Texte intégral
SONIA MABROUK
Bonjour Bruno RETAILLEAU.
BRUNO RETAILLEAU, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR
Bonjour Sonia MABROUK.
SONIA MABROUK
Et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1. Vous êtes le ministre de l'Intérieur. Il y a beaucoup de sujets à aborder avec vous ce matin, monsieur le ministre, des sujets qui ont trait bien sûr à la sécurité des Français, à votre action également au sein de ce ministère. Et tout d'abord, cette rixe mortelle devant un lycée à Yerres en Essonne, un adolescent de 17 ans a été poignardé, semble-t-il, au cours d'un règlement de compte entre bandes rivales. Les habitants et les parents d'élèves, et on peut les comprendre, craignent des représailles. D'abord vous dénoncez un ensauvagement, et vous appelez une réforme de la justice des mineurs. Est-ce que vous considérez, Bruno RETAILLEAU, lorsqu'un mineur tue comme un adulte, il doit être jugé comme un adulte ?
BRUNO RETAILLEAU
Je l'ai toujours considéré. Je pense qu'aujourd'hui, on a un problème majeur, je suis bien placé comme ministre de l'Intérieur pour le savoir. Une grande partie de la délinquance, y compris la délinquance la plus violente, est le fait de mineurs. Et ces mineurs, malheureusement, ont un sentiment d'impunité. Pourquoi ont-ils un sentiment d'impunité ? Parce que notre politique pénale, la loi qui régit, qui encadre la justice des mineurs n'est plus du tout adaptée. Parce qu'on enferme, en réalité, les mineurs dans un long parcours de délinquance. La plupart de ceux qui tuent, on se rend compte qu'ils ont des antécédents judiciaires. 5, 10, 15, 20, 30, qui n'ont jamais été condamnés à la prison. Donc moi je pense qu'il faut réformer profondément la justice des mineurs. Un, avec des courtes peines de prison de quelques semaines dans des établissements différenciés qui sont prévus à cet effet, comme le font par exemple les Pays-Bas. C'est une semaine, deux semaines, trois semaines, voilà. Deux, il n'y a pas d'excuse pour ceux qui tuent, ceux qui blessent grièvement, y compris pour la minorité. Il faut transformer les choses. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, l'excuse de minorité est la règle. Demain, elle doit devenir l'exception, la comparution immédiate. Une vraie réforme…
SONIA MABROUK
Mais tout ça a été détricoté. Quelle politique on paie aujourd'hui finalement ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est une politique soixante-huitarde, une politique très gauchisante qui a considéré que la sanction, la prison, c'était une mauvaise chose, qu'il fallait rééduquer, qu'il fallait avoir de la pédagogie. Ces gens ont simplement oublié ce que l'on sait pour nos propres enfants. C'est que la sanction fait partie de l'éducation et de la prévention. Pourquoi est-ce que... interrogez-vous sur le narcotrafic. Pourquoi les narcotrafiquants utilisent-ils de plus en plus des jeunes mineurs ? Très jeunes. 14 ou 15 ans.
SONIA MABROUK
Parce qu'ils connaissent très bien notre politique pénale.
BRUNO RETAILLEAU
Parce qu'ils connaissent les règles. Exactement. Alors, Gabriel Attal avait déposé un texte qui est au Sénat qui, je trouve, a été trop affaibli. J'espère qu'en séance, nos amis sénateurs vont le durcir. C'est fondamental. Un mot quand même sur la famille, parce que ces jeunes, de plus en plus jeunes, qui tuent et donc qui sont tués aussi, il y a un problème familial
SONIA MABROUK
Alors il faut agir sur les allocations familiales puisque les milieux eux-mêmes, ces milieux familiaux sont violents.
BRUNO RETAILLEAU
Je le pense, mais il faut simplement appliquer la loi qui existe déjà. Vous avez dans le Code pénal un article L227-17 qui peut condamner un père, une mère dès lors qu'il y a une défaillance manifeste dans l'éducation. Les familles reçoivent, à coup d'argent public, des allocations familiales, etc. Elles doivent rendre compte. Certaines peuvent être dépassées. Mais quand il y a une insuffisance manifeste d'encadrement du jeune, alors la famille doit être appelée en responsabilité. Et je pense que tant qu'on n'agira pas sur ces deux leviers, en amont la parentalité, la responsabilité familiale, et en aval une réforme totale de la justice des mineurs, je pense qu'on n'aboutira à aucun résultat.
SONIA MABROUK
Alors que la liste des victimes mineures s'allonge.
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr. Notamment sur le narcotrafic, il y a un épouvantable rajeunissement de ceux qui tuent et de ceux qui sont tués. Le narcotrafic, ce sont des enfants soldats et des enfants victimes. C'est ça aujourd'hui la réalité.
SONIA MABROUK
On va parler évidemment du narcotrafic. Bruno RETAILLEAU, on poursuit notre entretien. En parlant de la justice des mineurs, puisque l'agresseur du rabbin, Arié ENGELBERG, va passer devant la justice des enfants. Le communiqué de la procureure hier indique que cet individu est impliqué dans trois procédures judiciaires pour des faits de trafic de stupéfiants et de violences sur personnes dépositaire de l'autorité publique. A quel profil a-t-on à faire ici ?
