Entretien de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, avec TV5 Monde le 20 mars 2025, sur la guerre en Ukraine, la situation au Liban, le conflit à Gaza, la Syrie, les tensions commerciales avec les États-Unis, les relations avec l'Algérie et les questions africaines.

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Média : TV5

Texte intégral

Q - Bonjour à tous et bienvenue sur le plateau de "Face aux territoires" sur TV5 Monde. Aujourd'hui, mon invité, c'est Jean-Noël Barrot. Bonjour.

R - Bonjour.

Q - Merci d'être avec nous, Jean-Noël Barrot. Vous êtes ministre de l'Europe et des affaires étrangères. C'est important, on met toujours l'Europe avant affaires étrangères, j'imagine, pour montrer que c'est une préoccupation des plus importantes. On parlera de beaucoup de sujets, évidemment, dans cette émission en direct pendant une heure avec vous. Je dois signaler qu'elle est également diffusée en flux direct sur TV 78, qui est la chaîne des Yvelines, dont vous avez été...

R - Mon département

Q - ... député - absolument, votre département. Et donc, ils sont avec nous tout au long de cette émission. Jean-Noël Barrot, une première question. Vous avez tweeté il y a quelques heures la libération d'un otage français. Olivier Grondeau, 34 ans, détenu depuis 2022, accusé d'espionnage. Il était parti faire un tour du monde. Il avait été condamné à une peine de prison, de cinq ans de prison, je crois. Qu'est-ce que pouvez-vous nous dire de la libération de cet otage français qui est intervenu, je crois, cette nuit ou qui arrive ?

R - Merci d'abord pour votre invitation. C'est un sujet sur lequel j'aurai l'occasion de m'exprimer un peu plus tard dans la journée.

Q - Très bien. Il y a des problématiques de sécurité, j'imagine, qui restent présentes, à l'occasion de cette libération ?

R - Toutes ces libérations sur lesquelles nous sommes mobilisés impliquent un certain nombre de précautions, effectivement.

Q - Jean-Noël Barrot, le ministre des affaires étrangères, est notre invité aujourd'hui dans "Face aux territoires" sur TV5 Monde, en direct. 1.121e jour de guerre en Ukraine : le 23 septembre 2022, nous étions, nous, "Face aux territoires", les premiers à interviewer Volodymyr Zelensky à Kiev, dans ce bunker. Je voudrais que vous regardiez ça, Monsieur le Ministre.

(...)

Q - L'Ukraine peut-elle encore gagner cette guerre ? Ils étaient confiants dans leur victoire. Je rappelle la date, 23 septembre 2022.

R - D'abord, en regardant ces images, je veux saluer la bravoure et l'héroïsme de Volodymyr Zelensky et du peuple ukrainien qui, depuis plus de trois ans maintenant, résistent contre l'envahisseur russe. Et ce qui se joue en Ukraine, c'est bien évidemment l'avenir de ce pays, dont Volodymyr Zelensky défend la souveraineté et l'indépendance. Mais ça va bien au-delà. C'est la sécurité européenne, mais c'est aussi, d'une certaine manière, l'ordre international fondé sur le droit et la question de savoir si, oui ou non, la loi du plus fort va s'imposer en Ukraine et ailleurs.

Q - Ils peuvent encore gagner, selon vous ?

R - La question, c'est évidemment que l'Ukraine ne soit pas en situation de capituler. C'est la raison pour laquelle, depuis trois ans et sans relâche, nous avons soutenu les Ukrainiens...

Q - Gagner, c'est ne pas capituler ? Est-ce que c'est un concept ?

R - Quand vous présentez les choses de cette manière-là, ça pourrait donner le sentiment que l'Ukraine est entrée en guerre avec l'un de ses voisins. Ce n'est pas du tout la situation. La situation, c'est celle de la Russie de Vladimir Poutine qui a lancé une guerre d'invasion contre l'Ukraine. Et ce sont des Ukrainiens qui, courageusement, résistent contre l'envahisseur qui, de fait, depuis trois ans, a échoué à atteindre l'objectif qu'il s'était fixé, c'est-à-dire de faire capituler l'Ukraine en moins de trois semaines seulement.

Q - Il a pris une dimension exceptionnelle, Volodymyr Zelensky, à l'occasion de cette guerre et de la manière dont il a mené les choses, selon le regard du ministre des affaires étrangères français ?

R - Je crois que c'est d'abord aux Ukrainiens qu'il faut le demander, et ils ont répondu de manière très nette lorsque le Parlement ukrainien, il y a quelques semaines seulement, a réaffirmé que Volodymyr Zelensky avait la pleine légitimité pour présider aux destinées de son peuple.

Q - Alors je vous pose cette question parce que les Américains, notamment Donald Trump et le vice-président J.D. Vance, remettaient en question ce leadership de Volodymyr Zelensky. La France, elle, par la voix de son ministre des affaires étrangères, considère qu'il reste et sera l'interlocuteur de la suite ?

R - Evidemment, il est pleinement légitime. Il a pris cette légitimité auprès du peuple ukrainien, au travers de ses représentants de la Rada. Et il est évidemment, après avoir mené pendant trois ans son pays et son peuple dans cette guerre de résistance contre l'envahisseur, je dirais, le mieux placé pour négocier un traité de paix en bonne et due forme avec la Russie qui éloignera définitivement la menace.

Q - C'est Jean-Noël Barrot, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est notre invité ce matin, dans "Face aux territoires", sur TV5 Monde, avec, vous le savez, en partenariat et en coproduction avec la presse quotidienne régionale. Dans un instant, donc, Stéphane Vernet, de Ouest-France, sur ce plateau. Bonjour Stéphane Vernet.

Q - Bonjour. L'Ukraine, j'avais une première question à vous poser concernant l'Ukraine. Le président Zelensky et le président Trump se sont parlé hier au téléphone. Apparemment, ça se passe beaucoup mieux entre eux. Pourtant, tout n'est pas clair. Que propose vraiment Donald Trump ? Une protection américaine de toutes les installations électriques ukrainiennes, ce qu'a compris Volodymyr Zelensky ou juste de la centrale nucléaire de Zaporijia ?

R - C'est l'objet des discussions que nous avons au niveau du Président de la République et au mien, avec nos interlocuteurs ukrainiens et américains, puisque vous avez vu que ces dernières semaines, nous avons joué un rôle de facilitateur pour que, suite à l'incident très regrettable du Bureau ovale à la Maison-Blanche, que les liens puissent être renoués. Puisque nous considérons que les Etats-Unis de Donald Trump, ayant exprimé leur intention de conduire cette guerre d'agression vers une fin définitive, eh bien que nous sommes bien placés pour faciliter ces discussions. Ce que je constate en revanche, c'est qu'aujourd'hui, le seul obstacle à la paix, c'est Vladimir Poutine qui, lorsqu'il s'est entretenu un peu plus tôt cette semaine avec le président Trump, a semblé signaler qu'il était prêt à ce qu'on pourrait appeler une demi-trêve sur les infrastructures énergétiques, mais qui, le soir même, a bombardé l'Ukraine avec toute la force de ses drones et de ses missiles.

Q - Est-ce que la France continue à plaider pour un cessez-le-feu de 30 jours dans les airs, sur les mers et toutes les installations électriques ? Pourquoi est-ce qu'il n'est pas pleinement question de ça aujourd'hui ?

