour être clair.
ÉLISABETH BORNE
Il peut y avoir des situations de fraude, et donc c'est pour ça qu'on veut lancer, enfin que nous allons lancer, une inspection interministérielle. La ministre du Travail, Astrid PANOSYAN, est également associée pour vérifier la qualité des formations. C'est très important quand, là encore, un jeune choisit une formation supérieure, qu'il ait des garanties de qualité. Ça pose des questions de mieux réguler cet enseignement supérieur privé à but lucratif, et notamment d'avoir des certifications qui correspondent vraiment à une garantie de qualité. On travaille à la refonte de la certification Qualiopi, qui permet de bénéficier de financements publics. Il y a des formations privées qui en bénéficient aujourd'hui, et dont l'offre pédagogique n'est pas à la hauteur
JÉRÔME CHAPUIS
Vous dites à but lucratif, avec des organismes qui touchent des subventions, et qui dans ce livre, c'est démontré, réalisent des résultats de 40 % de résultats avant impôt. Est-ce que ça vous semble acceptable, ce niveau de résultats, dans un secteur comme l'enseignement, ou est-ce que ça vous choque comme ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur ?
ÉLISABETH BORNE
C'est un livre enquête, je souhaite avoir mes propres analyses, et c'est pour ça qu'on va lancer une mission interministérielle. Vous savez, moi, ce qui me choque, c'est par exemple quand on a des formations à des métiers manuels qui se font uniquement en enseignement à distance. Moi, ça me surprend, je ne suis pas sûre qu'on garantisse la qualité, et donc c'est ça aussi qu'on veut aller regarder.
JÉRÔME CHAPUIS
Et juste pour avoir bien les ordres de grandeur, les subventions représentent combien à ce type d'organisme ?
ÉLISABETH BORNE
Il y a 3,5 milliards de financements publics, notamment sur l'apprentissage, donc je pense que ça mérite qu'on contrôle.
SALHIA BRAKHLIA
Que dites-vous ÉLISABETH BORNE aux parents qui s'inquiètent du programme d'éducation à la vie affective et à la sexualité qui va être dispensé dès la rentrée prochaine aux élèves de maternelle à la terminale ?
ÉLISABETH BORNE
Que je pense que c'est un programme tout à fait essentiel, et vous voyez, ça rejoint peut-être ce qu'on évoquait sur les violences et les violences sexuelles qui ont pu intervenir dans certains établissements. Il s'agit d'une éducation à la vie affective et relationnelle dans le premier degré, et puis on introduit la dimension éducation à la sexualité dans le second degré. Mais il s'agit en premier lieu de dire à tout élève, à tout jeune, que son corps lui appartient, que son intimité doit être respectée, qu'il peut y avoir des comportements inappropriés de la part des adultes et que dans ce cas, il faut qu'il se confie à une personne de confiance.
SALHIA BRAKHLIA
Sauf que ce n'est pas ce que retiennent les associations conservatrices, elles, elles disent que le programme constitue, je cite, l'appropriation par l'État de la transmission de l'éducation sexuelle, tout en banalisant la sexualité précoce et une sexualité déconnectée de toute affectivité. Elles sont inquiètes.
ÉLISABETH BORNE
Oui, je ne sais pas si elles ont vraiment lu le programme. Vous savez, ce programme, moi j'ai tenu, et j'étais Première ministre à l'époque, à ce qu'on puisse saisir le conseil supérieur des programmes, c'est-à-dire des spécialistes de l'éducation, de la santé, de la protection de l'enfance, pour élaborer un programme qui est très progressif, adapté à l'âge de chaque jeune. Et quand on me dit : "C'est l'affaire des familles", moi je note qu'il y a 160 000 agressions sexuelles sur mineurs chaque année, essentiellement dans la sphère familiale. Donc je pense que c'est notre responsabilité, précisément, d'apprendre à chaque enfant que son intimité, son corps, doit être respecté et qu'il doit se confier à un adulte quand ça n'est pas le cas.
JÉRÔME CHAPUIS
ÉLISABETH BORNE, il faut qu'on se projette, on est au printemps et c'est le moment où le budget 2026 se prépare. Il va falloir dépenser davantage pour notre défense, sans hausse d'impôts, prévient Emmanuel MACRON. Ça veut dire que certains ministères devront se serrer la ceinture, l'Éducation nationale aussi ?