BRUNO RETAILLEAU
Mais c'est toujours la même chose. Alors là, vous ajoutez la dimension de l'antisémitisme. Mais vous voyez bien que ces jeunes sont enfermés dans des parcours de violences. Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que comme ils ont un sentiment d'impunité, comme la sanction ne tombe pas dès le premier délit un peu grave, eh bien, ils continuent, ils continuent, ils continuent. Il n'y a pas de butée. On ne repose rien du tout. Et tout cela va jusqu'à des extrémités. Donc moi, je pense que vous avez en plus, ici, l'antisémitisme. Nous baignons aujourd'hui dans un antisémitisme d'atmosphère. Je citais il y a quelques minutes le cas d'un jeune collégien dans un collège qui est en Essonne, qui a été retiré de sa classe, notamment en classe, parce qu'il proférait des insultes antisémites. Il est convoqué devant le chef d'établissement.
SONIA MABROUK
Il va avoir quoi ? Un conseil de discipline ?
BRUNO RETAILLEAU
Mais voilà. Voilà. Mais ce que je veux dire, c'est que tout cela doit nous inciter à la plus grande rigueur.
SONIA MABROUK
Mais à qui le dites-vous, monsieur le ministre de l'Intérieur ?
BRUNO RETAILLEAU
Je dis simplement en posant un constat. Je veux rappeler, à votre micro, je veux rappeler un chiffre, deux chiffres, pour les rapprocher, qui sont terrifiants. Nos compatriotes français de confession juive représentent moins de 1% de la population. Et pour autant, ils sont victimes de près de 60% des actes racistes et antireligieux. À 1% d'un côté, près de 60% de l'autre. Donc vous avez un antisémitisme d'atmosphère qui, aujourd'hui, a un double visage. Hier, c'était l'extrême droite, qui est aujourd'hui cet antisémitisme d'extrême droite plutôt résiduel. Ce double visage, c'est l'islamisme. L'islamisme qui, aujourd'hui, je le dis solennellement à votre micro, se comporte comme le fasciste d'hier. Le fascisme, dans la mesure où c'est un catalyseur de haine antisémite. Et puis, il y a un autre visage, l'extrême gauche. L'extrême gauche qui, sous le masque, en réalité, de l'antisionisme, attise les braises de l'antisémitisme, instrumentalise la cause palestinienne, simplement pour draguer un vote communautariste.
SONIA MABROUK
On entend votre condamnation, votre indignation. D'ailleurs, les réactions politiques pleuvent. Mais au-delà, est-ce qu'il y a une forme d'impuissance, aujourd'hui, Bruno RETAILLEAU de l'État à agir, à, finalement, tenter d'éradiquer ou en tous les cas de diminuer ce poison qui se distille ?
BRUNO RETAILLEAU
Je pense qu'il faut que l'État soit ferme.
SONIA MABROUK
Il ne l'est pas assez, alors ?
BRUNO RETAILLEAU
Si. C'est la question, par exemple, du voile, qui est dans notre actualité. C'était l'actualité de la semaine dernière. C'est encore l'actualité de cette semaine après les propos de Teddy RINER.
SONIA MABROUK
On va en parler. Oui.
BRUNO RETAILLEAU
Je pense que de ce point de vue-là, il faut être très ferme, parce qu'on voit bien que ce sentiment, en tout cas cette haine antisémite, est propagée par l'islamisme. Et l'islamisme tient beaucoup au voile.
SONIA MABROUK
Donc dans votre équation, il y a l'extrême gauche, la France insoumise, l'islamisme qui conduit à l'antisémitisme.
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr.
SONIA MABROUK
Et où intervient l'État dans tout cela ? Est-ce que ce sont des discours dans la classe politique aujourd'hui ?
BRUNO RETAILLEAU
Justement, l'État doit être ferme. Et nous devons être fermes sur ce qui constitue notre identité républicaine profonde. C'est-à-dire que la République, c'est en quelque sorte l'indifférence aux différences.
SONIA MABROUK
C'est la République ou la France, Bruno RETAILLEAU, qui doit tenir debout ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr que c'est la France. La République est un régime. Simplement, ce que je veux dire, c'est que ce régime qui nous permet d'avoir un cadre commun, on doit être ferme. On ne doit pas reculer. Et ne pas reculer, c'est de faire en sorte que, dans les compétitions sportives, on interdise le voile.
SONIA MABROUK
J'y viens. Mais expliquez-nous, pourquoi on arrive aujourd'hui... d'ailleurs les chiffres des actes antisémites malheureusement qu'ils continuent d'augmenter, est-ce que vous avez des derniers chiffres depuis l'année 2025, le début de l'année ?
BRUNO RETAILLEAU
Depuis le 7 octobre 2023, ils ont été multipliés par plus que 3. Voilà. Mais là encore, on voit bien que ces mouvements-là d'extrême-gauche tentent d'importer sur notre sol national le conflit israélo-palestinien.
SONIA MABROUK
Pourquoi est-ce qu'ils y arrivent ? Est-ce qu'il y a eu pendant des années - là encore, nous sommes obligés d'avoir... comment dire ? Un devoir d'introspection - des politiques d'accommodement, d'accommodement raisonnable ou plutôt déraisonnable y compris d'une partie de la droite qui n'a pas mené la bataille culturelle ? Est-ce que vous estimez qu'il y a eu, j'allais dire, une forme de soumission ?
BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, ce combat, pour moi, il est culturel. Le combat politique. J'ai lu GRAMSCI et j'ai toujours pensé que si on veut gagner dans les urnes, il faut aussi gagner dans les esprits. Et les islamistes, et notamment les frères du musulman, avancent à bas bruit. C'est un islamisme à bas bruit, avec un discours très lisse, avec une rhétorique habile où ils reprennent nos concepts, ils retournent, par exemple, l'argument de la liberté contre la démocratie libérale. Non. Le voile... Et vous vous souvenez, l'Europe qui avait subventionné une campagne avec ce sous-titre : " La liberté est dans le hijab ". Eh bien non. Jamais. Pour moi, le voile n'est pas le marqueur de la liberté, c'est le marqueur de la soumission de la femme par rapport à l'homme. C'est le marqueur d'un apartheid aussi au sein de notre société. Ils veulent, en réalité, les frères musulmans... J'ai, malheureusement aujourd'hui, il est classifié confidentiel, un rapport absolument alarmant sur les visées des frères musulmans.
SONIA MABROUK
Vous en avez déjà parlé.
BRUNO RETAILLEAU
Je vais le déclassifier.
SONIA MABROUK
Est-ce qu'il va ouvrir davantage les yeux à ceux qui les ont déjà grand ouverts et à ceux qui les ferment ? Est-ce qu'au sein de votre Gouvernement, Monsieur le ministre, vous avez certaines personnalités, là je parle du plus haut sommet de l'État, qui ne se rendent pas compte du symbole de l'intrigue islamiste que peut constituer le voile ?
BRUNO RETAILLEAU
En tout cas, ce que je constate, c'est que désormais, le Gouvernement a une ligne sur le voile dans les compétitions sportives fédérales, c'est « non ».
SONIA MABROUK
Désormais.
BRUNO RETAILLEAU
Parce que le sport, c'est plus que le sport. Le sport, c'est une grammaire universelle. C'est ce qui nous permet de communier dans un même élan, quelles que soient nos croyances, quelles que soient nos origines. Et je m'étonne, quelques mois simplement après cette extraordinaire réussite qu'ont été les Jeux olympiques en France, qu'on oublie la charte de l'olympisme. La charte de l'olympisme, c'est l'article 50, qui proscrit tout signe ostentatoire, religieux ou politique. Revenons justement à nos idéaux. Et vous voyez, c'est par nos idéaux qu'on comblera finalement ce vide. Beaucoup, je pense, dans les sociétés occidentales, il y a eu un vide qui a été creusé par un matérialisme, un consumérisme.
SONIA MABROUK
Est-ce que ça suffit, les idéaux, pour rassembler derrière un pays des Français aujourd'hui, de deuxième ou troisième génération, qui se sentent davantage Palestiniens, Marocains, autres que Français ? Est-ce que ça suffit, les idéaux ?
BRUNO RETAILLEAU
Pour moi, oui. Si on leur disait justement que la France était un idéal, si on ne leur apprenait pas que la France, pour être estimable, devait nécessairement être coupable, si on sortait de la vision lacrymale et pénitentielle de notre histoire, peut-être que ces jeunes, on leur relèverait justement, on révélerait un idéal français qui leur permettrait de s'agréger à notre destin commun. On a fait tout l'inverse, en voulant désigner la France comme seule coupable.
SONIA MABROUK
Pendant 40 ans, on a fait tout l'inverse, et aujourd'hui, on doit rattraper ces 40 années de soumission et de reniement.
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr. On doit rattraper et notamment à l'école, et notamment dans le discours public. C'est ce que je porte, moi. C'est cette fierté française. Pourquoi est-ce qu'on voit des drapeaux de toutes sortes, et qu'il n'y a jamais de drapeau français dans un certain nombre de manifestations ?
SONIA MABROUK
Ça a été le cas dans la manifestation contre le racisme.
BRUNO RETAILLEAU
Moi, ça me choque. Samedi.
SONIA MABROUK
Il y a eu des drapeaux palestiniens, des slogans anti-police, des slogans anti-France, pas de drapeau français. Quelle France était représentée ce jour-là ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est cette France que je dénonce. Regardez la fameuse affiche de Cyril HANOUNA, qui a été certes retirée, mais se sont-ils excusés ? Non. L'ont-ils condamné ce parti ? L'a-t-il condamné ? Non. Mais imaginez, sur les réseaux sociaux, tous ces jeunes qui guettent et qui sont très friands des réseaux sociaux, qui voient passer cette affiche, vous ne croyez pas que cette affiche a aussi une responsabilité dans cette anti-sémitisme d'atmosphère, comme je le disais ?
SONIA MABROUK
Mais je vous pose la question. Est-ce que la France insoumise et Jean-Luc MELENCHON sont antisémites ?
BRUNO RETAILLEAU
Je vous ai répondu que derrière cet anti-sionisme, la France insoumise attise les braises et les relents de l'antisémitisme de façon très claire.
SONIA MABROUK
Et donc elle va continuer à le faire de manière en toute impunité dans le débat public ?
BRUNO RETAILLEAU
Oui, pour des raisons électoralistes. Parce qu'ils draguent le vote communautarisme. Voilà, communautariste. Et il faut le reconnaître, d'autres que moi l'ont dit, je le redis solennellement, je pense que la France insoumise est un danger aujourd'hui pour la République.
