Interview de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics, à CNews le 17 mars 2025, sur la loi narcotrafic, la réforme des retraites et le budget 2025.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : CNews

Texte intégral

SONIA MABROUK
Bonjour Amélie de MONTCHALIN,

AMELIE DE MONTCHALIN
Bonjour,

SONIA MABROUK
Et bienvenue à la Grande interview sur Cnews et Europe 1. Vous êtes la ministre en charge des comptes publics. Avant d'évoquer, Amélie de MONTCHALIN, la situation économique et budgétaire de notre pays, venons-en à ce qui s'ouvre à l'Assemblée nationale, aujourd'hui, avec la loi narcotrafic que vous portez, d'ailleurs, avec les ministres Bruno RETAILLEAU et Gérald DARMALIN. Il y a des oppositions assez fortes, pas seulement à gauche, mais aussi dans votre camp au niveau du socle commun. Qu'est-ce que vous dites ce matin à ces députés qui hésitent à mettre tous les moyens pour lutter contre les narcotrafiquants ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je leur dis que c'est une menace pour toute notre nation et que c'est à notre nation, dans son ensemble, d'identifier ce fléau qui tue, qui tue plus de 100 personnes par an, d'identifier ce fléau qui crée une économie qui n'est plus souterraine, qui est une économie désormais assez massive, et que nous devons non seulement identifier le fléau, nous relever, nous battre et vaincre ce fléau du narcotrafic. Et ce qui est inédit, c'est qu'aujourd'hui, effectivement, commence à l'Assemblée, le travail sur un texte qui est un texte transpartisan, qui a été proposé par un sénateur que je veux... Les deux sénateurs que je veux ici citer et remercier, les sénateurs BLANC et DURAIN, qui ont permis un vote à l'unanimité du Sénat.

SONIA MABROUK
Eh oui, autre ambiance au Sénat.

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, nous sommes trois ministres, le ministre de l'Intérieur, le ministre de la Justice et moi-même, parce que nous voulons, bien sûr, renforcer les moyens de l'Intérieur, de la Justice, mais surtout taper au portefeuille les trafiquants.

SONIA MABROUK
Ça, c'est votre parti ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Tout ce que je leur dis à ces députés, avec qui, on va passer la semaine à débattre, c'est qu'on peut avoir, évidemment, des débats juridiques. Mais l'enjeu, c'est quoi ? C'est de protéger notre nation contre ce fléau. Je vais vous donner un exemple. Les Pays-Bas et la Belgique, il y a quelques années, se sont laissé déborder. Et donc, ils ont eu des assassinats de journalistes, des assassinats d'avocats, des attaques massives sur les ports contre les dockers. Le Premier ministre belge, le ministre de la Justice belge, ont été la cible de projets d'actes criminels. Donc, nous ne pouvons pas laisser cela se passer dans notre pays. Et donc, moi, ministre des Comptes publics, ministre des douaniers, que je suis très fière de défendre, qui font un travail matin, midi et soir, la nuit, tous les jours pour saisir la drogue, on doit, aujourd'hui, renforcer nos moyens pour qu'ils puissent saisir l'argent.

SONIA MABROUK
Amélie de MONTCHALIN, enjeu vital. Attendez, il y a quelques jours ici, le garde des Sceaux n'a pas dit autre chose. Il a dit la même chose que vous, il a évoqué aussi les menaces qui pèsent sur des magistrats. Malgré tout, certains députés, pas seulement de gauche, le répètent, affirment que ce texte et certaines mesures sont trop invasifs dans la vie privée des suspects. On parle de narcotrafiquants. Vous répétez qu'on ne peut pas se permettre ça dans cette lutte aujourd'hui ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Je vous dis, il y a des débats juridiques, c'est normal.

SONIA MABROUK
Ils ne sont que juridiques, ce n'est pas sur la liberté et la sécurité.