R - Nous avons non seulement plaidé pour une trêve dans les airs, en mer et sur les infrastructures énergétiques parce que c'était vérifiable. Mais cette proposition a été retenue par les Ukrainiens qui, lorsqu'ils ont rencontré les équipes de négociations américaines la semaine dernière en Arabie saoudite, ont posé cette proposition sur la table. Les Américains ont demandé...

Q - À ce stade, ils n'en prennent qu'un petit bout.

R - Non, les Américains ont demandé aux Ukrainiens d'aller un peu plus loin et de consentir à une trêve qui concernerait l'ensemble des champs de la conflictualité, y compris les combats sur le terrain ; ce à quoi, et il faut le leur reconnaître, c'est vraiment majeur et ça a, je pense, été un peu sous-estimé, les Ukrainiens ont consenti. C'est-à-dire que les Ukrainiens ont accepté une formule de cessez-le-feu qui est pour eux un vrai compromis en direction de la paix.

Q - C'est ce que vous disiez tout à l'heure, ce sont les Russes qui bloquent pour l'instant.

R - Aujourd'hui, ce sont les Russes.

Q - Et c'est mesurable, Jean-Noël Barrot ? Ce sont les Américains qui vont mesurer ça ? Ou est-ce qu'on aura des moyens de voir si c'est vrai ou pas ?

R - Justement.

Q - C'est une vraie question !

R - Justement. Nous avions formulé une proposition qui était facilement mesurable.

Q - Par nous, pas par les Américains ?

R - Par quiconque, si je puis dire. Parce que si vous parlez des airs, des mers et des infrastructures énergétiques, c'est plus facile, si l'on peut dire, de mesurer s'il y a des franchissements que si vous parlez de la ligne de contact sur le terrain qui fait 1.300 km de long. Les Américains ont souhaité aller plus loin parce qu'ils voulaient que ce cessez-le-feu, qui est un préalable à une négociation de paix en bonne et due forme, témoigne de la bonne foi des deux parties. Les Ukrainiens ont accepté, c'est le gage de leur bonne foi. Les Russes l'ont refusé.

Q - Les Russes et les Américains se retrouvent en Arabie saoudite dimanche pour négocier. À ce stade, il n'est toujours pas question que les Ukrainiens ou les Européens aient une place à la table des négociations. Est-ce qu'à un moment, forcément, ça viendra ?

R - Alors d'abord, je souhaite pour ma part que les Ukrainiens et éventuellement les Européens puissent être associés d'une manière ou d'une autre aux discussions, puisqu'on voit bien que progressivement, la conversation, ou en tout cas la négociation, converge sur les paramètres d'un cessez-le-feu. Et c'est très bien. Dès qu'un accord sur le cessez-le-feu aura été conclu, il faudra que les Européens puissent entrer pleinement dans la discussion, et je le dis, le Président de la République l'a dit lui aussi, y compris avec la Russie, pour préparer les termes d'un accord de paix en bonne et due forme qui garantisse que les hostilités seront définitivement terminées.

Q - À ce stade, si Donald Trump et Vladimir Poutine parvenaient à un deal particulièrement défavorable aux Ukrainiens, est-ce que nous aurions vraiment les moyens de nous y opposer ? Si les Américains disent "c'est à prendre ou à laisser, vous signez, ou on coupe toutes les aides militaires", on fait quoi ?

R - Je crois qu'il faut poser la question aux Ukrainiens, qui ont fait la preuve de leur bonne foi en acceptant un cessez-le-feu sans condition la semaine dernière en Arabie saoudite. Un cessez-le-feu préalable à des négociations de paix. Si on leur propose une capitulation, pensez-vous vraiment qu'après trois ans de combat courageux qui a tant coûté à l'Ukraine, ils déposeraient les armes ? À mon avis, ils ne l'accepteront pas.

Q - Jean-Noël Barrot, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, est notre invité ce matin dans "Face aux territoires" sur TV5 Monde. C'est le principe de cette émission. Nous partons à Marseille. Olivier Biscaye, qui est directeur de la rédaction de La Provence, partenaire de cette émission, a une question à vous poser depuis Marseille.

Q - Monsieur le Ministre, bonjour. Croyez-vous que la paix reviendra au Liban, comme l'affirme, comme l'espère le chef de la FINUL, Aroldo Lázaro ?

R - Bonjour et merci pour votre question. D'abord, il y a quatre mois encore, le Liban était plongé dans une guerre qui le menaçait d'effondrement. Grâce à la mobilisation de la diplomatie française, aux côtés de la diplomatie américaine, nous avons obtenu d'abord un cessez-le-feu, puis nous avons facilité l'élection d'un président pour le Liban, qui n'en avait pas depuis plus de deux ans. Puis la nomination d'un Premier ministre. Et aujourd'hui, un nouvel espoir est né au Liban, que nous voulons accompagner. Est-ce que tous les problèmes sont résolus ? Pas tout à fait. Il reste, même si les troupes israéliennes se sont presque intégralement retirées du Liban une présence au sud du pays. Le travail de désarmement du sud du Liban, en particulier du Hezbollah, n'est pas tout à fait terminé. Mais par rapport à la situation qu'on connaissait il y a quatre mois, bien évidemment, c'est un pays totalement différent que nous avons réussi à faire émerger.

Q - On parle du Liban, il y a aussi à Gaza, en fait, avec la reprise de bombardements terrifiants. Comment se positionne la France ? Qu'est-ce qu'on peut faire pour arrêter ce conflit ?

R - Le Président de la République l'a dit hier, la reprise de la guerre à Gaza est dramatique : dramatique pour les populations civiles, dramatique pour les familles israéliennes qui attendent désespérément le retour des otages du Hamas. Il faut donc que les deux parties, Israël et le Hamas, s'en tiennent aux termes du cessez-le-feu que Donald Trump, en arrivant, avait accéléré, et entre dans la phase 2 de ce cessez-le-feu qui avait été convenue par les parties, qui doit déboucher sur un plan pour l'avenir immédiat de Gaza, sur lequel ont travaillé les pays arabes que nous soutenons dans leurs efforts, pour la sécurité, pour la reconstruction et puis pour la gouvernance de Gaza qui, évidemment, ne devra en aucun cas intégrer le Hamas.

Q - J'ai une autre question concernant la région. Lundi, la Commission européenne a annoncé l'octroi d'une aide de 2,5 milliards à la Syrie sur deux ans. Pourquoi soutenir le nouveau régime après les massacres de civils qui ont eu lieu dans le nord-ouest du pays ?

R - Si nous avons repris des échanges avec la Syrie, après la chute du régime de Bachar al-Assad...

Q - Et le président viendra-t-il à Paris, le président syrien, le nouveau ?

R - Je ne sais pas. Ça n'est pas prévu à ce stade.

Q - On avait parlé d'une invitation.

R - Ça n'est pas prévu à ce stade. Mais si nous soutenons ou si nous avons réengagé le dialogue avec la Syrie, après la chute du régime de Bachar al-Assad, c'est parce que sous l'empire de Bachar al-Assad et sous son régime criminel, des attentats terroristes ont été fomentés en Syrie et ont touché le territoire national ; et qu'à la chute de ce régime, Daech, que nous avons combattu depuis 10 ans avec nos alliés internationaux, mais aussi locaux, les Kurdes en particulier, menace de se reconstituer et de menacer une nouvelle fois le territoire national. Et donc, nous ne pouvions pas détourner le regard, nous ne pouvions pas enfouir notre tête dans le sable. C'est pourquoi j'y suis allé, pour ma part, et c'est pourquoi nous entretenons un dialogue très exigeant avec les autorités sur place, pour que l'avenir de la Syrie ne laisse aucune place à une résurgence de Daech.