SONIA MABROUK
Pour vous, c'est le plus grand danger ?
BRUNO RETAILLEAU
Pour moi, c'est le plus grand danger. Bien sûr, C'est le danger du chaos. Vous vous rendez compte que le groupe parlementaire a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi pour, tenez-vous bien, abolir le délit d'apologie de terrorisme. Vous voyez que Rima HASSAN, par exemple, a refusé à voter contre la résolution au Parlement européen, qui est une résolution humanitaire, pour libérer Boualem SANSAL. Vous vous rendez compte. En indiquant d'ailleurs qu'Alger, c'était la Mecque des libertés.
SONIA MABROUK
Il y a une grande fracture, il y a plusieurs fractures dans notre société aujourd'hui, Bruno RETAILLEAU, et ces fractures, ces polémiques, elles s'invitent dans le sport entre grands champions. Vous avez évoqué tout à l'heure Teddy RINER, c'est une polémique et deux visions finalement du sport et de la femme aussi, qui s'opposent entre Teddy RINER, évidemment grand champion, judoka, qui affirme que le voile, ce n'est pas une priorité, et que c'est une question de liberté. Et dit-il, ça se passe très bien dans les autres pays. Et puis vous avez un autre champion, ex-champion du monde de boxe, Mahyar MONSHIPOUR, qui est Français, qui est d'origine iranienne, qui dit : " Réveillez-vous Teddy RINER, ne soyez pas les idiots utiles des frères musulmans. Réveillez-vous, Teddy RINER ". Est-ce que vous lui dites la même chose et aussi à ces sportifs et artistes qui parlent de liberté quand on parle du voile ?
BRUNO RETAILLEAU
Le voile n'est pas la liberté, et Mahyar MONSHIPOUR l'a très bien dit, il a parlé du voile come d'un linceul qu'une idéologie religieuse, donc l'islamisme, souhaite mettre sur les femmes. Et il est, je pense, bien placé. Lui qui vient de l'Iran, il est maintenant Français, mais il sait que dans son pays d'origine, dans son pays natal, des femmes meurent pour pouvoir se dévoiler. Alors qu'on vienne dire aujourd'hui que le voile, c'est le symbole de la liberté, non. C'est le symbole…
SONIA MABROUK
Il ne peut pas l'être dans certains cas.
BRUNO RETAILLEAU
Non.
SONIA MABROUK
No mais derrière chaque voile, vous voyez, pour vous, Bruno RETAILLEAU, l'idéologie islamiste ?
BRUNO RETAILLEAU
Je vais vous dire très précisément. Évidemment que toutes les femmes qui portent le voile ne sont pas des islamistes. Mais vous ne trouverez pas un seul islamiste qui ne souhaite pas que les femmes portent le voile. Tous les islamistes souhaitent que les femmes portent le voile. Donc non, le voile n'est pas le symbole de la liberté. C'est le symbole, le signe de la soumission. Il n'est pas non plus le marqueur de l'égalité. Au contraire, il conteste radicalement l'égalité entre les hommes et les femmes. Il est, là encore, le signe de l'infériorisation du statut de la femme. Et je voudrais simplement, parce que dira Teddy RINER, moi aussi, il m'a fait vibrer. On aime le sportif, franchement. On aime le sportif. Là, je suis en désaccord radical avec lui. Et du reste, je veux simplement rappeler que dans le règlement de la Fédération internationale de judo, il y a un article qui est très clair et qui dit que les signes, les objets ostentatoires, religieux, etc. sont proscrits avant, pendant, après le combat et pendant la cérémonie protocolaire.
SONIA MABROUK
Vous dites désormais qu'il y a une seule ligne au Gouvernement, d'ailleurs, parce que le texte est sorti du Sénat. Que va-t-il se passer ? Est-ce qu'il va y avoir, en monnaie sonnante et trébuchante, un soutien du texte à l'Assemblée ?
BRUNO RETAILLEAU
Oui. Mais vous savez qu'il a été soutenu par le ministre qui est avec moi à l'Intérieur, c'est-à-dire François-Noël BUFFET. Et donc, ça a été bleui par une note de Matignon. Il y avait une réunion interministérielle. La ligne du Gouvernement, c'est l'interdiction du voile dans les manifestations sportives pour préserver, comme un sanctuaire, le sport. Parce que franchement, le sport, on l'a vu aux Jeux olympiques, il doit permettre de dépasser toutes ces différences.
SONIA MABROUK
J'entends Bruno RETAILLEAU. Mais que reste-t-il ? Est-ce qu'il reste encore des sanctuaires aujourd'hui ? Je pense à l'école, mais l'école hors les murs, comme vous l'appelez. D'ailleurs, vous êtes, je crois, l'un des seuls, dans ce Gouvernement, à être pour l'interdiction du voile pour les accompagnatrices scolaires. Il y a quelques jours, j'ai interrogé la ministre de l'Education nationale, elle a dit : " Niet. Absolument pas ".
BRUNO RETAILLEAU
Ça a toujours été pour moi une position personnelle. Mais c'est un texte que j'avais fait voter, d'ailleurs, il y a quelques années, au Sénat. Il y a une grande loi. Quand vous dites la République recule ou alors qu'on est en train d'être défait, non. Il y a une grande réussite de la République. C'est la loi de 2004 qui proscrit le voile à l'école.
SONIA MABROUK
Combien de coups de canifs à cette loi ?