AMELIE DE MONTCHALIN
Le Conseil d'État a été saisi pour que nous ayons le point de vue de la plus haute juridiction administrative de notre pays, pour nous assurer que la ligne était la bonne. Ce que je veux dire, aujourd'hui, c'est que, moi, mon objectif, c'est quoi ? Bien sûr qu'à un moment donné, quand on est trafiquant, quand on met des vies en danger, quand on gère énormément d'argent sale, mon objectif, c'est quoi ? C'est qu'on puisse saisir les avoirs, saisir les comptes bancaires. C'est qu'on puisse lutter contre toutes les ramifications du trafic, notamment le blanchiment. C'est qu'on puisse sécuriser les ports. C'est qu'on puisse effectivement avoir des techniques de renseignement plus efficaces qui nous amènent, d'ailleurs, vous le voyez tous les jours, à saisir de la drogue, et derrière la drogue, nous, on veut saisir l'argent de la drogue. Parce que si on asphyxie les trafics, si on asphyxie l'économie de ces trafics, eh bien, on asphyxiera le fléau qui est celui du narcotrafic, et qui, on le sait, met des vies en danger et surtout affaiblit notre pays au point de potentiellement nous mettre en danger collectif. Donc, c'est une loi d'intérêt général. Tout le Gouvernement engage sa crédibilité et je crois que toute la nation voit bien le risque et c'est l'objet des débats qu'on aura dans les prochains jours.

SONIA MABROUK
Une parenthèse, tout le Gouvernement engage sa crédibilité, il y a un ministre qui l'engage davantage, ou en tous les cas qui a mis en balance quasiment son départ du Gouvernement, c'est Bruno RETAILLEAU, qui est sur une ligne de fermeté. Vous partagez, vous, cette ligne de fermeté, Amélie de MONTCHALIN ?

AMELIE DE MONTCHALIN
La fermeté, c'est la force de la loi. La fermeté, c'est la certitude de la sanction. La fermeté, c'est ce qui nous permet, sur tous les sujets financiers, vous voyez, de lutter aussi contre les fraudes. Quand l'année dernière, de manière historique, on arrive à détecter 20 milliards de fraudes, à la fois fiscales et sociales, dans notre pays. Quand on encaisse 13 milliards de fraudes, c'est aussi la fermeté. Donc la fermeté, ce n'est pas... C'est évidemment, et c'est la force de chacun des ministres, que de se battre pour avoir les moyens de notre action pour protéger les Français. Mais oui, tout le Gouvernement a évidemment une ligne de fermeté et même, j'allais dire, de sanctions absolues qu'il nous faut faire respecter contre ceux qui ne respectent pas la loi.

SONIA MABROUK
Venons-en, Amélie de MONTCHALIN, dans la situation économique et financière de notre pays, dans un contexte international extrêmement tendu, et alors que nous devons engager un effort important de défense, le Premier ministre, François BAYROU, a fermé la porte à un retour à la retraite à 62 ans. Vous avez entendu les syndicats, ils sont vents debout, ils envisagent de quitter la table des négociations. Tout d'abord, est-ce que ce matin, vous nous confirmez que le débat sur les 62 ans est clos ?

AMELIE DE MONTCHALIN
D'abord, j'aimerais ici qu'on…

SONIA MABROUK
Est-ce qu'il est clos ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Le débat, c'est celui de savoir si, oui ou non, on fait confiance à la démocratie sociale. Vous savez, pendant des semaines, pendant des mois, on nous a expliqué que les gouvernements de notre pays n'écoutaient pas assez les Français. Et aujourd'hui, alors que le Premier ministre a pris un engagement très fort, c'est celui de confier dans un moment de grande gravité aux partenaires sociaux le sujet des retraites.

SONIA MABROUK
Alors pourquoi ferme-t-il une porte sur laquelle les syndicats pouvaient et les partenaires sociaux, de manière générale, discuter ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce que j'ai à vous dire, c'est que les syndicats, les organisations patronales, ils vivent dans la France d'aujourd'hui, ils vivent dans le monde du travail d'aujourd'hui. Ils ont reçu un cadrage, que tous les Français ont vu, de la Cour des comptes, qui montre qu'il y a un déficit de 6 milliards, cette année, et qu'il y a un déficit qui s'accroît et qui pourrait atteindre, on le voit, 15 milliards en 2035 et 30 milliards en 2045. Moi, je fais une confiance infinie aux partenaires sociaux. Je fais confiance à la démocratie sociale. Et en leur faisant confiance, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on sait qu'ils sont lucides sur la situation. Et donc, le Premier ministre dit quelque chose, il a donné un élément de cadrage.