Q - Alors une Une de la Provence d'abord, puisque Olivier Biscaye était à Marseille, notre partenaire. On la voit derrière vous, c'est une Une locale bien sûr. Et puis la Une de Ouest-France. Stéphane Vernet, vous êtes éditorialiste politique à Ouest-France.

Q - On parle des municipales, "La France déjà en campagne", puisqu'on est à un an des municipales. On avait parlé hier du Livre blanc sur la défense européenne et du réarmement. Il y a un Conseil européen qui va durer deux jours, aujourd'hui, à Bruxelles. Quels sont les enjeux, rapidement ? La France souhaite qu'il y ait un grand emprunt autour de la défense. Ça, ce n'est pas à l'ordre du jour. Par contre, la question d'acheter européen pour se réarmer, ça c'est quelque chose qui est proposé par la France et qui va être discuté aujourd'hui et demain ?

R - Exactement. Et ce n'est pas sans lien avec la vie de nos territoires, la vie de nos communes et les élections municipales l'année prochaine. Puisque ce qui va se passer jeudi et vendredi, aujourd'hui et demain à Bruxelles, c'est la cristallisation de ce réveil stratégique de l'Europe en matière de défense, l'accord qui va se confirmer sur les paramètres financiers, la dimension financière de ce que l'Europe va mettre sur la table. La présidente de la Commission européenne a parlé des 800 milliards d'euros la semaine dernière. Ce qui importe pour nous, et ce que dira le Président de la République, c'est que nous n'acceptons pas que l'argent des contribuables européens aille financer l'industrie de défense d'autres régions du monde ou d'autres pays du monde.

Q - On arrête d'acheter américain.

R - Pas seulement américain. C'est vrai que deux tiers de l'approvisionnement des armées européennes ces dernières années a été fait aux États-Unis. Mais nous devons le rapatrier en Europe. C'est une question d'indépendance et c'est aussi une question d'attractivité et d'économie de nos territoires.

Q - C'est aussi pour ça que vous êtes ministre de l'Europe et ensuite des affaires étrangères ?

R - Bien sûr.

Q - Ça fait partie, quoi ? D'un signe qu'on veut donner ?

R - Je crois que c'est le Président de la République le premier, qui a ajouté le terme d'Europe à celui plus traditionnel des affaires étrangères. Ça témoigne de notre très fort engagement européen et de notre conviction que c'est au niveau européen que certains sujets, et en particulier celui de la sécurité, seront traités de manière la plus efficace au service des Françaises et des Français.

Q - C'est donc Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est notre invité en direct dans "Face aux territoires", si vous nous rejoignez. Dans un instant, Tom Benoit, Géostratégie Magazine. Merci Stéphane Vernet. Bonjour, Tom Benoit. On va parler de taxes et de droits de douane avec Jean-Noël Barrot.

Q - Absolument. Bonjour, Monsieur le Ministre. J'ai entendu un bruit qui court, pour ainsi dire. La Commission européenne pourrait taxer les produits de beauté en provenance des États-Unis. Pour le moment, les droits de douane sur les produits de beauté entre l'UE et les États-Unis sont quasiment à zéro. Alors ma question, elle est très simple. Si l'UE annonce taxer les produits de beauté, est-ce que Donald Trump ne va pas arriver en nous disant : "Moi, je les taxe encore plus et je taxe les cosmétiques", qui sont quand même le second pôle d'exportation de notre pays, la France, les produits cosmétiques ?

R - La réponse, elle est très simple. Personne n'a intérêt à une guerre commerciale, ni les Etats-Unis, ni l'Europe. Et ne comptez pas sur l'Europe pour porter le premier coup. Ça ne sera jamais le cas. Mais si nos intérêts sont menacés par des guerres commerciales, qu'elles soient provoquées par les États-Unis ou par d'autres, eh bien nous répliquerons. Nous l'avons fait lors du premier mandat de Donald Trump. Nous le ferons à nouveau.

Q - Et alors on réplique sur un autre secteur, pour ainsi dire, puisque les droits de douane, pour le moment, ce n'est pas sur les produits cosmétiques. On parle d'acier, le métal, le vin, par exemple.

R - Nous choisissons, plus précisément la Commission européenne choisit les mesures de représailles pour maximiser l'impact sur le pays ou la région qui porte atteinte à nos intérêts et pour minimiser l'impact sur nos propres filières. En tout cas, c'est ce qu'on lui demande de faire.

Q - Question subsidiaire. Je me mets dans la position de LVMH par exemple, ou Kering, tous ces groupes de luxe qui sont de gros exportateurs de cosmétiques. Est-ce qu'il ne va pas leur venir la petite idée, un peu comme la CMA CGM par exemple, qui s'est engagé à investir 20 milliards sur les quatre prochaines années et créer 10.000 emplois aux Etats-Unis, de dire : "On va peut-être ouvrir quelques usines au Texas, en Californie..."

R - Quelques filiales américaines, vous voulez dire.

Q - Quelques filiales américaines, quelques usines surtout, pour produire directement aux USA. Est-ce que ce n'est pas ce qui va se produire ? Peut-être silencieusement même.

R - Moi, ce que je crois, c'est que nous parviendrons par la conviction et, si écessaire, par la dissuasion à une désescalade. Et comme ça a été le cas par le passé avec les États-Unis...

Q - On peut imaginer que Donald Trump diminue drastiquement, finalement, les droits de douane avec l'Union européenne et abandonne un petit peu son plan de remplacer l'impôt sur le revenu aux États-Unis par les droits de douane ? Parce que c'est ça, la grande idée de Trump.

R - En tout cas, on peut espérer, souhaiter, dans l'intérêt des Américains, que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe n'ait pas lieu. Un peu comme la guerre de Troyes, vous voyez. Pourquoi ? Parce que, qui sont les premières victimes de cette guerre commerciale ? Je dirais que c'est l'inverse. C'est-à-dire que c'est les entreprises américaines, qui sont très nombreuses en Europe, dans nos territoires, qui font travailler beaucoup de Françaises et de Français, qui vont être pénalisées, puisqu'elles payeront plus cher le ré-export de leur production vers les États-Unis. Et puis les deuxièmes victimes, c'est évidemment les classes moyennes américaines qui vont payer plus cher leur panier de consommation.

Q - Une petite question personnelle. Vous connaissez Marco Rubio, votre homologue, le secrétaire d'État ? Le secrétaire d'État, je rappelle aux téléspectateurs, c'est le ministre des affaires étrangères américain. Vous le connaissez ?

R - Bien sûr.

Q - Vous l'avez rencontré. Il est comment ? Parce qu'il a l'air... Pas plus timoré, mais on l'a vu dans l'échange avec Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche, il était moins présent. Vous parlez avec lui ? Il y a un dialogue ouvert ?

R - Absolument. C'est un grand expert des affaires internationales. Ce n'est pas tout à fait lui qui s'occupe des sujets commerciaux, mais sur les affaires internationales, il y a travaillé beaucoup comme sénateur, membre de la commission des affaires étrangères. Il connaît parfaitement l'articulation entre les grandes crises du monde. Et il est, de ce point de vue-là, un conseiller très précieux pour Donald Trump.