BRUNO RETAILLEAU
Non. Je vous assure qu'il y a des statistiques et, très franchement, là, on a réussi à prohiber le voile dans l'école. Je considère que cette prohibition, l'interdiction du voile dans l'école, elle doit aussi valoir dans l'école hors les murs. Je considère que les sorties scolaires, c'est le prolongement pédagogique de l'école et que par conséquent, c'est à titre personnel que je le dis, mais que les règles qui s'appliquent dans l'école, dans les murs devraient s'appliquer à l'école hors les murs que sont les sorties scolaires. Je pense, et encore une fois, je l'ai cité, mais pour moi, il m'a beaucoup impressionné ce rapport qu'on m'a donné sur l'islamisme. Croyez-moi, l'islamisme notamment les Frères musulmans sont en train de s'infiltrer partout où ils le peuvent, dans les associations culturelles, sociales, sportives.
SONIA MABROUK
Donc le sport, l'école, la politique.
BRUNO RETAILLEAU
La politique. Vous verrez. J'inciterai les préfets à être très vigilants.
SONIA MABROUK
Quand sera-t-il déclassifié ? Quand ? Vous pouvez le dire monsieur le ministre pour savoir à partir du quand…
BRUNO RETAILLEAU
Notamment sur les listes municipales. Le travail a commencé. Et j'espère que dans quelques semaines, il sera déclassifié parce qu'on a un certain nombre de noms, on a des informations qui sont classées vraiment secrètes, très confidentielles. Mais je veux que ce rapport vienne dans le débat public. Je veux que les Français, par ce rapport, se rendent compte du point où on en est. Parce que certes, il y a le djihadisme, un djihadisme violent, le terrorisme, il y a le séparatisme qui prétend faire des petites contre-sociétés au grand jour. Mais là, les fréristes, les Frères musulmans veulent demain imposer la charia à toute notre société dans le long terme.
SONIA MABROUK
Ce que dénonce notamment Florence BERGEAUD-BLACKLER.
BRUNO RETAILLEAU
Exactement.
SONIA MABROUK
Mais monsieur le ministre, il y a ce que vous dites, le rapport choc, semble-t-il d'ailleurs très important. Il y a aussi ce que vous dénoncez et l'interdiction du voile notamment dans les compétitions sportives. Et puis il y a ce qui se passe pendant ce temps. Par exemple, la marque MERRACHI. C'est une marque spécialement dédiée aux femmes musulmanes qui fait parler d'elle d'abord en ouvrant une boutique dans la capitale et en dévoilant une vidéo, je ne sais pas si vous l'avez vue, de la Tour Eiffel voilée avec cette légende, on la voit et je la décris à nos auditeurs d'Europe 1, avec un voile qui couvre la Tour Eiffel, cette légende : le Gouvernement français déteste voir MERRACHI arriver, avec ce voile. Qu'est-ce qu'il représente pour vous à poser ainsi sur la Tour Eiffel ?
BRUNO RETAILLEAU
Il représente l'inverse des valeurs françaises, des valeurs républicaines et j'appelle tous les Français, y compris d'ailleurs nos compatriotes et je connais beaucoup qui ont une foi musulmane parfaitement sincère et qui pratiquent cette foi de façon très compatible avec les principes français républicains. On ne doit pas accepter ce genre de choses. La France ne se soumettra pas. Voilà. La France que j'aime, c'est la France libre. Moi, je suis Gaulliste et ce voile qui couvre un des symboles de la capitale française, je le repousse et je mettrai toutes mes forces, toutes mes convictions à combattre encore une fois ce qui est une idéologie religieuse, mais ce qui est d'abord une idéologie et qui défigure d'ailleurs la foi des compatriotes musulmans qui, eux, sont sincères.
SONIA MABROUK
Eux sont sincères. Vous en parlez parce que souvent certains, en tous les cas vos opposants, notamment à gauche ou à l'extrême gauche, disent : " Mais Bruno RETAILLEAU a une obsession finalement de la religion musulmane ". C'est ce que dit Teddy RINER. Il dit « On ne parle plus que de cela ». Qu'est-ce que vous répondez à cette attaque récurrente ?
BRUNO RETAILLEAU
Parce qu'il y a deux choses. Moi, je combats l'islamisme comme une idéologie. L'islamo-fascisme, d'ailleurs, on devrait même dire. Mais je ne me trompe pas. Nos compatriotes musulmans, comme juifs, comme chrétiens, comme agnostiques, comme athées, ont toutes leurs places. C'est ce que nous avons. C'est notre trésor précieux en France.
SONIA MABROUK
Vous êtes même le ministre des Cultes, d'ailleurs.
BRUNO RETAILLEAU
Mais je suis ministre des Cultes, bien sûr, et je fais très attention à ne pas tout mélanger, voilà, ce qui est de l'ordre de l'intime qui me concerne, mais aussi ce qui est l'ordre de l'aspect public. La République, c'est mettre à distance ces particularismes. La France, je vais vous dire, la France, dans l'histoire de l'humanité, a réussi un mariage qui est improbable, qui est merveilleux, c'est de conjuguer ce qu'il y a de plus singulier, particulier, dans chaque homme, dans chaque femme, avec ce qu'il y a de plus universel, dans toutes les femmes et dans tous les hommes. C'est ça, la France. C'est le message qu'on porte au monde. Donc, on devrait en être fier. Et il faut lutter pieds à pieds contre les menées de ces idéologies qui nous menacent aujourd'hui, sous une forme terroriste ou sous une autre forme, qui est une forme aussi extrêmement grave qu'est l'islamisme radical, politique.
