Interview de M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Sud Radio le 21 mars 2025, sur la condamnation en Algérie de Boualem Sansal, la baisse de budget pour la recherche aux États-Unis, l'accueil de scientifiques américains dans des écoles françaises, les blocages dans les universités, Parcoursup et les signes religieux à l'université.

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Média : Sud Radio

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous chaque matin plus nombreux pour écouter ce rendez-vous politique et ce matin, notre invité est Philippe BAPTISTE, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Bonjour.

PHILIPPE BAPTISTE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous ce matin. Alors, je vais commencer avec Boualem SANSAL, écrivain français, franco-algérien. Dix ans de prison ferme requis par le procureur, un procès de trente minutes avec un avocat commis d'office non juif, une mascarade de justice, disent tous les commentateurs. La France n'a-t-elle pas maintenant le devoir moral d'obtenir sa libération ?

PHILIPPE BAPTISTE
En tout cas, les autorités se sont déjà exprimées sur le sujet. Évidemment, c'est une situation dramatique. C'est un intellectuel, un écrivain connu, renommé, franco-algérien, qui fait le pont justement entre ces deux pays qui ont tant à partager. Et donc, évidemment, c'est dramatique de voir ça aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France… Il va peut-être mourir en prison ? S'il est condamné à dix ans de prison, il risque de mourir en prison. Vous comprenez ce que je veux dire ? Je veux dire que maintenant, il est en danger de mort.

PHILIPPE BAPTISTE
Non mais bien sûr, il y a une émotion qui est extrêmement forte aujourd'hui, et le Quai d'Orsay s'est exprimé à plusieurs reprises sur le sujet. Donc, je pense qu'effectivement, il faut qu'on se mobilise et qu'il faut évidemment qu'il retrouve sa liberté.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, Emmanuel MACRON a appelé, mais vous ne savez pas, vous n'avez aucune précision à me donner, j'imagine, Philippe BAPTISTE ? On dit qu'Emmanuel MACRON a appelé le président algérien TEBBOUNE et que les deux hommes se sont parlé plusieurs fois à propos de Boualem SANSAL.

PHILIPPE BAPTISTE
Je n'ai pas de précision effectivement à donner sur ces appels.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne savez pas s'il y a eu appel ou pas ? Non ? Non, bon d'accord. Bon, et si on le nommait ministre de la Francophonie ? J'ai vu cette idée fleurir.

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, je crois qu'on a un excellent ministre de la Francophonie aujourd'hui et que, voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, d'accord, bon. Dites-moi, l'Algérie interdit l'aide au développement de la France dans le pays. J'ai vu les décisions algériennes. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l'Algérie interdit l'aide au développement de la France et que la France envisage, c'est dans la réponse graduée, de supprimer des visas. Ça veut dire supprimer des visas pour les étudiants algériens. Par exemple, il y a combien d'étudiants algériens en France actuellement ?

PHILIPPE BAPTISTE
Les étudiants algériens sont aujourd'hui les premiers étudiants non communautaires qui arrivent dans nos universités, nos classes préparatoires, nos grandes écoles. C'est à la fois, évidemment, ce mouvement d'étudiants internationaux ne concerne pas seulement les Algériens, mais aussi les Tunisiens, les Marocains, ainsi que des étudiants indiens, américains, etc. C'est super important parce que ce sont des cerveaux qui vont et qui viennent, et c'est cela qui fait aussi la richesse de notre enseignement supérieur. Accessoirement, on en a besoin.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne peut pas s'en priver ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les étudiants internationaux, en France, on en a besoin, et je vais vous dire, on en a besoin pour une raison très simple, c'est qu'on en a besoin pour former nos ingénieurs, pour former nos chercheurs, nos techniciens, dont notre industrie de demain. Aujourd'hui, si on se contente simplement des étudiants franco-français, qui viennent d'ici, etc, cela ne marche pas, on ne peut pas construire notre industrie de demain. Donc, ce mouvement-là, global on en est très largement bénéfique. Je ne suis pas en train de parler spécifiquement de l'Algérie, je parle de ce mouvement général.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jamais nous n'interdirons aux étudiants algériens de venir étudier en France ?