Q - On va passer à l'industrie de la défense et le financement européen. Alors j'ai entendu parler de SAFE, Security Action for Europe. 150 milliards apparemment qui seraient levés sur les marchés financiers par la Commission européenne directement, et qui reprêterait, sans faire de marge, on l'imagine, ou simplement les frais de gestion, aux Etats. Quelle est la différence entre les 800 milliards qui ont été annoncés par Ursula von der Leyen et les 150 milliards de SAFE ? C'est-à-dire que les Etats vont s'endetter directement pour 600 milliards, à peu près, tous les Etats européens, et l'Union européenne va s'endetter à hauteur de 150 milliards pour prêter aux Etats ? C'est à peu près ça le ratio ?

R - Ce que la Commission a mis sur la table, c'est effectivement ces 150 milliards qu'elle va emprunter au nom des Etats membres qui le souhaitent.

Q - Au nom de l'UE ? Non, finalement, au nom de la Commission européenne.

R - Au nom de l'Union européenne et au profit des Etats membres qui le souhaitent. Ensuite, ce qu'elle a dit, c'est : "Je vais assouplir les règles comptables, les règles budgétaires qui s'imposent aux Etats membres en disant que s'ils consacrent plus d'argent à leur défense, je ne leur en tiendrai pas rigueur pour le décompte des règles des 3% de déficit."

Q - Absolument.

R - Et donc, en additionnant ces 150 milliards d'un côté, qu'elle va donc emprunter, et de l'autre, ce qu'elle anticipe que les États membres vont faire pour bénéficier de cette flexibilité...

Q - On arrive aux 800 milliards.

R - On arrive aux 800 milliards. Et nous, ce que nous voulons, c'est d'aller plus loin. C'est d'aller plus loin avec non pas un emprunt que la Commission ferait au profit des Etats membres, mais un emprunt comme nous l'avons eu pendant la période de la Covid, qui est un emprunt purement européen.

Q - SAFE, ça va être ça. Les 150 milliards, ça va être un emprunt purement européen. Mais question subsidiaire.

R - Non, pas tout à fait. C'est un emprunt que la Commission va lever et les États membres resteront débiteurs de la Commission européenne, ceux qui l'activent. Ce qui n'était pas le cas pour le Covid.

Q - Ce qui n'était pas le cas pour le Covid. Question : pour le moment, les revenus de la Commission européenne, c'est les droits de douane, c'est la contribution des Etats membres...

R - Le Président de la République a parlé, pour financer ces emprunts, de la taxe sur les services numériques.

Q - Si la Commission s'endette davantage, sa notation par les agences risque d'être abaissée si elle ne trouve pas de nouveaux moyens, finalement, de lever l'imposition, on va dire ?

R - Je viens de vous répondre. Le Président de la République a parlé comme ressource pour soutenir ses emprunts de la taxe sur les services numériques.

Q - La Une de Géostratégie Magazine, Tom Benoit. Est-ce que vous avez des lingots d'or, Monsieur le Ministre ?

R - Je ne crois pas, mais je vais vérifier.

Q - Est-ce qu'il faut en avoir en réserve ?

Q - Vous ne croyez pas, on le sait généralement, si on en a.

R - Ah, à titre personnel ? Non, pas du tout.

Q - Parce que je vois que quand tout vacille, l'or s'impose.

Q - Oui, quand tout vacille, l'or s'impose : plus de 3.000 dollars pour l'once d'or qui n'en finit pas de monter.

Q - Incroyable, valeur refuge finalement.

Q - Valeur refuge, les marchés financiers qui vacillent aux États-Unis et l'Europe qui se porte plutôt bien par contre. - Absolument. J'ai d'ailleurs fait le calcul. - Personne n'y croyait.

R - Absolument. Et là, le moment en tout cas, pour ceux qui ont investi dans les marchés européens il y a 6 mois...

Q - Et l'industrie de défense.

R - Alors là, ils ont fait des rendements...

Q - Et vous savez, juste un dernier point, que l'État a gagné beaucoup d'argent justement parce qu'il avait beaucoup de part dans les valeurs de la défense.

Q - Merci Tom Benoît, directeur de la rédaction de Géostrategie Magazine.

Q - Merci à vous.

Q - Vous restez avec moi. On part, c'est la tradition de cette émission, Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à Lyon. C'est le groupe EBRA, co-producteur de cette émission, qui est à Lyon, c'est Jean-Didier Derhy, qui est le rédacteur en chef adjoint du Progrès de Lyon. Vous connaissez bien cette région d'ailleurs, pour d'autres raisons. On l'écoute, Jean-Didier Derhy à Lyon.

Q - Monsieur Barrot, bonjour. L'entreprise Fermob, qui est basée dans l'Ain et qui est spécialisée dans la conception et la fabrication de mobiliers de jardin, a pris une décision stratégique. C'est-à-dire qu'elle a choisi d'augmenter son stock auxÉtats-Unis, et elle prévoit de travailler avec un partenaire local en prévision d'éventuelles taxes. Qu'est-ce que vous pouvez aujourd'hui nous dire pour assurer les entreprises qui travaillent avec les États-Unis ?

Q - Le ministre VRP aussi.

R - Oui ! Que nous allons tout faire, et c'est l'objet des discussions très fréquentes que nous avons, et notamment mes collègues, ministre de l'économie, mon ministre délégué, Laurent Saint-Matin, chargé du commerce extérieur, avec leurs homologues américains, pour faire redescendre la pression et que chacun s'aperçoive que nous n'avons aucun intérêt, les États-Unis et l'Europe, à entrer en guerre commerciale. Au contraire, dans un moment où les tensions commerciales, c'est vrai, se ravivent un peu partout dans le monde, nous avons plutôt intérêt, si je puis dire, à réduire nos barrières commerciales de manière à ce que nos entreprises puissent bénéficier des capacités ou des possibilités offertes par nos marchés respectifs. C'est dans cet esprit-là que nous travaillons. Et je le redis, si nous ne parvenions pas à convaincre les autorités américaines du bien-fondé de ce diagnostic, alors nous avons des instruments de dissuasion qui étaient déjà puissants lors du premier mandat de Donald Trump, et qui sont devenus beaucoup plus puissants, puisque nous avons notamment un instrument qui s'appelle l'instrument anti-coercition, qui permet, lorsque nos intérêts sont atteints, à la Commission européenne de faire appel à une très vaste palette d'outils, de répliques et de représailles.

Q - Clairement, on est en guerre commerciale ? C'est la guerre du XXIe siècle ?

R - Je ne le crois pas, je pense qu'on peut l'éviter. Je pense qu'on peut l'éviter et je pense que nous ne sommes pas les seuls, nous, Européens, à considérer que même si la mondialisation débridée, dérégulée n'a sans doute pas produit que des effets positifs, bien au contraire, qu'il y a des mérites à avoir un commerce international qui soit régulé mais qui reste ouvert. Et c'est pourquoi je pense qu'avec d'autres régions du monde, je pense à l'Asie du Sud-Est par exemple, où je me rendrai dans quelques jours, il y aura des résistances à cette tentation de la guerre commerciale à tout va.

Q - Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, est notre invité dans "Face aux territoires", si vous nous rejoignez. Les Unes du Progrès de Lyon, et puis de JSL, qui est le Journal de Saône-et-Loire. Et puis exceptionnellement, dans ce même groupe, partenaire de cette émission, le groupe EBRA, Le Bien Public, parce que demain, vous êtes à Dijon, en Côte d'Or. Qu'est-ce que vous allez faire en Côte d'Or ? Vous partez à Singapour, à Pékin, la semaine prochaine, et vous êtes en Côte d'Or demain ?