SONIA MABROUK
Lutter aussi, Bruno RETAILLEAU, contre les racismes, tous, y compris le racisme anti-blanc, la porte-parole du Gouvernement, Sophie Primas, a déclenché une polémique, en tous les cas de vive réaction, après avoir reconnu l'existence d'un racisme anti-blanc et évoqué une anecdote personnelle, familiale, puisque sa fille a été victime de ce racisme. Est-ce que vous dites aujourd'hui, évidemment, il existe ?
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr.
SONIA MABROUK
Ben vous le dites comme ça, mais la plupart des sociologues le nient, affirment que c'est un concept d'extrême droite.
BRUNO RETAILLEAU
Mais c'est une évidence. Mais seuls les wokistes, les décolonialistes, les indigénistes, qui d'ailleurs veulent tout passer sous le prisme de la race, c'est incroyable ! Il y a aujourd'hui en France, parfois, un nouvel antiracisme, qui veut centrer les analyses sociologiques et sociales, en les passant justement au tamis de la race. C'est incroyable ! Non, bien sûr que personne n'est exempte des faux. Personne. Quelle que soit sa couleur de peau. Et le racisme, il peut être un racisme anti-blanc, il peut-être un racisme anti-jaune. Parce que le mal est partout. Et que, malheureusement, je vois bien que, dans l'islamisme, il y a quelque chose de pondérant, qui nous attaque aussi en France. On a eu des attaques terroristes et on doit s'en défendre. Mais très franchement, bien sûr que le racisme anti-blanc existe, aujourd'hui, en France.
SONIA MABROUK
Ministre de l'Intérieur, vous êtes aussi, Bruno RETAILLEAU, le ministre des Cultes. Pourquoi n'avez-vous pas répondu à l'invitation de la Grande Mosquée de Paris ? D'ailleurs, c'est une tradition pour partager l'iftar. Est-ce qu'il faut y voir un lien avec ce qui est en cours et votre position par rapport au régime algérien ?
BRUNO RETAILLEAU
C'est une position personnelle que je m'applique. Moi, je considère que l'iftar, c'est la rupture du jeûne. Le jeûne, c'est une prescription religieuse. Donc, sa rupture a aussi une dimension religieuse. Par conséquent, j'assiste, moi, à des cérémonies. Mais lorsqu'il y a un côté, une dimension très officielle.
SONIA MABROUK
Il me semble que les précédents ministres de l'Intérieur ont participé à cette tradition.
BRUNO RETAILLEAU
Oui, mais c'est ce que j'essaie d'appliquer. Je ne vais pas officiellement à la messe des cendres, au début du carême.
SONIA MABROUK
Donc, il ne faut pas y voir plutôt quelque chose qui est orienté vers le recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui a des liens assez conséquents avec le régime algérien ?
BRUNO RETAILLEAU
Il a des liens avec l'Algérie, je le sais bien. Mais il y a un tout, et c'est notamment cette dimension religieuse. J'y fais très attention. Alors, c'est quelque chose de personnel. Mais à partir du moment où, encore une fois, l'iftar, c'est la rupture du jeûne, que le jeûne est une prescription religieuse, j'ai pensé que je ne devais pas y aller en tant que ministre de l'Intérieur.
SONIA MABROUK
Le président algérien, TEBBOUNE, a déclaré que son seul point d'horreur en France, Bruno RETAILLEAU, c'est Emmanuel MACRON, sous-entendant clairement que c'est sans vous. Sachant que vous êtes, je le précise, sur Cnews et Europe 1, la bête noire du régime est de la presse algérienne, qui fait quotidiennement la une sur vous, en vous brocardant, caricaturant, critiquant.
BRUNO RETAILLEAU
Après le président de la République, je dois être la personne la plus célèbre en Algérie.
SONIA MABROUK
Mais alors, est-ce que le président algérien a réussi à fracturer l'exécutif français ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, il y a une ligne.
SONIA MABROUK
Laquelle ? La vôtre ou celle du président ?
BRUNO RETAILLEAU
Non, c'est la réponse graduée. C'est celle que nous avons imposée, avec le Premier ministre, lors d'un conseil interministériel. Et je considère que, tant que cette ligne n'a pas été désavouée, c'est la ligne de l'exécutif.
SONIA MABROUK
Je voudrais rappeler ce qu'a déclaré le président de la République française, qu'il a confiance dans le président algérien. Est-ce que vous reprendriez cette déclaration à votre compte, aujourd'hui ?
BRUNO RETAILLEAU
Ce sont ses mots, ce ne sont pas mes mots.
SONIA MABROUK
Est-ce que ce sont les vôtres ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, je suis ministre de l'Intérieur.
SONIA MABROUK
Vous n'allez pas me dire, lui c'est lui, moi c'est moi.