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit, comme vous le savez. Non, non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Je vous ai parlé d'un point de vue général. Non, non, ce que je dis simplement, c'est que le mouvement général, avoir des étudiants internationaux qui viennent de partout dans le monde dans nos universités, c'est fondamental. Après, maintenant, spécifiquement sur tel ou tel pays, ce sont des décisions d'ordre diplomatique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ce serait dommageable.

PHILIPPE BAPTISTE
Ce sont des discussions au cas par cas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord, mais Philippe BAPTISTE, ce serait dommageable ?

PHILIPPE BAPTISTE
Encore une fois, ce qui est important, c'est d'être attractif et de pouvoir attirer des étudiants qui viennent de partout dans le monde, des étudiants américains, on a en parler, parce que l'actualité, c'est une actualité très américaine, mais c'est des étudiants qui viennent de partout en Europe, c'est ça qui est fondamental.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comme cela fait partie de la réponse graduée… Pardon, c'est le Gouvernement qui le dit, ce n'est pas moi. Vous faites partie de ce Gouvernement, Philippe BAPTISTE. Donc, ce serait dommageable que d'interdire aux étudiants algériens de venir étudier en France ?

PHILIPPE BAPTISTE
Non, non, mais encore une fois, ce qui est important, c'est d'avoir des ressources internationales, des étudiants qui viennent de partout.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On a besoin de ces étudiants, algériens ou autres.

PHILIPPE BAPTISTE
On a besoin d'étudiants internationaux, aujourd'hui, parce que ce sont eux qui construisent le futur de notre industrie, avec les étudiants communautaires et français, évidemment, mais c'est important d'avoir ces ressources-là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un chercheur français du CNRS devait assister à une conférence à Houston. Il a été arrêté aux États-Unis, son téléphone et son ordinateur ont été fouillés. Alors, on ne va pas donner son nom, parce qu'il ne souhaite pas que son nom soit divulgué, Philippe BAPTISTE. Ce chercheur, dans le domaine spatial, je crois, c'est bien cela ?

PHILIPPE BAPTISTE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il a été refoulé. Et dans son téléphone, pourquoi refoulé des États-Unis ? Parce que dans son téléphone, il y avait des échanges avec des collègues et il parlait de la politique de l'Administration TRUMP. Est-ce cela ?

PHILIPPE BAPTISTE
Effectivement, en tout cas, les premiers éléments dont on dispose, effectivement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous l'avez au téléphone ?

PHILIPPE BAPTISTE
Le ministère travaille avec lui, le ministère le suit, son employeur le suit. Et aujourd'hui, moi, je ne l'ai pas eu personnellement, le ministère travaille avec lui, aujourd'hui. Par contre, on est préoccupé, parce que c'est quand même extraordinairement atypique. Enfin, je veux dire, enfin, ce n'est pas des choses qui arrivent tous les jours, quand on des chercheurs qui viennent des États-Unis. Et puis je voudrais rappeler que, quelque part, les décisions qui ont été prises, ça a porté sur des discussions quand même essentiellement d'ordre privées, autour d'opinions qu'il a pu émettre sur en particulier…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Du terrorisme, ont dit les autorités américaines.

PHILIPPE BAPTISTE
Non, je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus. En tout cas, les discussions dont on parle, aujourd'hui, c'est des discussion sur le positionnement par rapport à la science, le positionnement de l'administration américaine, sur la science, sur les des cours, et sur les choses comme ça.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, atteinte à la liberté d'expression ?