R - Je vais rencontrer les Dijonaises et les Dijonais pour leur mettre les cartes en main. Parce que les affaires étrangères, c'est l'affaire de toutes et tous. Peut-être que jamais, dans notre histoire récente, les affaires étrangères n'ont eu autant d'impact sur la vie quotidienne, sur la vie de nos territoires. Et donc l'objectif, c'est bien, dans un moment où on voudrait opposer aux consciences la loi du plus fort et un retour de la violence, les armes de l'esprit. C'est tout l'objet des rencontres que j'aurai demain avec les élus engagés dans la coopération, dans les jumelages, avec les étudiants de Sciences Po ou encore avec les lecteurs de la presse quotidienne régionale.

Q - Demain, Le Bien Public, Jean-Noël Barrot sera à Dijon. Dans un instant - merci Tom Benoit, directeur de la rédaction de Géostratégie Magazine -, on part en duplex et en direct de Nice, où Denis Carreaux nous attend. Bonjour Denis Carreaux. Alors vous, vous avez une frontière avec l'Italie.

Q - Absolument. Bonjour Jean-Noël Barrot. Un mot sur la coopération franco-italienne. Vous avez rencontré, il y a un mois à Nice, votre homologue italien, notamment sur la question des tunnels. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus sur l'ouverture du deuxième tube du tunnel du Fréjus ? Et également, et ça nous concerne beaucoup ici, sur la réouverture du tunnel de Tende. Elle est prévue pour le mois de juin. Or, visiblement, il y a pas mal de retards de travaux côté italien. Est-ce que cette échéance pourrait être tenue ?

R - Nous sommes convenus, lorsque nous nous sommes rencontrés à Nice, où j'étais aux côtés de mon collègue Philippe Tabarot, ministre des transports...

Q - Qui était notre invité il y a 15 jours sur ce plateau.

R - ... - et local de l'étape, si je puis dire -, nous sommes convenus avec les Italiens que les travaux avancent de manière synchronisée et que les ouvertures puissent se faire au même horizon. Philippe Tabarot, mon collègue des transports, m'a fait état des retards que vous soulevez. Et j'ai profité de ma rencontre avec Antonio Tajani, le ministre des affaires étrangères italien, la semaine dernière, pour lui demander de tenir sa part du contrat.

Q - Denis Carreaux, sur l'Algérie aussi.

Q - Oui, Jean-Noël Barrot, l'Algérie a refusé lundi la liste de noms d'une soixantaine d'Algériens que la France souhaite expulser. Cet épisode a fait monter d'un cran supplémentaire la tension entre la France et l'Algérie. Est-ce que nous sommes au bord de la rupture avec l'Algérie ? Et est-ce qu'il faut, comme l'envisage Bruno Retailleau, remettre en cause les accords de 1968 ?

R - Nous voulons une relation équilibrée et constructive avec l'Algérie, mais pour ça, il faut être deux, ça ne se décrète pas. Et ce n'est pas la France qui a refusé de réadmettre sur son sol des ressortissants en situation irrégulière, avec les conséquences dramatiques qu'on a connues encore dernièrement à Mulhouse. Ces tensions, nous n'en sommes pas à l'origine. Nous n'avons pas intérêt à ce qu'elles s'installent dans la durée, ni nous, ni les Algériens. Et pour ce qui me concerne, l'objectif, c'est bien évidemment de faire en sorte que les Algériens en situation irrégulière puissent être renvoyés en Algérie, que notre compatriote Boualem Sansal puisse être libéré, et puis que nous puissions poursuivre la coopération en matière de renseignements de lutte contre le terrorisme, qui est essentiel avec l'Algérie si nous voulons protéger les Françaises et les Français.

Q - Et puis il y a un sujet sur la résidence de l'ambassadeur de France à Alger, qui est un monument, un bâtiment mauresque magnifique. Les Algériens voudraient le récupérer ? Vous avez vu cette affaire ? Il y a eu un certain nombre de papiers dans les journaux, notamment en Algérie, disant que les Algériens mettaient la pression sur la France à propos de ces bâtiments, je crois, diplomatiques.

R - Ce ne sont pas les messages que j'ai reçus par les voies diplomatiques à ce stade.

Q - Dites-moi, on vous a senti un peu timoré dans ces positionnements politique de Bruno Retailleau, Gérald Darmanin sur l'Algérie, etc. Vous faites partie de ceux qui prônent un dialogue face à des ministres qui n'en veulent plus. C'est possible, dans un Gouvernement, qu'il y ait des sensibilités aussi différentes sur des sujets aussi forts ?

R - Mais cher Monsieur, d'abord chacun est dans son rôle. Ensuite, si vous reprochez aux diplomates français d'être timorés, vous ne pouvez pas en même temps vous féliciter lorsque, vous y avez fait référence tout à l'heure, il libère certains de nos compatriotes qui sont détenus arbitrairement ou otages à l'étranger.

Q - Donc vous êtes dans votre rôle, ils sont dans le leur en gros, c'est ça que vous me dites ?

R - Non, je vous dis que qualifier de timorée l'attitude des diplomates français, c'est faire une grossière erreur sur la manière dont nous travaillons. Notamment lorsque, si vous regardez les choses, vous vous apercevrez que la France n'hésite jamais à prendre des sanctions très lourdes et à en proposer au niveau européen lorsque nous considérons qu'elles sont prises à bon escient dans l'intérêt des Françaises et des Français.

Q - Jean-Noël Barrot est notre invité ce matin. Merci. Denis Carreaux, vous étiez en duplex en direct de Nice. Vous êtes directeur des rédactions de Nice-Matin, Var-Matin et Monaco-Matin. Et voici d'ailleurs la Une de Nice-Matin qu'on voit à l'écran. Et c'est ce séisme. Alors vous l'avez ressenti vous-même ? Je crois que c'était près de cinq points.

Q - Oui, effectivement, on l'a tous ressenti, nous, à Nice-Matin. L'immeuble a bien tremblé à 18h45, avec une autre secousse assez forte vers 22h30. Et au total, une vingtaine de répliques. Donc, doit-on trembler ? C'est la question que tout le monde se pose ici sur la Côte d'Azur où, on le sait, nous sommes très exposés au séisme.

Q - Merci Denis Carreaux. Dans un instant, Floréal Hernandez, rédacteur en chef de 20 Minutes est sur ce plateau. Bonjour Floréal Hernandez.

Q - Bonjour.

Q - Merci d'être avec nous. Comment expliquer cet enthousiasme des jeunes français pour l'armée ? J'ai vu un sondage surprenant sur les 18-30 ans dans 20 Minutes.

Q - Ils se remobilisent, effectivement. Le 10 mars, on a publié une enquête MoiJeune, un format qu'on fait régulièrement avec OpinionWay derrière en tant que sondeur. Et avant même l'allocution du Président de la République du 6 mars, trois quarts des sondés étaient favorables à une augmentation du budget de l'armée. C'est une bonne nouvelle pour Sébastien Lecornu ou pour Eric Lombard ?