ÉLISABETH BORNE
Écoutez, j'aurais l'occasion de présenter mes arguments au Premier ministre. Je pense que c'est finalement ce ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, c'est l'avenir de notre pays qui se joue. Bien former les jeunes, donner des parcours de réussite pour nos étudiants, mobiliser la recherche à un moment où on voit qu'à l'échelle de la planète, la liberté académique, l'indépendance de la recherche est remise en cause aux États-Unis, ben c'est l'avenir de notre pays qui se joue, donc je pense que c'est important.
JÉRÔME CHAPUIS
Mais vous entendez ceux qui disent d'abord quand vous êtes arrivée, vous avez sauvé, entre guillemets, les 4 000 postes d'enseignants qui étaient menacés pour 2025, mais il y a un fait, c'est qu'il y a moins d'élèves aujourd'hui qu'il y a quelques années. Est-ce qu'il faut que les effectifs d'enseignants suivent ?
ÉLISABETH BORNE
Alors il y a en effet moins d'élèves, on a aussi des besoins très importants pour mieux former nos professeurs, donc ce sont des discussions que j'aurai avec le Premier ministre. Je pense qu'investir dans l'avenir c'est essentiel.
SALHIA BRAKHLIA
Donc à minima que le budget ne baisse pas, c'est ce que vous dites. Votre collègue, ministre des Sports, Marie BARSACQ, estime que le voile dans le sport n'est pas, je cite, n'est pas de l'entrisme de la part des mouvements islamistes. Elle a mis en garde contre les confusions et les amalgames entre le port du voile et la radicalisation dans le sport. Est-ce que vous êtes d'accord avec elle ?
ÉLISABETH BORNE
Alors je pense qu'on est tous conscients qu'il peut y avoir de l'entrisme dans les clubs sportifs et qu'il faut être très vigilant. Et je pense qu'elle mobilise aussi l'inspection de son ministère pour vérifier ces situations. Ensuite, sur le port du voile, il y a une proposition de loi qui prévoit d'interdire le port du voile ou de signes religieux. Parce que c'est un principe d'égalité aussi de parler de signes religieux en général dans les compétitions sportives. Moi, ce que je note, c'est que c'est aussi la responsabilité des fédérations de définir leurs règlements intérieurs, comme l'a fait la Fédération française de foot féminin. Et ça a été validé. Quand on fait une compétition, il y a une tenue, tout le monde doit porter la tenue.
SALHIA BRAKHLIA
Donc vous n'êtes pas pour légiférer ? Vous êtes contre cette proposition de loi qui est adoptée au Sénat mais... ?
ÉLISABETH BORNE
Moi, je pense que le Conseil d'État nous a confirmé que quand les fédérations mettent en place des règlements intérieurs qui disent : "La tenue, c'est la tenue", ça suffit et ça protège effectivement, ça permet d'avoir... de proscrire de fait des signes ostentatoires religieux dans les compétitions.
JÉRÔME CHAPUIS
Une dernière question. Vous avez été Premier ministre. Votre collègue Bruno RETAILLEAU, ministre de l'Intérieur, menace à demi-mot de quitter le Gouvernement si la France devait céder sur les expulsions des ressortissants algériens. Il en fait une priorité, sans même parler du fond, simplement sur la forme. Comme Première ministre, si un de vos ministres vous avait fait la menace de démissionner, comment est-ce que vous auriez réagi ?
ÉLISABETH BORNE
Je pense que Bruno RETAILLEAU veut marquer l'importance qu'il accorde au fait que les accords soient respectés. On est en train de parler d'une demande qui est faite à l'Algérie de récupérer des ressortissants en situation irrégulière en France, qui par ailleurs, pour la plupart de ceux qu'on a pu mettre dans la liste, sont dangereux. Donc je pense qu'on est tous d'accord sur le fait qu'il faut que l'Algérie reprenne ses ressortissants dangereux.
JÉRÔME CHAPUIS
Merci ÉLISABETH BORNE, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, invitée de France Info ce matin.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mars 2025