BRUNO RETAILLEAU
Il ne vous a pas échappé. Moi, je suis rentré au Gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'on a considéré, la droite française a considéré que, si on claquait la porte au nez du président de la République, celui-ci n'aurait d'autre choix que de faire accéder la gauche radicale au pouvoir. C'est-à-dire les insoumis. Quand on est à droite, il faut faire barre à la gauche. Et à cette gauche-là, la plus sectaire d'Europe. Donc, il ne vous a pas échappé que, ce n'est pas parce que je suis rentré au Gouvernement que je suis devenu subitement macroniste. Simplement, moi je suis ministre de l'Intérieur. J'ai une obsession, c'est la protection des Français. Je ne veux qu'un second Mulhouse se produise en France. Or, Mulhouse, je le rappelle, parce qu'il y a malheureusement une propension à oublier. Mulhouse, c'est un Algérien, un ressortissant Algérien, qu'on a présenté à 14 fois aux autorités algériennes, qu'ils ont refusé d'admettre sur leur sol.
SONIA MABROUK
Mais les Français n'ont pas oublié.
BRUNO RETAILLEAU
Mais bien sûr, j'espère qu'ils n'ont pas oublié. D'ailleurs, les Français massivement me soutiennent. Ils soutiennent cette idée de poser un rapport de force, non pas avec le peuple algérien. Pour lequel j'ai le plus grand respect.
SONIA MABROUK
Par exemple, comment vous pouvez expliquer, ce matin, aux Français, et plus spécifiquement aux auditeurs d'Europe 1 et téléspectateurs de Cnews, qu'on est passé d'un ultimatum, où on allait réviser les accords de 68, à une riposte graduée dont on comprend qu'elle est moins une riposte et plus une petite graduation.
BRUNO RETAILLEAU
Attendez. Moi, pendant des semaines, des mois, un, j'étais souvent dans le milieu politique, le seul à demander la libération de Boualem SANSAL. Deux, sans doute le seul, pendant des semaines et des mois, à demander qu'on arrive à poser un vrai rapport de force parce que j'en ai marre que la France soit humiliée par un régime, le régime algérien.
SONIA MABROUK
À qui le dites-vous ?
BRUNO RETAILLEAU
Eh bien, il se trouve que j'avais demandé au Premier ministre, un comité interministériel. Lors de ce comité interministériel, il y a eu une réponse graduée. Je n'ai jamais dit que, brutalement, il fallait dénoncer les accords de 68. On n'est pas au pouvoir.
SONIA MABROUK
Alors dites-nous ce que vous faites de graduées, monsieur le Ministre.
BRUNO RETAILLEAU
Je vous fais vous faire une confidence. Si demain la droite arrive au pouvoir, bien sûr qu'on les abolira. D'ailleurs, la droite est le centre. Que ce soit Edouard PHILIPPE, Gabriel ATTAL et d'autres.
SONIA MABROUK
Est-ce que vous croyez que vous êtes aux responsabilités ?
BRUNO RETAILLEAU
Bien sûr. Mais justement, parce que je suis aux responsabilités, les Français savent parfaitement que je ne suis pas seul. Les Français savent parfaitement que je ne suis pas président de la République. Les Français savent que je fais un maximum d'efforts pour avancer. J'ai réussi à mettre le Gouvernement sur une ligne d'une réponse de gradués. Une réponse qui a commencé déjà. On a une liste de la nomenclature A de plus de 800 personnes. Et sur les passeports officiels, désormais, ça ne suffit plus. Il faut montrer pas de blanche sur un certain nombre d'autres pièces. Et ça nous a fait envoyer, si j'ose dire, en Algérie, un certain nombre de personnalités. La réponse de graduelle, elle va se mettre en place. Il y a deux objectifs. Il faut libérer Boualem SANSAL. Mais surtout, en matière de sécurité, il faut que l'Algérie accepte, notamment…
SONIA MABROUK
Ce n'est pas le cas.
BRUNO RETAILLEAU
Non, mais accepte ses ressortissants, conformément à l'accord de 1984.
SONIA MABROUK
Je vous pose la question différemment. La désescalade qui semble en cours entre le président français, et le président algérien. Va-t-elle permettre une grâce de Boualem SANSAL ? Ce serait une formidable nouvelle. Mais la question qui vient après, c'est à quel prix ? Est-ce que c'est au prix de la non-rediscussion des accords de 68 ? Est-ce que c'est au prix de la non-reprise des ressortissants problématiques, voire dangereux, par l'Algérie ? Ça pose quand même une question de sécurité des Français.
BRUNO RETAILLEAU
Pour moi, le principe de sécurité est premier. Je souhaite évidemment la libération de Boualem. On lui a reproché d'avoir un avocat juif. On lui a reproché, sans doute, de trop aimer la France. Et il a subi un procès en catimini, sans avocat. Il n'a pas pu choisir ses avocats. C'est l'inverse d'une justice équitable. Mais encore une fois, quand je parle de second Mulhouse, c'est la question de la sécurité qui m'importe. Il faut que l'Algérie respecte le droit. Et si elle avait respecté ses obligations, il n'y aurait pas eu cet assassinat terroriste à Mulhouse. Dans la riposte graduée, il y a deux solutions. Soit la solution où l'Algérie, le régime algérien, accepte de libérer Boualem SANSAL, accepte de reprendre ses ressortissants les plus dangereux, conformément aux droits internationaux et aux droits donnés, par cet accord de 1994. Ou alors, elle ne l'accepte pas, et nous n'aurons pas d'autre choix démocratique que de monter dans les tours. Bien entendu.
SONIA MABROUK
Mais quels sont les tours ? Quelle est l'alternative à une riposte graduée ?