R - Surtout pour Sébastien Lecornu, en l'occurrence ! Mais je vais vous dire, en vous écoutant, je me fais la réflexion que de la même manière que sur la question du défi du dérèglement climatique et de ses conséquences, c'est d'une certaine manière la jeunesse qui a participé à la prise de conscience. Eh bien je suis convaincu que sur le sursaut stratégique, le réveil stratégique dont nous avons besoin pour notre propre sécurité, c'est aussi la jeunesse qui contribuera assez largement à faire prendre conscience à l'ensemble du pays que ces défis sont majeurs.

Q - Justement, dans cette étude, un jeune sur deux, dont 37% des femmes, se dit prêt à s'engager dans l'armée en cas de conflit. Est-ce qu'il n'est pas là, le levier pour augmenter l'armée de réserves, les réservistes, comme le souhaite Sébastien Lecornu ? Il annonce qu'il aimerait atteindre 100.000 personnes. Est-ce qu'il y a des leviers à activer auprès de la jeunesse, ou peut-être même des carottes à mettre en jeu pour qu'ils viennent, ces réservistes ?

Q - Vous pensez à rehausser les soldes ?

Q - Peut-être, oui. Il y a des choses à faire.

R - En tout cas, l'annonce qui a été faite à la fois par le Président de la République et le ministre des armées d'un relèvement de la réserve à 100.000 personnes tombe à propos, puisqu'elle rencontre une aspiration d'une partie de la jeunesse qui souhaite, dans ce moment où, effectivement, notre indépendance est en jeu, d'une certaine manière se placer sous les drapeaux. Alors, tout ça, c'est évidemment beaucoup de travail. Je sais que le ministre des armées a demandé à ce que ça puisse être fait le plus rapidement possible, mais je considère que c'est une bonne chose. C'est une prise de conscience.

Q - Dans vos dialogues, en tant que ministre des affaires étrangères avec vos homologues, le poids de l'armée française, le professionnalisme de l'armée française souvent, ça compte ? On vous regarde différemment parce que vous êtes le ministre des affaires étrangères d'un pays qui a une armée, avec évidemment l'outil nucléaire, mais aussi une armée très professionnalisée ?

R - Une armée d'emplois, une armée qui a combattu ces dernières années, qui a versé d'ailleurs le sang au service de la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel notamment. Evidemment que ça compte. Et ça n'est d'ailleurs pas un hasard si, pour la première fois sans doute dans notre histoire, c'est à Paris qu'il y a quelques jours, les chefs d'état-major, les chefs des armées de la plupart des pays européens et des pays alliés de l'Ukraine se sont réunis pour réfléchir ensemble à la manière, le moment venu, une fois la paix conclue, de la garantir avec des capacités militaires ad hoc. Ça montre bien que la France est une référence dans le domaine militaire.

Q - On l'a lu ou entendu, Emmanuel Macron n'est pas favorable à un retour du service militaire. Dans cette étude MoiJeune, 32% disaient "pourquoi pas". Après, ce que disaient les sondeurs, c'est que c'est plus facile de dire "pourquoi pas" quand il n'y a pas la perspective que ça n'arrive. Vous, comme moi, on est de la même génération. Vous n'avez pas fait le service militaire, vous avez fait la journée citoyenne. Est-ce que vous auriez aimé le faire, vous, le service militaire ?

R - En tout cas, je pense qu'on a des marges d'amélioration pour offrir à la jeunesse qui souhaite participer, d'une manière ou d'une autre, à la vie de la Nation, de le faire. Et de ce point de vue-là, on vient de parler de la réserve, mais le ministre des armées a proposé aussi une réforme de cette fameuse journée pour qu'elle soit plus substantielle et qu'elle permette justement à la jeunesse, qui pour le coup y participe dans son ensemble, filles et garçons, toute une génération, qu'elle puisse prendre la mesure, ce jour-là, des enjeux, mais aussi des menaces qui guettent l'avenir de la Nation.

Q - Est-ce que ça passe aussi par cette refonte qu'appelle le Président de la République sur le SNU, le Service national universel ? Vous connaissez peut-être, vous, la date de quand il va proposer cette refonte, puisqu'il ne l'a pas dit à la presse régionale ce week-end ?

R - En tout cas, pour ma part, je suis allé il y a trois semaines à peu près dans mon département, dans ma circonscription à Satory, rencontrer les jeunes d'un séjour du Service national universel, qui étaient accueillis pendant une journée par les militaires français à Satory. J'ai pu mesurer à quel point ce format de formation, qui dure deux semaines, avait beaucoup de sens. Et s'il peut s'élargir, je pense que ça serait une bonne chose.

Q - Et dans la refonte, quels sont les besoins de la Nation ? Il parlait de besoins de la Nation, de priorités identifiées. Quels sont-ils aujourd'hui pour cette refonte du SNU ?

R - Je pense que c'est d'abord et avant toute chose la prise de conscience des priorités qui doivent être les nôtres dans un monde dans lequel nous entrons, dans lequel si nous voulons être indépendants, il nous faudra être plus forts.

Q - Est-ce que vous faites partie de ceux qui ont pu lire le guide de survie qui va être envoyé aux Français et aux Françaises ?

R - Qui est inspiré, si je puis dire, d'un guide suédois que j'avais moi-même remis au Premier ministre.

Q - Qu'est-ce qu'il y a dedans alors ? Vous savez mieux que nous ?

R - Je ne l'ai pas encore reçu pour ma part, mais je pense qu'il arrivera dans ma boîte aux lettres.

Q - Parce que Floréal l'attend avec impatience pour le décrypter pour ses lecteurs de 20 Minutes. C'est une chance pour la France - alors là, je parle au ministre de l'Europe et des affaires européennes - qu'elle ait cette dissuasion nucléaire et que les Etats-Unis montrent une forme de faiblesse de soutien ? Est-ce qu'on peut se repositionner, du fait que nous ayons le feu nucléaire et qu'on puisse entretenir une ambiguïté par rapport au moment où on pourrait le déployer vis-à-vis de la Russie ? C'est une force ? La France revient forte grâce à ça, grâce, au fond, au général de Gaulle ?

R - D'abord, au moment où les États-Unis accélèrent leurs expressions, à ce stade, sur le retrait, la diminution de leur niveau d'engagement dans l'OTAN, dans cette alliance qui garantit la sécurité de l'Europe et de l'Atlantique Nord, eh bien c'est une opportunité pour les Européens de prendre la place qui sera laissée, de développer leurs capacités et leurs visions. Ensuite, s'agissant de la dissuasion nucléaire, c'est évidemment un élément central, décisif de notre indépendance. Nous le devons à la vision du général de Gaulle, vision que tous ses successeurs, jusqu'au Président de la République aujourd'hui, ont veillé à préserver et même à consolider.

Q - On part, c'est le principe de cette émission, aux Antilles. On part à Fort-de-France, et c'est Cyril Boutier, directeur des rédactions du groupe France-Antilles, qui a une question à vous poser, Jean-Noël Barrot.

Q - Bonjour Jean-Noël Barrot. Quand on évoque les territoires d'outre-mer, on parle souvent du rayonnement qu'ils offrent à la France, et surtout de la position stratégique qu'ils occupent en différents points de la planète. Dans la situation géopolitique que vous avez évoquée, comment, selon vous, ces territoires doivent se positionner ? Je pense notamment aux Antilles et à la Guyane qui aujourd'hui sont à quelques encablures des États-Unis.

Q - On a même la chance d'avoir un territoire d'outre-mer sur le continent américain, la Guyane.