SONIA MABROUK
Ce n'était pas la règle du jeu du départ.

AMELIE DE MONTCHALIN
Il a donné un élément de cadrage du Premier ministre.

SONIA MABROUK
Ce n'était pas la règle du jeu du départ.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est que nous devions revenir à l'équilibre en 2030. Et ce que le Premier ministre dit, c'est que les partenaires sociaux ont toutes les cartes, mais que tout le monde voit bien que revenir à 62 ans ne permet pas de revenir à l'équilibre.

SONIA MABROUK
Moi, je croyais naïvement que c'était aux partenaires sociaux de travailler et au Parlement ensuite de légiférer sur tous les sujets sans qu'il n'y ait ni un tabou ni un sujet qui est clos. C'est e cas depuis hier. Est-ce que vous le reconnaissez ? Est-ce que c'est fini ? La retraite à 62 ans, vous dites que c'est derrière nous.

AMELIE DE MONTCHALIN
La retraite à 62 ans avec le cadrage qui a été fixé. De revenir à l'équilibre du système des retraites en 2030, ce n'est pas qu'on dit que c'est fini ou pas fini, c'est juste que ce n'est pas réaliste. Maintenant, ce qu'il faut dans notre pays, c'est que nous arrivions collectivement à nous dire que la démocratie sociale est un gain. Moi, j'ai été ministre de la fonction publique. Je peux vous dire quelque chose. Toutes les réformes que nous avons réussies à faire dans la fonction publique et qui sont des réformes importantes, on les a faites parce qu'on a fait confiance aux partenaires sociaux.

SONIA MABROUK
Ce matin et depuis hier, que disent les syndicats ? D'abord, ils sont vent debout. Ils veulent quitter la table des négociations, le fameux conclave. Et plus, certains affirment en réalité que c'était un artifice, ce conclave, pour, je finis juste la phrase, ne pas tomber sous le coup d'une censure. Autrement dit que tout ça a été fabriqué.

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est une vision que je pense totalement erronée de la chose. Nous avions un débat parlementaire, vous le savez, sur la réforme des retraites en 2023, qui a été un débat qui a amené une réforme. Nous avons vu que cette réforme, collectivement, n'avait pas épuisé les débats que la société avait avec elle-même sur les carrières longues, sur la pénibilité, sur l'équité entre les hommes et les femmes. Ce qu'a dit le Premier ministre, c'est qu'on va faire un cadrage parce qu'on ne peut pas aggraver le déficit. On va regarder quels sont les leviers et on va donner tout ça aux partenaires sociaux parce qu'on fait confiance à la démocratie sociale. Ce qui est clair, c'est que le cadrage…

SONIA MABROUK
Confiance, mais restez lucides, vous ne pouvez pas revenir à la retraite à 62 ans.

AMELIE DE MONTCHALIN
Aujourd'hui, moi, je fais confiance aux partenaires sociaux, ils vivent dans le pays d'aujourd'hui.

SONIA MABROUK
Vous répétez cette phrase comme un mantra. Mais eux, ils vous font plus confiance.

AMELIE DE MONTCHALIN
Parce que c'est quoi l'alternative ? Quand vous avez une majorité politique qui est divisée, quand vous avez un paysage français social qui est divisé, quand vous avez un objectif, qui est celui du désendettement, pas parce que c'est un mantra, mais parce que si, derrière, on laisse la dette s'accroître, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on perd notre capacité à être une puissance.

SONIA MABROUK
Notre souveraineté, on va en parler.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ça veut dire qu'on perd notre souveraineté. Et donc, au coeur du déficit, il y a le sujet des retraites. Ce qu'a voulu faire le Premier ministre, en pleine authenticité, en pleine honnêteté, c'est de dire, " Dans notre pays, si dans un moment aussi grave de risque de division, avec des enjeux financiers aussi importants, on n'est pas capable de faire confiance à la démocratie sociale, alors il nous reste quoi ? » L'impuissance. Et derrière l'impuissance, c'est les extrêmes. Et derrière les extrêmes, c'est la division.