BRUNO RETAILLEAU
L'alternative de la riposte graduée, encore une fois, c'est la reprise par l'Algérie de ses ressortissants les plus dangereux. Et la libération de Boualem SANSAL. C'est ça la contrepartie. Auquel cas, les choses pourraient repartir. Mais simplement un point. Ce n'est pas moi qui ai mis le feu aux poudres. Je voudrais vous dire que…
SONIA MABROUK
C'est ce que disent la plupart des oppositions ? C'est ce que semble penser une partie du gouvernement ?
BRUNO RETAILLEAU
En 2021, à juste titre, le président de la République a cette phrase, qui est totalement juste. La rente mémorielle. L'Algérie rappelle son ambassadeur et interdit le survol de nos avions de chasse qui allaient, à l'époque, au Sahel. Amira BOURAOUI, 2023, c'est l'opposante algérienne et le régime algérien veulent qu'on leur livre. On dit non. Rappel de l'ambassadeur. Ensuite, l'été 2024. Le président de la République reconnaît la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. À nouveau, crise politique. Et je dois vous confier un point. C'est que pendant les Jeux Olympiques, l'Algérie a quasiment arrêté sa coopération sécuritaire.
SONIA MABROUK
Aucune coopération avec la France.
BRUNO RETAILLEAU
Vous vous rendez compte ? Si j'ai donné ces trois dates, c'est pour essayer de dire aux Français que ce n'est pas un caprice du ministère de l'Intérieur. Encore une fois, pour moi, c'est la sécurité des Français qui m'importe. Mais on voit bien qu'avec ce régime-là, il y a un souci depuis des années. Et je pense, pour ma part, j'ai cette faiblesse de penser que tant qu'on ne posera pas un rapport de force, on n'y arrivera pas. Et moi, j'en ai marre que la France soit humiliée et soit offensée.
SONIA MABROUK
On vous a entendu. La loi contre le narcotrafic que vous portez avec Gérard DARMANIN entre dans sa dernière ligne droite. Même si le vote a été reporté et repoussé, la plupart des mesures, pour certaines, elles ont été rehaussées. À quoi va ressembler le texte à la sortie lors du vote ? Sur ce sujet-là, alors que sur certains, on vous demande des résultats, est-ce que vous pensez qu'il y a une victoire aujourd'hui ?
BRUNO RETAILLEAU
Écoutez, ce sera une grande victoire, pas pour moi, mais pour la France, parce que le narcotrafic est en train de submerger avec de plus en plus de morts. Vous vous rendez compte ? 110 morts l'an dernier, 274 morts, c'est les morts depuis 15 ans pour le terrorisme. C'est ce qui menace, aujourd'hui, la France, à travers la corruption. On va avoir un texte qui va être un texte fondateur, un texte de combat. Ce texte-là, il est issu d'une de mes initiatives quand j'étais au Sénat, puisque j'avais lancé ces commissions d'enquête. Elle a été transformée en une proposition de loi qui était votée à l'unanimité au Sénat. J'étais d'ailleurs estomaqué de voir que les Insoumis, encore eux, essayaient, article après article, méticuleusement, de neutraliser ce texte. Ce sera une grande victoire, tout comme j'espère qu'il y aura une autre grande victoire au niveau européen avec la directive Retour qui, pour la première fois depuis des années et des années, elle nous empêche d'éloigner un certain nombre d'étrangers en situation irrégulière. Pour la première fois, la Commission a bougé et c'est un travail que je fais depuis des mois et des mois. J'aurai d'autres résultats que je présenterai dans quelques jours.
SONIA MABROUK
Dernière question pour conclure. C'est 100 jours, le cap a été franchi pour François BAYROU. 100 jours d'action ou d'inaction, d'immobilisme, disent les oppositions. Laurent WAUQUIEZ, avec lequel vous êtes engagé dans une course à la présidence, dit que lui ne doit rien, ni à François BAYROU ni à Emmanuel MACRON. Pour conclure, est-ce que vous pouvez en dire autant, monsieur le ministre ?
BRUNO RETAILLEAU
Moi, je ne dois rien aux uns et aux autres, sauf aux miens. Je suis habité par un sentiment de gratitude. Vous savez, les hommes et les femmes politiques disent qu'ils se sont toujours faits tous seuls. Moi, je ne me suis pas fait tout seul. Ce sont les autres qui m'ont fait. Ma famille, les Vendéens, ma famille aussi politique. On ne se fait pas tout seul. On se fait avec les autres. Ce sont les autres qui nous font. Je suis aussi d'une lignée. J'ai eu un grand-père qui a eu une balle allemande qui lui a traversé la gorge en 1914, etc. C'est ce sentiment d'avoir quelque chose à rendre à ceux qui m'ont beaucoup donné, qui m'habitent et qui est le ressort principal de mon action politique. Voilà ce que je suis.
SONIA MABROUK
De la dette à la famille élargie, à la France.
BRUNO RETAILLEAU
C'est la dette à la France. Je suis habité depuis très longtemps, par ce sentiment de gratitude, de reconnaissance, d'endettement. Je le reconnais humblement, d'ailleurs.
SONIA MABROUK
Merci Bruno RETAILLEAU. Merci, c'était votre grande interview. Je vous souhaite une bonne journée. Je vous dis à bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 mars 2025