PHILIPPE BAPTISTE
En tout cas, moi, je voudrais rappeler, fondamentalement, mon attachement aux libertés académiques, aux libertés, à la liberté d'expression, à titre individuel, évidemment. Maintenant, après, chaque pays est aussi libre, évidemment, de réguler ses frontières, et donc, c'est évidemment la liberté, aussi, des États-Unis de choisir qui peut rentrer sur son sol ou pas. Mais, malgré tout, c'est un objet de préoccupation, moi. Rappelons, quand même, notre attachement aux valeurs, qui sont des valeurs de liberté, de liberté d'expression, de liberté de discussion, et puis les valeurs académiques, qui sont aussi, simplement, que la vérité, la science, elle se construit avec des opinions qui se frottent. Donc, voilà.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Donald TRUMP censure, il baisse les budgets de recherche aux États-Unis, de nombreux chercheurs ont été licenciés, à la NASA, par exemple, et dans d'autres domaines que vous connaissez bien. Vous avez dirigé le CNES…

PHILIPPE BAPTISTE
La NASA, la NOAA, bien sûr. Bien sûr, bien sûr.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ? C'est une atteinte à la recherche mondiale ?

PHILIPPE BAPTISTE
Exactement. C'est-à-dire que le problème, ce n'est pas seulement un problème américain, ce n'est pas seulement quelque chose qui peut être dramatique pour telle ou telle personne, même s'ils sont nombreux, mais les États-Unis jouent un rôle absolument fondamental, aujourd'hui, dans la recherche mondiale sur de nombreux sujets. En arrêtant des programmes de manière unilatérale, extrêmement brutalement, on met en danger des pans entiers de la recherche mondiale. Mais pour des choses très concrètes, ça veut dire, que c'est simplement sur des questions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y, concrètement, sur quoi ?

PHILIPPE BAPTISTE
Par exemple, sur les grandes bases de données autour de la santé et du suivi des épidémies. Aujourd'hui, les grandes bases du NIH, l'équivalent de l'INSERM aux États-Unis, qui brutalement ont disparu du jour au lendemain. Ensuite, certains mots-clés sont interdits. Mais de quoi parle-t-on ? Tout ça est quand même est absolument sidérant. C'est aussi vrai pour l'observation de la Terre et du climat. Comprendre le climat de demain est essentiel, mais la NOAA, une très grande agence américaine justement sur la météo et sur le climat, qui permet de suivre les évolutions de la Terre, et qui se retrouve saignée, brutalement, des programmes internationaux sont arrêtés. Elon MUSK nous dit : "On va arrêter la station spatiale en 2027." Mais de quoi on parle ? Elle fait l'objet d'un traité international ? Et qui est en train de parler ? C'est le patron de SPACEX ou c'est le Gouvernement américain ? Donc, tout ça pose des questions qui sont quand même très fondamentales.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un mot sur les conséquences sur la recherche, notamment la recherche française. C'est le 31e Sidaction aujourd'hui. Est-ce que l'arrêt des financements américains a des conséquences sur la recherche française sur le sida ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais bien sûr, parce qu'en fait, vous êtes, aujourd'hui, dans une recherche qui est une recherche monde, c'est-à-dire qu'évidemment, on a des programmes nationaux, on a des chercheurs nationaux, on a des instituts nationaux, on en est très fiers, on a une très bonne recherche en France et en Europe. Mais ces gens-là, ils travaillent en permanence avec leurs collègues, avec leurs collègues qu'ils soient américains ou qu'ils soient à l'autre bout du monde. Et mettre des coups d'arrêt brutaux à des programmes qui se construisent sur des décennies, ça porte des conséquences qui sont des conséquences majeures. Cette base de données dont je vous parlais tout à l'heure, c'est des bases de données qui sont utilisées par des gens partout dans le monde et qui ont été construites par des chercheurs européens. Alors ça nous pose aussi une question derrière en miroir. C'est quelque part, c'est pourquoi on est dans cette situation aujourd'hui. Est-ce qu'on est assez autonome en France et en Europe sur ces questions ? Et évidemment, ça va nous amener à reconsidérer nos positions sur de nombreux champs disciplinaires.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et accélérer l'unité européenne en matière de recherche.

PHILIPPE BAPTISTE
Évidemment, évidemment.

JEAN-JACQUES BOURDIN
ALORS, MUSK, vous connaissez bien MUSK, vous avez dirigé le CNES. MUSK, c'est un génie dans le domaine de l'espace.