R - Absolument. Et grâce à nos territoires d'outre-mer, la France dispose du deuxième domaine maritime mondial, est présente sur les cinq continents, si bien que jamais le soleil ne se couche sur la France de l'Hexagone et des Outre-mer. Et dans la période dans laquelle nous entrons, où les questions de sécurité se posent, et elles ne se posent pas uniquement en Ukraine, elles se posent en mer de Chine, elles se posent en Afrique, elles se posent...

Q - Dans tous les océans où nous sommes présents ?

R - Dans tous les océans. La sécurité maritime va être un sujet majeur. Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République, lorsqu'il a fait ses voeux, présenté ses voeux aux armées un peu plus tôt cette année, leur a dit qu'au moment où nous recalibrons notre présence en Afrique, nous envisageons déjà la manière dont nous pourrions renforcer notre présence, qui est déjà réelle, dans nos Outre-mer, puisque cette présence militaire de la France, qui est en réalité aussi une présence européenne sur les cinq continents, jouera un rôle important pour dissuader les menaces, mais aussi pour faire entendre, peut-être, une voix différente de celle qui voudrait mettre fin à l'ordre international fondé sur le droit.

Q - Cette émission est bien sûr diffusée aux Antilles par le biais d'un léger décalage chez nos partenaires de France-Antilles. Les Unes de France-Antilles d'ailleurs et de France-Guyane, que vous voyez apparaître ; des partenaires de "Face aux territoires". Merci beaucoup Floréal Hernandez. Dans un instant, Demet Korkmaz, de la rédaction internationale de TV5 Monde, est sur ce plateau. Demet Korkmaz, alors évidemment on va se préoccuper beaucoup de ce qui se passe en Afrique.

Q - Oui, et d'abord, le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de l'OIF, des instances de l'OIF. Est-ce que pour vous, c'est un nouvel acte de rupture vis-à-vis de la France ?

R - Je le regrette évidemment. L'OIF, et on est aujourd'hui ensemble pour célébrer la Francophonie, en cette semaine de la Francophonie, c'est un vaste espace qui réunit plus de 300 millions de locuteurs du français, mais qui valorise aussi le plurilinguisme et qui a vocation à être un espace d'échange ouvert, et qui dépasse, en quelque sorte, je dirais, les clivages entre les uns et les autres. Je regrette donc que ces trois pays aient décidé d'en sortir, bien évidemment.

Q - Vous auriez un message à leur passer, aujourd'hui ?

R - J'ai un message pour tous les locuteurs du français, dans ces trois pays et dans les autres. La francophonie est un espace qui vous appartient, dans lequel on vous invite à développer votre créativité, vos projets. C'est d'ailleurs sur ce thème que la France a axé sa présidence du sommet l'année dernière, avec des moments forts, consacrés aux créateurs, consacrés aux entrepreneurs, parce que cet espace-là, c'est un trésor que nous avons en partage et que nous devons cultiver.

Q - Il est beaucoup question en ce moment du Rwanda. Comme vous le savez, le Rwanda a suspendu de manière brutale ses relations diplomatiques avec la Belgique. Quelle est votre réaction ? J'ai été étonnée par l'absence de réaction de la France.

R - La crise qui déchire la région des Grands Lacs est l'une des plus graves du monde, avec sept millions de personnes déplacées, dont un million de personnes déplacées depuis le début de l'année et plusieurs milliers de victimes civiles. C'est pourquoi nous appelons, avec beaucoup d'insistance et à tous les niveaux, que ce soit aux Nations unies, à Bruxelles ou dans les échanges que nous avons de manière bilatérale avec les acteurs sur place, à la cessation des hostilités, à la fin de l'offensive du groupe rebelle M23 dans le Kivu, et puis bien sûr au retrait des forces rwandaises du Congo pour que la souveraineté, l'intégrité territoriale du Congo soit évidemment respectée. D'ailleurs nous avons fait adopter une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies à l'unanimité. Et puis ce lundi, à Bruxelles, ont été adoptées des mesures restrictives qui visent neuf individus et une entité responsable de violations du droit international et du droit international humanitaire.

Q - Ces sanctions tombent au moment où le Rwanda et la RDC sont engagés dans un processus de dialogue. Est-ce que c'est pour mettre la pression sur Paul Kagame ? Est-ce que c'est une pression pour l'amener à discuter et à ouvrir le dialogue ?

R - D'abord, je me félicite que les deux chefs d'Etat aient pu se parler directement. C'est ce à quoi je les avais invités lorsque je me suis rendu, et à Kinshasa pour rencontrer le président Tshisekedi, et à Kigali pour rencontrer le président Kagame. Je me félicite aussi que des échanges aient été envisagés entre le groupe rebelle M23 et le gouvernement de la RDC, puisque c'était un des points sur lequel...

Q - Pour le moment, le M23 n'est pas autour de la table.

R - Mais je souhaite vivement que ce dialogue puisse se tenir, puisque c'est en quelque sorte la dernière brique qui manquait aux accords qui avaient été presque trouvés le 15 décembre dernier. Bref, il faut maintenant que le dialogue s'accélère pour que les hostilités cessent, que la crise humanitaire s'interrompe et que la paix revienne dans la région.

Q - Est-ce qu'à votre connaissance, le Rwanda a demandé comme condition le retrait ou la levée des sanctions de la Commission européenne ? Est-ce que ça figure dans les négociations ?

R - Pas à ma connaissance.

Q - Quelles seraient les conditions pour que l'Union européenne retire ou lève ses sanctions ?

R - Ce sont des sanctions qui sont réversibles par définition. Elles sont, je vous le disais, elles ont visé...

Q - Quelles mesures tangibles conduiraient l'Union européenne à lever ces sanctions ?

R - Mais attendez, on ne sanctionne pas pour sanctionner. L'intérêt qui est celui de l'Union européenne, c'est de veiller à ce qu'une paix juste et durable puisse intervenir dans les Kivu, en République démocratique du Congo. Et donc, je vous ai dit ce à quoi nous appelons, et nous l'avons dit, je vous le redis, aux Nations unies, à Bruxelles et au niveau bilatéral : c'est la fin de l'offensive du M23, le retrait des troupes rwandaises du Congo et puis la définition d'une paix juste et durable qui traite de toutes les causes du conflit et qui permette à la paix de revenir dans la région. Parce que sinon, que se passera-t-il ? Si la crise devait s'aggraver encore, c'est toute la région qui menace de s'embraser.

Q - Le Rwanda refuse de considérer qu'elle a des troupes en RDC, dans l'Est du pays. Comment obtenir une paix juste si le Rwanda nie la présence de ses propres troupes sur place ?

R - Nous l'avons dit et nous l'avons rappelé. Je l'ai dit moi-même aux autorités rwandaises lorsque je m'y suis rendu. L'intégrité territoriale de la République démocratique du Congo doit être absolument présente.

Q - Une dernière question. La Cour d'appel de Paris examine une requête du ministère public en vue de la mise en examen d'Agathe Habyarimana. Vous savez, c'est l'épouse, la veuve de l'ancien président rwandais, responsable du génocide des Tutsis. Cette requête du ministère public intervient au moment où Emmanuel Macron a quelque peu haussé le ton vis-à-vis du Rwanda. Est-ce que c'est une façon aussi de ménager Paul Kagame ?

R - La justice est indépendante dans notre pays, chère Madame.

Q - Et pas une position... ?

R - La justice est indépendante.

Q - Mais c'est une requête du ministère public.

R - La justice est indépendante dans notre pays.