SONIA MABROUK
En tous les cas, le RN et la gauche, là, ils s'entendent pour dire que ce n'est pas possible. Vous nous avez eus, pardonnez-moi, c'est ce qu'ils se disent.

AMELIE DE MONTCHALIN
Ce qui serait, pour moi, le risque, si on avait voulu avoir qui que ce soit, on se serait, dans ce cas-là, lancé dans un objectif où on aurait tout cadré, tout empêché. Ce qui a été cadré, c'était de dire, un, on doit revenir à l'équilibre, deux, s'il y a un accord, il va au Parlement. Et s'il n'y a pas d'accord, on en reste à la réforme actuelle. Ça, ça n'a pas changé. Et de dire que dans les conditions financières actuelles, vu ce que dit la Cour des comptes, il est difficilement réaliste de revenir à 62 ans, je pense que là aussi, c'est de l'honnêteté.

SONIA MABROUK
Amélie de MONTCHALIN, de son côté, Édouard PHILIPPE, l'Ancien Premier ministre, s'inquiète de l'inverse, si je puis dire. Il estime que le débat sur la retraite est totalement dépassé. Il a, d'ailleurs, ironisé sur le conclave de François BAYROU. Il lui a encore répondu hier que la démocratie sociale, il est pour, Édouard PHILIPPE, mais sur des sujets qui ont un sens, autrement dit, pas sur une loi déjà votée. Est-ce qu'il a raison ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, je vois un point qui doit pouvoir nous unir. C'est qu'est-ce qui, dans notre pays aujourd'hui, nous permet de financer nos priorités ? Vous savez, la dépense publique, c'est soit des investissements pour nos priorités, soit c'est nos dépenses habituelles et parfois nos dépenses inutiles. Et j'en vois, je vois un sujet qui peut permettre de nous unir face à ce défi de l'endettement.

SONIA MABROUK
Lequel ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est le travail, c'est le travailler plus, comme le dit Édouard PHILIPPE. Mais, il y a d'autres pays, vous savez, des gens…

SONIA MABROUK
Bonne chance, au moment où il y a eu des débats aussi fournis, vifs sur la retraite, vous dites travailler plus.

AMELIE DE MONTCHALIN
Oui, parce que, travailler plus, ce n'est pas forcément un sacrifice, c'est un progrès. Quand vous êtes un jeune qui cherchait du travail…

SONIA MABROUK
Travailler plus pour gagner autant.

AMELIE DE MONTCHALIN
Pour gagner plus.

SONIA MABROUK
Plus personne n'y croit.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous êtes chômeur, vous êtes jeune, vous cherchez à vous insérer dans le monde du travail, c'est difficile. Ce jeune qui veut travailler plus, moi, je souhaite qu'il puisse effectivement travailler plus. Les gens seniors depuis 50 ans, qui se retrouvent malgré eux au chômage, qui veulent travailler plus, moi, je souhaite qu'ils puissent travailler plus. Mais vous savez, si on résout le chômage des jeunes d'une part, le chômage des seniors de l'autre, et qu'on se remet au niveau de nos voisins allemands, ça nous fait créer 1,5 million d'emplois et ça réduit mécaniquement le déficit de 25 milliards.

SONIA MABROUK
On est d'accord, mais alors vous nous dites où est cachée la baguette magique, parce que nous, ce qu'on voit, c'est une croissance qui est revue à la baisse par la BANQUE DE FRANCE, la dépense publique qui croit à un rythme deux fois plus important que la richesse nationale, l'agence de notation FITCH, ouf, a maintenu la note de la France, mais a sorti d'une perspective négative. En réalité, on a un sursis, mais est-ce qu'on n'a pas déjà perdu, malheureusement, notre souveraineté ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Moi, jamais, jamais vous entendrez avoir l'esprit de défaite.

SONIA MABROUK
Non, mais je veux la lucidité. Est-ce qu'on n'a pas perdu notre souveraineté ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est que nous sommes un grand pays et je pense que nous pouvons, en nous unissant, en regardant les choses en face, regarder quelles sont nos priorités, qui changent.

SONIA MABROUK
Un grand pays.

AMELIE DE MONTCHALIN
Nous sommes un grand pays.