PHILIPPE BAPTISTE
C'est un entrepreneur, c'est un entrepreneur qui a une vision. Il a une vision, il a une capacité aussi à dérouler ses programmes qui est phénoménale. Il a bénéficié de soutien, on ne le dit pas assez, mais pardon, je vais quand même le dire de manière très très claire, il a bénéficié de centaines de milliards d'argent public américain pour développer ses programmes. Mais il l'a fait avec une forme de génie un peu fou, mais une forme de génie. Donc ça, c'est évident et je pense que c'est aussi quelqu'un qui a remis le spatial au cœur, en fait, de l'intérêt du monde. Et donc, de ce point de vue-là, c'est quelqu'un qui est vraiment très intéressant. Mais à côté, il porte une vision du spatial, qui est aussi une vision très commerciale, avec aussi un rêve sur Mars, qui ne correspond pas forcément à une vision qui est la nôtre, qui est une vision où le spatial est au service de la Terre, il est au service de tous les hommes, de tous les citoyens, et puis il est au service aussi de la compréhension du monde et de l'univers et de la science. Et envoyer des hommes sur Mars demain matin, c'est la priorité d'aucun scientifique dans le monde.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, Philippe BAPTISTE, ces scientifiques américains sont accueillis en Europe à bras ouverts, et notamment en France, on a commencé à en accueillir.

PHILIPPE BAPTISTE
Oui, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien, on sait ?

PHILIPPE BAPTISTE
Alors d'abord, la première chose, c'est qu'en fait, ce mouvement des cerveaux, on en parlait tout à l'heure avec l'Algérie, mais ce mouvement des cerveaux, c'est un mouvement international. Et donc, des scientifiques américains qui viennent en France, on en a depuis tout le temps. Alors, on va accélérer. Alors, on va accélérer, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire concrètement aujourd'hui, il y a des initiatives aujourd'hui, vous savez, moi je reçois, je suis un ancien chercheur, je reçois encore des mails de chercheurs, aujourd'hui ; qui viennent me dire "Ce n'est pas possible, il faut qu'on… Ouvrez les vannes et accueillez des chercheurs américains, on en a besoin, etc." Tous les présidents d'universités se sont mobilisés, ils ont ouvert un certain nombre de crédits et de postes, et on va les soutenir, on va avoir des initiatives qui seront annoncées dans les jours qui viennent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien y sont déjà arrivés ? On a des chiffres, déjà ?

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, aujourd'hui, juste pour vous donner des exemples, mais c'est le tout début, mais il y a quelques jours, l'université d'Aix-Marseille a ouvert un appel à candidature, en quelques jours, ils ont eu une quarantaine de candidatures, et il y a déjà plusieurs personnes qui ont été sélectionnées. Mais on est juste en train d'entrer dans le mouvement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il n'y a qu'Aix-Marseille ou partout en France ?

PHILIPPE BAPTISTE
Non, non, non. CentraleSupélec, par exemple, hier encore, me disait qu'ils avaient ouvert quelque chose, donc il y a plusieurs universités qui sont en train de faire ça, et puis à côté de ça, on va les soutenir, il y aura des lignes budgétaires ad hoc qui seront dédiées pour ça, et puis on a aussi mobilisé nos collègues européens, j'ai été à Varsovie il y a une dizaine de jours pour voir l'ensemble des ministres de la recherche d'Europe aujourd'hui, et il y aura une initiative qu'on a beaucoup poussée pour justement accueillir des chercheurs…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites qu'on va ouvrir des crédits, mais je croyais que la recherche française n'avait pas d'argent, ou qu'elle n'avait pas de moyens.

PHILIPPE BAPTISTE
Non, non, non, non, la recherche française…

JEAN-JACQUES BOURDIN
630 millions d'euros, 630 millions d'euros en moins dans le budget !

PHILIPPE BAPTISTE
Non, pas du tout, pas du tout, mais non.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ça "pas du tout" ? Mais non, pas du tout.