Q - Merci Demet Korkmaz, journaliste à la rédaction internationale de TV5 Monde. On va partir alors dans un endroit qui est cher à votre coeur, qui est votre circonscription, puisque Wilfried Richy, qui est le rédacteur en chef, journaliste à TV78 dans les Yvelines, a une question à vous poser, Jean-Noël Barrot, vous, l'ex-député de la circonscription.

Q - Monsieur le Ministre, en tant que député des Yvelines et ministre de l'Europe et des affaires étrangères, vous êtes à l'écoute des entreprises locales, comme en témoigne dès 2021 le pack rebond que vous aviez proposé. Face au contexte géopolitique, marqué par des tensions internationales et économiques, comment intervenez-vous de manière concrète pour faciliter aujourd'hui l'accès des entreprises yvelinoises aux fonds européens ?

R - Merci pour cette question. Les entreprises yvelinoises accèdent, pour certaines d'entre elles, aux fonds européens. Et dans ma circonscription, je pense en particulier à Carmat, le coeur artificiel, à Nexter ou encore à VEDECOM qui ont pu l'année dernière en bénéficier. Mais pour qu'elles en bénéficient, encore faut-il qu'elles puissent les solliciter. C'est pourquoi j'ai décidé d'écrire à l'ensemble des bénéficiaires, que ce soit des entreprises, des universités, des centres de recherche, qui ces dernières années ont été lauréats des fonds européens, d'abord pour les féliciter d'avoir obtenu ces fonds, et pour les encourager parce que ces fonds, d'une certaine manière, ils sont abandés par le budget de l'Union européenne. Et le budget de l'Union européenne, c'est aussi nos impôts qui le financent, si je puis dire, ou en tout cas c'est de l'argent qui est de l'argent public. Et donc il convient que toutes celles et ceux qui peuvent bénéficier de ces fonds les sollicitent, et on est là pour les aider.

Q - Ce rôle de ministre de l'Europe et des affaires étrangères est assorti maintenant, je crois pratiquement depuis Laurent Fabius, d'une forme de ministre qui va aider les entreprises, qui va pousser au commerce international. Par moment, ça ne pose pas de problème dans le dialogue avec les autres pays d'être en même temps celui qui pousse des entreprises ? Est-ce que, de temps en temps, vous ne vous sentez pas sur une ligne compliquée à tenir ?

R - Vous avez raison de rendre hommage à ce qu'on appelle la diplomatie économique que Laurent Fabius a créée il y a 10 ans...

Q - Et que les Américains pratiquent à l'excès !

R - Bien sûr, et qui a permis, d'une part, à nos entreprises de se développer à l'export, de réduire au moins un peu ce déficit commercial dont on parle régulièrement, mais aussi, à l'inverse, d'attirer en France et dans nos territoires, dans les régions, et notamment celles qui ont subi de plein fouet la désindustrialisation, des investissements venant de l'étranger, venant de l'extérieur, qui contribuent justement à revitaliser...

Q - Il y en a beaucoup ? Vous le mesurez ?

R - Bien sûr, on le mesure puisque pendant cinq années consécutives, ces cinq dernières années, la France a été le pays le plus attractif pour les investissements étrangers. Et deux tiers de ces investissements profitent à des villes de moins de 20.000 habitants, c'est-à-dire non pas aux grands centres urbains, mais plutôt à ces territoires qui justement ont subi de plein fouet la désindustrialisation et qui bénéficient, grâce à ce travail de la diplomatie économique, d'un nouvel élan, d'un nouvel oxygène.

Q - Vous vouliez revenir sur la Syrie. C'est vrai qu'on parle un peu moins de la Syrie aujourd'hui à cause de tout ce qui se passe dans le monde. Et ce matin, on a vu, depuis une heure avec vous en direct, le nombre de sujets qu'il a fallu aborder. Est-ce qu'on a été surpris, au fond, que ce leader qui s'est imposé par la guerre ne soit pas aussi, comment dirais-je... dur qu'on aurait pu l'imaginer ? Est-ce que c'était une surprise pour la France ou est-ce qu'on avait les moyens de comprendre déjà les choses ?

R - Je crois que tout le monde a été surpris de la rapidité de la chute du régime sanguinaire de Bachar al-Assad. Ce que je crois aussi, c'est que pour que nous puissions continuer à soutenir les autorités de transition, il faut qu'elles démontrent, comme je le disais tout à l'heure, leur ferme intention de lutter contre le terrorisme, que nous voulons déraciner.

Q - Ce n'est pas acquis, ça ?

R - En tout cas, il faut que nous ayons des actes concrets. Dans les messages qui nous sont adressés, ça a l'air d'être acquis. Maintenant, il nous faut des actes, puisque nous combattons le terrorisme là où il grandit, et c'est en Syrie qu'il grandit. Ensuite, sur les exactions qui ont été commises sur la côte alaouite, j'ai proposé, lundi dernier à Bruxelles, que nous puissions prendre des sanctions contre les responsables de ces exactions, qui sont intolérables et qui ne doivent jamais se reproduire en Syrie. Sinon, c'est l'avenir même du pays qui est compromis et qui pourrait sombrer dans le chaos qu'il a connu il y a quelques années encore.

Q - Une dernière question sur la Syrie. Le rôle de la Turquie en ce moment, quelle position à avoir vis-à-vis de cet acteur qui a beaucoup compté dans la région ?

R - Nous avons pris acte de la situation, les derniers développements à Ankara...

Q - Est-ce qu'Ankara doit rester à Ankara ? C'est-à-dire, on voit bien que la Turquie fait des incursions à pied dans le nord. Est-ce qu'Ankara doit rester... ?

R - En tout cas, pour la Syrie, l'intégrité territoriale, la souveraineté de la Syrie doit être respectée par toutes les puissances étrangères, parce que la Syrie est presque morte d'être le jouet des influences étrangères néfastes dans la région.

Q - Jean-Noël Barrot, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui est avec nous encore pour quelques minutes. Votre père, Jacques Barrot, a été membre du Conseil constitutionnel, plusieurs fois ministre, président de commission à l'Assemblée, plusieurs commissions. C'était une vocation familiale, la politique ?

R - Je ne crois pas. En tout cas, il y a sans doute une forme d'inspiration et de filiation qui d'ailleurs me relie non seulement à mon père, mais à mon grand-père qui, pendant la Deuxième Guerre mondiale, s'est investi dans les réseaux résistants de dissimulation des enfants juifs, et dont l'histoire a sans doute contribué à me donner le sentiment que l'action politique avait du sens.

Q - Qu'est-ce que ça fait, un ministre des affaires étrangères quand il ne l'est plus ? Alors il revient un député bien sûr, mais est-ce qu'il y a une vie après avoir été un ministre ? C'est un ministère passionnant, c'est ça que je veux dire.

R - Vous savez, j'ai une femme et des enfants qui attendent ça avec impatience. Donc il y a évidemment une vie après l'engagement politique, et il y a plein de voies pour s'engager au service de son pays et au service du bien commun. Donc je ne m'inquiète pas, de ce point de vue-là.

Q - Lesquels ce seront pour vous ?

R - Je ne sais pas les déterminer. J'ai, d'une certaine manière, contribué à servir cet objectif dans ma vie civile comme enseignant et comme chercheur. Et sans doute qu'après ma vie politique, je le ferai également.

Q - Merci, vraiment, d'avoir été notre invité pendant 55 minutes, en direct, dans "Face aux territoires" avec la presse quotidienne régionale. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 mars 2025