SONIA MABROUK
1 300 milliards d'euros de dettes, ça va s'alourdir, 150 milliards d'ici à la fin de l'année.

AMELIE DE MONTCHALIN
Nous mettre d'accord sur les priorités, ça permet de quoi ? Ce sujet de la dette, c'est l'engagement de l'avis politique du Premier ministre. C'est l'engagement numéro un qu'il a mis dans son discours de politique générale.

SONIA MABROUK
Donnez-moi une décision forte, une orientation nette qui prouve que vous engagez sur la pente du désendettement.

AMELIE DE MONTCHALIN
Vous savez, en 2025, l'État, le budget compromis que nous avons trouvé, il permet de réduire la dépense de l'État de 23 milliards. C'est le plus grand effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l'État depuis 25 ans. Depuis 25 ans, nous n'avons jamais mis l'État aussi fortement sous pression que dans ce budget 2025. Et vous savez quoi ? On va suivre ce budget comme on ne l'a jamais suivi.

SONIA MABROUK
Pourtant, certains disent que le budget est déjà dépassé, qu'en réalité, vous-même, madame la ministre, vous travaillez sur des gels de crédit, mais que vous ne pouvez pas le dire tant la situation, malheureusement, est difficile.

AMELIE DE MONTCHALIN
La première décision qu'on a prise avec Eric LOMBARD, c'est de vous dire que cet engagement des 5,4% de déficit, qui sont encore très élevés et qui doit nous emmener beaucoup plus bas en 2029. Avec Eric LOMBARD et le Premier ministre, parce qu'on a eu un compromis politique, on doit une transparence totale à l'ensemble des acteurs et aux Français. Dans 15 jours, au tout début du mois d'avril, nous allons réunir de manière inédite l'ensemble des acteurs, les parlementaires, les élus des grandes collectivités, les représentants d'associations de toutes les collectivités d'ailleurs, les caisses de la Sécurité sociale, pour mettre sur la table, de manière totalement transparente, là où nous en sommes, où est la croissance, où en sont les recettes.

SONIA MABROUK
Pourquoi se réunir pour accueillir de ce que vous savez déjà, Madame le ministre ? On a le temps encore ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Qu'on puisse prendre des décisions démocratiques, qu'on puisse prendre des décisions collectives. Pas des décisions dans mon bureau où je signe un décret et où, un peu en catimini, on organise les choses. Non, on veut le faire de manière transparente parce que mon objectif, c'est de réconcilier les finances publiques et la démocratie. La démocratie, c'est ça qui fait qu'on a un budget. C'est le compromis qui a fait qu'on a un budget. Et donc, on doit pouvoir, dans la même méthode, dans l'exécution de ce budget, dans sa mise en oeuvre, regarder ensemble, là où on en est, et si on a moins de recettes. Et si la croissance cale, et bien de prendre ensemble les décisions sur les dépenses.

SONIA MABROUK
Sur la défense, par exemple, Amélie de MONTCHALIN. Aujourd'hui, le budget de la défense, c'est 50 milliards. Il faudrait en réalité 100 milliards à partir de, disons, 2030. L'effort de défense est assurément indispensable. Mais quid, et je suis sûre que beaucoup de nos téléspectateurs et auditeurs se posent la question, quid de nos hôpitaux. Je pourrais vous citer tant et tant de domaines, aujourd'hui, qui ne peuvent pas bénéficier de cet effort de réarmement aussi, quelque part. Je sais que ce débat-là, volontairement, on ne peut pas le comparer.

AMELIE DE MONTCHALIN
Non, ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'un grand pays comme la France, heureusement, notre but, ce n'est pas qu'on ait à choisir entre des hôpitaux qui nous soignent et une armée qui nous protège. Ce serait absurde. Ce serait, au fond, d'acter que nous ne pouvons rien faire. Ce que j'ai à vous dire, c'est qu'avec Catherine VAUTRIN, la ministre du Travail et de la Santé, qu'est-ce qu'on fait ? On a pris trois chantiers. Le premier, c'est un chantier d'efficacité sur les médicaments. On peut acheter moins cher, on peut mieux négocier, on peut moins prescrire des médicaments inutiles. Ça nous fait gagner de l'argent. Le deuxième chantier, c'est notre financement. Est-ce qu'il est normal qu'aujourd'hui, toute la dépense de sécurité sociale maladie repose beaucoup, encore beaucoup trop, sur les seuls actifs, moins de pouvoir d'achat, moins de compétitivité ?