PHILIPPE BAPTISTE
Absolument pas, absolument pas, absolument pas, le budget des universités a progressé cette année de 300 millions d'euros, et je vais vous donner un seul chiffre, je vais vous donner un seul chiffre, depuis qu'on a fait la loi de programmation de recherche, la loi de programmation de recherche, de 2020 à 2025, cette loi de programmation de recherche, c'est six milliards en plus qui sont arrivés dans les universités, dans les laboratoires, dans les organismes de recherche, c'est des revalorisations des salaires les plus bas qui sont massives, et quand je dis massives, je vais vous donner un deuxième chiffre, pardon, c'est, par exemple, des jeunes chercheurs qui arrivent, ils ont vu leur salaire progresser de plus de plus de 600 euros par mois ! Enfin, je veux dire, on n'est pas en train de parler de… Alors, est-ce qu'on est allé assez loin ? Il faut probablement aller plus loin, bien sûr, il faut continuer à faire des efforts…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais de tout temps, j'ai entendu : "Les chercheurs français sont mal payés en France, ils partent à l'étranger, aux États-Unis", bon, c'est moins maintenant…

PHILIPPE BAPTISTE
Mais ils partent et ils reviennent, ils partent et ils reviennent, alors après, évidemment, le problème de l'attractivité, le problème des salaires, moi je suis très mobilisé là-dessus, je pense que c'est fondamental, il faut qu'on ait des gens qui soient bien payés, c'est important, parce que c'est quelque part, il y a une attractivité mondiale de la recherche, et donc, il faut qu'on soit attractif, et il ne faut pas paupériser les métiers de la recherche. Et donc ça, moi je suis très très très mobilisé là-dessus, la loi de programmation dont je vous parlais, elle a permis de remonter les salaires très significativement, il faut continuer cet effort, et justement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, les salaires vont encore être augmentés ?

PHILIPPE BAPTISTE
Et j'ai appelé à une revoyure, justement, donc une clause de revoyure de cette loi de programmation recherche, parce qu'aussi les priorités mondiales ont radicalement changé, donc, c'est non seulement les questions RH, mais c'est aussi la recherche pour notre souveraineté, la recherche pour notre défense, la recherche pour le futur de l'industrie française et européenne, et donc, c'est ces grandes questions qu'il faudra discuter dans les semaines qui viennent avec le Parlement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, et pendant ce temps-là, dans les universités, ça ne marche pas toujours très bien. J'ai vu… Ah oui, bah si, c'est vrai.

PHILIPPE BAPTISTE
Je vous écoute, je vous écoute.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Attendez, je vois qu'il y a des universités bloquées à Bordeaux, à Rennes…

PHILIPPE BAPTISTE
Il y a toujours des universités bloquées.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon, oui, d'accord.

PHILIPPE BAPTISTE
Non, mais attendez, mais les universités, aujourd'hui, moi je vais vous parler, la grande majorité des universités qui sont autour de la science et de la technologie, elles ne sont jamais bloquées, c'est-à-dire qu'elles fonctionnent. Il faut arrêter le discours misérabiliste, etc. Il y a quelques universités qui, effectivement…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lesquelles ? C'est quoi, les sciences sociales ?

PHILIPPE BAPTISTE
Qui sont…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ?

PHILIPPE BAPTISTE
Qui facilement se mobilisent, effectivement, autour de ces sujets-là.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Psychosociaux ? Philo ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais après, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il y a des mouvements dans les universités ? Il y a des mouvements aujourd'hui, qui ne sont pas des mouvements massifs aujourd'hui, mais il y a des mouvements dans un certain nombre d'universités, beaucoup autour de la question israélo-palestinienne et autour de Gaza.

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai vu des étudiants en keffieh dans le hall de Sciences Po…

PHILIPPE BAPTISTE
Mais moi, ce que je dois vous dire, c'est que le débat…

JEAN-JACQUES BOURDIN
… On a vu des trotskistes dans l'ancien temps.

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, ce débat, le fait qu'il y ait débat, et le fait qu'on puisse débattre de la situation à Gaza, du conflit israélo-palestinien… Mais heureusement, le cadre de l'université, c'est bien le cadre du débat. Et il est légitime, et moi, je le défendrai tout le temps. Mais ce débat, d'abord, c'est un débat qui doit respecter la loi. Je rappelle au cas que, en particulier, les propos antisémites, ils ne sont pas tolérables, et d'ailleurs, ils sont illégaux, je veux dire, enfin, ce n'est pas un objet de débat. Donc, c'est un cadre qui doit être un cadre respectueux de la loi. Et puis c'est un cadre aussi, qui doit être un cadre respectueux du pluralisme. Pour qu'il y ait débat, il faut qu'il y ait des gens qui viennent avec des opinions qui soient différentes, et pour qu'en frottant les deux cailloux, ça fasse des étincelles.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce n'est pas toujours le cas.

PHILIPPE BAPTISTE
Ce n'est pas toujours le cas et moi, je me félicite de constater qu'aujourd'hui, de plus en plus d'universités ont mis en place des chartes qui permettent justement d'organiser ce débat et d'être sûr qu'il va se passer dans des conditions qui sont des conditions sereines et des conditions équilibrées. Et ce travail-là, moi, je serai toujours là, je serai toujours là pour vérifier non seulement qu'évidemment le cadre reste le bon et qu'il n'y a pas de place pour des propos qui seraient des propos racistes, antisémites ou des violences sexistes ou sexuelles. Ça, c'est fondamental, c'est absolument central. Et à côté de ça, une fois que ça s'est posé, moi, je suis très ouvert à l'organisation de débats.

JEAN-JACQUES BOURDIN
36 % des étudiants obtiennent leur licence en trois ans.

PHILIPPE BAPTISTE
Trois ans ?

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois ans.

PHILIPPE BAPTISTE
Ce n'est pas le bon chiffre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est la Cour des comptes.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais oui, mais ce n'est pas…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont trompés à la Cour des comptes ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais non, pas du tout, mais le chiffre de trois ans. En fait, moi, ce que je vais vous dire, c'est qu'aussi, il y a beaucoup d'étudiants qui arrivent et qui ne font pas leur parcours en trois ans. Ils vont le faire en quatre ans, ils vont le faire en cinq ans. Pourquoi ? Parce qu'en fait, par exemple, il y en a énormément qui rentrent et qui se réorientent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'ils se réorientent.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais oui, mais la réorientation, je pense que ça aussi, c'est un truc dont il faut sortir. C'est-à-dire que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça coûte cher à l'État, quand même.

PHILIPPE BAPTISTE
Bien sûr, mais en même temps…

JEAN-JACQUES BOURDIN
La Cour des comptes veille. J'ai vu les chiffres.

PHILIPPE BAPTISTE
Comprendre quel va être votre métier de demain, quel va être votre choix d'orientation, c'est quelque chose qui n'est pas forcément simple. Je ne sais pas quel est votre parcours, et peut-être que votre parcours a été parfaitement linéaire, et que du jour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non.

PHILIPPE BAPTISTE
Ah, vous voyez, le mien non plus. On a le droit de se tromper, on a le droit de changer, et ça, c'est fondamental. Et donc, la bonne mesure, ce n'est pas de savoir si on fait sa licence en trois ans, et si on a bien sa licence à 21 ans, comme il se doit, parce qu'on n'a fait aucun échec.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous contestez l'étude de la Cour des comptes, non ?