SONIA MABROUK
Dans votre question, il y a déjà la réponse. Non, ce n'est pas normal à vous entendre.

AMELIE DE MONTCHALIN
La fraude, c'est 3 milliards d'euros sur la fraude sociale qui ont été récupérés en 2020. Et avec le Premier ministre, évidemment qu'on va regarder tous les sujets.

SONIA MABROUK
La dépense sociale ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Tous les sujets.

SONIA MABROUK
La dépense sociale, c'est un vrai sujet ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Dans la dépense sociale, il y a des choses qui sont essentielles. Il y a des choses qui sont prioritaires. Il y a des choses qu'il faut évidemment, d'ailleurs, sur lesquelles on continue à investir.

SONIA MABROUK
La France est le pays de l'une union européenne où la dépense publique est la plus élevée par rapport aux PIB.

AMELIE DE MONTCHALIN
Et c'est pour ça que le Premier ministre a demandé de manière inédite à tous les ministres de nous faire une revue de nos missions, quelles sont nos priorités et qu'on sorte de la construction du budget par l'habitude. Vous savez, on prend le budget de l'année dernière, on y rajoute l'inflation et ça fait le budget. Ou on prend le budget de l'année dernière, on y rajoute des nouvelles priorités et on ne retire jamais les priorités qui étaient là avant et qui peut-être n'ont plus lieu à y être. C'est du bon sens. C'est difficile. Le Premier ministre nous y a engagés d'y commencer dès le vote du budget. On n'a pas attendu, vous voyez, en se reposant le printemps, puis l'été. On va faire un effort inédit parce que derrière, c'est notre souveraineté financière.

SONIA MABROUK
On, c'est-à-dire les Français ?

AMELIE DE MONTCHALIN
Nous, les ministres, et avec les Français. Vous avez bien raison, parce que ces choix-là, on ne peut pas les faire de manière cachée. On va faire une grande opération dans les prochaines semaines, je vous l'annoncerai, une opération transparence.

SONIA MABROUK
Eh bien, on vous suivra.

AMELIE DE MONTCHALIN
Nos impôts, nos dépenses, la situation soit partagée et qu'on fasse les choix ensemble, de manière démocratique et de manière transparente.

SONIA MABROUK
Je voudrais conclure, Amélie de MONTCHALIN, pour faire réagir à la manière avec laquelle a réagi justement Jean-Luc MELENCHON à la question sur les affiches à caractère antisémite de Cyril HANOUNA. Il a hurlé aux journalistes, " Ça suffit, ça suffit maintenant ". De quoi une telle réaction est-elle révélateur, selon vous ?

AMELIE DE MONTCHALIN
C'est une très grande fébrilité, et je pense au fond d'un très grand malaise avec ce qu'est la démocratie. La démocratie, c'est la contradiction. La démocratie, c'est être capable de se mettre d'accord sur l'essentiel et notamment sur le fait que l'antisémitisme et ses relents n'ont aucune place dans notre pays. Donc, ce que je vois, moi, c'est qu'il y a des gens qui cherchent à nous diviser, à tout opposer, à tout conflictualiser. Ce n'est pas ma conception, ni du débat, ni de la démocratie, ni du respect qu'on vous doit à vous, journalistes. Vous nous posez des questions pas toujours faciles, mais parce que vous nous posez des questions pas toujours faciles, on doit aux Français de rendre compte, on doit aux Français d'être clairs sur ce qu'on veut faire et probablement pas, et je n'aime jamais, de trouver que c'est dans l'invective et dans la violence qu'on va trouver une solution à notre pays, dans ces situations qui nous demandent tous des efforts, mais tous aussi du calme et d'être à la hauteur de nos fonctions.

SONIA MABROUK
Eh bien, merci pour ce respect mutuel. Merci Amélie de MONTCHALIN, c'est votre grande interview. Bonne journée, à bientôt.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 mars 2025