PHILIPPE BAPTISTE
Non, pas du tout. Mais ce que je veux dire, ce n'est que ce n'est pas le seul bon chiffre. Il faut progresser. Je ne dis pas que tout va bien à l'université, et il faut progresser. Et en particulier, moi, je voudrais dire quelque chose de très très important, c'est qu'à l'université, aujourd'hui, c'est un endroit où on accueille des publics extraordinairement variés. Vous savez, par exemple, des bacheliers professionnels s'inscrivent à l'université. C'est leur droit, parce qu'ils ont le baccalauréat, et l'université les accueille. Accueillir des bacheliers professionnels, dont je rappelle quand même que 25 % d'entre eux ont parfois des difficultés, qui sont des difficultés pour lire un texte simple, parce que ce n'est pas la formation qui a été… Ce n'est pas là-dessus qu'a porté leur formation dans les dernières années. C'est une très grande difficulté, aujourd'hui, pour l'université. Et donc, je pense qu'il faut travailler, et le Premier ministre l'a dit en particulier dans sa déclaration de politique générale, sur des mécanismes, des propédeutiques, des mécanismes qui permettent de remettre au niveau les étudiants…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous parlez de réorientation. Pourquoi ? Parce qu'aussi, Parcoursup désoriente. Vous parliez de réorientation, moi je dis que Parcoursup désoriente les parents. Beaucoup de parents, et notamment dans les familles modestes, et notamment dans les zones rurales. Pourquoi ? Parce qu'ils ne savent pas se servir de Parcoursup.

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, Parcoursup, vous savez, c'est une plateforme. C'est une plateforme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, oui.

PHILIPPE BAPTISTE
Alors, c'est une plateforme…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Faut l'améliorer, non ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais elle s'améliore tous les ans.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Un peu plus de transparence, lorsqu'il y a un refus, par exemple.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais vous savez, Parcoursup, c'est une plateforme. Qu'est-ce qu'elle fait ? Elle met en relation des étudiants, d'un côté, qui cherchent une formation, et des formations qui cherchent des étudiants. Et elle fait simplement, quelque part, l'association des deux. Donc la plateforme, en soi, on ne peut être ni pour ni contre, c'est juste une plateforme qui met en relation… La question n'est pas là. La question c'est, j'arrive en fin de terminale, je dois m'orienter. Qu'est-ce que je vais faire demain ? Et ça, c'est parfois une question qui est abyssale, et où vous avez parfaitement raison, c'est que, quand vous êtes dans une famille qui est une famille aisée avec des gens qui connaissent bien le monde de l'enseignement supérieur, ce n'est déjà pas facile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous le trouvez, ce n'est déjà pas facile, mais vous y arrivez.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais vous avez des discussions, les gens connaissent, ils vous disent : "Regarde ceci, regarde cela, discute avec un tel, etc." Et c'est vrai que, quand vous êtes dans des territoires qui sont plus éloignés, c'est plus compliqué, vous n'avez pas forcément ces points de repère. Et moi, je pense que c'est ça, le vrai sujet. Le vrai sujet, ce n'est pas de savoir si on est pour ou contre la plateforme, sinon vous trouvez une autre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors comment fait-on pour améliorer le système ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais le vrai sujet, c'est comment on construit l'orientation. Et cette orientation, elle doit se construire tout au long du lycée, elle doit être souple, ça veut dire qu'on doit avoir aussi, et ça, ça revient, pardon, au sujet précédent, il faut donner le droit à l'erreur aux gens. C'est-à-dire que, ce n'est pas parce que vous choisissez, quand vous avez 18 ans, de faire tel type d'études supérieures, que vous n'avez pas le droit de changer d'avis deux ans après. Il faut laisser ce droit à l'erreur, il est fondamental. Parce que quelque part, en allant à l'université, en allant dans une école, vous vous construisez, et vous avez le droit de faire des allers-retours. Eh ben, je voulais être avocat, et finalement, ce qui m'intéresse, c'est l'astrophysique. Allons vers l'astrophysique, si c'est ça qui m'intéresse. Et je prends volontairement un exemple caricatural, mais il faut donner de la liberté, donner de la liberté au système.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Philippe BAPTISTE, je vais terminer avec un sujet évidemment qui est au cœur de l'actualité, le voile à l'université. Bruno RETAILLEAU est favorable. Il était à votre place, il y a deux jours, ici même. Bruno RETAILLEAU est favorable à l'interdiction du port du voile et de tout signe religieux à l'université. Vous aussi ?

PHILIPPE BAPTISTE
Oui. Alors, ce débat, je crois, a été tranché…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous aussi, ou pas ?

PHILIPPE BAPTISTE
Absolument pas. Mais je crois que ce débat a été tranché par le Premier ministre de manière extrêmement claire. Aujourd'hui, l'université, c'est… le cadre de la laïcité à l'université, ce n'est pas le même que celui des établissements scolaires. Pourquoi ? Parce que vous accueillez à l'université des gens qui sont des adultes, et ils viennent avec leur conviction, leur conviction politique, et aussi leur appartenance religieuse.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on peut porter le voile à l'université ?

PHILIPPE BAPTISTE
Et vous pouvez venir avec votre kippa, avec votre voile, ou avec votre croix quand vous êtes étudiant à l'université, et dans le cadre d'un respect mutuel. Et ça, c'est fondamental. Et évidemment sans faire d'entrée, etc. Ça, c'est évidemment fondamental. Mais vous pouvez venir, et vous pouvez avoir des débats autour de ça, parce que vous avez affaire à des adultes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on ne doit pas toucher à cela ?

PHILIPPE BAPTISTE
Mais non, bien sûr que non. Et d'ailleurs, aucun établissement ne s'en plaint aujourd'hui, ce n'est pas une question aujourd'hui.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'entrisme des Frères musulmans, ça existe ?

PHILIPPE BAPTISTE
Ce n'est pas une question aujourd'hui. Et je pense qu'aujourd'hui c'est un sujet qui existe dans la société.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, à l'université.

PHILIPPE BAPTISTE
Et évidemment il faut lutter contre ça. Et il peut y avoir à l'université. Vous savez, à l'université, on accueille énormément d'étudiants. Ce sont des millions d'étudiants qui sont à l'université.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Enfin, je vois Aurore BERGE qui dit antisémitisme, entrisme des musulmans extrémistes…

PHILIPPE BAPTISTE
Vous savez, avec Aurore BERGE, nous avons exactement les mêmes positions, et nous luttons.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Fais un témoignage, remonte quotidiennement.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais ça existe, mais évidemment. Et je vais vous dire, l'antisémitisme à l'université, le problème, il y a des remontées. Il y a des remontées d'antisémitisme à l'université. On a en ce moment une quarantaine ou une cinquantaine de faits remontés par an, c'est très peu. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire déjà, on ne les voit pas tous. Et donc ça, c'est un premier sujet. Ça veut dire que probablement… enfin, ce n'est pas probablement, il y a un ressenti de la communauté israélite aujourd'hui qui aujourd'hui vit mal de temps en temps sa présence à l'université. Et ça, c'est très important. Il faut qu'on y soit extraordinairement attentifs. J'ai réuni les présidents d'universités pour parler de ça dès mon arrivée, et on a eu plusieurs réunions de travail, on a identifié les sujets, ce qu'il fallait faire. Il faut donner en particulier aux universitaires la capacité de réunir des conseils de discipline qui permettent de travailler rapidement et efficacement, et parfois à l'extérieur de l'université, sous l'autorité du rectorat. Et ça, ça a été fait. Et ça, c'est un travail qui est en cours, qui est déjà lancé et qui va changer beaucoup de choses. Une grande réactivité des universités. C'est aussi mobiliser derrière les préfets et aussi l'autorité judiciaire pour être sûr que, quand il y a un article 40 qui est fait par l'université… un article 40, pardon, ça veut dire, s'il y a une saisie du procureur sur un fait antisémite, eh bien derrière, on a toute l'autorité judiciaire qui se mobilise et qui fasse un retour au président de l'université. On est très mobilisés sur ce sujet, parce que c'est quelque chose qui est intolérable et on ne laissera rien passer sur l'antisémitisme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et sur l'entrisme, même chose ? L'entrisme aussi.

PHILIPPE BAPTISTE
Mais l'antisémitisme, ce sont aussi les questions sur le racisme en général, c'est fondamental et il faut être très vigilant sur ces questions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci beaucoup Philippe BAPTISTE d'être venu nous voir ce matin sur l'antenne de Sud Radio.

PHILIPPE BAPTISTE
Merci beaucoup.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 mars 2025